Rapport d'enquête aéronautique A02A0108

Atterrissage train rentré
du PA-31-350 (Navajo Chieftain), C-GYYJ
exploité par Prince Edward Air Inc.
à l'aéroport international de Halifax (Nouvelle-Écosse)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le PA-31-350 Navajo Chieftain, immatriculé C-GYYJ et portant le numéro de série 31-7652086, assure le vol postal régulier entre Moncton (Nouveau-Brunswick) et Halifax (Nouvelle-Écosse). Après une approche au système d'atterrissage aux instruments (ILS) de la piste 15 de Halifax, il effectue un atterrissage train rentré. Les deux membres d'équipage et le passager de la compagnie s'en tirent indemnes. Les moteurs, les hélices et le fuselage de l'appareil sont endommagés. L'accident survient le soir, à 20 h 42, heure avancée de l'Atlantique.

    Renseignements de base

    L'accident est survenu à l'étape finale d'une route aéropostale de transport régulier de marchandises et de courrier. L'itinéraire était le suivant : Halifax, Moncton, Miramachi, Bathurst, Charlo et retour à Halifax en sens inverse le même soir. Le départ de Halifax devait s'effectuer à 6 h, heure avancé de l'AtlantiqueNote de bas de page 1.

    L'équipage de conduite possédait les licences et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur. Le commandant de bord était titulaire d'une licence de pilote de ligne ainsi que d'une qualification de vol aux instruments du groupe 1, et il totalisait quelque 2800 heures de vol, dont quelque 1200 sur le PA-31. Le copilote était titulaire d'une licence de pilote professionnel ainsi que d'une qualification de vol aux instruments du groupe 1 et il totalisait quelque 1050 heures, dont environ 600 sur le PA-31.

    L'avion était en bon état de fonctionnement, sauf que l'éclairage de l'indicateur de situation horizontale (HSI), lequel n'est illuminé que par rétro-éclairage interne, était défectueux. L'avion n'est équipé que d'un seul HSI, et ce dernier est situé sur la partie inférieure du tableau de bord du commandant de bord. Cet instrument affiche de l'information vitale nécessaire à la navigation, notamment de l'information sur l'alignement de descente au moyen du système d'atterrissage aux instruments (ILS).

    Le manuel de contrôle et de politique de la maintenance de l'exploitant stipule que toute anomalie décelée sur un aéronef doit être consignée dans le carnet de bord de ce dernier par un membre de l'équipage de conduite et qu'elle doit être corrigée ou revue par un technicien titulaire d'une licence avant le prochain décollage de l'appareil de son aérogare d'attache. L'équipage de conduite précédent n'avait consigné dans le carnet de bord aucune anomalie relative à l'éclairage de l'HSI. Selon ce qui a été rapporté, le personnel de maintenance de la compagnie aurait joint une note écrite au carnet de bord pour prévenir les équipages du problème d'éclairage, lequel durait au moins depuis le vol précédent. Cette note n'a pas été retrouvée après l'accident.

    L'article 523.1381 du Règlement de l'aviation canadien (RAC), intitulé Lampes d'instruments, décrit la norme de conception des lampes d'instruments. Cette norme stipule que les lampes d'instruments doivent rendre chaque instrument et chaque commande facilement lisibles et discernables, et qu'un plafonnier de cabine n'est pas une lampe d'instrument. La règle d'utilisation des lampes d'instruments, alinéa 605.16 (1) i) du RAC, stipule que, pour un vol de nuit, il doit y avoir un dispositif d'éclairage de tous les instruments servant à l'utilisation de l'aéronef.

    L'avion avait décollé de Halifax à 5 h 51, légèrement en avance par rapport à son horaire, et il a suivi sans incident sa route d'éloignement. Il est arrivé à Charlo à 8 h 3. Les deux membres d'équipage se sont alors dirigés vers les locaux de la compagnie, en vue d'y passer les quelque huit heures de repos prévues. Rien ne permettait de croire que l'un ou l'autre des pilotes aurait été fatigué avant le décollage de Charlo. L'avion a décollé de Charlo à 17 h 45 en suivant l'itinéraire inverse. Au retour, il y avait de la turbulence mécanique modérée et, pendant toutes les approches, le plafond et la visibilité étaient inférieurs ou égaux aux minimums. L'équipage a dû effectuer des approches manuelles, car l'avion n'était équipé d'aucun pilote automatique. Pendant l'approche ILS vers Moncton, le copilote, qui pilotait en croisé, avait de la difficulté à voir l'HSI dans l'obsécuritéé. À Moncton, un passager de la compagnie est monté à bord pour le vol à destination d'Halifax, et l'avion a décollé à 20 h 2, le copilote étant aux commandes.

    À l'arrivée à Halifax, un vent du 040° magnétique soufflait à 16 noeuds avec des rafales à 24 noeuds, et le couvert nuageux se trouvait à 200 pieds. Même si le vent favorisait l'utilisation de la piste 06, l'approche ILS vers la piste 15 offrait les meilleurs minima d'approche, et les aéronefs qui arrivaient atterrissaient sur la piste 15. L'avion en question dans cet accident a été guidé dans la circulation en vue d'une approche ILS directe vers la piste 15. L'équipage a discuté de l'approche, et il a été convenu que le copilote demeurerait aux commandes.

