Risque de collision
Secteur Alsask
du Centre de contrôle régional d'Edmonton
exploité par NAV CANADA
à 40 nm à l'ouest du VOR d'Empress (Alberta)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le Boeing 737 d'Air Canada (ACA3697), en provenance de l'Aéroport international de Winnipeg (Manitoba) est en croisière à destination de l'Aéroport international de Calgary (Alberta) au niveau de vol 350. Le Fokker F28 de Canadian Regional Airlines (CDR8510) a décollé de Calgary en route pour l'Aéroport international de Regina (Saskatchewan) et monte au FL290 dans la direction opposée à celle d'ACA3697. Les deux vols sont sous la couverture radar du contrôle de la circulation aérienne. Lorsque le vol ACA3697 arrive à environ 25 milles marins à l'est du radiophare omnidirectionnel à très haute fréquence d'Empress, le contrôleur de la circulation aérienne lui donne l'autorisation de descendre au FL290. Une fois ACA3697 au-delà du VOR d'Empress, le contrôleur, afin d'assurer l'espacement avec un autre appareil, donne à ACA3697 l'instruction de garder un cap qui est presque l'inverse de celui de CDR8510. Lorsque les deux appareils arrivent à environ 6 milles marins l'un de l'autre, un avis de résolution du système de surveillance du trafic et d'évitement des collisions demande à l'équipage de CDR8510 de descendre, ce que fait ce dernier. Les deux appareils se sont passés, horizontalement, à environ 1 000 pieds et, verticalement, à 1 300 pieds l'un de l'autre dans une zone où l'espacement minimal requis est, horizontalement, de 5 milles marins ou, verticalement, de 1 000 pieds.
Renseignements de base
Les appareils volent dans le secteur Alsask de la sous-unité de contrôle en route de Calgary. Cette sous-unité, qui fait partie du Centre de contrôle régional (ACC) d'Edmonton, compte six secteurs. Le secteur Alsask se trouve en bordure est, au contact de l'espace aérien contrôlé par l'ACC de Winnipeg. Les vols arrivant sur Calgary de l'est reçoivent l'instruction de descendre à 12 000 pieds et de suivre l'arrivée normalisée aux instruments (STAR).
Après avoir décollé de Calgary, CDR8510 se place sur la voie aérienne J504, en direction de l'est selon un cap de 073° magnétiques, et reçoit l'autorisation de voler au niveau de vol (FL) 250 dans l'espace aérien du contrôle terminal de Calgary. Lorsqu'il communique avec le contrôleur du secteur Alsask, à 11 h, heure avancée des RocheusesNote de bas de page 1, l'équipage reçoit l'autorisation de monter au FL290, altitude prévue à son plan de vol.
ACA3697 est autorisé à poursuivre vers l'ouest au FL350 sur la voie aérienne J504 jusqu'au VOR (radiophare omnidirectionnel VHF) d'Empress (YEA), puis sur la voie aérienne J476 jusqu'à l'intersection ALOMO, et enfin vers l'aéroport de Calgary selon la STAR publiée. Quand ACA3697 arrive à environ 25 milles marins (nm) à l'est de YEA, le contrôleur d'Alsask l'autorise à descendre au FL290 en préparation de son transfert au secteur de contrôle terminal de Calgary de l'ACC d'Edmonton. Après avoir passé YEA, ACA3697 vire à droite sur la J476 conformément à l'autorisation reçue (voir la Figure 1).
Quand ACA3697 reçoit l'autorisation de descendre, un Airbus A320 (ACA579) vole vers l'ouest au FL310, avec un cap de 252°, à environ 11 nm au nord de YEA. Après avoir établi le cap d'ACA579, le contrôleur d'Alsask donne à ACA3697 l'instruction de virer sur la gauche au 250°, puis, peu après, celle de virer sur la droite au 270°. Cette manoeuvre a pour objet de maintenir l'espacement entre ACA3697 et ACA579, mais elle place ACA3697 sur une trajectoire presque inverse de celle de CDR8510. ACA3697 se met en palier au FL290 à environ 5,9 nm en avant de CDR8510 qui passe au FL280 en montée vers le FL290.
Alors qu'il passe le FL 280 en montée, l'équipage de CDR8510 reçoit un avis de résolution (RA) du système de surveillance du trafic et d'évitement des collisions (TCAS) lui demandant de descendre afin d'éviter une collision. Trente secondes plus tard, CDR8510, redescendu au FL277, passe sous ACA3697 se trouvant au FL290. ACA3697 reçoit un avis de circulation du TCAS (information visant à aider l'équipage de conduite à repérer un conflit de circulation et à alerter les pilotes d'un RA possible), mais le pilote ne prend aucune mesure d'évitement. Le ciel ést clair avec une visibilité illimitée et les équipages des deux vols se voient alors qu'ils se croisent. Les appareils volant au Canada n'ont pas l'obligation d'être équipés d'un système embarqué d'évitement de collision.
L'écran de visualisation du système de traitement des données radar (RSiT) comporte un certain nombre de caractéristiques qui aident le contrôleur à garder une vue d'ensemble de la situation. Le contrôleur associe normalement à chaque cible radar un certain nombre de paramètres dont l'identification de l'appareil, son altitude et sa vitesse. Il peut également afficher, autour d'un appareil donné, un haloNote de bas de page 2 définissant l'espacement horizontal minimal. La ligne de trajectoire prévue (PTL) permet au contrôleur de prévoir le déplacement d'un appareil pendant une période de temps donné. Lorsque l'appareil change de cap, la PTL se déplace également afin d'indiquer la nouvelle trajectoire de l'appareil. Il est possible, pour chaque cible radar, d'afficher ou non la PTL.
Le contrôleur a choisi d'afficher la PTL d'ACA3697, mais pas celle de CDR8510. Lorsque le contrôleur donne l'instruction à ACA3697 de virer au 250°, sa PTL coupe la cible de CDR8510, mais le contrôleur ne reconnaît pas le conflit. Les halos d'espacement ne sont affichés pour aucun des appareils impliqués dans l'incident.
Des fiches de progression de vol sont disponibles et elles indiquent la direction de vol et l'altitude et, des annotations indiquant qu'elles ont été transmises aux secteurs compétents. Le contrôleur a transmis à l'ACC de Winnipeg les renseignements pertinents sur CDR8510, dont son heure d'arrivée prévue à YEA et le FL290 comme altitude prévue au plan de vol.
Les RSiT sont utilisés à l'ACC d'Edmonton depuis 2000. Tous les contrôleurs ont suivi un cours de deux jours sur leur utilisation et une formation périodique est offerte lorsque le système est mis à niveau. Le contrôleur impliqué dans l'incident a reçu sa formation initiale sur RSiT en 2000, puis une formation périodique en avril 2001 et il était considéré comme à même d'utiliser ce type d'écran.
Le contrôleur, qui possédait une licence en règle conformément à la réglementation en vigueur, comptait 30 ans d'expérience, dont 20 ans dans la sous-unité de contrôle en route de Calgary. Il était le superviseur de l'équipe de la sous-unité et travaillait en tant que contrôleur lorsque les circonstances l'exigeaient.
Le jour de l'incident, il s'est présenté au travail à 6 heures et a occupé un poste de contrôleur tandis qu'un autre superviseur était à la tête de l'équipe. Au moment de l'incident, il s'occupait seul du secteur Alsask et se chargeait à la fois du radar et des données. L'incident s'est produit environ trois heures et demie avant la fin de son quart. La charge de travail était jugée de légère à modérée, avec un total de cinq appareils dans le secteur Alsask au moment de l'incident. Le contrôleur se sentait en forme et exempt de problème de santé.
L'article 602.34 du Règlement de l'aviation canadien (RAC) stipule que le FL290 est l'altitude réservée aux appareils se dirigeant vers l'est à moins qu'une autre altitude ne leur soit assignée par le contrôle de la circulation aérienne (ATC). Le FL290 était assigné au vol ACA3697 qui se dirigeait vers l'ouest et, malgré son atterrissage prévu à Calgary, il volait sur une voie aérienne en route. La rubrique 430 du Manuel des opérations du contrôle de la circulation aérienne (MANOPS ATC) de NAV CANADA indique les directives et les limitations que doivent respecter les contrôleurs quand ils assignent une altitude non appropriée à la direction du vol ainsi que la façon d'annoter les fiches de progression de vol de façon distinctive et normalisée. Le contrôleur n'avait pas l'habitude d'annoter la case d'altitude de la fiche de progression de vol d'un appareil volant à une altitude non appropriée pour la direction du vol lorsque l'appareil devait atterrir à un aéroport. Les contrôleurs ne sont pas obligés d'indiquer une altitude inappropriée pour la direction du vol sur l'écran radar au moyen des outils d'affichage disponibles. Aucun autre mouvement aérien à proximité n'exigeait que ACA3697 soit en palier au FL290 afin de maintenir l'espacement requis. Aucune autre forme d'espacement n'avait été instaurée entre ACA3697 et CDR8510 durant le temps où les deux appareils ont été autorisés à se maintenir au FL290.
Le VOR d'Empress est un point de passage couramment utilisé pour les mouvements aériens vers l'est ou vers l'ouest traversant le secteur Alsask de l'ACC d'Edmonton. Depuis 1998, cinq pertes d'espacement à proximité du VOR d'Empress ont été signalées et toutes impliquaient des appareils volant à la même altitude dans des directions opposées. Les procédures ont été modifiées, dans les autres sous-unités de l'ACC d'Edmonton, afin de réduire les risques de conflit entre mouvements aériens de directions opposées.
Le BST a recommandé (A00-15) que NAV CANADA s'engage, en indiquant une échéance précise, à installer et à faire fonctionner dans toutes les installations ATC du pays, un système automatisé d'alerte et de prévision de conflit afin de réduire les risques de collision en vol. Des systèmes d'alerte de conflit ont été installés, à l'ACC d'Edmonton, dans les sous-unité de contrôle nord - haute altitude ainsi que dans celle de contrôle en route de Calgary le 7 juillet 2002 et d'autres doivent l'être dans la sous-unité de contrôle nord - basse altitude ainsi que dans celle de contrôle en route de Calgary au plus tard le 31 octobre 2002. Ils doivent être mis en service sur l'ensemble de l'espace aérien supérieur national au plus tard à la fin de 2002.
Analyse
L'espacement entre ACA3697 et CDR8510 était initialement adéquat, tant verticalement (FL350 et FL290) que latéralement (J476 est J504). Le problème auquel a été confronté le contrôleur a été de faire descendre le vol ACA3697 à une altitude appropriée à son transfert au secteur suivant en vue de son atterrissage à l'aéroport de Calgary. Le contrôleur a choisi d'autoriser ACA3697 à descendre au FL290, une altitude de direction contraire. Néanmoins, il n'a pas annoté la fiche de progression d'ACA3697 afin d'indiquer que ce dernier se trouvait à une altitude inappropriée à la direction du vol et il n'avait d'ailleurs pas l'habitude de le faire dans un tel cas de figure. Rien n'interdit, dans la réglementation ou dans les procédures en vigueur, à un contrôleur d'assigner une altitude inappropriée à la direction du vol à un appareil devant être positionné en vue d'un atterrissage sur un aéroport. Néanmoins, en autorisant ACA3697 à descendre au FL290, il a mis le vol dans une situation présentant des risques plus élevés de perte d'espacement avec un mouvement aérien de direction opposée, augmentant ainsi les risques de collision en vol.
Avant de faire descendre ACA3697 à l'altitude requise pour le confier au secteur d'arrivée de Calgary, le contrôleur a dû s'assurer de maintenir l'espacement latéral approprié au regard d'un autre vol se dirigeant vers l'ouest, à savoir ACA579, se trouvant au FL310 à plusieurs milles au nord. L'attention du contrôleur s'est alors fixée sur ce problème d'espacement au détriment d'une vue d'ensemble de la situation. Afin de remédier au problème d'espacement entre les deux vols d'Air Canada, le contrôleur a choisi d'autoriser ACA3697 à descendre au FL290 en lui assignant un cap au sud-ouest l'éloignant de l'autre appareil. Ce faisant, le contrôleur a créé une situation de conflit avec CDR8510 qui n'existait pas auparavant. Le contrôleur n'a pas vu ce conflit imminent avec CDR8510. Il n'a pas indiqué de conflit entre les vols ACA3697 et CDR8510 sur le RSiT et il n'a pas vu le conflit alors que la PTL d'ACA3697 pointait directement sur le vol CDR8510. Le contrôleur, dont l'attention était monopolisée par un problème d'espacement, a complètement ignoré l'autre problème existant, accroissant ainsi de façon significative les risques de collision en vol. Le contrôleur ne se fiait qu'à sa mémoire pour garder une vision d'ensemble de la situation et il n'a pris aucune mesure concrète pour résoudre le conflit avec CDR8510.
En l'absence de système d'alerte radar à l'ATC, seul le RA du TCAS reçu par les pilotes de CDR8510 a permis d'éviter que les deux appareils ne passent encore plus près l'un de l'autre.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- Le contrôleur du secteur Alsask a perdu la vue d'ensemble de la situation lorsque son attention s'est concentrée sur le problème d'espacement de deux des cinq appareils présents dans son secteur, et ce, au détriment d'un autre problème d'espacement, avec CDR8510, qu'il n'a ni décelé ni résolu.
- Le contrôleur n'a pas utilisé les procédures appropriées pour annoter les fiches de progression de vol d'ACA3697 et de CDR8510 afin d'indiquer les altitudes inappropriées ou la possibilité de conflits. Pour cette raison, les deux appareils se dirigeaient l'un vers l'autre à la même altitude.
- Le contrôleur n'a pas correctement balayé son écran radar du regard et n'a pas repéré le conflit existant entre ACA3697 et CDR8510 parce que son attention était monopolisée par deux des cinq appareils dont il assurait le contrôle.
Faits établis quant aux risques
- Les systèmes radar de NAV CANADA à l'ACC d'Edmonton ne sont pas encore équipés de systèmes de prévention automatisés alertant les contrôleurs de l'imminence d'un conflit entre des appareils.
- Les TCAS/ACAS ne sont pas obligatoires sur les appareils de transport au Canada. Aucun autre moyen de prévention embarqué n'existe en vue d'aider les pilotes à éviter une collision en vol lorsque l'espacement entre les appareils n'est pas conforme à l'espacement minimal exigé par la réglementation.
- Aucune procédure de contrôle de la circulation aérienne n'exige que les contrôleurs indiquent les conflits possibles sur l'écran radar de façon normalisée, comme c'est le cas pour les fiches de progression de vol. Cet état de fait accroît les risques qu'un contrôleur oublie un conflit parce que ce dernier n'est pas manifeste sur l'écran radar.
Mesures de sécurité
À la suite d'un nombre croissant d'anomalies d'exploitation, NAV CANADA a republié son bulletin d'information intitulé « Rappel - Accent sur la sécurité dans les SCA à NAV CANADA ». Ce bulletin réaffirme l'objectif que constitue la sécurité et indique les domaines devant faire l'objet d'une attention particulière.
Depuis cet incident, NAV CANADA a pris des mesures en vue de réduire les risques de conflit entre des appareils volant en direction opposée à proximité du VOR (radiophare omnidirectionnel VHF) d'Empress. Une nouvelle intersection, SHAWI, au nord de YEA, marquera désormais une voie aérienne à sens unique pour les appareils à destination de Calgary. La voie aérienne J504 sera principalement utilisée pour les mouvements aériens à destination de l'est.
Après avoir mis en place un système d'alerte de conflit pour les secteurs de l'espace supérieur à l'ACC de Moncton, NAV CANADA a mis en place un système d'alerte de conflit pour les secteurs de l'espace supérieur aux ACC de Winnipeg et d'Edmonton. Ce système, en particulier, a été mis en place à la sous-unité de contrôle nord - haute altitude ainsi qu'à celle de contrôle en route de Calgary, dont le secteur Alsask, le 7 juillet 2002. Ce système sera mis en service sur l'ensemble de l'espace aérien supérieur national d'ici la fin de 2002.
Le rapport numéro A00C0211 du BST fait état d'un Avis de proposition de modification (APM) 2000-130 au Règlement de l'aviation canadien de Transports Canada. L'APM, qui a été initialement soumis lors d'une réunion d'un comité technique du Conseil consultatif sur la réglementation aérienne canadienne en juin 2002 propose principalement que, après le 1er janvier 2003, tous les appareils à turbines certifiés pour transporter plus de 30 passagers soient équipés d'ACAS. De plus, l'APM 2001-069, soumis en juin 2001, garantit que le logiciel associé à cet ACAS réponde aux normes plus strictes requises pour une exploitation dans un espace aérien où l'espacement vertical minimal est réduit.
Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet accident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .