Défaillance de l'arbre d'entraînement
et collision avec le relief
du Bell 205 C-FPAZ
exploité par Helicopter Transport Services
à Chitek Lake (Saskatchewan)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
L'hélicoptère Bell 205 (C-FPAZ), exploité par Helicopter Transport Services et portant le numéro de série 30016, est utilisé dans le cadre d'opérations de lutte contre les feux de forêt pour le compte de la province de la Saskatchewan. Vers 20 h, heure normale du Centre, le coordonnateur provincial des incendies demande au pilote du C-FPAZ de reprendre les opérations en vue d'éteindre un petit incendie à environ cinq milles à l'est de Chitek Lake (Saskatchewan). Alors qu'il se rend à la zone de largage, à une vitesse de moins de 40 noeuds et à une hauteur d'environ 150 pieds, le pilote aperçoit la réflection d'un voyant d'avertissement jaune dans la fenêtre de la porte et entend l'alarme de bas régime rotor. Le régime N2 correspondant (régime rotor principal) se situe entre 97 et 98 %. Le pilote largue l'eau et réduit le couple. Le régime du rotor ne se rétablit pas, et le pilote se prépare pour un atterrissage forcé. Il maintient la puissance jusqu'à ce que le réservoir d'eau franchisse des arbres, puis abaisse le levier de pas collectif dans l'espoir de faire augmenter le régime du rotor, mais en vain. L'hélicoptère descend rapidement sur une courte distance, percute un amoncellement de broussailles et de terre et bascule sur le côté. Il est 20 h 10 et il fait encore jour.
Le pilote d'un autre hélicoptère voit le C-FPAZ s'écraser, communique avec le camp de coordination de la lutte contre les feux de forêt de Chitek Lake et demande l'intervention d'urgence du personnel médical. Il atterrit ensuite près du lieu de l'accident. Le pilote du C-FPAZ s'éloigne de l'appareil en titubant. Des flammes jaillissent de la pipe d'échappement, et le moteur tourne toujours. Aucun des pilotes ne tente d'éteindre l'incendie. Le moteur s'arrête plusieurs minutes après que les deux pilotes ont quitté le lieu de l'accident. Après avoir reçu l'appel du pilote du deuxième hélicoptère, le coordonnateur des incendies au camp de coordination de Chitek Lake dépêche d'urgence sur le lieu de l'accident du personnel médical et un avion de lutte contre les incendies. Le pilote du C-FPAZ, qui est grièvement blessé, est stabilisé et transporté à Saskatoon (Saskatchewan). L'avion de lutte contre les incendies largue de l'eau et un produit ignifugeant tout autour du lieu de l'accident.
Renseignements de base
Le pilote détenait une licence canadienne de pilote professionnel d'hélicoptère en état de validité comprenant une annotation lui permettant de piloter plusieurs types d'hélicoptères, dont le Bell 205. Selon les renseignements disponibles, le pilote était frais et dispos le jour de l'accident, conformément aux exigences de la compagnie et de Transports Canada.
Les conditions météorologiques observées à 20 h, heure normale du Centre (HNC)Note de bas de page 1, au camp de coordination de Vimy, soit à environ 5 milles du lieu de l'accident, étaient les suivantes : température de 28 °C et vents légers du sud.
Le 8 juillet 2002, soit trois jours avant l'accident, un joint de graisse de l'accouplement avant de l'arbre d'entraînement d'entrée principal de l'hélicoptère avait subi une défaillance. La défaillance avait été détectée au cours d'une inspection quotidienne après que l'hélicoptère avait été utilisé pendant 6,1 heures. Le joint de graisse avait été remplacé, et de la graisse de type Bell 204 avait été utilisée, comme le recommande le manuel de réparation et de révision des composants du Bell 205. Au cours de la procédure de remplacement du joint, le technicien d'entretien d'aéronefs (TEA) avait démonté, nettoyé et inspecté les composants à cannelures de l'accouplement avant de l'arbre d'entraînement. Cette inspection n'avait révélé ni usure ni surchauffe des composants à cannelures. L'accouplement arrière de l'arbre d'entraînement n'avait pas été démonté. Les plaques thermosensibles installées à l'extérieur des deux accouplements avaient été inspectées, et rien n'indiquait que l'un ou l'autre des accouplements avait subi une surchauffe. Le TEA a rempli son rapport de travail ainsi que les étiquettes pour le remplacement de la gaine de graisse de l'accouplement avant, mais le travail accompli n'a pas été consigné ni certifié dans le carnet de route de l'hélicoptère.
Le 10 juillet 2002, le C-FPAZ a été remis en service et il a été utilisé pour des opérations de lutte contre les incendies où il a fait plusieurs voyages pour transporter l'eau et deux changements d'équipage. Aucune vibration ou indication moteur anormale n'a été signalée, à l'exception d'une faible chute du régime du rotor principal au cours des écopages. En raison de la température ambiante élevée, le pilote n'a pas jugé la situation anormale. Après les vols de la journée, une inspection des accouplements de l'arbre d'entraînement et des plaques thermosensibles n'a révélé aucune fuite de graisse apparente ni signe de surchauffe de l'un ou l'autre des accouplements.
Le jour de l'accident, le C-FPAZ a été assigné de nouveau à des opérations de lutte contre les feux de forêt. Il a d'abord fallu procéder à un changement d'équipage, puis six heures d'arrosage se sont écoulées avant un nouveau changement d'équipage. Pendant les opérations d'arrosage, le régime du rotor principal a légèrement baissé au moment de l'écopage. On n'a signalé aucune autre baisse du régime rotor au cours du trajet vers le point de largage, jusqu'au moment de l'accident.
Un examen de l'épave et des environs du lieu de l'accident a permis de recueillir les renseignements suivants :
- L'hélicoptère a subi des dommages considérables causés par les forces de décélération à l'impact. Le rotor principal, la poutre de queue et la cabine avaient été déformés et cisaillés sous l'effet des forces en surcharge. Les dommages relevés sur le rotor principal et la boîte de transmission sont typiques d'un impact avec le sol à faible régime et d'un impact subséquent avec le fuselage de l'appareil.
- La structure de fixation de la boîte de transmission a été déformée vers l'avant, ce qui a permis à l'arbre d'entraînement d'entrée principal flottant de sortir de l'accouplement avant et de finalement se désaccoupler du moteur et de la boîte de transmission.
- La partie cannelée (côté avant de la boîte de transmission) de l'arbre d'entraînement d'entrée principal présentait une usure importante et des dommages causés par la chaleur. Il y avait une rainure hélicoïdale qui allait de la denture de l'accouplement de l'arbre d'entraînement jusqu'au métal à l'état plastique de l'arbre d'entraînement cannelé. Malgré l'usure et les dommages causés par la température élevée, la denture intérieure de l'accouplement est demeurée relativement intacte. La denture correspondante sur l'arbre avait été presque entièrement râpée. Les dommages à cette extrémité de l'arbre étaient si importants qu'il n'a pas été possible de déterminer dans quel état l'arbre se trouvait avant la défaillance.
- Presque toute la partie en caoutchouc du joint de graisse de l'accouplement avant manquait. Seules les pièces de fixation étaient restées en place. La denture intérieure de l'accouplement extérieur était remplie de carbone et de morceaux de la denture provenant de l'arbre d'entraînement. Le carbone a fait l'objet d'un test qui a révélé qu'il s'agissait d'une quantité substantielle de graisse qui s'était carbonisée sous l'effet de la chaleur intense. Rien ne laisse croire à une fuite de graisse dans cette zone.
- L'accouplement arrière de l'arbre d'entraînement a subi une défaillance qui a été attribuée aux forces en surcharge générées lorsque l'arbre est sorti de l'accouplement avant. Le joint de graisse est demeuré en place, et il y avait des éclaboussures de graisse sur la partie avant du compartiment moteur.
- La poutre de queue était déformée, et l'accouplement de l'arbre d'entraînement du rotor de queue s'était détachée.
Le réservoir d'eau, réglé à 80 % de sa capacité, était attaché au crochet de charge du C-FPAZ à l'aide d'une élingue de 60 pieds de longueur, ce qui correspondait à une masse totale à l'élingue calculée d'environ 3 060 livres. Il y avait environ 800 livres de carburant à bord de l'hélicoptère. La masse brute maximale admissible de l'hélicoptère était de 10 500 livres. Selon des calculs, la masse totale de l'appareil et de la charge à l'élingue au moment de l'accident était de 9 622 livres. L'interrupteur du dispositif d'armement du système de largage électrique était en position « armée ».
L'arbre d'entraînement d'entrée principal du Bell 205 n'a pas une durée de vie déterminée. Son entretien est effectué conformément à un programme « selon état » qui comprend une inspection aux 600 heures et un intervalle entre deux graissages. Au moment de la défaillance du joint de graisse le 8 juillet 2002, l'arbre d'entraînement de l'hélicoptère totalisait 187,4 heures de fonctionnement depuis sa dernière inspection aux 600 heures L'arbre d'entraînement nécessite une couche interne de graisse en tout temps afin de réduire la chaleur due au frottement et l'usure prématurée. Les joints de graisse, qui sont inspectés quotidiennement à la recherche de dommages ou de fuite, retiennent la graisse dans l'accouplement de l'arbre.
En cas de panne moteur ou de perte de régime du rotor principal, on recommande au pilote de faire une descente en autorotationNote de bas de page 2. Les hélicoptères peuvent être exploités dans certains régimes de vol critiques où les chances de réussir une autorotationNote de bas de page 3 sont minces. Le tableau hauteur/vitesse de la section relative aux limites qui se trouve dans le manuel de vol du Bell 205 précise ces conditionsNote de bas de page 4. Le tableau hauteur/vitesse enjoint les pilotes à éviter d'exploiter leur appareil à certaines altitudes et à certaines vitesses. Cependant, cette recommandation ne constitue pas une limite réglementaire dans le cas des opérations de transport de charge externeNote de bas de page 5. Les hélicoptères qui transportent des réservoirs d'eau (charge externe) sont couramment exploités dans ces conditions critiques.
Analyse
Les résidus de carbone provenant de la graisse brûlée et l'absence d'éclaboussure de graisse autour de l'extrémité de l'arbre d'entraînement d'entrée principal qui a subi une défaillance laissent croire qu'il est peu probable qu'il y ait eu une autre défaillance du joint de graisse avant l'accident. L'analyse du Laboratoire technique du BST a permis de déterminer que la défaillance de l'accouplement avant de l'arbre d'entraînement d'entrée principal est l'élément déclencheur de l'accident. La défaillance de l'accouplement avant peut s'expliquer des deux façons suivantes :
- il peut y avoir eu une défaillance progressive de l'accouplement de l'arbre d'entraînement qui n'a pas été détectée ou qui n'a pu l'être au moyen d'une inspection visuelle au moment du remplacement du joint de graisse. Au moment de la défaillance du joint, il est possible que la quantité insuffisante de graisse ait accéléré la progression de la défaillance de l'accouplement;
- au moment de la défaillance du joint, il est possible qu'une lubrification insuffisante ait endommagé l'accouplement de l'arbre d'entraînement au point de provoquer sa défaillance.
La rainure hélicoïdale et l'usure de l'extrémité cannelée de l'arbre d'entraînement d'entrée principal indiquent que l'arbre tournait à l'intérieur de l'accouplement avant l'impact, ce qui a provoqué le désaccouplement du moteur qui a alors cessé d'entraîner les rotors. Comme le rotor principal n'était plus entraîné par le moteur, son régime s'est mis à chuter, ce qui a déclenché un avertissement de faible régime rotor et provoqué une perte de portance.
Le désaccouplement s'est produit à une hauteur de 150 pieds et à une vitesse inférieure à 40 noeuds, soit dans un régime de vol où les chances de réussir une autorotation sont minces.
Le tableau hauteur/vitesse de l'hélicoptère Bell 205 se trouve dans la section des limites du manuel de vol. On y trouve aussi les conditions associées à ces limites. Les hélicoptères qui effectuent des opérations de transport de charge externe ne sont pas assujettis à ce tableau. Par conséquent, les pilotes d'hélicoptères Bell 205 qui effectuent de telles opérations sont exposés à un niveau de risque plus élevé, car les chances de se sortir d'une situation comme une perte de puissance ou une défaillance de la transmission sont très minces.
L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :
- LP 067/02 – Drive Shaft Assembly, Bell 205A-1, C-FPAZ (Arbre d'entraînement du Bell 205A-1, C-FPAZ)
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- L'arbre d'entraînement d'entrée principal de l'hélicoptère a subi une défaillance au niveau de l'accouplement avant, probablement en raison d'une défaillance progressive ou d'un dommage qui n'avait pas été détecté au moment du remplacement du joint de graisse.
- En raison de la défaillance de l'arbre d'entraînement d'entrée principal, le moteur s'est désaccouplé de la boîte de transmission, ce qui entraîné une baisse du régime rotor et un taux de descente rapide, et l'hélicoptère a fini par s'écraser.
- La défaillance de l'arbre d'entraînement d'entrée principal et la descente subséquente se sont produites à une hauteur et à une vitesse insuffisante pour effectuer une autorotation.
Faits établis quant aux risques
- Les pilotes d'hélicoptères Bell 205 qui effectuent des opérations de transport de charge externe ne sont pas assujettis aux restrictions du tableau hauteur/vitesse; par conséquent, ils sont exposés à un niveau de risque plus élevé que les pilotes qui n'exploitent pas leur appareil dans un tel domaine de vol.
Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet accident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .