Perte d'espacement
Centre de contrôle régional de Winnipeg
Exploité par Nav Canada
35 nm au sud-est de Red Lake (Ontario)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le vol ACA3578 d'Air Canada assuré par un Airbus A320 ayant décollé de Calgary (Alberta) à destination de Toronto (Ontario) est en route au niveau de vol (FL) 370. Le vol NWA853 de Northwest Airlines assuré par un Boeing 757 ayant décollé de Détroit (Michigan) à destination d'Anchorage (Alaska) est en route au FL350. Les deux appareils sont sous guidage radar. À quelque 43 milles marins (nm) au sud-est du VOR (radiophare omnidirectionnel VHF) de Red Lake (Ontario), l'équipage du vol NWA853 demande et reçoit l'autorisation de monter jusqu'au FL370. Lorsque le vol NWA853 se trouve à quelque 35 nm au sud-est du VOR de Red Lake, le contrôleur de la circulation aérienne remarque que les deux appareils volent l'un vers l'autre à la même altitude sur des routes inverses. Il leur donne alors des directives visant à rétablir l'espacement exigé entre eux, mais les deux appareils se croisent avec un espacement horizontal de 1,5 nm et un espacement vertical de 600 pieds, alors que l'espacement minimal requis est de 5 nm horizontalement ou de 2 000 pieds verticalement.
Renseignements de base
Le Centre de contrôle régional (ACC) de Winnipeg est divisé en un certain nombre de sous-unités, chacune étant responsable d'une partie de l'espace aérien de la région d'information de vol de Winnipeg. La Saskatchewan, l'Ontario et Winnipeg constituent trois de ces sous-unités. Chacune est divisée en secteurs, dont chacun est responsable d'une partie de l'espace aérien. Le soir de l'incident, quatre secteurs de la sous-unité de Winnipeg étaient en service : le secteur de l'espace inférieur est, le secteur de l'espace inférieur ouest, le secteur de l'espace supérieur de Gimli et le secteur de l'espace supérieur de Dryden. L'incident est survenu dans le secteur de l'espace supérieur de Dryden.
L'ACC de Winnipeg était en cours de restructuration de son espace aérien dans le cadre d'un programme national de restructuration de l'espace aérien, opération en vertu de laquelle les nouveaux contrôleurs étaient qualifiés soit pour les seules opérations dans l'espace aérien inférieur, soit pour les seules opérations dans l'espace aérien supérieur, mais pas les deux, alors que les contrôleurs ayant reçu leur formation avant cette restructuration étaient toujours qualifiés pour des opérations dans les espaces aériens inférieur et supérieur. La direction de Nav Canada et l'Association canadienne du contrôle du trafic aérien s'étaient entendues pour que les contrôleurs doublement qualifiés ne travaillent normalement que dans des secteurs de l'espace inférieur ou des secteurs de l'espace supérieur pendant un même quart de travail. Cette entente comportait également une disposition qui permettait aux chefs d'équipe de travailler dans des secteurs de l'espace inférieur et de l'espace supérieur pendant un même quart de travail. Les nouveaux contrôleurs n'étant pas doublement qualifiés et les contrôleurs doublement qualifiés ne pouvant normalement pas travailler dans des secteurs de l'espace inférieur et de l'espace supérieur pendant un même quart de travail, le besoin en effectifs était élevé. Cependant, le nombre de contrôleurs disponibles n'a pas augmenté en conséquence; les effectifs ne devaient être augmentés que temporairement pendant la phase de restructuration puis, ensuite, revenir à leur niveau habituel une fois la restructuration terminée. Les effectifs de l'ACC de Winnipeg étaient donc insuffisants.
Le soir de l'incident, l'horaire du quart de la sous-unité de Winnipeg nécessitait neuf contrôleurs : quatre dans les secteurs de l'espace aérien supérieur, quatre dans les secteurs de l'espace aérien inférieur et un comme chef d'équipe. Seulement sept contrôleurs qualifiés étaient en service; un contrôleur de l'espace aérien inférieur et le chef d'équipe manquaient à la sous-unité. L'un des contrôleurs de l'espace aérien supérieur doublement qualifiés avait été nommé chef d'équipe intérimaire, ce qui lui permettait de travailler à la fois dans des secteurs de l'espace inférieur et de l'espace supérieur pendant son quart de travail. Le gestionnaire de quart s'attendait à ce que le chef d'équipe intérimaire effectue un travail de contrôle plutôt qu'un travail de supervision, ce que le chef d'équipe intérimaire a compris. La sous-unité était donc exploitée par trois contrôleurs travaillant dans les secteurs de l'espace aérien inférieur, trois contrôleurs travaillant dans les secteurs de l'espace aérien supérieur et le chef d'équipe intérimaire travaillant dans les secteurs des espaces aériens inférieur ou supérieur, au besoin, pendant le quart.
Les effectifs des sous-unités de la Saskatchewan et de l'Ontario étaient également insuffisants : il manquait quatre contrôleurs à celle de la Saskatchewan et trois à celle de l'Ontario. En raison du manque d'effectifs, la capacité d'écoulement du trafic de l'ACC de Winnipeg avait été réduite, et des restrictions en matière de gestion de l'écoulement du trafic aérien avaient été mises en œuvre. En vertu de ces restrictions, les contrôleurs de la sous-unité de Winnipeg devaient fournir aux sous-unités de l'Ontario et de la Saskatchewan un espacement longitudinal de 20 milles marins (nm) entre des appareils se trouvant à la même altitude sur des routes identiques, et refuser tout acheminement direct ou toute autorisation de voler à des altitudes inappropriées à la trajectoire de vol.
Les deux vols en cause dans cet incident étaient sous la responsabilité du contrôleur du secteur de Dryden, lequel contrôleur occupait le poste radar et celui des données de vol de ce secteur. Il est courant et accepté qu'un contrôleur occupe simultanément les postes radar et de données de vol. Les facteurs dont il faut tenir compte pour décider si un contrôleur occupera ces deux postes sont les conditions de trafic, l'expérience et les capacités du contrôleur, la charge de travail du contrôleur ainsi que les effectifs disponibles. Le trafic a été évalué comme étant lourd et de grande complexité, et la charge de travail comme étant élevée. Vingt minutes avant l'incident, le contrôleur s'était déplacé d'un pupitre de commande à un autre, afin de permettre des travaux de maintenance sur le premier pupitre dans le but de corriger un problème d'affichage. Au pupitre vers lequel il s'était déplacé, tout l'équipement dont il avait besoin était en bon état de marche. Lorsque le contrôleur de Dryden s'est déplacé, un second contrôleur qui travaillait à un autre pupitre lui a demandé s'il avait besoin de quelqu'un pour travailler au poste des données de vol. Le contrôleur de Dryden lui a répondu qu'il allait s'installer à son nouveau pupitre, puis évaluer ses besoins en la matière. Une fois installé à son nouveau pupitre, absorbé par ses tâches de contrôle, il a oublié d'évaluer ses besoins d'aide.
Au moment de l'incident, deux des trois contrôleurs de l'espace aérien supérieur de la sous-unité de Winnipeg travaillaient dans les secteurs de l'espace aérien supérieur; le troisième était en pause. Le chef d'équipe intérimaire travaillait dans un secteur de l'espace aérien inférieur. Aucune surveillance rapprochée n'était exercée.
Le contrôleur de Dryden possédait 21 années d'expérience, dont 7 comme contrôleur selon les règles de vol aux instruments. Il était doublement qualifié et, le jour de l'incident, il était censé, d'après son horaire de travail, ne travailler que dans les secteurs de l'espace aérien supérieur. Il était qualifié pour les postes radar et de données de vol. Il en était à son deuxième jour de travail après un congé de quatre jours et cinq jours de repos. Il avait travaillé sept heures depuis le début de son quart de travail et il avait pris 15 minutes de repos avant de prendre la relève dans le secteur de Dryden. Au moment de l'incident, il travaillait dans le secteur de Dryden depuis environ une heure.
À 20 h 12 min 24, heure avancée du CentreNote de bas de page 1, le contrôleur de Dryden s'est entendu avec le secteur se trouvant à l'est du sien pour faire descendre un appareil volant vers l'est du niveau de vol (FL) 390, altitude inappropriée à la trajectoire du vol; à 20 h 14 min, il l'a autorisé à descendre jusqu'au FL370, altitude appropriée à la trajectoire du vol. À 20 h 24 min 7, il a refusé une demande d'acheminement direct vers une position bien à l'ouest en provenance d'un appareil volant vers l'ouest, en soulevant comme argument les restrictions en matière de gestion de l'écoulement du trafic. Ces deux interventions montrent bien que le contrôleur connaissait les restrictions en matière de gestion de l'écoulement du trafic.
Le vol ACA3578 volait vers l'est au FL370 en direction du VOR (radiophare omnidirectionnel VHF) de Red Lake et il avait été autorisé à se rendre ensuite au VOR de Sioux Lookout, puis jusqu'à celui de Marathon, comme le montre la fiche de progression de vol. À 20 h 23 min 35, le vol ACA3578 se trouvait à quelque 10 nm à l'ouest de Red Lake lorsqu'il a demandé l'autorisation de se diriger directement vers Marathon; le contrôleur lui a alors demandé d'attendre.
À 20 h 24 min 15, le vol NWA853 se trouvait au FL350, à quelque 45 nm au sud-est de Red Lake, entre Sioux Lookout et Red Lake, et volait en direction nord-ouest vers Red Lake. L'équipage du vol NWA853 a dit au contrôleur qu'il subissait de la turbulence et lui a demandé l'autorisation de monter jusqu'au FL370, et ce, davantage pour le confort des passagers que pour la sécurité du vol. Le contrôleur a vérifié auprès du vol ACA3578 qu'il n'y avait pas de turbulence au FL370 et il a utilisé des lignes de trajectoire prévue (PTL) à partir des cibles des vols ACA3578 et NWA853 affichées sur son écran radar pour évaluer les conflits de trafic. Les PTL sont mises à jour à chaque balayage radar d'après la trajectoire et la vitesse-sol réelles; elles n'afficheront donc pas un virage imminent figurant dans le plan de vol. À ce moment, le vol ACA3578 volait toujours vers l'est en direction de Red Lake, et les PTL projetaient une trajectoire du vol ACA3578 en direction est au-delà de Red Lake. Le contrôleur n'a pas regardé la fiche de progression du vol ACA3578 pour vérifier la trajectoire de ce dernier au-delà de Red Lake. D'après les PTL, il a jugé qu'un espacement adéquat serait maintenu entre les deux avions. À 20 h 24 min 30, le contrôleur a autorisé le vol NWA853 à monter jusqu'au FL370.
Entre 20 h 24 min 58 et 20 h 26 min 30, le contrôleur de Dryden a coordonné le changement d'altitude du vol NWA853 avec les secteurs à l'ouest et au nord. Il a également reçu de la part du secteur se trouvant à l'est l'approbation d'autoriser le vol ACA3578 à se rendre directement à Marathon. À 20 h 26 min 25, le vol NWA853 s'est mis en palier au FL370.
L'article 602.34 du Règlement de l'aviation canadien (RAC) exige qu'un aéronef soit utilisé à une altitude appropriée à la trajectoire de vol, à moins qu'une unité de contrôle de la circulation aérienne (ATC) ne lui ait assigné une altitude autre. La rubrique 432.2.C du Manuel d'exploitation du contrôle de la circulation aérienne (MANOPS ATC) permet aux contrôleurs d'assigner une altitude inappropriée à la trajectoire de vol si un pilote en fait la demande en raison de turbulence, pourvu qu'il informe le contrôleur de l'heure à laquelle son avion pourra prendre une altitude appropriée et que cette altitude ait été approuvée par les secteurs concernés. Après que le vol NWA853 a eu demandé l'autorisation de monter jusqu'au FL370, altitude inappropriée à sa trajectoire de vol, l'équipage a dit qu'il pourrait accepter le FL390, altitude supérieure appropriée suivante, dans quelque 30 minutes. Les contrôleurs des secteurs concernés se trouvant à l'ouest et au nord ont approuvé une altitude non appropriée à la direction du vol.
La rubrique 432.3 du MANOPS ATC exige qu'en appliquant la rubrique 432.2.C, le contrôleur utilise des vecteurs radar ou des routes décalées afin de placer un appareil à au moins 5 nm de l'axe de la voie aérienne. « Grâce à cette procédure le contrôleur conserve la responsabilité de l'aéronef et maintient une marge de sécurité pendant que l'aéronef vole à l'altitude inappropriée. » Le contrôleur n'a donné aucune directive visant à décaler le vol NWA853 par rapport à la voie aérienne.
Lorsqu'une altitude de croisière inappropriée à la direction d'un appareil est assignée, la rubrique 432.6 du MANOPS ATC exige que les contrôleurs le signalent en encerclant en rouge l'altitude sur la fiche de progression de vol. L'altitude « 370 » était encerclée en rouge sur la fiche de progression du vol NWA853.
Les contrôleurs de la circulation aérienne donnent des autorisations et des instructions aux pilotes afin d'atteindre des objectifs de contrôle. Les pilotes sont tenus de se conformer à toutes les autorisations qu'ils reçoivent et acceptent ainsi qu'à toutes les instructions qui leur sont destinées et qu'ils reçoivent. Ces instructions sont des directives.
À 20 h 26 min 35, juste au moment où le contrôleur commençait à transmettre l'autorisation d'acheminement direct vers Marathon au vol ACA3578, il a vu sur l'écran radar que les deux vols se trouvaient à la même altitude, sur des routes inverses. Il a immédiatement ordonné au vol ACA3578 de virer de 15° à gauche et il a autorisé le vol NWA853 au FL350. Le vol ACA3578 a obtempéré; l'équipage du vol NWA853 a questionné le contrôleur sur l'autorisation de descendre et n'est pas descendu tout de suite. Le contrôleur a communiqué une seconde fois, de façon plus directe mais plus ambiguë, pour transmettre des instructions de descente au vol NWA853, puis une troisième fois pour lui transmettre de toute urgence des instructions de descente très claires. À 20 h 27 min 18, après le troisième message, le vol NWA853 a amorcé sa descente.
Les pilotes et les contrôleurs se forment des images mentales de la position relative des appareils pour s'aider à comprendre l'ensemble de la circulation. Lorsqu'ils communiquent de l'information, les pilotes et les contrôleurs traitent habituellement l'information qu'ils reçoivent en utilisant les représentations mentales qui leur semblent les mieux appropriées à l'activité en cours au moment de la communication. Si le message reçu est inattendu ou inusité, la représentation mentale de celui qui reçoit l'information peut nuire à la compréhension du message et retarder la réaction à la nouvelle information. Le vol NWA853 se trouvait en palier au FL370 depuis seulement 18 secondes lorsque le contrôleur l'a autorisé à descendre jusqu'au FL350; l'équipage n'était pas au courant de l'appareil qui s'approchait et ne s'attendait pas à recevoir une autorisation de descendre.
La rubrique 507.1 du MANOPS ATC demande aux contrôleurs d'émettre « une alerte à la sécurité à un aéronef, si ce dernier évolue à une altitude dangereusement proche. . . d'un autre aéronef ». La phraséologie spécifique qui doit être utilisée dans une telle situation est la suivante : « ALERTE AU TRAFIC (position de l'aéronef, si vous avez le temps), VOUS CONSEILLE DE VIRER À DROITE/À GAUCHE (précisez le cap, s'il le faut) - ou DE MONTER/DE DESCENDRE (précisez l'altitude, s'il le faut) IMMÉDIATEMENT. » Le contrôleur de Dryden a transmis aux deux appareils l'information relative au trafic, mais il n'a pas utilisé la phraséologie d'alerte à la sécurité figurant à la rubrique 507.1 du MANOPS ATC pour insister sur le caractère urgent de la situation.
En 1997, le BST a publié l'avis sur la sécurité aérienne 970038 laissant entendre que Nav Canada souhaiterait peut-être disposer de moyens additionnels pour insister sur le besoin particulier d'établir une phraséologie standard d'alerte à la sécurité. Cet avis a été publié à la suite d'une enquête sur de nombreux incidents dans lesquels les contrôleurs n'avaient pas utilisé la phraséologie d'alerte à la sécurité figurant à la rubrique 507.1 du MANOPS ATC dans des situations qui auraient pu être jugées urgentes. Nav Canada a réagi en publiant le Bulletin des services de la circulation aérienne 9801 sur la phraséologie d'alerte de sécurité et en rendant ce sujet obligatoire dans le cadre de la formation de recyclage professionnel donnée aux contrôleurs en 1998-1999. Le contrôleur en cause dans cet incident avait reçu cette formation en février 1999.
Les deux appareils en cause étaient équipés d'un système de surveillance du trafic et d'évitement des collisions (TCAS); le RAC n'exige pas l'installation d'un TCAS à bord des appareils volant dans l'espace aérien canadien. Le TCAS est conçu pour fonctionner indépendamment de l'ATC et il fournit des avis de circulation (TA) et des avis de résolution (RA) à l'équipage de conduite. Les TA servent à aider l'équipage à voir la circulation incompatible et à lui annoncer la transmission éventuelle d'un RA. Les RA signalent à l'équipage les risques de collision et lui fournissent des commandes de descente ou de montée afin de lui permettre d'éviter les appareils intrus. Le TCAS utilise une liaison de données entre les transpondeurs des appareils pour fournir des RA complémentaires (un appareil qui monte et un appareil qui descend).
Quelque 20 secondes après que le contrôleur a eu identifié le conflit et transmis des instructions, les deux équipages de conduite ont reçu des TA provenant de leur TCAS. Quelque 20 secondes après avoir reçu ces TA, alors que les deux équipages de conduite suivaient les instructions du contrôleur, ils ont reçu des RA. Le vol ACA3578 a reçu un RA lui demandant de descendre et le vol NWA853 a reçu un RA lui demandant de monter; le contrôleur avait demandé au vol NWA853 de descendre. Chacun de leur côté, les deux équipages ont décidé d'ignorer les instructions que contenaient les RA, car chaque équipage connaissait les instructions que le contrôleur avait donné à l'autre équipage, et les deux équipages suivaient déjà les instructions que leur avait données le contrôleur. Le RAC n'oblige pas les pilotes à se conformer aux instructions transmises dans les RA. Le manuel d'exploitation de vol d'Air Canada mentionne que les instructions que contient un avis de résolution provenant du TCAS doivent être suivies, à moins que le commandant de bord soit d'avis qu'elles compromettent la sécurité en vol ou que l'équipage de conduite possède de meilleurs renseignements. . . sur l'intrus qui est à l'origine de ce RA. Le manuel d'exploitation de vol de Northwest Airlines mentionne que les conseils que donne un RA doivent être suivis pour assurer un espacement sécuritaire. Les procédures d'exploitation du Boeing 757 de Northwest Airlines mentionnent que sur réception d'un RA, les pilotes doivent demeurer conscients de la situation... Le TCAS n'est qu'un autre « outil » visant à réduire les risques de collision. Le RAC exige que les équipages de conduite indiquent qu'ils dérogent à une autorisation en réponse à un RA provenant de leur TCAS; ils ne sont cependant pas tenus de le faire s'ils ne dérogent pas à une autorisation en réponse à un RA. Aucun des équipages de conduite n'a signalé de RA au contrôleur.
Il y a eu espacement minimal entre les deux appareils à 20 h 27 min 42; l'équipage du vol NWA853 voyait le vol ACA3578, mais à aucun moment l'équipage du vol ACA3578 n'a aperçu le vol NWA853. À 20 h 27 min 47, le contrôleur a autorisé le vol ACA3578 à se diriger directement vers Marathon. À 20 h 28 min 44, le vol NWA853 s'est mis en palier au FL350.
Le chef d'équipe intérimaire travaillait dans le secteur de l'espace aérien inférieur ouest de Winnipeg lorsqu'un changement dans la voix du contrôleur de Dryden lui a signalé l'incident. Il a demandé au contrôleur qui travaillait au secteur est de Winnipeg de surveiller le secteur ouest et il a quitté son poste pour signaler l'incident au gestionnaire de quart. Le temps que le gestionnaire de quart et le chef d'équipe intérimaire arrivent à la sous-unité de Winnipeg, le contrôleur en cause dans cet incident passait le contrôle du secteur de Dryden à un contrôleur qui venait tout juste d'arriver de la salle de repos. Le contrôleur en cause dans cet incident a été relevé de ses fonctions une fois le transfert du contrôle du secteur terminé.
À l'origine, les exigences de rendement du logiciel du système de traitement des données radar (RDPS) de l'ATC comportaient des dispositions relatives aux alertes de conflit. Pendant les essais, on a remarqué plusieurs anomalies au niveau de la fonction d'alerte de conflit du RDPS, et cette dernière a été jugée inacceptable à des fins opérationnelles. Elle n'était toujours pas opérationnelle au moment de l'incident. Dans son rapport d'enquête numéro A99H0001 relatif à une perte d'espacement entre deux Boeing 767 à l'ouest de Langruth (Manitoba), le BST a formulé la recommandation suivante à l'endroit de Nav Canada et de Transports Canada :
NAV CANADA s'engage, en précisant une date, à installer et à faire fonctionner un système automatique d'alerte et de prévision de conflit dans toutes les unités de contrôle de la circulation aérienne au Canada, dans le but de diminuer les risques de collision en vol.
Recommandation A00-15 (publiée le 31 août 2000)
Analyse
Lorsque le vol NWA853 a demandé l'autorisation de monter jusqu'au FL370, le contrôleur a utilisé la fonction PTL pour évaluer la situation; il était donc au courant du risque de conflit avec le vol ACA3578. Les PTL reposant sur la trajectoire et la vitesse-sol réelles plutôt que sur la trajectoire de vol figurant dans le plan de vol, les PTL du vol ACA3578 projetaient une trajectoire en direction est au-delà de Red Lake, et non une trajectoire en direction sud-est vers Sioux Lookout. Le vol ACA3578 venait juste de demander un acheminement direct vers Marathon, et le contrôleur n'a pas vérifié la trajectoire sur la fiche de progression du vol ACA3578, c'est pourquoi l'image mentale qu'il avait de la trajectoire du vol ACA3578 était en direction est à partir de Red Lake, et cette image mentale a probablement pris la place de toute connaissance antérieure qu'il pouvait avoir de la trajectoire jusqu'à Sioux Lookout qui figurait au plan de vol. Il a donc jugé qu'au FL370, le vol ACA3578 n'entrerait pas en conflit avec le vol NWA853.
L'espacement vertical d'appareils volant sur des routes inverses sert de moyen de protection contre la perte d'espacement, le risque de collision et la collision. L'approbation par le contrôleur d'une altitude inappropriée au vol NWA853 a annulé l'effet de ce moyen de protection. Le MANOPS ATC suggère, comme moyen de protection additionnel, d'encercler en rouge l'altitude figurant sur la fiche de progression de vol ainsi que les décalages de 5 nm lorsqu'une altitude inappropriée est utilisée. Le contrôleur a encerclé en rouge l'altitude figurant sur la fiche de progression de vol, mais il n'a transmis aucune directive pour décaler le vol NWA853 de la voie aérienne, annulant ainsi l'effet d'un deuxième moyen de protection contre le risque de collision.
Les effectifs de la sous-unité de Winnipeg étaient insuffisants, et aucun surveillant n'exerçait une surveillance rapprochée de la charge de travail du contrôleur, ou n'a fourni de l'aide avant ou au moment de l'incident. Aucun autre contrôleur n'occupant le poste des données de vol, la charge de travail du contrôleur s'est trouvée accrue et le temps consacré à la surveillance des vols a été réduit.
Le contrôleur connaissait les restrictions en matière de gestion de l'écoulement du trafic, mais il a tout de même approuvé une altitude inappropriée du vol NWA853 et il a pris des mesures pour fournir un acheminement direct au vol ACA3578. Entre 20 h 24 min 58 et 20 h 26 min 30, le contrôleur a effectué des tâches liées à l'altitude inappropriée du vol NWA853 et à l'acheminement direct du vol ACA3578, lesquelles tâches ont, semble-t-il, détourné son attention de la surveillance du trafic sur l'écran radar pendant une période où le conflit entre le vol NWA853 et le vol ACA3578 aurait pu être réglé plus facilement.
Peu importe combien de temps il dure, le détournement de l'attention de l'écran radar réduit la qualité du moyen de protection que permettent des techniques de balayage efficaces. En l'absence d'autres moyens de protection, comme une alerte de conflit automatique ou un deuxième contrôleur travaillant au poste des données de vol, l'attention du contrôleur n'a pas été redirigée vers le conflit qui se développait.
Lorsque le contrôleur a redirigé son attention vers l'écran radar, il s'est rendu compte du conflit et il a pris des mesures pour espacer les appareils. Il n'a pas utilisé la phraséologie d'alerte à la sécurité, mais les instructions qu'il a transmises au vol ACA3578 ont été efficaces, car l'appareil a effectué un virage. Le vol NWA853 venait juste de se mettre en palier au FL370 lorsqu'il a été autorisé au FL350. L'équipage ne s'attendait pas à recevoir d'autorisation de descendre et il n'était pas au courant du trafic qui s'approchait; l'autorisation de descendre transmise par le contrôleur n'était donc pas suffisamment convaincante pour entraîner la prise de mesures correctives immédiates par l'équipage. Plutôt que d'accepter cette autorisation et d'agir en conséquence, le vol NWA853 a d'abord réagi en la remettant en question, forçant le contrôleur à transmettre une instruction de descente ambiguë puis, peu après, une instruction de descente très claire. L'utilisation initiale d'une autorisation de descendre, plutôt que le recours à la phraséologie d'alerte à la sécurité, a augmenté le temps nécessaire à l'obtention de l'espacement requis entre les deux appareils ainsi que la période au cours de laquelle les deux appareils ont risqué d'entrer en collision.
Le TCAS fonctionne indépendamment de l'ATC et il fournit des RA complémentaires pour chaque appareil concerné. Du fait que le TCAS fonctionne de façon indépendante, le contrôleur ne pouvait savoir à quel moment le TCAS générerait un RA ni que ce RA irait à l'encontre des instructions qu'il avait transmises. Du fait que le TCAS et l'ATC n'étaient pas coordonnés et que chaque équipage décidait lui-même des mesures à prendre, il se pouvait qu'un équipage suive les instructions du contrôleur et que l'autre suive les indications du TCAS, annulant ainsi le moyen de protection constitué par les indications complémentaires du TCAS et augmentant le risque de collision.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- Le contrôleur a autorisé le vol NWA853 à monter jusqu'à une altitude inappropriée à la trajectoire de vol sans lui transmettre d'instruction visant à le placer à cinq milles marins de l'axe de la voie aérienne, et il n'a pas surveillé d'assez près les trajectoires du vol NWA853 et du vol ACA3578 pour éviter une perte d'espacement.
- Le contrôleur s'attendait, à tort, à ce que le vol ACA3578 se dirige vers l'est à partir de Red Lake. Il n'a donc pas su reconnaître la nécessité de disposer d'un plan d'espacement associé à l'autorisation de montée à une altitude inappropriée accordée au vol NWA853.
- La charge de travail du contrôleur a été évaluée comme étant élevée et de grande complexité. Elle s'est par la suite accrue lorsque le contrôleur a approuvé l'altitude inappropriée du vol NWA853 et qu'il a coordonné l'acheminement direct du vol ACA3578. Cette charge de travail élevée a réduit le temps consacré à la surveillance des vols NWA853 et ACA3578.
- Deux contrôleurs manquaient aux effectifs de la sous-unité de Winnipeg, ce qui accroissait la charge de travail des contrôleurs en service.
Faits établis quant aux risques
- Au moment de l'incident, aucun système automatique d'alerte et de prévision de conflit n'était disponible pour avertir les contrôleurs canadiens des conflits de trafic imminents.
- La période au cours de laquelle les deux appareils ont été exposés à un risque de collision s'est prolongée du fait que le contrôleur n'a pas utilisé la phraséologie standard d'alerte à la sécurité.
- Le regroupement des postes radar et des données de vol dans un secteur réduit les occasions de détecter des conflits et de prendre en temps opportun des mesures visant à empêcher les pertes d'espacement.
- Le risque de collision a été accru du fait que le TCAS et le contrôle de la circulation aérienne ne sont pas coordonnés. Chaque équipage de conduite a décidé de lui-même d'ignorer les indications de l'avis de résolution provenant du TCAS, car elles allaient à l'encontre des instructions déjà transmises par le contrôleur.
- Au moment de l'incident, aucune surveillance rapprochée n'était exercée à la sous-unité de Winnipeg. Le chef d'équipe intérimaire n'était pas censé agir en qualité de surveillant, il travaillait à un poste de contrôle avant et au moment de l'incident, et il n'a pas été en mesure de s'acquitter adéquatement de la moindre tâche de surveillance.
- Bien que le Règlement de l'aviation canadien n'exige pas l'installation d'un système de surveillance du trafic et d'évitement des collisions (TCAS) à bord des appareils volant dans l'espace aérien canadien, les deux appareils en cause dans cet incident en étaient équipés.
Autres faits établis
- La formation de recyclage professionnel qu'avait reçu le contrôleur sur la phraséologie d'alerte à la sécurité n'a pas été efficace.
Mesures de sécurité
Nav Canada a signalé qu'en juillet 2002, un système automatique d'alerte et de prévision de conflit avait été mis en service aux ACC de Moncton et d'Edmonton, et que des travaux de mise en service d'un tel système étaient actuellement en cours à l'ACC de Winnipeg.
Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée par le Bureau le .
Annexes