Perte de maîtrise et collision avec le terrain
du Cessna 172P C-GNRJ
d'Orillia Aviation Limited
au lac St. John à Orillia (Ontario)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
À 11 h 30, heure avancée de l'est, le Cessna 172P monté sur flotteurs immatriculé C-GNRJ et portant le numéro de série 17275283, décolle du lac St. John, situé près d'Orillia (Ontario), avec à son bord un instructeur et une élève-pilote. Le vol a pour but de permettre à l'élève d'effectuer des exercices de décollage, d'atterrissage et de panne moteur simulée au départ. Pendant la montée qui suit le deuxième décollage, l'instructeur simule une panne moteur en ramenant la manette des gaz au ralenti. L'élève exécute un virage de 180 degrés dans le cadre d'une simulation d'approche forcée vers le lac St. John. Au cours de l'approche forcée simulée, l'hydravion décroche, pique du nez et s'écrase dans une zone marécageuse située près de la berge du lac. L'appareil s'immobilise sur le dos, avec le nez enfoncé dans le marécage. Des pêcheurs qui se trouvaient sur le lac parviennent à sortir les deux occupants de l'hydravion partiellement submergé. Ni l'instructeur, ni l'élève-pilote ne portaient de harnais de sécurité, et les deux sont grièvement blessés.
Renseignements de base
L'appareil avait été construit en 1981 et avait volé un total de 9 826 heures avant l'accident. Il était équipé de flotteurs Canadian Aircraft Products (CAP), de modèle numéro 67-2000, et il servait pour des vols d'affrètement et d'instruction. Les dossiers indiquent que l'hydravion était équipé et certifié conformément à la réglementation en vigueur. Il n'y avait aucune anomalie connue antérieure au vol, et la masse et le centrage de l'appareil s'inscrivaient à l'intérieur des limites prescrites.
Le bureau d'observations météorologiques le plus proche était situé à l'aéroport de Muskoka, à quelque 16 milles au nord du lac St. John. À 12 h, heure avancée de l'Est ( HAE)Note de bas de page 1, les conditions météorologiques enregistrées à l'aéroport de Muskoka étaient les suivantes : plafond de nuages fragmentés à 25 000 pieds au-dessus du niveau du sol (agl), visibilité de 12 milles terrestres, température de 26 °C, point de rosée à 13 °C, vent variable de 110 à 190 degrés magnétiques à 8 noeuds, et calage altimétrique à 30,24 pouces de mercure. Les conditions météorologiques qui régnaient au lac St. John étaient similaires.
Le lac St. John mesure environ 3,4 kilomètres de longueur sur 2 kilomètres de largeur et il est orienté selon un axe nord/sud (voir l'annexe A). L'hydrobase d'Orillia Aviation Limited est située dans une baie du côté sud-est du lac. À l'extrémité sud du lac, à l'endroit où l'accident s'est produit, il y a une zone littorale marécageuse d'environ 300 à 500 mètres qui s'étend au sud de la limite des arbres marquant le début d'une région boisée. Les arbres à cet endroit mesurent de 20 à 30 pieds de hauteur.
Le pilote instructeur détenait une licence canadienne de pilote professionnel-avion valide avec une qualification de pilote instructeur de classe 4. L'instructeur était qualifié pour piloter des planeurs, ainsi que des avions et hydravions monomoteurs et multimoteurs monopilotes autres qu'à hautes performances. L'instructeur totalisait 571 heures de vol sur aéronef propulsé, dont 150 heures de vol sur hydravion. Pendant le vol en cause, le pilote instructeur occupait le siège droit.
L'élève-pilote était titulaire d'un permis canadien d'élève-pilote d'avion valide et elle suivait son entraînement initial sur hydravion. L'élève recevait des leçons de pilotage depuis juin 2001 et elle totalisait 30,5 heures de vol, dont 19,5 heures de vol sur hydravion. L'élève avait également accumulé un certain nombre d'heures de vol non consignées aux commandes d'un Cessna 206 monté sur flotteurs qui appartenait à un ami. Au cours de la semaine qui a précédé l'accident, l'instructeur et l'élève avaient effectué deux vols d'entraînement ensemble. Au cours de ces vols, l'accent avait surtout été mis sur les circuits et les situations d'urgence. Le vol en cause devait permettre d'améliorer ces habiletés et de déterminer si l'élève était prête à voler en solo.
L'élève avait déjà terminé l'inspection de sécurité pré-vol de l'hydravion lorsque l'instructeur est venu la rejoindre. L'instructeur a donné un exposé pré-vol non structuré à l'élève sur le quai et à l'intérieur de l'appareil pendant qu'ils circulaient à flots en vue du premier décollage. Il s'agissait là d'une pratique habituelle à cette école de pilotage, car aucun temps n'était prévu entre deux réservations pour les exposés avant et après vol. Tant l'instructeur que l'élève tenaient pour acquis que cette leçon serait la suite de la leçon de la veille où l'on avait fait des exercices de décollage et d'atterrissage combinés à des pannes moteur simulées. Toutefois, toutes les simulations précédentes de pannes moteur s'étaient déroulées à des altitudes d'au moins 1 000 pieds agl.
Dans le cas présent, l'instructeur a simulé la panne moteur au moment de la montée au décollage, et l'élève n'y était pas préparée. La zone située directement devant l'hydravion était boisée et l'altitude de l'appareil n'a pas été jugée suffisante pour virer à droite et se poser sur un lac voisin, ce qui explique pourquoi l'élève a choisi de faire demi-tour pour se poser sur le lac St. John.
Pendant que l'élève faisait demi-tour vers le lac St. John, elle a transféré les commandes à l'instructeur ou bien ce dernier lui a enlevé les commandes. Pendant ou après le transfert des commandes, l'hydravion a décroché et s'est écrasé dans la zone marécageuse. À aucun moment au cours du scénario de panne moteur simulée, l'élève ou l'instructeur n'a tenté de remettre les gaz pour interrompre la simulation d'approche forcée.
Ni le Guide de l'instructeur de vol de Transports Canada, ni le Manuel de pilotage, 4e édition (révisée), de Transports Canada, ni le manuel d'utilisation du Cessna 172 ne contenaient de lignes directrices suffisamment claires pour permettre à un pilote de déterminer l'altitude minimale requise pour effectuer en toute sécurité un virage de 180 degrés à la suite d'une panne moteur suivant le décollage. Le Manuel de pilotage de Transports Canada stipule ce qui suit, à la page 150 :
On compte de nombreux exemples de blessures ou de mortalités dans les accidents résultant d'un demi-tour pour se poser sur la piste ou sur l'aérodrome après une panne moteur suivant le décollage. Comme l'altitude est critique, on a alors tendance à essayer de garder le nez de l'aéronef relevé pendant le virage sans tenir compte de la vitesse et du facteur de charge. Ces mesures sont susceptibles de provoquer une brusque entrée en vrille. L'expérience et la prise en considération réfléchie des facteurs suivants sont essentielles pour réussir un demi-tour vers l'aérodrome : 1) l'altitude 2) la finesse du vol plané de l'aéronef 3) la longueur de la piste 4) la force du vent et la vitesse sol 5) l'expérience du pilote 6) l'expérience récente du pilote sur le type d'aéronef en cause.
La section 3 du manuel d'utilisation du Cessna 172 qui traite des pannes moteur stipule ce qui suit :
[traduction] Dans la plupart des cas, on devrait effectuer un atterrissage en ligne droite avec seulement les petits changements de direction requis pour éviter les obstacles. L'altitude et la vitesse sont rarement suffisantes pour permettre un virage de 180 degrés en vol plané vers la piste.
Même si ces documents signalent le danger inhérent à toute tentative de virage à 180 degrés après une panne moteur, ils ne disent rien sur la méthode par laquelle un pilote ou un élève-pilote pourrait déterminer l'altitude minimale de sécurité pour effectuer un demi-tour sans moteur. Le document de l'Aviation civile de Transports Canada TP 13748F intitulé « Rapport sur les accidents de décrochage-vrille survenus au Canada en 1999 » mentionne la nécessité de disposer de renseignements clairs et concis en regard de l'altitude requise pour tenter d'effectuer un virage de 180 degrés sans moteur. Le TP 13748F stipule notamment ce qui suit :
Retour après décollage
Plusieurs décrochages se sont produits lorsque le pilote a décidé de revenir vers la piste suite à une panne de moteur. Normalement, les guides sur ce sujet recommandent que le pilote atterrisse en ligne droite à moins que l'avion n'ait suffisamment d'altitude pour effectuer le retour sur la piste. Cette règle est floue. C'est-à-dire que la règle exige une interprétation, mais offre peu ou pas de conseils pour faire cette interprétation. Dans quelle mesure une altitude est-elle suffisante? Est-ce toujours la même? Quelles variables peuvent influer sur l'exigence? Il est préférable que le pilote n'ait pas à penser à ces questions. On pourrait sauver des vies si l'on ne demandait pas au pilote de réfléchir ou d'évaluer en pareilles circonstances. Si une panne de moteur après décollage entraîne un accident, le pilote est au moins huit fois plus susceptible d'être tué ou gravement blessé en retournant plutôt qu'en atterrissant en ligne droite. Les décisions les plus faciles à prendre sont celles qui sont obligatoires. Dès qu'une situation se produit, la procédure à suivre est définie. Une panne de moteur après décollage devrait faire partie de ce genre de décision.
Analyse
L'appareil était en bon état de service, et les conditions météorologiques étaient propices à un vol d'entraînement; toutefois, le manque de communication entre l'instructeur et l'élève a posé un problème. L'exposé pré-vol non structuré n'a pas bien préparé l'élève pour une panne moteur peu après le décollage et, contrairement aux recommandations contenues dans le Manuel de pilotage, on n'a pas pris suffisamment en considération les facteurs essentiels à la réussite d'un demi-tour. Le Manuel de pilotage ne contient pas de règle stricte pour déterminer l'altitude de sécurité requise pour permettre un demi-tour comme le recommande le document TP 13748F. Si une telle règle avait été en vigueur avant la panne moteur simulée, l'élève n'aurait pas eu à analyser les facteurs après la panne moteur simulée pour déterminer si le retour vers le lac était une solution réalisable.
Il a été impossible de déterminer l'altitude exacte à laquelle l'instructeur a simulé la panne moteur, mais l'élève-pilote est néanmoins parvenue à compléter le virage à 180 degrés qui a placé l'hydravion en approche vent arrière vers le lac. À ce point cependant, l'appareil était trop bas et trop lent pour garantir la réussite d'un amerrissage forcé, et l'instructeur a dû prendre les commandes. Étant donné les lacunes au niveau de la planification du vol avant cet exercice, l'instructeur n'était pas prêt à faire face à la dangereuse situation dans laquelle il s'est trouvé et, par conséquent, il a tenté de poursuivre l'amerrissage forcé plutôt que de remettre les gaz pour effectuer une procédure d'approche interrompue efficace.
L'élève a été grièvement blessée à la tête au cours de l'écrasement. Il est très probable que ses blessures n'auraient pas été aussi sérieuses si elle avait porté le harnais de sécurité qui était à sa disposition. L'instructeur a souffert d'amnésie à la suite du traumatisme crânien qu'il a subi lors de l'accident. Il est probable que cette blessure aurait été moins grave s'il avait porté son harnais de sécurité.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- L'instructeur a laissé une situation dangereuse apparaître et se poursuivre jusqu'au moment où l'hydravion a décroché à une altitude trop basse pour permettre un redressement.
- Ni l'instructeur, ni l'élève-pilote ne portaient le harnais de sécurité qui était à leur disposition, ce qui a sans doute contribué à la gravité de leurs blessures.
Faits établis quant aux risques
- Même si le Manuel de pilotage, 4e édition (révisée), de Transports Canada reconnaît les dangers inhérents liés à un virage de 180 degrés suivant une panne moteur, il ne fournit pas de lignes directrices suffisantes pour permettre à un élève ou à un instructeur de déterminer l'altitude minimale de sécurité requise pour effectuer un demi-tour vers la zone de décollage en cas de panne moteur réelle ou simulée après le décollage.
- Le vol d'entraînement s'est déroulé sans qu'il y ait eu au préalable un exposé pré-vol officiel détaillé. Par conséquent, l'élève-pilote ne connaissait pas exactement les mesures qu'elle devait prendre à la suite d'une panne moteur simulée à basse altitude.
Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .
Annexes