    Pendant les premières étapes de l'approche, comme le copilote n'arrivait pas à lire l'indicateur d'alignement de descente non éclairé, il a demandé au commandant de bord de l'éclairer au moyen de la lampe de poche qui était utilisée depuis le départ de Moncton pour éclairer l'HSI. Lors de l'interception initiale de l'alignement de descente, conformément aux procédures d'utilisation normalisées (SOP), le commandant de bord a dit « alignement de descente capté » lorsque l'indicateur d'alignement de descente s'est déplacé. Il a alors détourné du tableau de bord le faisceau de la lampe de poche pour consulter la carte d'approche, plongeant ainsi l'HSI dans l'obsécuritéé et empêchant le copilote de lire la barre d'alignement de descente. Pendant que le faisceau de la lampe de poche était détourné du tableau de bord, la barre d'alignement de descente a dépassé la position un point d'écart au-dessus du neutre.

    Dans le cas d'une approche IFR de précision, les SOP de la compagnie exigent que le train d'atterrissage soit sorti lorsque l'indicateur d'alignement de descente se trouve à un point d'écart au-dessus de l'alignement de descente. Les équipages appellent communément cette consigne l'annonce « un point au-dessus ». Lors de l'interception de la trajectoire de rapprochement, les volets sont sortis à 15° et les phares d'atterrissage sont allumés, conformément à la liste des vérifications avant atterrissage. On passe habituellement en revue une liste de vérifications en utilisant la méthode questions-réponses. Selon cette méthode, le pilote aux commandes demande une vérification, et le pilote qui n'est pas aux commandes lui demande verbalement de fournir les réponses appropriées. Lorsque le faisceau de la lampe de poche a été redirigé vers l'HSI, l'avion se trouvait sur l'alignement de descente, mais sa vitesse était élevée. Comme elle demeurait élevée pendant la descente, le copilote a demandé que l'on sorte les volets à 25° pour ralentir l'avion. Le commandant a proposé de réduire la puissance plutôt que de sortir les volets à 25°, au cas où il serait nécessaire de remettre les gaz. Cependant, après s'être aperçu que la puissance moteur avait déjà été beaucoup réduite, le commandant de bord a sorti les volets à 25°.

    À 100 pieds au-dessus de la hauteur de décision, le commandant de bord a dit apercevoir les feux de piste. Habituellement, le copilote continue de piloter l'avion jusqu'à l'atterrissage, mais comme l'eau qui se trouvait sur son pare-brise l'empêchait de voir la piste, il a passé les commandes au commandant de bord, dont le pare-brise était équipé d'un essuie-glace. Le commandant de bord a pris les commandes à la hauteur de décision et il a poursuivi l'atterrissage.

    Jamais pendant l'approche à l'atterrissage l'équipage ou le passager n'ont entendu retentir le klaxon de train d'atterrissage. L'avion s'est posé en douceur, alors qu'il y avait encore une certaine puissance moteur. Le train était rentré, et l'avion s'est immobilisé peu après l'intersection des pistes 15 et 24, et c'est alors que l'équipage s'est rendu compte qu'il avait omis de sortir le train. Le commandant de bord a constaté que la manette de commande du train était en position « train rentré », puis il a coupé l'alimentation électrique, les moteurs et le robinet coupe-feu de l'avion. Ce faisant, le commandant de bord a remarqué que l'interrupteur des phares d'atterrissage était à la position « OFF ». Jugeant qu'il n'y avait aucun danger immédiat, l'équipage a rallumé la radio et a informé la tour qu'il avait besoin d'aide.

    Après cet accident, il a été établi que le train d'atterrissage de l'avion fonctionnait normalement. Le klaxon de train d'atterrissage est actionné par des contacteurs situés dans le secteur des manettes, lesquels font contact lorsque la manette des gaz est ramenée. Après l'accident, on a vérifié le réglage de ces contacteurs ainsi que le klaxon de train d'atterrissage, et il a été établi que tout fonctionnait normalement. Les dispositifs d'éclairage interne de l'HSI ainsi que l'indicateur VOR/LOC/alignement de descente (Nav 2) étaient défectueux. Le 29 mai 2003, un enquêteur du BST a réexaminé l'avion accidenté et il a découvert que deux dispositifs d'éclairage sur montant manquaient au tableau de bord.

    Les SOP du PA-31 ne comportaient pas de vérification « finale » du train d'atterrissage. Seules les SOP d'un autre type d'avion de la flotte de l'exploitant comportaient une vérification en courte finale. Une partie de cette vérification consiste à s'assurer que le train est sorti et verrouillé.

    Analyse

    L'éclairage interne de l'HSI était défectueux, et l'équipage n'arrivait pas facilement à lire l'instrument. L'article 523.1381 du RAC décrivant la norme de conception vise à rendre chaque instrument et chaque commande facilement lisibles et discernables; cependant, la règle d'utilisation figurant à l'alinéa 605.16 (1) i) du RAC exige simplement « un dispositif d'éclairage ». Cette règle d'utilisation est moins stricte et elle permet l'utilisation de l'avion malgré des problèmes d'éclairage, sans toutefois mentionner le niveau minimal d'éclairage requis ni les moyens pour l'obtenir. Dans ce cas-ci, l'équipage possédait un moyen d'éclairage de tous les instruments qui servaient à l'utilisation de l'aéronef, mais ce moyen, une lampe de poche, a réduit les performances de l'équipage pendant l'approche en accroissant la charge de travail de ce dernier et en le distrayant.

    Les procédures normales de maintenance en matière de consignation d'anomalies d'éclairage n'ont pas été suivies, mais le personnel de maintenance de la compagnie et les équipages de conduite étaient au courant de la panne d'éclairage, laquelle avait été acceptée comme défectuosité mineure qu'il n'était pas nécessaire de consigner dans le carnet de bord ni de régler rapidement. Le personnel de la compagnie n'a pas reconnu l'importance de se conformer aux procédures de maintenance requises, ni l'importance d'un éclairage adéquat des instruments.

    L'indicateur d'alignement de descente de l'HSI est utilisé comme aide-mémoire pour avertir l'équipage de sortir le train. Comme le commandant de bord avait détourné la lampe de poche, le copilote n'a pas vu l'indicateur d'alignement de descente dépasser la position un point d'écart au-dessus du neutre, car l'éclairage de l'HSI était insuffisant. L'équipage a donc manqué le repère « un point au-dessus », il n'a sorti ni le train ni les volets, et il n'a pas non plus allumé les phares d'atterrissage.

    L'équipage ne s'est pas rendu compte que la configuration (train rentré) de l'avion produisait un profil à faible traînée. Tentant de maintenir le profil de descente de l'avion, l'équipage a d'abord réduit la puissance plus qu'à la normale et a fini par sortir les volets à 25°. La sortie des volets à un angle supérieur à la normale a augmenté la traînée et a aidé l'équipage à maintenir le profil de descente. Elle a aussi masqué le fait que le train n'était pas sorti. L'avion a atterri alors qu'une puissance moteur était toujours appliquée. Il est probable que le klaxon de train d'atterrissage n'a pas retenti parce que la manette des gaz est demeurée à des réglages supérieurs à sa plage de déclenchement.

    Le vol selon les règles de vol aux instruments (IFR) de nuit dans des conditions météorologiques défavorables alors que l'éclairage d'instrument était défectueux a placé imposé à l'équipage une charge de travail élevée. De plus, en courte finale, l'équipage a effectué un transfert des commandes de l'avion, ce qui aurait dirigé l'attention du commandant de bord vers l'extérieur de l'avion et réduit la probabilité qu'il remarque la configuration train rentré. Les SOP du PA-31 ne comportaient pas de vérification « finale » qui aurait pu informer l'équipage que le train d'atterrissage n'était pas sorti. L'ensemble de ces facteurs a contribué à ce que l'équipage ne se rende pas compte de l'oubli de la vérification.

    Faits établis

    Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    1. Des anomalies connues dans l'éclairage d'instruments n'ont pas été consignées, corrigées ou revues conformément au manuel de contrôle et de politique de la maintenance de l'exploitant.
    2. L'annonce « un point au-dessus » a été omise parce que le faisceau de la lampe de poche a été détourné du tableau de bord pendant l'approche.
    3. L'équipage n'a pas appliqué la liste de vérifications avant atterrissage; le train n'a pas été sorti et les phares d'atterrissage n'ont pas été allumés.
    4. À cause de la charge de travail élevée, du non-déclenchement du klaxon train de d'atterrissage et de l'augmentation de la traînée provoquée par les volets trop sortis, l'équipage ne s'est pas rendu compte que le train était rentré.

    Faits établis quant aux risques

    1. Le personnel de la compagnie n'a pas reconnu pas l'importance d'un éclairage adéquat des instruments.
    2. Les SOP du PA-31 ne comportaient pas de vérification en courte finale.
    3. La règle d'utilisation figurant à l'alinéa 605.16 (1) i) du RAC permet l'utilisation de l'avion malgré des problèmes d'éclairage.
    4. La règle d'utilisation figurant à l'alinéa 605.16 (1) i) du RAC ne mentionne pas le niveau minimal d'éclairage requis, ni les moyens pour l'obtenir.

    Mesures de sécurité

    L'exploitant a ajouté une vérification en courte finale aux SOP du Piper Navajo Chieftain pour confirmer que l'avion est en configuration d'atterrissage, qu'il est autorisé à atterrir et que la piste est dégagée.

    Dans le cadre des formations au sol initiale et périodique sur le PA-31, ainsi que dans une note de service s'adressant au personnel de la compagnie, l'exploitant a insisté sur l'importance de bien suivre les procédures de consignation et de rectification des anomalies.

    Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .