Impact sans perte de contrôle (CFIT) en approche
Piper Aerostar 602P N88AT
Mont Okanagan (Colombie-Britannique)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
L'avion Piper Aerostar 602P, immatriculé N88AT, numéro de série 62P08628165003,ayant à son bord le pilote-propriétaire de l'appareil, trois passagers et deux chiens, décolle de l'aéroport de Salt Lake City (Utah) aux États-Unis pour un vol selon les règles de vol aux instruments à destination de Penticton (Colombie-Britannique). À 11 h 49, heure normale du Pacifique, le contrôleur du secteur Kamloops/Castlegar du centre de Vancouver communique à l'avion N88AT l'observation météorologique spéciale suivante pour Penticton : vents calmes, visibilité de ¾ de mille dans la neige, ciel obscurci, visibilité verticale de 700 pieds, neige à 8 (8/8 du ciel est couvert), température de zéro; 19 h [11 h, heure normale du Pacifique (HNP)], calage altimétrique de 30,21 pouces de mercure. À l'approche de Penticton, le pilote demande à effectuer une approche LOC DME-B [approche à l'aide du radiophare d'alignement de piste (LOC) et de l'équipement de mesure de distance (DME) B] pour la piste 16. Lorsque le pilote confirme qu'il peut exécuter le virage conventionnel à moins de 13 milles de l'aéroport de Penticton, le contrôleur l'autorise à effectuer une approche LOC DME-B avec la restriction d'exécuter le virage conventionnel à moins de 13 milles de l'aéroport de Penticton. Cette restriction vise à prévenir tout conflit entre l'appareil N88AT et des appareils décollant sur la piste 15 de Kelowna ou y effectuant des approches interrompues.
À 12 h 3 HNP, le pilote signale à la station d'information de vol (FSS) de Penticton qu'il se trouve au radiophare non directionnel (NDB) de Penticton, en éloignement du LOC, et il reçoit alors le rapport le plus récent sur l'état de la piste. Comme l'appareil ne répond pas aux nombreux appels radio de la part de la FSS de Penticton et du centre de Vancouver, on prévient les équipes de recherche et sauvetage, et une recherche est lancée. L'épave est retrouvée deux jours plus tard, près du sommet du mont Okanagan, dans une région boisée, à une altitude de quelque 5 100 pieds-mer. Il n'y a pas de survivants. L'avion a été détruit à l'impact, mais n'a pas pris feu.
Renseignements de base
Le pilote était titulaire d'une licence de pilote privé et d'un certificat médical de seconde classe, tous deux délivrés par la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis. Le pilote possédait une annotation sur monomoteurs et multimoteurs et une qualification de vol aux instruments. Son certificat médical portait une restriction relative au port de verres correcteurs pour le pilotage et avait été délivré le 2 novembre 1998 pour une période de 24 mois civils; il était donc périmé. Le pilote totalisait quelque 2 500 heures de vol, la plupart sur des bimoteurs légers, notamment sur l'Aerostar 602P. Il était qualifié pour piloter l'avion selon les règles de vol aux instruments (IFR). L'autopsie pratiquée sur le corps du pilote n'a révélé aucune condition qui aurait pu mener ou contribuer à l'accident.
Les dossiers indiquent que l'avion était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation et aux procédures approuvées de la FAA qui étaient en vigueur. L'avion avait été construit en 1981 et totalisait 3 052,3 heures de vol au 28 décembre 2000. Un examen des carnets de bord et technique ainsi que des carnets techniques des moteurs n'a permis de découvrir aucune anomalie. Au 28 décembre 2000, le moteur gauche (Lycoming IO-540, modèle AA1A5, numéro de série L-20934-48A) ainsi que le moteur droit (numéro de série L-20903-48A, totalisaient 3 052,3 heures de fonctionnement depuis leur mise en service initiale.
L'avion était équipé pour le vol aux instruments, notamment d'un équipement de mesure de distance (DME), d'un radio-altimètre et d'un système de positionnement mondial (GPS).
L'avion a heurté une des deux tours de transmission situées au sommet du mont Okanagan qui culmine à 5 164 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl). L'extrémité de l'aile gauche de l'avion a heurté une antenne parabolique à hyperfréquence, en contrebas du sommet de la tour de 157 pieds, alors que l'avion était incliné à droite. Des morceaux de l'extrémité d'aile de l'avion ont été retrouvés au pied de la tour. L'avion est devenu ingouvernable et a poursuivi son vol, probablement en culbutant, vers le bas de la pente, juste au-dessus de la cime des arbres, sur une distance d'environ 160 mètres sur un cap orienté au 140 degrés magnétique avant de heurter un arbre et de se disloquer. Compte tenu de la violence de l'impact, l'accident n'offrait aucune chance de survie.
Le mauvais temps dans la région de Penticton a interdit les recherches aériennes; des motoneiges ont été utilisées pour faire des recherches au sol. L'épave a été retrouvée deux jours plus tard.
L'examen de l'épave sur le lieu de l'accident n'a révélé aucune défectuosité antérieure à l'impact. Toutes les gouvernes de l'avion ont été retrouvées sur les lieux. L'examen des moteurs et de leurs composants et systèmes n'a révélé aucune défectuosité ou anomalie antérieure à l'impact qui aurait pu nuire aux performances des moteurs. L'examen des hélices indique que les deux moteurs fonctionnaient au moment de l'impact. Tous les dommages aux moteurs ont été attribués à l'impact. L'examen des moteurs sur les lieux n'a pas permis de déterminer avec précision la puissance produite par les moteurs à l'impact.
La radiobalise de repérage d'urgence (ELT) a été retrouvée, mais elle avait été détruite par les forces de l'impact. Son interrupteur a été trouvé en position armée, mais la radiobalise ne fonctionnait pas.
Comme le montre l'Annexe A, l'approche LOC DME-B à Penticton est une approche de non-précision qui commence au NDB de Penticton (YYF) à une altitude minimale de 7 500 pieds. Quand un pilote effectue cette approche, on s'attend :
- à ce qu'il se dirige en éloignement sur le LOC, au-delà du NDB UNT (Naramata) jusqu'à ce qu'il se trouve à 10 milles marins (nm) du DME;
- à ce qu'il exécute un virage conventionnel à gauche à une altitude minimale de 6 500 pieds et qu'il termine son virage à moins de 14,1 nm du DME (en se servant du DME de XYF 110,3);
- à ce qu'il se place en rapprochement sur le LOC à une altitude minimale de 5 900 pieds jusqu'à 10 nm du DME;
- à ce qu'il descende à au moins 5 500 pieds au NDB UNT;
- et à ce qu'il descende à au moins 2 980 pieds au NDB YYF, le point d'approche interrompue.
Les données radar montrent que l'avion a franchi le NDB YYF à 11 000 pieds à 200 noeuds. Il s'est alors dirigé en éloignement sur le LOC à 180 noeuds avec un taux de descente de 1 100 pieds par minute (pi/min) jusqu'à ce qu'il franchisse le NDB UNT où le taux de descente de l'avion a augmenté à 1 500 pi/min. Après avoir franchi le NDB UNT à une altitude de 9 000 pieds, l'avion a continué sa route sur le LOC pendant une minute jusqu'à 13 nm du DME, puis il a fait un virage à gauche sur le cap du virage conventionnel en éloignement de 295 degrés magnétique. L'avion a franchi en descente l'altitude minimale du virage conventionnel de 6 500 pieds à un taux de descente de 1 740 pi/min. Au bout de 45 secondes environ, l'avion a amorcé un virage à droite et s'est mis en palier à 5 500 pieds, tout en poursuivant son virage sur un cap au 120 degrés magnétique à une distance de 16 nm du DME. L'avion est disparu de l'écran radar tout juste avant d'intercepter le LOC, en même temps qu'apparaissait une onde porteuse de deux secondes sur la fréquence de la station d'information de vol (FSS).
L'altimètre a été récupéré; il était calé à 30,21 pouces, le dernier calage altimétrique de Penticton. Les altimètres barométriques sont étalonnés pour indiquer l'altitude vraie en atmosphère type internationale (ISA). Tout écart par rapport à l'ISA donne lieu à une lecture erronée sur l'altimètre. Lorsque la température est inférieure à l'ISA, l'altitude vraie est inférieure à la valeur affichée sur l'altimètre. Des tableaux de correction d'altitude sont fournis aux pilotes pour les aider à calculer la correction de hauteur à apporter pour des températures de zéro et moins.
Comme il n'y avait pas d'autre appareil à Penticton, le contrôleur, ayant communiqué l'autorisation d'approche à l'avion N88AT, avec la restriction d'exécuter le virage conventionnel à moins de 13 nm de l'aéroport de Penticton, s'est alors concentré sur les mouvements de trafic à deux autres aéroports et n'a pas remarqué les écarts de l'avion N88AT par rapport à la procédure d'approche.
Au moment de l'accident, les conditions météo à Penticton étaient telles qu'il était très peu probable que l'avion puisse se poser. En vertu du Règlement de l'aviation canadien, toutefois, un pilote peut exécuter une approche aux instruments dans ces conditions, même si les chances de réussite sont minces.
Analyse
L'examen de l'avion, des moteurs et des systèmes auxiliaires n'a révélé aucune défectuosité qui aurait pu mener à l'accident.
Le pilote s'est dirigé en éloignement sur le LOC pendant une minute à partir du NDB UNT, et il a commencé son virage conventionnel à 13 nm du DME, soit à 3 nm au-delà du point de virage situé à 10 nm du DME figurant sur la carte d'approche et déjà à la limite convenue entre le contrôleur et le pilote. Le pilote ayant entamé le virage conventionnel tardivement a fait que l'avion s'est retrouvé à 16 nm du DME avant la fin du virage, soit 1,9 nm au-delà de la limite figurant sur la carte. L'avion se trouvait à 1 000 pieds au-dessous de l'altitude minimale du virage conventionnel, et pendant le virage pour intercepter le LOC, il se trouvait à 400 pieds plus bas que l'altitude minimale de sécurité dans ce secteur, laquelle est de 5 900 pieds asl.
L'avion se trouvait à environ 5 500 pieds asl quand il a heurté la tour, alors que la tour culminait à une altitude vraie de 5 321 pieds. La température à l'aéroport de Penticton était de 0° C, et la correction en fonction de la température pour l'altimètre de l'avion, pour une lecture de 5 500 pieds, était d'environ 100 pieds. L'altitude vraie de l'avion était donc de 5 400 pieds. De petites erreurs dans l'altimètre de l'avion ou un écart par rapport à 5 500 pieds dans les dernières secondes du vol peuvent facilement avoir pu amener l'avion à voler plus bas que le sommet de la tour.
L'enquête n'a pas révélé pourquoi le pilote avait volé au-dessous de l'altitude minimale du virage conventionnel. Le calage altimétrique était exact, et l'altitude de l'avion au-dessus du NDB YYF, enregistrée sur la bande radar, était exactement de 11 000 pieds asl, altitude à laquelle l'avion avait été autorisé. Compte tenu de ces faits, on a conclu que le pilote a dû voir que les altitudes de son altimètre coïncidaient avec les altitudes enregistrées. On ne sait pas pourquoi le pilote a dépassé de 3 nm le point de virage conventionnel avant de se mettre en virage à gauche pour entamer le virage conventionnel.
Compte tenu des conditions météo signalées, il est permis de supposer que l'avion se trouvait dans un nuage ou dans des chutes de neige pendant toute l'approche. Les conditions météo ont probablement eu une incidence sur le vol, mais on ne sait pas jusqu'à quel point.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- Pour une raison qui n'a pas été déterminée, le pilote n'a pas respecté les procédures indiquées pour faire une approche LOC DME-B sur la piste 16 à Penticton. Résultat, l'avion n'est pas resté dans les limites de l'espace aérien protégé, il s'est retrouvé au-dessous de l'altitude minimale de sécurité pour le virage conventionnel et il a heurté une tour.
Faits établis quant aux risques
- L'approche s'est déroulée dans des conditions météo qui empêchaient pratiquement le pilote de se poser.
Autres faits établis
- Au moment de l'accident, le certificat médical du pilote pour valider sa licence était périmé depuis un mois; l'enquête n'a permis de découvrir aucune information comme quoi le pilote aurait subi un examen médical de la FAA après la date d'expiration de son certificat.
Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .
Annexes