Impact sans perte de contrôle (CFIT)
Piper PA-31-350 Navajo Chieftain C-GIPB
Exploité par Deh Cho Air Ltd.
Fort Liard (Territoires du Nord-Ouest)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le Piper PA-31 Navajo Chieftain immatriculé C-GIPB et portant le numéro de série 31-7852170 quitte Yellowknife (Territoires du Nord-Ouest) à 20 h 43, heure avancée des Rocheuses, pour effectuer de nuit et selon les règles de vol aux instruments (IFR) un vol d'affrètement à destination de Fort Liard; à bord se trouvent le pilote et cinq passagers. À l'arrivée à Fort Liard, dans des averses de neige allant de moyennes à fortes, le pilote entreprend une approche au radiophare non directionnel avec procédure d'approche indirecte de la piste 02. Vers 22 h 33, l'avion percute un banc de gravier sur la rive ouest de la rivière Liard, 1,3 mille marin avant le seuil de la piste 02 et 0,3 mille marin à gauche de l'axe de la piste. L'avion est lourdement endommagé, mais aucun incendie ne s'ensuit. Trois passagers sont tués, et le pilote ainsi que deux passagers sont grièvement blessés. La radiobalise de repérage d'urgence se déclenche et son signal est reçu par le système de satellites de recherches et de sauvetage, et deux appareils des Forces canadiennes sont dépêchés sur place pour procéder aux recherches. L'épave est localisée électroniquement le lendemain matin, et un hélicoptère civil arrive sur les lieux de l'accident quelque 10 heures après les faits.
1.0 Renseignements de base
1.1 Déroulement du vol
L'avion avait été affrété par NWT Community Mobilization afin d'effectuer un vol aller et retour entre Fort Liard et Yellowknife (Territoires du Nord-Ouest) devant servir à transporter les administrateurs de la bande indienne des Deh Cho. L'avion avait quitté Fort Liard à 7 h 45Note de bas de page 1 le jour en question et était arrivé à Yellowknife à 9 h 30. Il devait repartir de Yellowknife vers Fort Liard à 19 h; toutefois, le vol n'est reparti qu'à 20 h 42 à cause du retard des passagers. Eu égard aux conditions météorologiques et au départ tardif, le pilote et les passagers ont discuté de la possibilité de remettre le vol au lendemain mais ont finalement décidé de partir le soir même. Le pilote a fait savoir aux passagers qu'il était certifié pour le vol de nuit et qu'il pensait que la météo aux abords de Fort Liard ne poserait pas de problème.
Le pilote a déposé un plan de vol IFR de Yellowknife directement vers Fort Liard, Fort Nelson (Colombie-Britannique) étant le terrain de dégagement. L'avion a d'abord été autorisé à procéder directement de Yellowknife à Fort Liard à 6 000 pieds. À 20 h 55, le pilote a été avisé par le Centre d'Edmonton que le calage altimétrique de Fort Simpson était de 30,12. À 20 h 59, il a été informé que l'altitude minimale de sécurité dans un rayon de 25 milles marins autour de Fort Liard était de 6 300 pieds. Le pilote a alors demandé 8 000 pieds, et il a été autorisé à maintenir 8 000 pieds dans l'espace aérien contrôlé. À 21 h 50, il a été avisé que le calage altimétrique de Fort Simpson était de 30,10 et que celui de Fort Nelson était de 29,86. À 21 h 52, il a reçu du Centre d'Edmonton les conditions météorologiques à Fort Nelson telles qu'elles avaient été signalées dans une observation météorologique spéciale effectuée à 21 h 28, à savoir : plafond avec couvert nuageux à 1 100 pieds; visibilité de 1½ mille dans de la neige, et calage altimétrique de 29,86. Le pilote a accusé réception des messages et tous ses collationnements ont été exacts. À 21 h 59, il a fait savoir qu'il croisait le radial 150 degrés du VOR (radiophare omnidirectionnel à très haute fréquence) de Fort Simpson à 51 milles au DME (équipement de mesure de distance). Il n'y a eu réception d'aucun autre message en provenance du pilote. Ce dernier n'avait exprimé aucune inquiétude quant à l'avion au cours du vol, et rien ne laissait présager l'imminence de l'impact.
L'espace aérien autour de Fort Liard n'est pas contrôlé. Fort Nelson se trouve à environ 96 milles marins au sud-est de Fort Liard, tandis que Fort Simpson est situé à quelque 132 milles marins au nord-est de Fort Liard.
Le système de satellites de recherches et de sauvetage (SARSAT) a reçu le premier signal de la radiobalise de repérage d'urgence (ELT) à 22 h 42. Il a d'abord été établi que l'endroit d'où émanait le signal de l'ELT se trouvait à quelque 40 milles au sud de Fort Liard. À 23 h 40, Deh Cho Air a lancé les procédures en cas d'aéronef en retard. Le « dossier » SARSAT a été ouvert à 0 h 33 le 16 octobre, après réception du signal de l'ELT par un second satellite en orbite, lequel indiquait que l'endroit d'où provenait le signal se trouvait à environ 19 milles au sud-est de Fort Liard. À 1 h 55, le Centre de coordination des opérations de sauvetage (CCOS) a dépêché un avion Hercules depuis Winnipeg (Manitoba), suivi à 2 h 20 d'un Twin Otter en provenance de Yellowknife. Les deux appareils étaient équipés d'un système embarqué de radioralliement à aiguille.
À 5 h 20, le Twin Otter a survolé le lieu prévu par le SARSAT à 3 400 pieds au-dessus du sol (agl) mais, à cause de considérations en matière de carburant propres aux règles de vol aux instruments (IFR), il lui a fallu poursuivre vers Fort Nelson avant de pouvoir véritablement faire un radioralliement vers le signal de l'ELT. D'après le premier message en provenance du Twin Otter, le lieu d'émission de l'ELT se trouvait à moins de deux milles de la position prévue par le SARSAT, et ce, d'après des indications d'extinction auditive avec le réglage silencieux en très haute fréquence (VHF) sur OFF. À 5 h 45, le Hercules est arrivé dans la même région, près de Lake Bovie (T.N.-O.), mais il n'a pu capter de signal sur lequel faire un radioralliement. Le système SARSAT accordait un degré de confiance élevé à la position prévue, ce qui a ainsi fait croire que le Hercules se trouvait au bon endroit, même s'il ne parvenait pas à capter un bon signal de l'ELT. Pendant quelque 45 minutes, des fumigènes ont été largués dans les environs immédiats afin de déterminer si la base des nuages pouvait permettre une descente dans des conditions de vol à vue. Compte tenu des conditions ambiantes, il n'y a pas eu recours à la procédure de descente avec pénétration dans les nuages. Alors que le Hercules s'éloignait vers l'ouest, un signal ELT plus fort a été capté et, vers 6 h 45, l'équipage du Hercules a localisé électroniquement le lieu de l'accident, un mille marin au sud de Fort Liard. Un hélicoptère civil a été envoyé de Fort Liard, au-dessous de la couche, et a localisé visuellement le lieu de l'accident à 8 h 32, soit 10 heures après les faits. L'avion s'était immobilisé à l'endroit, le train avant rompu et le train principal affaissé. Le fuselage, les ailes, les moteurs et les hélices avaient subi d'importants dommages, tous attribuables aux forces d'impact.
1.2 Renseignements sur le pilote
Commandant de bord | |
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Âge | 23 ans |
Licence | Pilote professionnel |
Date d'expiration du certificat de validation | 1er novembre 2002 |
Nombre total d'heures de vol | 1157 |
Nombre total d'heures de vol sur type (y compris en double commande, à titre de commandant de bord et de commandant en second) | 77 |
Nombre total d'heures de vol dans les 90 derniers jours | 141 |
Nombre total d'heures de vol sur type dans les 90 derniers jours | 77 |
Nombre d'heures en service avant l'accident | 16,5 |
Nombre d'heures libres avant la prise de service | 39 |
Le pilote a été victime d'une violente amnésie rétrograde consécutive à ses blessures à la tête, et il a été incapable de donner des renseignements sur l'accident.
Le pilote possédait une licence de pilote professionnel valable pour tout avion et hydravion monopilote mono- et multimoteur n'ayant pas des performances élevées ainsi qu'une qualification de vol aux instruments du groupe 1. Il détenait également une qualification d'instructeur de voltige de catégorie 2. Il avait été engagé par Deh Cho Air le 5 août 2001 et avait suivi toute la formation sur PA-31 exigée par la compagnie, y compris la formation relative aux impacts sans perte de contrôle (CFIT). Le 20 août 2001, il avait subi un contrôle de compétence pilote (CCP) de Transports Canada (TC) sur le PA-31. Auparavant, le pilote avait déjà effectué un vol monopilote d'affrètement de transport de passagers sur un PA-31, mais selon les règles de vol à vue (VFR). L'aller avait eu lieu durant le jour, tandis que le retour s'était déroulé de nuit.
Un examen des horaires de vol du pilote depuis son embauche chez Deh Cho Air n'a révélé aucune activité de pilotage excessive, et le pilote était bien reposé avant de partir de Fort Liard le matin de l'accident. En vertu de l'article 700.16 du Règlement de l'aviation canadien (RAC), le temps de service de vol ne doit pas dépasser 14 heures consécutives par période de 24 heures consécutives. Le pilote s'était présenté au travail à 6 h, ce qui veut dire que sa période autorisée de temps de service de vol fixée à 14 heures aurait dû prendre fin à 20 h, soit avant le retour prévu à Fort Liard. L'article 700.16 du RAC permet de prolonger le temps de service de vol au-delà de 14 heures à condition que soit prévue une période de repos. Si le temps de service de vol comprend une période de repos, ce temps peut être prolongé de la moitié de la période de repos jusqu'à un maximum de trois heures. À Yellowknife, une chambre de jour avait été mise à la disposition du pilote afin qu'il puisse se reposer. Il s'est inscrit à 14 h et a libéré la chambre à 19 h. Pendant ces cinq heures de repos, le pilote a été vu en train de manger au restaurant de l'hôtel entre 14 h 10 et 14 h 40, et il a fait deux appels téléphoniques, un à 16 h et l'autre à 18 h 22.
Il est connu que, chez l'être humain, les périodes de sommeil et d'éveil qui composent le rythme circadien alternent parallèlement au cycle de clarté et d'obsécuritéé du milieu ambiant, tout en tenant compte de la nature oscillatoire des fonctions physiologiques, psychologiques et comportementales. Une personne qui dort le jour se trouve à être en opposition directe avec sa programmation physiologique qui lui dicte d'être éveilléeNote de bas de page 2. Les effets négatifs de la fatigue sur le rendement d'un pilote, y compris sur son jugement, sont bien connus. Durant les heures d'obsécuritéé, le temps de réaction ainsi que le raisonnement cognitif peuvent être grandement affaiblis. Il n'a pas été possible de déterminer si la qualité du repos obtenu par le pilote pendant sa période de repos avait été suffisante pour compenser l'effet de la fatigue aiguë sur le rendement physique et cognitif du pilote plus tard ce soir-là.
La norme réglementaire applicable à l'exploitation commerciale d'un avion ayant à son bord des passagers pendant un vol IFR sans commandant en second exige que le pilote possède au minimum 1 000 heures de vol, lesquelles doivent comprendre, si l'avion devant être utilisé est un multimoteur, 100 heures à bord d'avions multimoteurs. De plus, le pilote doit totaliser 50 heures de vol dans des conditions météorologiques réelles ou simulées de vol aux instruments (IMC) et un total de 50 heures de vol sur le type d'avion. Le pilote totalisait 1 157 heures de vol, y compris les vols effectués le jour de l'accident. D'après son carnet personnel, il totalisait 77 heures sur PA-31, heures accomplies en double commande, à titre de commandant de bord ou à titre de commandant en second. Son dossier de formation sur multimoteur détenu par la compagnie indiquait qu'il avait reçu 6,5 heures en double commande sur le PA-31; toutefois, son carnet personnel indiquait 20,3 heures en double sur PA-31. Il a été établi que la plupart des heures inscrites en double commande sur PA-31, effectuées avant que le pilote ne passe son CCP, avaient été accumulées pendant des vols contre rémunération effectuées à des fins de familiarisation. Il avait également inscrit 14 heures effectuées en double commande sur multimoteur pendant des vols contre rémunération pour le compte d'un ancien employeur. Si cette expérience peut être jugée valable pour ce qui est de la familiarisation et de l'acquisition de connaissances locales, elle ne peut servir comme des heures en double commande, puisque les vols contre rémunération ne sont pas considérés comme de la formation. Cette expérience de familiarisation n'aurait donc pu servir d'expérience de vol en vue de l'obtention d'une licence de niveau supérieur. Si le RAC définit le « temps de vol », il ne donne aucune définition des expressions « familiarisation en vol », « expérience de vol » ou « double commande » et, par conséquent, il ne traite pas complètement de la « qualité » des heures de vol. Les dossiers personnels plus les heures de vol estimées le jour de l'accident montrent que le pilote avait accumulé 127 heures d'expérience sur multimoteurs, y compris 77 sur le PA-31. Vingt-huit heures de cette expérience, y compris 14 heures sur le PA-31, n'auraient pu être retenues comme expérience en vue de l'obtention d'une licence de niveau supérieur.
Plusieurs semaines avant l'accident, le pilote volant en place gauche à titre de commandant en second avait perdu conscience de la situation au cours d'une approche au radiophare non directionnel (NDB) d'un aérodrome nordique. Il avait dépassé le point d'interception de la trajectoire de rapprochement, il avait entrepris la descente finale tardivement et il avait survolé le point d'approche interrompue avant d'avoir atteint l'altitude minimale de descente (MDA). Il avait continué à descendre sur une certaine distance au-delà du point d'approche interrompue, et peut-être au-delà de la piste, sans avoir la piste en vue. Il avait entrepris la procédure d'approche interrompue sur ordre du commandant de bord. Ce dernier, assis en place droite, avait alors pris les commandes pour effectuer une nouvelle approche suivie d'un atterrissage. Les circonstances entourant l'incident avaient été communiquées oralement, et donc de façon informelle, au pilote instructeur et au responsable des opérations, ce qui veut dire que le pilote en chef n'en a peut-être jamais été informé. La compagnie n'avait pris aucune mesure à la suite de cet incident.
Le pilote n'avait pas accompli cinq décollages et atterrissages de nuit dans un aéronef de même type ou de même classe au cours des six derniers mois, ce qui veut dire qu'il ne respectait pas les exigences de mise à jour des connaissances nécessaires au transport de passagers qui figurent au RAC 401.05 (2). Il incombait aux membres d'équipage de conduite de comptabiliser leurs heures de vol et leurs heures de service. La compagnie ne comptabilisait pas les heures de vol des équipages, sinon pour s'assurer que les pilotes ne dépassaient pas le nombre d'heures prévu dans le RAC pour une période de temps bien précise, et ce, pour éviter la fatigue, ce qui veut donc dire que le système de surveillance des heures de vol que possédait la compagnie n'était pas la source d'information idéale pour voir si un pilote était qualifié pour des opérations particulières.
Rien n'indique que le comportement du pilote ait été compromis par une incapacité ou des facteurs physiologiques.
1.3 Renseignements sur l'aéronef
Constructeur | Piper |
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Type et modèle | PA-31-350 |
Année de construction | 1978 |
Numéro de série | 31-7852170 |
Certificat de navigabilité | Délivré le 20 janvier 1986 |
Nombre total d'heures de vol cellule | 11 520 |
Type de moteur et nombre | Un Lycoming TIO-540-J2BD Un Lycoming LTIO-540-J2BD |
Type d'hélice et nombre | Une McCauley B3DF36C526 Une McCauley B3DF36C527 |
Masse maximale autorisée au décollage | 7 368 livres |
Type de carburant recommandé | 100 LL |
Type de carburant utilisé | 100 LL |
D'après les dossiers de maintenance, l'avion était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées.
L'avion avait été modifié par l'ajout de générateurs de tourbillons de profil aérodynamique, conformément au Certificat de type supplémentaire no SA00039SE de Boundary Layer Research Ltd., ce qui augmentait la masse maximale au décollage de 7 000 à 7 368 livres. La masse et le centrage se trouvaient dans les limites permises au décollage de Yellowknife ainsi qu'au moment de l'accident.
L'avion avait quitté Yellowknife avec le plein de carburant, ce qui était suffisant pour quelque quatre heures et vingt minutes (4 h 20) de temps dans les airs en configuration de croisière. Cela respectait toutes les exigences réglementaires quant au vol prévu.
Conformément à ce qui était exigé pour un vol IFR monopilote, l'avion était équipé d'un pilote automatique à deux axes en état de fonctionner. Tous les interrupteurs du pilote automatique ont été retrouvés sur OFF pendant l'examen de l'épave.
1.4 Renseignements météorologiques
Des conditions météorologiques VFR sous forme d'un couvert nuageux en altitude et d'une bonne visibilité ont régné à Fort Liard quasiment toute la journée. Le temps a commencé à se détériorer sérieusement vers 21 h 50. L'avion a été entendu et vu survolant Fort Liard aux environs de 22 h 30 et, d'après les renseignements extraits du récepteur de bord du système mondial de localisation (GPS), l'accident est survenu à 22 h 33.
Les conditions météorologiques générales fournies au pilote pendant son exposé météo téléphonique à Yellowknife incluaient ce qui suit : les régions de Fort Nelson et de Fort Liard étaient sous l'influence d'une onde qui entrait dans la province de la Colombie-Britannique, à mi-chemin le long de la péninsule de l'Alaska; un front chaud s'étendait de cet endroit jusqu'au « coude de l'Alberta » et se déplaçait vers la région de Fort Nelson; de plus, on s'attendait à ce qu'une bonne quantité de neige accompagne l'avancée de ce front chaud, 5 à 10 centimètres de neige étant prévus dans les régions de Fort Nelson et de Fort Liard. Une analyse des messages d'observation météorologique régulière (METAR) de Fort Nelson et Fort Simpson montre que le front chaud se trouvait près de Fort Nelson à 20 h 28, alors que le couvert nuageux ne se trouvait plus qu'à 1 100 pieds avec des visibilités de 1,5 mille terrestre dans de la neige. Le système frontal a atteint la région de Fort Simpson entre 4 h et 6 h le 16.
Le pilote a fait son premier appel pour recevoir un exposé météorologique à 18 h 22. Il a été mis au courant du front chaud qui s'avançait et de la neige qui l'accompagnait, et il a été informé de l'Avis aux navigants (NOTAM) signalant le non-fonctionnement des feux stroboscopiques d'identification d'extrémité de piste à Fort Liard.
À l'origine, le pilote a déposé son plan de vol IFR à la station d'information de vol (FSS) de Yellowknife durant son appel téléphonique de 18 h 22, l'heure de départ étant prévue à 19 h. Il a rappelé à 19 h 28 pour donner 19 h 50 comme heure révisée de départ, puis il a fait un troisième appel à 20 h 8 pour dire que le départ était maintenant fixé à 20 h 25. Le pilote a demandé la météo en route à ce moment-là. À 20 h à Fort Nelson, il y avait un couvert nuageux à 3 000 pieds agl et, à Fort Simpson, il y avait des nuages fragmentés à 21 000 pieds agl. La pointe avant des nuages associés au front chaud qui s'avançait se trouvait quelque part entre Fort Nelson et Fort Simpson. On ne sait pas si la pointe avant des nuages avait atteint la région de Fort Liard à ce moment-là, mais elle avait déjà atteint Fort Nelson. Des altocumulus castellanus se trouvaient alors dans la région de Fort Liard, et le plafond à Fort Nelson était tombé de 8 000 à 3 000 pieds agl. Le préposé chargé de l'exposé à la FSS a fait savoir que si l'avion arrivait à Fort Liard d'ici peu, elle [la météo] ne devrait pas être trop mauvaise.
Au moment de l'accident, la station radio d'aérodrome communautaire (CARS) de Fort Liard était fermée. Comme aucun observateur n'était en poste, aucune observation météorologique officielle n'a été effectuée aux environs de l'heure de l'accident. Une analyse de la situation météorologique à Fort Liard a été préparée par Environnement Canada, après l'accident, à l'aide des observations de la station automatique (WJL) située à l'aéroport, d'images satellite et d'observations provenant de stations environnantes. L'analyse montrait qu'une épaisse bande de nuages était passée au-dessus de Fort Liard vers 22 h, donnant d'importantes averses de neige, et que la visibilité à l'aéroport avait dû descendre entre ½ et 3 milles terrestre dans de la neige avec des plafonds obscurcis, dus aux précipitations, situés entre 500 et 1 200 pieds agl. Pendant la nuit, 14 centimètres de neige humide sont tombés à Fort Liard. Cela indiquait que, par rapport aux stations environnantes, Fort Liard avait connu des averses de neige plus importantes et de plus longue durée. Des témoins à Fort Liard ont estimé que la visibilité au sol était comprise entre ½ et 1½ mille dans la neige au moment de l'accident et il a été estimé, à partir des stations de transmission environnantes, que le calage altimétrique était de 29,92 ou de 29,93 au moment de l'accident.
Tout le long de la nuit, la température qui régnait à l'aéroport de Fort Liard est demeurée constante à moins un degré Celsius. Bien qu'il y ait pu avoir un givrage modéré dans les nuages pendant l'approche vers Fort Liard, il n'y avait aucun signe visible de givrage de la cellule de l'avion à l'arrivée des sauveteurs.
1.5 Communications
L'aéroport de Fort Liard est desservi par une CARS qui est ouverte de 8 h à 16 h du lundi au vendredi, à l'exception des jours fériés. Au moment de l'accident, la CARS était fermée, et personne ne veillait la radio à la base de la compagnie.
Un rappel au travail a lieu lorsqu'un préposé aux observations et/ou aux communications doit revenir à la station CARS en dehors des heures d'ouverture normales à la suite d'une demande de services émanant d'un propriétaire, d'un exploitant ou d'un pilote. Les frais rattachés à ce rappel s'élèvent à 149,80 $ et couvrent une période pouvant aller jusqu'à quatre heures. Deh Cho Air avait été autorisée à faire des vols de nuit et en IFR en mai 2000. Les dossiers de rappel au travail de la CARS ont montré que Deh Cho n'avait demandé aucun rappel au travail entre mai 2000 et le jour de l'accident.
Les systèmes automatisés d'observations météorologiques (AWOS) permettent de disposer d'une méthode d'acquisition et de diffusion de renseignements météorologiques à des endroits où il est impossible d'avoir en permanence des personnes pour faire les observations. Un AWOS se compose de capteurs météorologiques, d'un système de traitement des données, d'un système de communications et, en option, d'un module de génération de la voix (VGM). Le système d'information météorologique restreint (LWIS) est un système connexe qui sert aux aérodromes où un programme complet d'observations météorologiques n'est pas justifié mais où il faut aider à l'exécution d'une approche figurant dans le Canada Air Pilot. Lorsqu'un VGM, une radio VHF et un téléphone sont reliés à un AWOS ou à une LWIS, les renseignements météorologiques recueillis toutes les minutes sont à la disposition des pilotes au moyen de la radio VHF ou du téléphone. De récentes augmentations de la circulation aérienne à Fort Liard ont mené à des délibérations entre la Northern Air Transport Association (NATA), Nav Canada, le Gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, le Gouvernement du Nunavut et les exploitants. Aucune des parties intéressées dont on avait sollicité les commentaires par lettre à propos d'une augmentation des heures d'ouverture de la CARS n'a manifesté d'intérêt, et il n'y a eu aucune suggestion comme quoi un AWOS pourrait être un moyen d'augmenter les heures d'observations météorologiques.
1.6 Renseignements sur l'aérodrome
La piste de l'aéroport de Fort Liard mesure 2 956 pieds de longueur sur 100 pieds de largeur et est recouverte de gravierNote de bas de page 3. L'aéroport se trouve à une altitude de 706 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl) et le relief part en pente ascendante au sud et au nord-ouest. Les feux de piste sont commandés par un balisage lumineux d'aérodrome télécommandé (ARCAL), et les feux de bord de piste et de seuil fonctionnaient au moment de l'accident. Les feux stroboscopiques unidirectionnels d'identification de piste n'étaient pas en état de fonctionner, comme cela avait été annoncé dans le NOTAM pertinent. Le balisage lumineux se composait de feux de seuil et d'extrémité de piste ainsi que de feux de piste de basse intensité. Un indicateur de trajectoire de pente d'approche (PAPI) simplifié réglé à 3,3 degrés sert d'aide en approche à vue.
L'aéroport de Fort Liard ne possède qu'une seule approche aux instruments, à savoir l'approche NDB de la piste 20, qui est réservée au seul usage de la compagnie (voir l'annexe A). Une approche aux instruments de la piste 02 oblige à recourir à une procédure d'approche indirecte. L'altitude minimale de descente de cette approche indirecte est de 894 pieds au-dessus de l'altitude de l'aérodrome, et la visibilité obligatoire est de 2½ milles terrestres dans le cas d'un aéronef évoluant jusqu'à une vitesse de 140 nœuds. Le NDB était en état de marche au moment de l'accident.
1.7 Enregistreurs de vol
L'avion n'était équipé ni d'un enregistreur de vol (FDR) ni d'un enregistreur de la parole dans le poste de pilotage (CVR), ce qui ne contrevenait toutefois pas à la réglementation. Les avions qui sont généralement utilisés dans le cadre d'une exploitation régie par la sous-partie 703 ne sont pas équipés, au moment de leur construction, de l'infrastructure électrique nécessaire à la présence d'un FDR, et la pose d'un tel enregistreur dans des appareils de cette catégorie nécessiterait de coûteuses améliorations de systèmes pour pouvoir accommoder un FDR. Un enregistreur vidéo numérique de poste de pilotage (CVDR) constitue une solution de rechange au FDR qui est à la fois légère et comparativement peu onéreuse. Bien que la technologie du CVDR permette déjà de filmer le tableau de bord et la vue vers l'avant dans un avion en vol, il n'existe ni exigence réglementaire ni échéancier relatifs à la pose d'un tel équipement à bord des aéronefs non dotés de FDR exploités à des fins commerciales. Un CVDR à l'épreuve des accidents qui aurait été en marche aurait peut-être aidé les enquêteurs à suffisamment reconstituer la trajectoire de vol pour mieux comprendre les circonstances à l'origine de cet accident et à préciser le moment et la raison de l'écart d'altitude. Il y a eu récemment de nombreux autres accidents mortels d'appareils exploités en vertu de la sous-partie 703 au cours desquels la présence d'un CVDR aurait donné aux enquêteurs de meilleurs moyens de reconnaître les manquements à la sécurité entourant ces accidents.
Le National Transportation Safety Board (NTSB) a envoyé récemment à la Federal Aviation Administration (FAA) la recommandation de sécurité no A-99-60 pour conseiller fortement la pose de CVDR à l'épreuve des accidents à bord de tous les aéronefs à turbine qui ne sont pas tenus à l'heure actuelle d'être dotés d'un FDR, et ce, une fois qu'une norme technique pertinente aura été publiée. Cette recommandation n'a toujours pas été mise en œuvre. De son côté, le BST ne s'est encore jamais penché sur cette lacune entourant l'exploitation d'appareils en vertu de la sous-partie 703.
1.8 Renseignements sur l'épave et sur l'impact
Le train d'atterrissage était sorti et les volets se trouvaient en position intermédiaire lorsque l'avion a percuté le banc de gravier. Le sillon laissé par l'épave mesurait quelque 450 pieds de longueur et était orienté aux 015 degrés magnétiques. La piste avait un cap magnétique de 021 degrés. L'examen de l'épave a montré que l'avion avait percuté le sol dans un piqué de l'ordre de 5 degrés, l'aile gauche abaissée de 5 à 10 degrés.
L'épave a été examinée sur les lieux de l'accident, et rien n'indiquait la présence d'un mauvais fonctionnement. L'avion était structuralement intact, et il y avait continuité des systèmes des commandes de vol à l'impact. Les dommages et la torsion des hélices étaient compatibles avec ceux résultant de deux moteurs délivrant une puissance considérable au moment de l'impact. Les interrupteurs des phares d'aile, des phares d'atterrissage, des phares de roulage et des feux anticollision ont tous été retrouvés sur OFF.
Le panneau annonciateur et quatre des instruments de vol du tableau de bord gauche ont été envoyés au Laboratoire technique du BST pour y être examinés. Une évaluation des filaments des ampoules des 12 témoins graphiques individuels du panneau annonciateur a révélé qu'aucun voyant annonciateur d'alarme n'était allumé à l'impact. L'anémomètre n'a fourni aucun renseignement fiable quant à l'indication qu'il fournissait à l'impact. Le gyroscope d'assiette affichait un piqué d'environ cinq degrés à l'impact. Les deux altimètres de l'avion ont été retrouvés à un calage de 30,12.
1.9 Questions relatives à la survie des occupants
L'avion est demeuré à l'endroit, et les forces d'impact n'ont pas compromis de manière significative l'espace dans les régions de la cabine ou du poste de pilotage. Compte tenu de leurs blessures, les survivants n'ont pas été en mesure de sortir de l'avion par leurs propres moyens. Tous les occupants ont été retrouvés à leurs places respectives lorsque les sauveteurs sont arrivés sur les lieux de l'accident, le lendemain matin.
Le pilote et trois passagers étaient assis à des places faisant face vers l'avant, tandis que deux passagers de la cabine occupaient des sièges orientés vers l'arrière. Le pilote et le passager assis en place droite dans le poste de pilotage ne portaient pas les ceintures-baudriers qui étaient à leur disposition. Sous les forces d'impact, le pilote a subi de graves blessures à la tête et le passager a subi des blessures mortelles à la tête. Ces blessures auraient pu être prévenues ou de moindre gravité si la partie supérieure du torse de ces occupants avait été maintenue en place par les ceintures-baudriers. En ce qui a trait au PA-31, les procédures d'utilisation normalisées (SOP) de la compagnie indiquent que la ceinture sous-abdominale doit être portée en permanence, tandis que la ceinture-baudrier doit l'être au décollage et à l'atterrissage. En vertu du RAC, tout siège avant d'un avion de cet âge et de cette catégorie doit être équipé d'une ceinture de sécurité comprenant une ceinture-baudrier. D'après la définition qui en est donnée dans la réglementation, une ceinture de sécurité comprend une ceinture-baudrier lorsqu'un tel équipement est présent. La réglementation exige que tous les membres d'équipage aient leur ceinture de sécurité bouclée au décollage et à l'atterrissage, et elle exige que le commandant de bord ordonne à toutes les personnes présentes à bord de l'aéronef de boucler leurs ceintures de sécurité au décollage et à l'atterrissage. Une recherche dans la base de données du BST a permis de trouver de nombreux accidents d'aéronefs au cours desquels les occupants ne portaient pas les ceintures-baudriers à leur disposition et, par voie de conséquence, avaient été blessés ou avaient subi des blessures plus graves.
1.10 Radiobalise de repérage d'urgence
L'avion était équipé d'une radiobalise de repérage d'urgence (ELT) Dorne and Margolin DM ELT-6C émettant sur 121,5 Mhz, et cette ELT a émis un signal à l'impact. L'avion est demeuré à l'endroit, et l'ELT est restée reliée à l'antenne et à sa ferrure de fixation. L'ELT ne s'est pas déclenchée pendant des essais effectués sur place après l'accident. Par la suite, l'ELT a fait l'objet d'essais au banc dans les installations d'un réparateur agréé d'ELT et chez son fabricant, et aucune anomalie n'a été constatée. Même si le SARSAT indiquait que la position correspondant au signal de l'ELT se trouvait environ 19 milles au sud-est de Fort Liard, ce manque de précision n'est pas jugé être une anomalie. Dans le cas d'une ELT fonctionnant sur 121,5 MHz, le système SARSAT est réputé respecter ses spécifications si la précision de la position est de 20 milles marins ou moins, et ce, 90 pour cent du temps. La raison de cette imprécision dans la localisation fournie par les satellites n'a pas été déterminée. D'autres anomalies dans la localisation d'ELT se sont déjà produites dans des régions situées entre la frontière du Yukon et le Grand lac des Esclaves, peut-être à cause d'interférences magnétiques.
La précision de la position établie par le système SARSAT est fortement tributaire de la qualité du signal émis par la radiobalise de détresse qui est détecté. La stabilité d'une émission sur la fréquence de 406 MHz est de beaucoup supérieure à celle d'une émission sur 121,5 MHz, ce qui veut donc dire que la précision de la position établie est elle aussi meilleure. La Technical Standard Order C126 (TSO-C126) prescrit la norme de performances minimales que doivent respecter les ELT émettant sur 406 MHz afin de pouvoir se prévaloir de la TSO pertinente. Les ELT émettant sur 406 MHz présentent des avantages par rapport à celles émettant sur 121,5 MHz; elles permettent l'identification de l'aéronef et de l'exploitant et, si elles disposent d'une interface avec le GPS ou le système de gestion de vol de bord, elles fournissent la latitude et la longitude du lieu de l'écrasement. Depuis 1989, la plupart des navires de la marine canadienne de plus de 20 mètres de longueur sont tenus d'être équipés d'une radiobalise de localisation des sinistres (RLS). Bien que la technologie des ELT émettant sur 406 MHz ait le potentiel pour réduire de façon importante les coûts des recherches, pour réduire le nombre de victimes et pour réduire les souffrances des survivants, il n'existe ni exigence réglementaire ni échéancier relatifs à la pose d'une ELT émettant sur 406 MHz à bord des aéronefs immatriculés au Canada. Le NTSB a récemment recommandé à la FAA (recommandation numéro A-99-62) que toutes les ELT automatiques installées à bord d'aéronefs qui transportent des passagers contre rémunération respectent les exigences de la TSO C126 ou fassent appel à toute autre technologie équivalente. Cette recommandation n'a toujours pas été mise en œuvre. De son côté, le BST ne s'est encore jamais penché sur cette lacune.
1.11 Renseignements sur l'organisation et sur la gestion
L'exploitant détenait un certificat d'exploitation aérienne valide délivré conformément à la Partie VII, Services aériens commerciaux, du RAC. La compagnie exploitait deux avions monomoteurs et trois bimoteurs - Cessna A185F, Cessna U206F, Britten Norman BN. 26-26, Piper PA 31-350, Beech 100 - en vertu de la sous-partie 3 de la Partie VII du RAC, Exploitation d'un taxi aérien. Le certificat d'exploitation aérienne approuvait l'utilisation du PA-31 pour le vol monopilote pendant des opérations de transport de passagers et de fret effectuées en VFR et en IFR, de jour comme de nuit. La base principale de la compagnie se trouvait à Fort Liard.
La gestion de la compagnie comprenait un gestionnaire des opérations et un pilote en chef. Bien que cela ne soit pas obligatoire dans le cas d'une exploitation régie par la sous-partie 703, un responsable de la sécurité avait été nommé au sein de la compagnie. Le gestionnaire des opérations résidait de façon semi-permanente à Fort Liard et il était en congé au moment des faits; on pouvait toutefois le rejoindre au moyen d'un téléphone cellulaire. Quant au pilote en chef, il résidait normalement à Calgary et pilotait le King Air, la plupart du temps au départ d'Edmonton; il était en congé de maladie au moment de l'accident. Ses fonctions comprenaient la supervision de tous les équipages de conduite en poste. D'après le manuel des opérations de la compagnie, en cas d'absence soit du gestionnaire des opérations soit du pilote en chef, une autre personne qualifiée devait être nommée à sa place, et le gestionnaire des opérations comme le pilote en chef avaient cru comprendre que, si l'un n'était pas au travail, l'autre allait remplir les fonctions des deux gestionnaires. Le responsable de la sécurité avait assisté au cours de sécurité aérienne de compagnie donné par TC. Il ne possédait pas de qualification IFR et ne connaissait pas très bien les opérations IFR. Le gestionnaire des opérations, le pilote en chef et le pilote instructeur sur PA-31 possédaient une forte expérience des opérations aériennes commerciales, puisqu'ils combinaient à eux trois un nombre total d'heures de vol supérieur à 40 000.
La compagnie employait un pilote VFR et deux pilotes IFR à sa base de Fort Liard. Le pilote victime de l'accident n'était pas qualifié sur le Britten-Norman Islander de la compagnie et, le jour de l'accident, les deux autres pilotes avaient été envoyés effectuer un vol d'affrètement à deux membres d'équipage pour le compte d'une compagnie pétrolière. Un pourcentage important des activités de la compagnie se composait de vols d'affrètement effectués en Islander et en PA-31 pour le compte d'une compagnie pétrolière, et ces vols faisaient appel à un équipage composé de deux membres, conformément à une exigence du client. NWT Community Mobilizations a fait savoir qu'elle avait demandé la présence de deux pilotes quand elle avait affrété l'avion. Il a été établi que, à tout le moins, le client s'attendait à ce que deux pilotes soient assignés au vol; toutefois, comme le gros des négociations entourant l'affrètement a été effectué verbalement par téléphone, ni NWT Community Mobilizations ni Deh Cho Air n'ont pu produire de documents pour prouver qu'une demande officielle réclamant la présence de deux pilotes avait ou n'avait pas été faite. La compagnie disposait d'une liste de pilotes qualifiés de l'extérieur travaillant à temps partiel dans laquelle elle pouvait puiser lorsque l'importance de la charge de travail l'imposait; toutefois, aucun second pilote présent sur place n'était disponible le jour du vol, si bien que l'avion a été autorisé à partir pour un vol IFR monopilote.
1.12 Renseignements supplémentaires
1.12.1 Procédures de recherches et de sauvetage
Dans l'Ouest du Canada, les aéronefs principalement affectés aux opérations de recherches et de sauvetage (SAR) sont basés à Comox (Colombie-Britannique) et à Winnipeg (Manitoba). Fort Liard se trouve dans la région desservie par Winnipeg, et le délai d'intervention nécessaire avant qu'un Hercules ne puisse arriver dans la région de Fort Liard à partir de Winnipeg est normalement de cinq à sept heures. Dans le Nord, des moyens SAR secondaires existent sous la forme d'un avion Twin Otter basé à Yellowknife; toutefois, ces moyens sont affectés à diverses autres tâches en plus des opérations SAR, et ils sont tributaires de la disponibilité de l'équipage de conduite et de l'avion.
1.12.2 Procédures de calage altimétrique
Les deux altimètres de l'avion ont été retrouvés calés sur 30,12, ce qui correspondait au calage de Fort Simpson à 20 h. Cette différence a entraîné une erreur de lecture donnant une altitude supérieure de 200 pieds à l'altitude réelle. L'erreur d'altimètre en présence de basses températures (température interpolé de zéro degré Celsius) a dû ajouter 20 pieds supplémentaires aux 200 pieds agl.
En vertu du RAC 602.127 (2), « il est interdit au commandant de bord d'un aéronef IFR de commencer une procédure d'approche aux instruments à moins de caler l'altimètre de l'aéronef sur un calage altimétrique utilisable à l'aérodrome où l'approche est prévue ». L'approche de la compagnie à Fort Liard ne prévoit pas l'utilisation d'un calage altimétrique éloigné.
1.12.3 Procédures d'approche indirecte
La Publication d'information aéronautique (A.I.P. Canada) décrit la procédure d'approche indirecte comme une procédure IFR qui consiste, après une approche aux instruments, à manœuvrer à vue un aéronef de manière à le positionner pour qu'il puisse atterrir sur une piste ne se prêtant pas à une approche directe. Eu égard à l'aéroport et aux variables qui peuvent entrer en ligne de compte, il n'existe pas une seule et unique procédure pouvant s'appliquer dans toutes les circonstances. L'AIP donne quatre manœuvres typiques d'approche indirecte qui vont permettre à l'aéronef de rester dans la zone de sécurité pendant l'approche indirecte; le choix de la procédure à suivre pour effectuer un atterrissage en toute sécurité repose sur le pilote. Ce dernier est tenu de garder la piste en vue après le contact visuel initial et de rester à la MDA de l'approche indirecte jusqu'à ce que la réalisation d'un atterrissage normal puisse être assurée. D'après l'AIP, la piste étant en vue à la MDA de l'approche indirecte, le pilote devrait exécuter une approche interrompue s'il a le moindre doute quant au fait que le plafond ou la visibilité ne lui permettent pas de se rendre en toute sécurité jusqu'au point de toucher des roues.
Le gestionnaire des opérations favorisait l'exécution d'une procédure d'approche indirecte de la piste 02 en forme de poire et il avait jadis expliqué cette manœuvre aux autres pilotes de la compagnie. Cette procédure obligeait le pilote à survoler l'aéroport à un cap inverse à celui de la piste, puis à faire un virage de 30 degrés à droite et à partir en éloignement pendant une minute, et, enfin, à faire un virage à la cadence un pour revenir vers l'aéroport et à positionner l'avion en approche finale. Il se peut que, contrairement à ce qui est exigé pendant une approche indirecte, un pilote ayant recours à cette méthode atypique ne puisse maintenir le contact visuel avec la piste pendant qu'il s'éloigne de l'aéroport.
1.12.4 Impact sans perte de contrôle
Pour la Flight Safety Foundation, un accident CFIT en est un [TRADUCTION] « au cours duquel un aéronef sous la maîtrise de son équipage percute (de façon non intentionnelle) le relief, des obstacles ou la surface de l'eau sans que l'équipage ne soit moindrement conscient de l'imminence de la collision »Note de bas de page 4. Nous sommes donc ici en présence d'un accident CFIT caractéristique.
1.12.5 Radioaltimètre et dispositif avertisseur de proximité du sol
L'avion ne possédait ni radioaltimètre ni dispositif avertisseur de proximité du sol (GPWS) et, bien que l'un ou l'autre offre un moyen de défense contre les accidents consécutifs à des impacts sans perte de contrôle, la réglementation n'imposait pas leur présence. Un GPWS est exigé à bord de tous les avions à turboréacteurs ayant une masse maximale homologuée au décollage supérieure à 33 069 livres et transportant 10 passagers ou plus. Cette exigence ne s'étend pas à l'exploitation d'un taxi aérien en vertu de la sous-partie 703, bien que ce genre d'opérations puisse être effectué en vol monopilote, de nuit, dans des conditions météorologiques IFR, à l'intérieur de régions à hauts risques et souvent sans le bénéfice d'une surveillance radio ou de toute autre aide généralement fournie aux plus gros avions. Ce point a été considéré comme un facteur dans d'autres rapports d'enquête récents, à savoir : A98P0303, A00H0001 et A01W0269.
1.12.6 Taux d'accidents pendant des vols régis par la sous-partie 703
Tout exploitant aérien canadien qui utilise, dans le cadre d'un service de transport aérien ou d'un travail aérien comportant des excursions aériennes, soit un aéronef monomoteur, soit un aéronef multimoteur autre qu'un avion à turboréacteurs, dont la masse maximale au décollage ne dépasse pas 19 000 livres et dont la configuration prévoit au plus neuf sièges, sans compter les sièges pilotes, tombe dans la catégorie relative à l'exploitation d'un taxi aérien (sous-partie 703) des services aériens commerciaux. En 1996, TC a mis sur pied le Groupe de travail chargé de l'examen de la sécurité de l'exploitation d'un taxi aérien (SATOPS) afin de traiter la question du fort taux d'accidents parmi les exploitants régis par la sous-partie 703. Il en est résulté un rapport contenant 71 recommandations visant à améliorer la sécurité dans le secteur du taxi aérien. TC a l'intention d'évaluer le SATOPS d'ici peu en examinant les mesures prises pour mettre en œuvre les recommandations ainsi que l'effet du travail accompli sur la sécurité. De récentes statistiques montrent que, en ce qui a trait à l'exploitation régie par la sous-partie 703, le taux d'accidents a diminué au cours des dernières années mais qu'il est encore nettement supérieur aux taux visant les sous-parties 704 et 705. En 2001, le taux d'accidents par 100 000 heures de vol a été de 0,4 pour la sous-partie 705 (Exploitation d'une entreprise de transport aérien), 2,5 pour la sous-partie 704 (Exploitation d'un service aérien de navette) et 4,2 pour la sous-partie 703 (Exploitation d'un taxi aérien).
2.0 Analyse
2.1 Introduction
Sans que l'on sache pourquoi, le pilote n'a pas maintenu une altitude suffisante pendant une approche indirecte effectuée de nuit en IMC, et l'avion a percuté le sol avant la piste. L'avion était équipé pour le vol conformément aux exigences réglementaires, et un examen de l'épave sur les lieux n'a révélé la présence d'aucun problème mécanique préexistant qui aurait contribué à l'accident. Le pilote n'avait exprimé aucune inquiétude à propos de l'avion pendant le vol, et les passagers n'ont reçu aucun avertissement de l'impact imminent avec le sol. Il s'agit là d'un accident CFIT des plus caractéristiques. L'analyse va chercher à savoir pourquoi l'accident s'est produit et va se pencher sur les facteurs latents et les manquements à la sécurité suivants :
- les facteurs liés à l'organisation et à la gestion;
- les conditions environnementales;
- les procédures d'approche indirecte;
- les recherches et le sauvetage;
- les possibilités de survie des occupants;
- le taux d'accidents pendant des vols régis par la sous-partie 703;
- l'enregistrement vidéo numérique dans le poste de pilotage.
2.2 Facteurs liés à l'organisation et à la gestion
Plusieurs systèmes de défense existants ont été soit absents soit inutilisés. Aucun rappel au travail en dehors des heures de service du préposé chargé des observations ou des communications CARS n'a été demandé, et Fort Liard ne possédait pas d'équipement comme un AWOS avec un module de génération de la voix, si bien que le pilote n'a disposé ni d'un calage altimétrique valide en approche ni des conditions météorologiques qui régnaient à ce moment-là à Fort Liard. Les installations de l'aéroport étaient minimales pour l'exécution d'une approche IFR de non-précision effectuée de nuit, et l'avion ne possédait ni radioaltimètre ni GPWS. Les radioaltimètres et les GPWS sont réputés être des moyens de défense contre les accidents CFIT, et il a été démontré qu'ils augmentaient la sécurité dans les environnements opérationnels à hauts risques. Pendant un vol monopilote en IFR, le pilote est confronté à une lourde charge de travail, et la combinaison de l'inexpérience du pilote, du vol IFR de nuit effectué dans des conditions IMC, de la présence d'un seul pilote, des aides à l'approche minimales et de la procédure d'approche indirecte a fait que le pilote s'est retrouvé dans une situation très risquée. Si l'avion avait été équipé d'un radioaltimètre avec alarme d'altitude ou d'un GPWS, la probabilité que cet accident survienne aurait été moindre.
La qualité du repos que le pilote a pris pendant les cinq heures qu'il a passées, durant le jour, dans une chambre louée, n'a pu être établie. On sait que le pilote a connu au moins trois interruptions pendant sa période de repos, une fois pour prendre un repas, et deux fois pour téléphoner. L'exécution, de nuit, d'une approche de non-précision en IMC à la fin d'une journée de service devait exiger un haut degré d'habileté et d'attention accompagné d'une lourde charge de travail. Si rien n'indique que le pilote souffrait de fatigue chronique, il se peut que celui-ci ait subi les effets de la fatigue aiguë. Il n'a pas été possible de déterminer si la fatigue aiguë avait été un facteur dans le présent accident.
Un système de gestion de la sécurité est un système grâce auquel un organisme détermine les risques en aviation et élabore des programmes et des procédures destinés à minimiser lesdits risques. Souvent, il est possible de faire remonter les raisons d'un événement jusqu'à des facteurs reconnaissables liés à l'organisation et à la gestion. Un examen visant à savoir si les politiques, les procédures et les façons de faire d'une compagnie concordent et reflètent fidèlement une bonne philosophie en matière de sécurité, est un élément clé pour bien comprendre le rôle de tels facteurs dans un accident. Au cours du présent accident, il est clair que, même si le système de gestion semblait disposer de toutes les ressources pour offrir des conseils et un appui opérationnels, il présentait des lacunes au niveau de son application, ce qui menait à des messages contradictoires et au fait que la sécurité ne faisait peut-être pas l'objet d'une attention optimale. Par exemple :
- si la compagnie disposait dans son personnel de gestion d'un gestionnaire des opérations, d'un pilote en chef et d'un responsable de la sécurité, l'absence de personnel de gestion à temps complet sur place et le fait que le responsable de la sécurité connaissait mal les opérations IFR sont des éléments qui pouvaient faire que des risques opérationnels ne soient pas gérés correctement. Cela paraît si l'on considère que, le jour de l'accident, les personnes responsables du contrôle opérationnel n'étaient pas là où il fallait pour surveiller les aspects opérationnels du vol, comme l'évolution des conditions météorologiques, si bien que l'avion a été autorisé à partir en vol monopilote alors que le pilote avait une expérience limitée du vol en IFR et dans l'environnement nordique, et alors qu'il avait démontré récemment des faiblesses dans l'exécution d'approche IFR de non-précision.
- Il y avait des différences apparentes entre les procédures opérationnelles et les façons de faire opérationnelles; ainsi :
- il avait beau être possible, moyennant finance, de demander le rappel au travail d'un préposé de la CARS en dehors des heures d'ouverture, la compagnie avait l'habitude de ne pas faire ce genre de demande, si bien que le pilote n'a disposé ni du bon calage altimétrique en approche ni des dernières conditions météorologiques qui régnaient à l'aéroport;
- le système mis en place par la compagnie pour surveiller les heures de vol et de service des équipages afin de veiller à ce que les pilotes ne dépassent pas le nombre d'heures que le RAC autorise dans une période de temps donnée, et ce, afin de prévenir la fatigue, n'était pas une source de renseignements idéale en ce qui concerne les qualifications pour des genres de vol bien particuliers, comme un vol IFR monopilote de nuit. Par conséquent, si le pilote possédait les licences et les qualifications nécessaires au vol, il ne respectait pas les exigences de mise à jour des connaissances nécessaires au transport de passagers de nuit qui figurent dans le RAC. De la même façon, le pilote ne respectait les exigences du RAC 723.86 (1) relatives au vol monopilote en IFR qu'en utilisant des heures de vol qui ne pouvaient compter comme de l'expérience de vol en prévision de l'obtention d'une licence supérieure, ce qui veut donc dire qu'il avait probablement l'expérience minimale exigée pour le vol monopilote en IFR.
- Même si cela ne contrevenait pas à la réglementation, l'avion ne possédait aucun équipement qui aurait pu avertir le pilote de l'imminence d'un impact contre le relief, et ce, malgré l'environnement à hauts risques au milieu duquel évoluait la compagnie.
Ces exemples montrent que, au moment des faits, à cause de lacunes dans la gestion de la sécurité de la compagnie, les responsabilités inhérentes à la gestion des risques reposaient presque entièrement sur les épaules du pilote, ce qui va à l'encontre d'une exploitation sûre. De plus, la nature de ces lacunes était telle que celles-ci auraient pu être déterminées grâce à un système de gestion de la sécurité plus efficace. Si la compagnie avait pris l'initiative de nommer volontairement un responsable de la sécurité et qu'un programme de sécurité semblait avoir été mis en place, ce programme ne répondait peut-être pas aux besoins.
2.3 Conditions environnementales
Le pilote avait obtenu des exposés météorologiques complets et était au courant du front chaud qui s'approchait de Fort Liard. Entre le moment où l'avion a quitté Yellowknife et celui où il est arrivé à Fort Liard, les conditions météorologiques s'étaient détériorées à Fort Liard, tel que cela avait été prévu, à cause de l'arrivée du front chaud, et le plafond ainsi que la visibilité avaient grandement diminué dans la neige.
Les approches à vue de nuit sont exigeantes, notamment dans les régions où le manque de repères visuels externes en nombre suffisant n'est pas compensé par la présence d'autres moyens de défense, et les manœuvres à vue nécessaires à la réalisation d'une approche indirecte dans les conditions environnementales qui régnaient à ce moment-là ont dû être une tâche ardue pour un seul pilote. En supposant que le pilote ait commencé par acquérir des références visuelles de la piste, il a dû essayer de voler à vue en balayant partiellement le tableau de bord des yeux plutôt que de se servir de ses instruments comme principale référence, dans un environnement qui offrait peu de repères visuels externes à cause de l'obsécuritéé et de la visibilité réduite. Ses principales références vers l'avant et verticalement pendant l'approche à vue de la piste ont dû être les feux du PAPI et le balisage lumineux de la piste. Cette dernière est située très près du village comme tel et, dans les conditions existantes, l'éclairage provenant des maisons et des rues a peut-être diminué les repères fournis par les lumières de l'aéroport. La neige qui tombait et le non-fonctionnement des feux stroboscopiques d'identification de piste ont dû rendre la piste encore plus difficile à repérer.
2.4 Procédures d'approche indirecte
Le fait de descendre sous l'altitude minimale de descente d'une approche IFR pendant la phase d'approche indirecte est assujetti au fait que le pilote conserve suffisamment de références visuelles au sol pour pouvoir se poser en toute sécurité. Le pilote a peut-être utilisé une procédure d'approche indirecte atypique qui lui aurait demandé de rétablir le contact visuel avec la piste en approche finale, mais cela n'a pas pu être établi. Dès qu'il y a perte des références visuelles avec la piste n'importe où dans une procédure d'approche indirecte, le pilote est tenu de remettre les gaz et de faire une autre approche ou de se rendre à un aéroport de dégagement. À l'impact, l'avion était à un cap d'environ 015°, approximativement 1,3 mille marin à l'ouest-sud-ouest de l'aéroport et 0,3 mille marin à gauche de l'axe de la piste. Cela pourrait indiquer que le pilote ne disposait pas de références visuelles pour s'aligner avec la piste en approche finale et qu'il avait choisi de poursuivre l'approche sans les références visuelles nécessaires.
L'utilisation du calage altimétrique de Fort Simpson n'était pas autorisée, la carte d'approche ne prévoyant pas l'utilisation d'un calage altimétrique éloigné. En utilisant ce calage altimétrique, le pilote a dû se trouver à voler 200 pieds plus bas que ne l'indiquait l'altimètre, ce qui peut avoir contribué à une perte de conscience de la situation verticale.
2.5 Recherches et sauvetage
L'ELT s'est déclenchée à l'impact, et l'accident s'est produit à proximité immédiate du village; il n'empêche qu'il s'est écoulé 10 heures entre le moment où l'accident est survenu et le moment où les sauveteurs sont arrivés sur les lieux de l'accident. Bien que le système SARSAT ait fonctionné tel que prévu, l'emplacement supposé de l'ELT se trouvait en dehors des limites acceptables de précision du système. Les occasions qu'auraient eu les sauveteurs locaux de repérer et d'atteindre le lieu de l'accident plus tôt ont été contrariées par le manque de précision initiale de l'emplacement donné par le SARSAT, par le temps nécessaire à l'arrivée des aéronefs SAR dans la région de Fort Liard ainsi que par l'obsécuritéé et les mauvaises conditions météorologiques. La présence d'une ELT émettant sur 406 MHz aurait réduit de beaucoup le temps consacré aux opérations SAR.
2.6 Possibilités de survie des occupants
Ni le pilote ni le passager assis en place avant droite ne portaient les ceintures-baudriers qui étaient à leur disposition. Il est probable que la gravité des blessures subies par ces personnes aurait été de beaucoup moindre si les ceintures-baudriers avaient été utilisées.
2.7 Taux d'accidents pendant des vols régis par la sous-partie 703
À l'heure actuelle, le taux d'accidents par 100 000 heures de vol pendant l'exploitation d'un taxi aérien régie au Canada par la sous-partie 703 est 10 fois supérieur au taux équivalent concernant la sous-partie 705 (Exploitation d'une entreprise de transport aérien). Cette différence s'explique en grande partie par les normes d'exploitation beaucoup plus strictes qui s'appliquent à l'exploitation régie par la sous-partie 705 ainsi que par l'utilisation proportionnellement plus grande d'aéroports bien équipés par des vols commerciaux de plus haut niveau. Il est ainsi permis de supposer que l'industrie et l'organisme de réglementation devraient déployer des efforts supplémentaires pour réduire le taux d'accident toujours élevé que connaît l'exploitation régie par la sous-partie 703.
2.8 Enregistreur vidéo numérique de poste de pilotage (CVDR)
Le pilote a été incapable de fournir des renseignements utiles sur les dernières minutes du vol, et l'avion ne possédait aucun enregistreur de vol. Par conséquent, les enquêteurs ont été incapables de déterminer si l'écart d'altitude était le résultat d'une erreur de procédure, d'une erreur au niveau de la conscience de la situation, d'une distraction ou de toute autre raison inconnue. La présence d'un CVDR aurait permis aux enquêteurs de reconstituer la véritable trajectoire de vol de l'avion et de mieux déterminer pourquoi cet écart d'altitude s'était produit. (Voir l'annexe B pour en savoir plus sur le CVDR.)
3.0 Conclusions
3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- Sans que l'on sache pourquoi, le pilote n'a pas maintenu une altitude suffisante pendant une approche indirecte effectuée de nuit en IMC, et l'avion a percuté le sol.
- Le pilote et le passager assis en place avant ne portaient pas les ceintures-baudriers mises à leur disposition, comme l'exigeait la réglementation, ce qui a probablement contribué à la gravité de leurs blessures.
3.2 Faits établis quant aux risques
- L'avion n'était équipé ni d'un GPWS ni d'un radioaltimètre, ce qui ne contrevenait pas à la réglementation.
- Le pilote s'est servi d'un calage altimétrique non autorisé, ce qui a dû se traduire par une lecture des altimètres du poste de pilotage supérieure de quelque 200 pieds par rapport à l'altitude réelle.
- Le pilote ne respectait pas les exigences du RAC 401.05 (2) qui portent sur la mise à jour des connaissances nécessaires au transport de passagers.
- Les responsabilités en matière de gestion des risques reposaient presque entièrement sur les épaules du pilote.
- Si la compagnie avait pris l'initiative de nommer volontairement un responsable de la sécurité et qu'un programme de sécurité semblait avoir été mis en place, ce programme ne répondait peut-être pas aux besoins.
3.3 Autres faits établis
- Quelque 28 heures de temps de vol inscrites par le pilote comme des heures en double commande sur multimoteur n'auraient pu servir comme expérience de vol en prévision de la délivrance d'une licence supérieure.
- Le RAC ne définit pas les expressions « familiarisation en vol », « expérience de vol » ou « double commande » et ne traite donc pas de la « qualité » du temps de vol.
- Les occasions qu'auraient eu les sauveteurs locaux de repérer et d'atteindre le lieu de l'accident plus tôt ont été contrariées par le manque de précision initiale de l'emplacement donné par le SARSAT, par le temps nécessaire à l'arrivée des aéronefs SAR dans la région de Fort Liard ainsi que par l'obsécuritéé et les mauvaises conditions météorologiques.
- Le temps moindre qu'il faut pour alerter le système SAR et le plus grand degré de précision découlant de l'utilisation d'une ELT émettant sur 406 MHz, notamment si cette dernière bénéficie d'une interface avec le GPS de bord, auraient permis aux sauveteurs d'arriver sur les lieux plus rapidement.
- Les vols régis par la sous-partie 703 (Exploitation d'un taxi aérien) continuent de connaître un taux d'accidents nettement plus élevé que ceux régis par les sous-parties 704 (Exploitation d'un service de navette) et 705 (Exploitation d'une entreprise de transport aérien).
4.0 Mesures de sécurité prises
À la suite de cet accident, Deh Cho Air a pris les mesures suivantes :
- Jusqu'à nouvel ordre, tout vol sur multimoteur effectué de nuit ou tout vol IFR ne pourra être effectué que par un équipage composé de deux pilotes (consigne numéro 2 de la compagnie Deh Cho Air publiée le 19 octobre 2001).
- Dès aujourd'hui, tous les membres d'équipage de conduite devront porter leurs ceintures-baudriers, et ce, sans la moindre exception (consigne numéro 3 de la compagnie Deh Cho Air publiée le 19 octobre 2001).
- Tous les pilotes doivent se servir du programme FLIGHT DUTY qui se trouve dans le système informatique de la compagnie pour inscrire et surveiller leurs heures de service et leurs heures de vol (consigne numéro 4 de la compagnie Deh Cho Air publiée le 21 octobre 2001).
- Dès qu'un avion de Deh Cho Air arrivera en IFR en dehors des heures d'ouverture de la CARS de Fort Liard, il y aura demande de rappel au travail d'un préposé de manière que les derniers renseignements sur les conditions météorologiques et sur l'aéroport puissent être communiqués à l'appareil à l'arrivée. Ce rappel au travail sera coordonné par l'entremise de la personne chargée de la surveillance des vols (consigne numéro 6 de la compagnie Deh Cho Air publiée le 1er novembre 2001).
Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée par le Bureau le .
Annexes
Annexe A -Carte d'approche (de compagnie) au NDB de la piste 20 à Fort Liard
Ce document n'est pas disponible en français.
Annexe B - Renseignements entourant des accidents où la présence d'un CVDR aurait pu être utile
Voici quelques accidents survenus récemment dans la Région de l'Ouest. Dans tous ces accidents, il est probable que l'existence de renseignements tirés d'un enregistreur vidéo numérique de poste de pilotage (CVDR) aurait permis aux enquêteurs de mieux reconstituer les événements ayant mené aux accidents et de mieux comprendre la défaillance active et les manquements à la sécurité entourant ces accidents.
A00W0177 - Cessna 208, 2 morts, rapport rendu public - Le Cessna 208 Caravan de la GRC avait quitté Teslin Lake avec, à son bord, le pilote et un technicien de la GRC. Peu après le décollage, on a vu l'avion partir dans un cabré accentué avant de décrocher et de descendre en piqué prononcé vers la surface de l'eau. L'avion a été détruit et les deux occupants ont été tués. Le pilote a probablement été victime de désorientation spatiale, mais on ne peut l'affirmer.
A00W0217 - Short Brothers SC-7 Skyvan, 3 morts, rapport rendu public - Le Short Brothers SC-7 Skyvan effectuait un vol VFR en direction de Port Radium (T.N.-O.). Pour des raisons indéterminées, l'appareil est descendu au-dessous de l'altitude du relief entourant la piste, ce qui a donné lieu à impact contre le relief sans perte de maîtrise. L'avion a été détruit et ses trois occupants ont été tués. Personne n'a été témoin des faits.
A01W0118 - Cessna 310, 2 morts, rapport rendu public - Le Cessna 310 servait d'avion de pointage pendant des opérations de lutte contre les incendies. L'appareil a probablement décroché pendant un virage à basse altitude sans qu'un rétablissement ne soit possible, mais l'heure et les conditions de l'impact comme tel ne sont pas connues. Les deux occupants ont été tués. Il n'y a eu aucun témoin, et l'avion a été détruit au cours d'un violent incendie qui s'est déclenché après l'impact.
A01W0190 - Eurocopter AS 350 BA, un blessé grave, rapport rendu public - L'hélicoptère Eurocopter AS 350 BA était en train d'atterrir dans des conditions d'altitude-densité élevées. Au moment où l'appareil s'est mis en stationnaire bas avant de se poser, le pilote a perdu la maîtrise en direction et l'alarme sonore de bas régime rotor a retenti. L'hélicoptère a touché le sol et s'est renversé sur le flanc droit. L'hélicoptère a subi de lourds dommages et un des six occupants a été grièvement blessé. L'enquête a été compliquée dès le début à cause de l'incohérence entre les témoignages des cinq passagers et du pilote quant au sens de rotation de l'hélicoptère avant l'impact.
A01W0261 - Piper PA 31, 3 morts, 3 blessés graves, rapport rendu public - Le Piper PA-31 Navajo Chieftain a entrepris une procédure d'approche au radiophare de non-précision dans le cadre de la procédure d'approche indirecte de la piste 02 à Fort Liard (T.N.-O.). L'avion a percuté le sol 1,3 mille marin avant le seuil de la piste et a été lourdement endommagé. Trois des six occupants ont été tués tandis que les trois autres ont été grièvement blessés. L'enquête a établi que, pour des raisons inconnues, le pilote n'avait pas maintenu une altitude suffisante pendant une approche indirecte de nuit en IMC.
A01W0297 - Eurocopter EC120B, 2 blessés légers, rapport rendu public - L'hélicoptère Eurocopter EC120B effectuait un vol d'entraînement à l'est de l'aéroport de Yellowknife. Après quelque 25 minutes de vol, au cours d'une approche au moteur vers une grande clairière, la vitesse du rotor a diminué et l'alarme sonore de bas régime a retenti à une hauteur d'environ 150 pieds au-dessus du sol. Le pilote s'est mis en autorotation et l'hélicoptère a fait atterrissage brutal, ce qui lui a occasionné d'importants dommages. Les pilotes ont été légèrement blessés. La raison de la perte de puissance n'a pas été établie.
A01W0304 - Cessna 172, 4 morts, rapport rendu public - Le Cessna 172 a été déclaré en retard à la suite d'un vol VFR dans les T.N.-O. L'épave a été retrouvée deux jours plus tard sur un versant abrupt, à environ 300 pieds du sommet d'une montagne haute de 1 400 pieds. Les quatre occupants avaient péri et l'appareil avait été lourdement endommagé. Il semble que l'accident soit relié aux conditions météorologiques; toutefois, en l'absence de témoins et de survivants, les circonstances ayant entraîné l'accident et au moment de l'impact ne sont pas connues.
A02W0057 - Eurocopter AS 350 D, un blessé grave, deux blessés légers, rapport non encore rendu public - Le pilote essayait de poser l'Eurocopter AS 350 D en terrain montagneux quand l'appareil a été confronté à des rafales de vent et à une augmentation de la vitesse d'enfoncement en courte finale. Le pilote a interrompu l'approche et a viré du côté de la pente descendante mais a été incapable d'arrêter le taux d'enfoncement. La descente s'est poursuivie, l'alarme sonore de bas régime rotor a retenti, et l'hélicoptère a fini par se poser dans des arbres avant de se renverser sur le flanc droit. Le pilote a été grièvement blessé, tandis que les deux passagers ont subi de légères blessures. L'appareil a été lourdement endommagé. Aucun problème mécanique n'a été découvert au cours de l'enquête. Il y avait, à bord, une caméra servant aux nouvelles télévisées qui avait fonctionné de temps à autre avant l'accident. L'enregistrement a fourni des renseignements partiels, mais la séquence filmée était incomplète dans les moments ayant immédiatement précédé l'impact.
A02W0064 - R22, un mort, rapport rendu public - L'hélicoptère Robinson R22 Beta a percuté le sol dans le périmètre d'un site d'extraction de gaz naturel. Le pilote a été tué, et l'hélicoptère a été détruit. Il n'y a eu aucun témoin, et l'enquête n'a pas réussi à déterminer de façon relativement certaine pourquoi l'hélicoptère s'était écrasé.
A02W0100 - Eurocopter AS 350 D, deux blessés légers, enquête sur les lieux terminée, pas de rapport - L'Eurocopter AS350B était en train d'atterrir sur un chemin d'accès pour laisser descendre une équipe de lutte contre les incendies. Le pilote a constaté une perte de puissance et a entendu l'alarme de bas régime rotor en approche au moment où il abaissait le collectif pour garder la maîtrise de l'appareil. Ce dernier a commencé à virer à droite de façon intempestive et s'est posé lourdement sur le bas-côté droit du chemin. La poutre de queue s'est détachée, et l'hélicoptère a viré dans le sens des aiguilles d'une montre pendant plusieurs tours avant de se renverser sur le flanc droit. Un incendie s'est déclenché et a détruit l'hélicoptère, à l'exception du moteur et de la poutre de queue. Deux des cinq occupants ont été légèrement blessés. L'enquête sur le terrain et l'examen du moteur ont permis d'établir qu'il était difficile de savoir s'il y avait eu perte de puissance; toutefois, il a été décidé de ne pas pousser plus loin l'enquête, faute de renseignements utilisables.
A02W0173 - Piper PA-34, deux morts, rapport non encore rendu public - Le Piper PA-34 effectuait un vol IFR entre Edmonton et High Prairie (Alberta); à bord se trouvaient le pilote et un passager. L'avion n'est pas arrivé à High Prairie et l'épave a été localisée dans une région fortement boisée, quelque 7 milles marins au sud-est de l'aéroport de High Prairie. Les deux occupants avaient péri et l'appareil avait été détruit. Il n'y a eu aucun témoin et, jusqu'à maintenant, l'enquête n'a pas été en mesure de déterminer ce qui s'était passé.
Tous ces aéronefs étaient utilisés comme des appareils d'État ou commerciaux au moment des faits. À une exception près, des passagers se trouvaient à bord quand les accidents se sont produits. Dans tous les cas, la qualité de l'enquête a été amoindrie à cause du peu de données disponibles. Comme cela a été mentionné plus haut dans le présent rapport, les appareils effectuant des vols régis par la sous-partie 703 ne sont généralement pas équipés en usine de l'infrastructure électrique nécessaire à la présence d'un enregistreur de données de vol (FDR), et la pose d'un tel enregistreur dans des appareils de cette catégorie nécessiterait de coûteuses améliorations de systèmes pour pouvoir accommoder un FDR. Un enregistreur vidéo numérique de poste de pilotage (CVDR) constitue une solution de rechange au FDR qui est à la fois légère et comparativement peu onéreuse.
Annexe C - Liste des rapports de laboratoire pertinents
L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :
- LP 096/2001 – PA-31 Flight Instrument and Annunciator Panel Examination (Examen d'instruments de vol et du panneau annonciateur)
Annexe D - Sigles et abréviations
- agl
- au-dessus du sol
- AIP
- Publication d'information aéronautique
- ARCAL
- balisage lumineux d'aérodrome télécommandé
- asl
- au-dessus du niveau de la mer
- BST
- Bureau de la sécurité des transports du Canada
- AWOS
- système automatisé d'observations météorologiques
- CARS
- station radio d'aérodrome communautaire
- CCOS
- Centre de coordination des opérations de sauvetage
- CCP
- contrôle de compétence pilote
- CFIT
- impact sans perte de maîtrise, de l'anglais controlled flight into terrain
- CVDR
- enregistreur vidéo numérique de poste de pilotage
- CVR
- enregistreur de la parole dans le poste de pilotage
- DME
- équipement de mesure de distance
- ELT
- radiobalise de repérage d'urgence
- FAA
- Federal Aviation Administration
- FDR
- enregistreur de données de vol
- FSS
- station d'information de vol
- GPS
- système mondial de localisation
- GPWS
- dispositif avertisseur de proximité du sol
- HAR
- heure avancée des Rocheuses
- IFR
- règles de vol aux instruments
- IMC
- conditions météorologiques de vol aux instruments
- LWIS
- système d'information météorologique restreint
- MDA
- altitude minimale de descente
- METAR
- message d'observation météorologique régulière pour l'aviation
- MHz
- mégahertz
- NATA
- Northern Air Transport Association
- NDB
- radiophare non directionnel
- NOTAM
- Avis aux navigants
- NTSB
- National Transportation Safety Board
- PAPI
- indicateur de trajectoire d'approche de précision
- RAC
- Règlement de l'aviation canadien
- RLS
- radiobalise de localisation des sinistres
- SAR
- recherches et sauvetage
- SARSAT
- système de satellites de recherches et de sauvetage
- SATOPS
- Groupe de travail de TC chargé de l'examen de la sécurité de l'exploitation d'un taxi aérien
- SOP
- procédures d'utilisation normalisées
- TC
- Transports Canada
- T.N.-O.
- Territoires du Nord-Ouest
- TSO
- Technical Standard Order
- VFR
- règles de vol à vue
- VGM
- module de génération de la voix
- VHF
- très haute fréquence
- VOR
- radiophare omnidirectionnel VHF
- WJL/YJF
- station environnementale automatique