Défaillance d'une pale du rotor principal
Helifor Industries Ltd.
MD Helicopters 369D C-GHFL
Eclipse Camp, à Port Hardy
(Colombie-Britannique)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Au cours du vol, le pilote du MD Helicopters 369D portant le numéro de série 1143D et immatriculé C-GHFL a ressenti des vibrations et a remarqué que les pales du rotor principal semblaient légèrement hors du plan de rotation. Lorsque la situation s'est détériorée au point que l'une des cinq pales semblait s'être écartée de l'axe de rotation d'environ six pouces, le pilote a posé son hélicoptère.
Renseignements de base
L'hélicoptère était habituellement stationné sur le pont d'une barge flottante où il était soumis aux intempéries. Les conditions météorologiques observées au camp « Eclipse » de l'exploitant, près de Port Hardy (Colombie-Britannique), indiquaient que le temps avait été, les jours ayant précédé l'événement, très venteux. L'avant-veille du vol en question, l'appareil avait fait l'objet d'une inspection aux 300 heures et aucune anomalie n'avait été décelée. La veille, les pales du rotor principal avaient été démontées afin d'éviter leur battement sous l'effet du vent très violent. Les pales ont été réinstallées le jour de l'événement. Néanmoins, le vent étant toujours violent, les pales avaient été maintenues arrimées tant que l'hélicoptère était stationné.
Après l'événement, le personnel de maintenance a examiné les pales et a constaté que l'une des cinq pales, celle portant la référence 369D21100-523 et le numéro de série 009999-K077 avec un code de couleur jaune, était criquée au niveau des revêtements d'extrados et d'intrados, du bord de fuite jusqu'au longeron.
Cette pale avait accumulé, alors qu'elle était montée sur un autre MD Helicopters 369D immatriculé C-GTZR, 1988 heures entre le 22 avril 1998 et le 12 décembre 2000. Les événements liés au couple de rotationFootnote 1 n'étaient pas notés de façon précise mais, à dater du 25 juillet 1999, l'exploitant a commencé à noter ces événements de façon aussi précise que possible. Les événements liés au couple de rotation doivent être enregistrés selon un format normalisé. Certains exploitants ont rapporté jusqu'à 40 événements de la sorte par heure. Après avoir été utilisé sur l'hélicoptère immatriculé C-GTZR, la pale a été montée sur l'hélicoptère en cause dans l'accident. Le 26 mars 2001, cette pale a été démontée après un temps depuis mise en service initiale de 2266,3 heures. Il a été estimé que cette pale avait subi 32 523 événements liés au couple de rotation.
La pale qui a connu une défaillance a été examinée, visuellement et aux rayons X, photographiée ainsi que soumise au balayage d'un microscope électronique et d'un microscope optique. Ces examens ont révélé une défaillance due à la fatigue et une crique débutant au niveau d'une entaille ou d'une irrégularité de la circonférence d'un trou d'allégement de la structure profilée en C de la pale, à environ trois pouces vers l'intérieur par rapport à la plaque signalétique. La fracture s'est propagée sur les revêtements de l'intrados et de l'extrados de la pale, puis le long de la corde, entraînant le détachement du bord de fuite. Les fractures se sont arrêtées au niveau, ou à côté, de la structure profilée en D du longeron se trouvant à proximité du bord d'attaque de la pale.
McDonnell Douglas Helicopter Systems (MDHS, désormais appelé MD Helicopters Inc. [MDHI]) a publié, le 11 janvier 1999, la lettre de service SL369D-111 afin d'établir une nouvelle méthode de surveillance de la mise hors service de divers composants d'hélicoptère. Certains composants, tels que les pales du rotor principal, se sont vue assigner une mise hors service fondée sur un spectre de vol : essais en vol, essais de fatigue, expérience sur le terrain. Certains exploitants avaient signalé avoir dépassé le nombre moyen de manoeuvres causant des contraintes importantes prévu dans le spectre de vol, ce qui a amené MDHS à réévaluer la méthode de détermination du moment de mise hors service des composants à vie limitée qui n'était jusqu'alors déterminé qu'en fonction du temps en service. Il a été proposé que les événements liés au couple de rotation soient pris en compte dans l'équation du spectre de vol. À la suite de cela, MDHI a publié, le 15 mai 2001, le bulletin de service SB369D-201 qui portait une mention indiquant qu'il était obligatoire. Le 24 juillet 2001, MDHI a publié le bulletin de service SB369D-201R1. Ces bulletins renferment des critères destinés à aider les exploitants à comprendre ce qu'est le niveau d'utilisation, les répercussions que ce dernier peut avoir sur la durée de vie des pales du rotor principal et sur les inspections qui doivent par conséquent être entreprises afin de détecter les criques éventuelles. Il n'est pas obligatoire, en vertu de la réglementation de Transports Canada, de se conformer aux lettres et aux bulletins de service.
MDHI publie des limites de navigabilité qui ont pour effet de limiter la durée de vie de certains composants d'hélicoptère. Conformément au chapitre 4, de la révision 29 du MD Helicopters, Inc. Maintenance Manual, la limite de vie de la pale en question, référence 369D21100-523, est de 4000 heures en service. Les pales doivent subir une inspection régulière toutes les 100 heures. Lorsque la pale atteint 750 heures de vol et 13 720 événements liés au couple de rotation, l'exploitant doit effectuer une inspection des pales du rotor principal au regard des événements liés au couple de rotation toutes les 35 heures de vol et tous les 200 événements liés au couple de rotation, selon la première éventualité. Aucun nombre limite d'événements liés au couple de rotation n'a été défini pour les pales du rotor principal.
Durant l'enquête, MDHI a étudié 28 pales à la recherche de criques ou d'autres défectuosités. Un examen de la structure profilée en C a été ajouté au protocole d'étude. Quatre des 28 pales présentaient des traces de criquage au niveau de cette structure profilée en C. Trois de ces quatre pales provenaient d'un appareil participant à un type d'exploitation impliquant une très grande fréquence du nombre d'événements liés au couple de rotation. La quatrième pale était utilisée dans des conditions qui, bien qu'approuvées en ce qui concerne les pales, se trouvaient hors des limites normales du manuel de vol de giravion. Les criques de la structure profilée en C observées dans le cadre de cette enquête ne semblaient pas résulter d'un quelconque défaut de fabrication. Les pales subissant un grand nombre d'événements liés au couple de rotation par heure semblaient plus sujettes aux criques. L'étude a démontré que le criquage de la structure profilée en C observé sur la pale de l'appareil d'Helifor était un phénomène rare mais non unique. Elle a également démontré que, si une crique était présente, sa propagation serait très rapidement découverte avec la mise en oeuvre du bulletin de service SB369D-201R1.
Analyse
Une entaille, ou une inclusion, dans la circonférence d'un trou d'allégement de la structure profilée en C, apparue au moment de la fabrication a compromis l'intégrité structurale de la pale du rotor principal. Cette entaille a créé une concentration de contraintes et a constitué l'origine d'une crique qui s'est propagée sur le revêtement de l'intrados de la pale, sur le bord de fuite puis sur le revêtement de l'extrados, perpendiculairement à l'envergure, pour s'arrêter à proximité du longeron de la pale. Une récente inspection des pales, entreprise par la maintenance de la compagnie, n'a pas permis de déceler une quelconque trace de crique ou de toute autre défectuosité, ce qui semble suggérer que la propagation de la crique puisse être rapide et difficile à déceler.
Les pales ont été soumises à tout un éventail de types d'exploitation et un nombre variable d'événements lié au couple de rotation qui dépassait probablement le nombre moyen de manoeuvres entraînant des contraintes importantes prévu dans le spectre de vol établi par MDHI. D'importants écarts dans le comptage des événements liés au couple de rotation sont probables, car le type d'exploitation affecte le nombre de ces événements et la consignation de ce nombre dépend de la précision avec laquelle les pilotes les comptabilisent. C'est pourquoi les pales de rotor de MDHI subissent un « un facteur de fatigue » qui ne fait peut-être pas l'objet d'un suivi précis de la part des exploitants.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- Une pale du rotor principal a connu une défaillance parce que son intégrité structurale a été compromise par un défaut de fabrication, au niveau de la circonférence d'un trou d'allégement de la structure profilée en C interne à la pale, se trouvant à environ trois pouces vers l'intérieur par rapport à la plaque signalétique.
- Ce défaut au niveau du trou d'allégement a entraîné une crique de fatigue qui s'est propagée vers l'arrière sur le revêtement d'intrados jusqu'au bord de fuite puis, vers l'avant, sur le revêtement d'extrados en direction du longeron de la pale.
Faits établis quant aux risques
- Le type d'exploitation affecte grandement le nombre d'événements liés au couple de rotation et la consignation de ce nombre dépend de la précision avec laquelle les pilotes les comptabilisent. Des écarts de comptage sont probables et c'est pourquoi la fatigue du composant ne fait pas l'objet d'un suivi précis.
- Il n'est pas obligatoire de se conformer aux lettres et bulletins de service publiés par l'hélicoptériste. C'est pourquoi il est possible que certains exploitants n'assurent pas un suivi précis des événements liés au couple de rotation subis par les pales d'hélicoptère.
- La fréquence d'inspection des pales du rotor principal est peut-être inadaptée et insuffisante pour déceler les criques qui peuvent se produire avant une défaillance catastrophique. Aucun nombre limite d'événements liés au couple de rotation n'est défini pour les pales de rotor principal.
Mesures de sécurité
La Federal Aviation Authority des États-Unis travaille à un avis de proposition de règlement visant à publier rapidement une consigne de navigabilité rendant obligatoire la conformité au bulletin de service SB369D-201R1 de MD Helicopters Inc. (MDHI) ainsi que l'inspection/l'évaluation des pales au regard des événements liés au couple de rotation.
Transports Canada a indiqué que la conformité aux publications recommandant l'incorporation de modifications, la mise en oeuvre d'inspections ou l'intervalle entre les révisions sont facultatives. Les propriétaires d'appareils ont néanmoins le devoir de connaître le contenu de ces publications et d'évaluer la nécessité de s'y conformer à la lumière de leur situation particulière. Les exploitants commerciaux devraient être dotés d'une procédure officielle pour cette évaluation dans le cadre du programme d'évaluation requis par la sous-partie 706 du Règlement de l'aviation canadien. Les avis de proposition de modification (APM) 2002-249 et 2002-250, qui ont été approuvés par le Conseil consultatif sur la réglementation aérienne canadienne (CCRAC), vont bientôt être publiés. Ces APM modifient la Partie 6 du RAC afin de clarifier les responsabilités de l'exploitant à cet égard.
Transports Canada va continuer d'assurer le suivi de cette enquête et envisage de prendre des mesures unilatérales, par le biais d'une consigne de navigabilité, si la FAA ne rend pas obligatoire la conformité au bulletin de service SB369D-201R1 de MDHI.
MDHI ne fabrique plus de pales de rotor principal pour les hélicoptères de la série 500. C'est désormais Helicopter Technologies Corporation (HTC) qui, en vertu d'une autorisation de fabrication de pièces, assure la fourniture de ces pales. HTC a inclus dans son processus de fabrication un examen aux ultra-sons visant à déceler les défauts, interstices et criques internes qui, s'ils ne sont pas découverts, risquent de compromettre l'intégrité structurale des pales.
Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .