Perte de puissance - panne d'alimentation en carburant
hélicoptère McDonnell Douglas 369HS C-FCVV
exploité par Delta Helicopters Ltd.
à 2 nm au sud de Fort Simpson
(Territoires du Nord-Ouest)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
L'hélicoptère McDonnell Douglas 369HS, immatriculé C-FCVV et portant le numéro de série 440584S, effectue un vol selon les règles de vol à vue entre un camp de chasse situé aux abords de la rivière Nahanni Sud et Fort Simpson (Territoires du Nord-Ouest) avec à son bord un pilote et un passager. À environ 25 milles marins de Fort Simpson, le pilote remarque que la jauge de carburant indique une quantité de carburant bien plus grande qu'elle ne le devrait, étant donné le temps que l'hélicoptère a passé dans les airs. Par mesure de précaution, le pilote se met à suivre une ligne de coupe, puis une route, afin de demeurer au-dessus d'un terrain propice à un atterrissage forcé. Vers 19 h, heure locale, l'hélicoptère arrive à proximité de la surface de posé lorsque le pilote amorce un virage vers la gauche en vue de l'approche finale. Durant le virage, qui s'effectue à une altitude située entre 100 et 200 pieds au-dessus du sol, le moteur (Allison 250-C20) s'éteint en vol. Le pilote effectue une autorotation et tente un atterrissage forcé sur une route secondaire. Cependant, l'hélicoptère percute des arbres avant de pouvoir atteindre la route et descend rapidement au sol. Le pilote subit des blessures mortelles, et le passager est grièvement blessé. Quant à l'hélicoptère, il est lourdement endommagé.
Renseignements de base
Le bulletin météorologique horaire donnant les conditions qui régnaient à Fort Simpson à 19 h, heure avancée des Rocheuses (HAR)Note de bas de page 1, était le suivant : minces nuages fragmentés en altitude; visibilité illimitée; vent du sud-est à 8 noeuds; température de 8 °C.
Le pilote était qualifié conformément à la réglementation en vigueur. Il était titulaire d'une licence canadienne de pilote professionnel en état de validité avec les qualifications requises pour exploiter trois types d'hélicoptère, dont le McDonnell Douglas 369. Il cumulait, semble-t-il, plus de 5 000 heures de vol, dont environ 2 000 sur hélicoptère. Il cumulait quelque 600 heures de vol sur l'hélicoptère McDonnell Douglas 369. Le pilote était le propriétaire de l'hélicoptère, et Delta Helicopters était le locataire de l'appareil au moment de l'accident.
Les deux occupants portaient les ceintures-baudriers à enroulement à inertie et les sangles sous-abdominale qui étaient mises à leur disposition. Le pilote a subi des blessures mortelles tandis que le passager a été grièvement blessé.
L'examen de l'épave sur place a permis de déterminer que le moteur s'était éteint en raison d'une panne d'alimentation en carburant. L'hélicoptère était équipé d'un circuit carburant principal et d'un circuit carburant auxiliaire, et les deux circuits ont été examinés après la récupération de l'épave. Environ trois tasses de carburant ont été récupérées des réservoirs principaux et 132,5 livres supplémentaires du réservoir auxiliaire. La commande d'ouverture et de fermeture du robinet du réservoir auxiliaire était coincée en position fermée, en raison de dommages subis au moment de l'impact.
Le circuit carburant principal du McDonnell Douglas 369HS comprend deux réservoirs souples interconnectés faits de caoutchouc qui sont situés dans des compartiments séparés sous le plancher de la cabine. Le carburant alimentant le moteur provient du réservoir gauche. Le circuit carburant principal peut contenir 62,1 gallons américains, ou environ 416 livres, de carburant utilisable. La partie supérieure de chaque réservoir est fixée au dessous du plancher de la cabine. Les côtés et la partie inférieure des réservoirs ne sont pas attachés au compartiment afin de réduire les risques de déchirement et de déversement de carburant durant un accident. La structure des compartiments carburant n'a pas été déformée à l'impact. Un examen visuel des réservoirs principaux a permis de découvrir que ces derniers comportaient des plis et qu'ils s'étaient affaissés à plusieurs endroits dans les compartiments qui les logeaient.
L'hélicoptère était équipé d'un circuit d'indication de quantité de carburant à flotteur et d'un voyant d'avertissement FUEL LOW, lequel est censé s'allumer lorsque la quantité de carburant dans les réservoirs principaux passe environ sous la barre des 35 livres. Durant les 15 dernières minutes de vol en direction de Fort Simpson, le pilote a vérifié à deux reprises les voyants du tableau annonciateur afin de s'assurer du bon fonctionnement du voyant d'avertissement FUEL LOW. Le voyant FUEL LOW ne s'est pas allumé avant que le moteur ne s'éteigne. Le capteur de quantité de carburant, réf. 369D296303-5, était fixé dans le réservoir gauche. Les indications de quantité de carburant et la mise sous tension du voyant d'avertissement FUEL LOW dépendent de la position du bras dont est équipé le capteur de quantité de carburant; par conséquent, si ce bras est gêné dans ses déplacements, aucun des deux circuits ne fonctionnera comme il se doit. Le circuit d'indication de quantité de carburant et le voyant d'avertissement FUEL LOW ont fait l'objet d'un essai sur les lieux de l'accident, et ils ne présentaient aucune anomalie.
Le réservoir auxiliaire était fixé derrière le dossier du siège arrière de la cabine, conformément au certificat de type supplémentaire numéro SH656GL de la Fargo Manufacturing Company. Ce circuit transfère du carburant auxiliaire par gravité dans les réservoirs principaux lorsque le robinet de carburant auxiliaire est placé sur OPEN. Le circuit est actionné par le pilote grâce à un bouton de commande situé sur le plancher près de la porte gauche du poste de pilotage. La procédure normale de transfert de carburant, tel que le stipule le 3969HS Rotorcraft Flight Manual Supplement (supplément au manuel de vol de l'hélicoptère 3969H) approuvé par la Federal Aviation Administration (FAA) en ce qui concerne le circuit de carburant auxiliaire Fargo, consiste à utiliser le carburant des réservoirs principaux jusqu'à ce qu'il reste 200 livres, puis à transférer du carburant du réservoir auxiliaire.
Le réservoir auxiliaire n'était pas équipé d'un indicateur de quantité de carburant. Habituellement, la jauge carburant se stabilise pendant le transfert du carburant puisque le taux de transfert équivaut à peu près au taux de consommation de carburant. Le réservoir carburant auxiliaire avait une capacité de 21 gallons américains, ou environ 138 livres, de carburant utilisable. Le circuit auxiliaire avait été posé dans l'hélicoptère en juillet 2000. Un examen du carnet de route du pilote a permis de constater qu'il avait fait peu de vols nécessitant l'utilisation du système. Aucune anomalie mécanique n'a été identifiée lors de l'examen du circuit carburant auxiliaire qui a été effectué sur place.
L'hélicoptère avait quitté le camp de chasse vers 16 h, et l'accident s'est produit de jour vers 19 h. Le vol comprenait deux arrêts, et selon les estimations, le temps dans les airs pour les trois segments de vol aurait été de deux heures et quarante minutes. Habituellement, l'hélicoptère a une consommation horaire de carburant de 24 gallons américains, ou 168 livres, en régime de croisière. Le réservoir auxiliaire était plein, et les réservoirs principaux étaient pleins ou presque avant le décollage, ce qui aurait été suffisant pour un vol d'environ trois heures et vingt minutes.
L'hélicoptère portant le numéro de série 440584S a été construit en 1974. L'appareil était été équipé, au moment de la construction, d'un seul tube de mise à l'air libre carburant, lequel sortait sous le fuselage. Le Service Information Notice (avis d'information en service) HN-81 publié par Hughes le 2 janvier 1975 prévoyait l'installation d'un tube de mise à l'air libre supplémentaire avec son carénage, trousse de modification numéro M50042, afin de fournir un autre moyen de mise à l'air libre aux hélicoptères MD 369HS, numéros de série 0101S à 0671S. L'installation de ce tube supplémentaire était facultative et laissée à la discrétion des propriétaires et des exploitants des hélicoptères visés par l'avis. La pose de ce tube dans les hélicoptères MD 369 a été effectuée aux installations du constructeur dans le cas des hélicoptères construits après 1975.
En avril 2001, soit 45 heures de vol avant l'accident, l'hélicoptère a fait l'objet d'une modification partielle visant l'installation d'un conteneur de fret externe, conformément à la Supplemental Type Approval (STA) (approbation de type supplémentaire) numéro SH78-1 de Gajon Associates Limited. Le tube de mise à l'air libre d'origine a été déposé, et un système de mise à l'air libre, comportant un support de fixation et un robinet, a été installé de manière permanente à l'extrémité extérieure du tube de mise à l'air libre d'origine, conformément à la STA. Le robinet était orienté à environ 80° à droite de l'axe longitudinal du fuselage, soit presque à angle droit .par rapport au vent relatif pendant le vol vers l'avant. Le diamètre interne de la partie extérieure du tube de mise à l'air libre a été réduit de 9/16 à 5/32 de pouce. Le conteneur de fret externe a ensuite été fixé à la cellule.
Le pilote est cependant revenu sur sa décision d'ajouter un conteneur de fret externe et il a demandé que l'on procède à la dépose du conteneur. La modification était incomplète à ce stade puisqu'un tube de mise à l'air libre supplémentaire n'avait pas été posé conformément au Service Information Notice HN-81 et tel que l'exigeait la STA. Le conteneur de fret a été déposé, et l'hélicoptère a été remis en service avec une modification partielle, sans tube de mise à l'air libre supplémentaire mais avec le robinet de mise à l'air libre toujours en place.
Bien qu'il soit d'usage courant dans l'industrie de déposer et de poser le conteneur de fret sur demande tout en laissant le robinet de mise à l'air libre en place, la STA n'aborde aucunement la situation où un hélicoptère est exploité sans conteneur de fret mais avec le robinet de mise à l'air libre toujours en place.
L'hélicoptère a été équipé d'un panier à fret en treillis métallique, lequel a été installé du côté gauche du fuselage. Le devis de masse et de centrage n'a pas été modifié dans le but d'inclure le panier à fret dont la masse était d'environ 30 livres.
Le personnel d'intervention d'urgence a rapidement été informé de l'accident et a répondu sans délai puisque le lieu de l'accident se trouvait à proximité d'une route très fréquentée. L'accident s'est produit à environ 7 milles de l'aéroport de Fort Simpson, près d'une ligne de partage des eaux entre la ville même et l'aéroport de Fort Simpson, dans la zone d'utilisation de fréquence obligatoire (zone MF) de 15 milles marins. L'hélicoptère était équipé d'une radiobalise de repérage d'urgence (ELT) Narco. À l'impact, l'ELT a émis un signal sur la fréquence de 121,5 MHz, lequel a été reçu par le système de poursuite par satellite de recherches et de sauvetage (SARSAT). Bien que ce ne soit pas considéré comme un facteur dans le présent accident, il importe de mentionner que la station radio d'aérodrome communautaire (CARS) de l'aéroport de Fort Simpson n'a pas reçu le signal de l'ELT. Des essais effectués après l'accident ont permis de confirmer que la CARS ne recevait pas le signal émis par une ELT en bon état de marche placée sur le lieu de l'accident. Les antennes de l'aéroport sont situées de manière à maximiser la couverture air-sol dans les environs et la couverture sol-sol à l'aéroport. La fréquence de 121,5 MHz est considérée comme une fréquence air-sol et non une fréquence sol-sol, et il n'existe aucune spécification relative à la couverture sol-sol de la fréquence de 121,5 MHz dans la zone MF de 15 milles marins.
Un accident similaire impliquant un hélicoptère McDonnell Douglas 369 s'est produit à Lethbridge (Alberta) en 1989 (rapport du BST no A89W0272). Cet hélicoptère était également équipé d'un seul tube de mise à l'air libre. Cependant, il manquait, sur le fuselage, le carénage du tube, lequel est nécessaire à la formation d'une pression positive dans les réservoirs carburant pendant le vol vers l'avant. Il a été établi que l'absence de carénage avait induit une pression négative dans le réservoir carburant, ce qui a entraîné l'affaissement partiel du réservoir carburant, lequel a gêné le bras flottant du capteur de quantité carburant. La situation a donné lieu à des lectures de quantité erronées, entraînant l'extinction du moteur en raison d'un épuisement du carburant.
Analyse
Plusieurs facteurs sont entrés en jeu dans le présent accident. Le système d'indication de quantité de carburant et le voyant d'avertissement FUEL LOW ne sont pas indépendants l'un de l'autre. Tout ce qui aurait pu gêner le mouvement du bras du capteur de quantité carburant, comme un pli dans le réservoir carburant, aurait induit une fausse indication de quantité et aurait neutralisé le voyant d'avertissement. Le tube de mise à l'air libre d'origine avait été modifié lors de l'installation d'un robinet de mise à l'air libre, ce qui avait considérablement réduit le diamètre interne de l'extrémité extérieure du tube de mise à l'air libre. Cependant, le système de mise à l'air libre supplémentaire n'avait pas été posé comme l'exigeait la STA relative au conteneur de fret. Il est probable que cette situation, combinée à une faible quantité de carburant dans les réservoirs principaux et à un possible effet venturi dû à l'orientation latérale du robinet pendant le vol vers l'avant, a induit une pression négative dans les réservoirs principaux, laquelle aurait été suffisante pour entraîner l'affaissement partiel des réservoirs, gênant ainsi le mouvement du bras du capteur de quantité carburant.
Contrairement à ce qui était recommandé, le pilote n'a pas ouvert le robinet de carburant auxiliaire lorsque la quantité de carburant des réservoirs principaux est tombé à 200 livres. Les actions du pilote vers la fin du vol montrent qu'il surveillait étroitement son temps de vol, mais qu'il était incertain de la quantité de carburant restant dans les réservoirs principaux et auxiliaire vu l'indication contradictoire de 150 livres. Le réservoir de carburant auxiliaire n'était pas muni d'un indicateur de quantité de carburant. Le pilote ne pouvait donc, en vol, confirmer visuellement la quantité de carburant dans le réservoir auxiliaire. Puisque l'indication de la jauge de quantité de carburant était stable durant le dernier segment de vol, le pilote a peut-être cru que du carburant auxiliaire se transférait dans les réservoirs principaux en raison d'une défaillance, même si le robinet de carburant auxiliaire était fermé.
Il est probable que le pilote s'attendait à ce que le voyant d'avertissement FUEL LOW s'allume dans le cas où le carburant ne se serait pas transféré. Étant donné le choix qu'avait le pilote de laisser le robinet de carburant auxiliaire fermé ou de l'ouvrir, et malgré le fait qu'il était au courant que la jauge indiquait peut-être une quantité de carburant trop élevée, le pilote a décidé d'effectuer les quinze dernières minutes du vol avec le robinet de carburant auxiliaire fermé. Le carburant se trouvant dans le circuit de carburant auxiliaire ne pouvait atteindre le moteur, et le moteur s'est éteint en raison d'une panne d'alimentation en carburant pendant l'approche à la surface de posé. Au moment où le moteur s'est éteint, l'altitude de l'hélicoptère rendait impossible l'exécution d'une autorotation en vue d'un atterrissage en toute sécurité.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- Le moteur de l'hélicoptère s'est éteint en raison d'une panne d'alimentation en carburant; contrairement à ce qui était recommandé, le pilote n'a pas ouvert le robinet de carburant auxiliaire plus tôt pendant le vol afin de transférer du carburant auxiliaire dans les réservoirs principaux.
- Le système de mise à l'air libre avait été partiellement modifié, et une mise à l'air libre supplémentaire n'avait pas été installée comme l'exigeait le STA. Par conséquent, il est probable que la pression négative qui s'est exercée dans les réservoirs de carburant a. entraîné l'affaissement partiel du réservoir gauche, empêchant ainsi le bras du capteur de se déplacer librement, ce qui a induit une fausse indication de quantité élevée de carburant et neutralisé le voyant d'avertissement FUEL LOW.
Autres faits établis
- Le devis de masse et de centrage n'avait pas été modifié afin d'inclure le panier à fret en treillis métallique qui avait été fixé à l'hélicoptère.
- Le réservoir de carburant auxiliaire n'était pas équipé d'un indicateur de quantité de carburant.
- Le système d'indication de quantité de carburant et le voyant d'avertissement FUEL LOW ne fonctionnent pas indépendamment l'un de l'autre; ils ont tous les deux besoin de signaux provenant du capteur de quantité.
- La CARS de Fort Simpson n'a pas reçu les signaux de l'ELT. L'accident s'est produit dans le zone MF de 15 milles marins; cependant, la fréquence de 121,5 MHz est considérée comme une fréquence air-sol, et il n'existe aucune spécification relative à la couverture sol-sol de la fréquence de 121,5 MHz dans la zone MF.
Mesures de sécurité
Même si la trousse STA SH78-1 contient des instructions d'installation claires, le fait de ne pas les suivre, par exemple ne pas poser la mise à l'air libre supplémentaire sur les hélicoptères visés par la STA, risque d'entraîner un affaissement partiel des réservoirs, de fausses indications de quantité de carburant et l'extinction du moteur en raison d'une panne d'alimentation en carburant. De plus, il est clair que des anomalies telles qu'un carénage de mise à l'air libre endommagé ou manquant peuvent présenter les mêmes risques. Ces renseignements ont été communiqués à Transports Canada dans la lettre d'information sur la sécurité aérienne A010051 (A01W0255), Non-conformité avec une STA - McDonnell Douglas 369HS.
L'exploitant n'utilise plus un McDonnell Douglas 369HS pour effectuer ses opérations. Cependant, l'exploitant utilisera un Hiller 12E qui possède des réservoirs externes, et une affichette sera installée sous la jauge à carburant, laquelle portera la mention « Aux Fuel Switch ON at 100 Lbs » (interrupteur carburant auxiliaire sur ON à 100 livres) afin d'éliminer toute confusion en ce qui concerne le moment à partir duquel l'interrupteur devrait se trouver sur ON.
Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet accident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .