Rapport d'enquête aéronautique A98C0030

Collision avec le relief
Diamond Aircraft Industries Inc. DA-20-A1 Katana
Interlake International Pilot Training Centre
3 nm au NE de Kinosota (Manitoba)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le Diamond DA-20-A1 Katana, ayant à son bord un instructeur de pilotage et un élève, a quitté Gimli (Manitoba) pour un vol de 118 milles marins à destination de Dauphin. L'instructeur avait déposé un plan de vol selon les règles de vol à vue (VFR) avec la station d'information de vol (FSS) de Winnipeg. Lorsque l'avion n'est pas arrivé à destination, la FSS a effectué une recherche par radio, puis a contacté l'exploitant de l'aéronef. L'équipage d'un avion en survol a signalé la réception d'un signal provenant d'une radiobalise de secours (ELT) le long de la trajectoire de vol prévue de l'avion, et un appareil de recherche et de sauvetage militaire a été envoyé dans la région. L'accident s'était produit pendant les heures de clarté, vers 11 h, heure normale du Centre (HNC)Note de bas de page 1, et l'avion a été localisé vers 15 h. Ce dernier s'était écrasé sur le lac Manitoba dont la surface gelée avait une épaisseur de douze pouces, en piqué, légèrement incliné à droite, à grandes vitesses horizontale et verticale. Rien n'indiquait que l'avion était en train d'effectuer une rotation. L'appareil s'est encastré dans la glace jusqu'au niveau du bord d'attaque de l'aile : le nez, le moteur et une partie du poste de pilotage étaient immergés. Les deux occupants ont subi des blessures mortelles à l'impact, et l'avion a été détruit.

    Renseignements de base

    L'instructeur était certifié et qualifié pour le vol, conformément à la réglementation en vigueur. Il était titulaire d'une licence de pilote professionnel et totalisait 719 heures de vol, dont 283 sur l'avion de type Katana DA-20. Il avait obtenu un certaine formation au vol aux instruments, conformément aux exigences de formation de la licence de pilote professionnel, mais il n'était pas titulaire d'une qualification aux instruments. Sa licence de pilote avait été annotée d'une qualification d'instructeur de classe 4 le 22 mai 1996. La qualification de l'instructeur avait par la suite été élevée au niveau de classe 3 valide jusqu'au 1er novembre 1998. Au moment de l'accident, le pilote avait totalisé 456 heures de vol depuis son engagement comme instructeur au Interlake International Pilot Training Centre (IIPTC). On rapporte qu'il était un pilote prudent et un instructeur consciencieux; il avait suivi le cours de Transports Canada sur la prise de décisions des pilotes le 13 novembre 1997.

    L'élève avait réussi les examens écrits nécessaires à la délivrance de son permis de pilote de loisir. Selon son carnet de vol, il avait totalisé 50.3 heures de vol, dont 10.4 avaient été effectuées en solo. L'instructeur avait rempli un formulaire indiquant qu'il avait effectué une évaluation pré-test de l'élève portant sur tous les exercices d'entraînement, et qu'il considérait que ce dernier satisfaisait aux normes de compétence pour la délivrance d'une licence de pilote récréatif. Le vol en question avait pour objet de satisfaire aux exigences de vol de navigation pour la délivrance d'un permis de pilote récréatif, et d'amener l'élève à Dauphin pour qu'il subisse son test en vol u permis de pilote récréatif. Selon ce qui a été rapporté, l'instructeur de pilotage en chef d'IIPTC avait organisé le vol de test avec un examinateur à Dauphin.

    L'information météorologique à Gimli s'obtient au moyen d'un système automatisé d'observations météorologiques (AWOS). Le jour de l'accident, le temps à Gimli au tout début de la matinée était généralement nuageux, et la visibilité était réduite à cause du brouillard.

    L'instructeur a appelé la station d'information de vol (FSS) de Winnipeg à 8 h 11, a indiqué au spécialiste de la FSS qu'il prévoyait un vol VFR vers Dauphin et il a demandé un exposé météorologique. Le spécialiste FSS a donné l'exposé suivant à l'instructeur :

    « Okay, le VFR n'est pas recommandé avant midi au plus tôt. À l'heure actuelle, le système automatisé de Gimli à 8 h indique un vent calme, une visibilité de quatre milles et un plafond à 2200 pieds sous un ciel couvert, température moins quatre, point de rosée moins quatre, calage altimétrique trois zéro zéro deux. Le rapport du système automatisé de Dauphin à 8 h signale un vent du 210 à six, une visibilité de neuf milles, un plafond de 1800 sous des nuages fragmentés, une température de plus un, un point de rosée de moins deux et un calage altimétrique de 29.98. Il y a beaucoup de poches de brouillard ce matin; nous avons un huitième de mille ici à Winnipeg avec une visibilité verticale de zéro, et c'est pas mal ce qui prévaut au-dessus de la vallée de la rivière Rouge. Je suis surpris que les conditions de visibilité de Gimli se soient améliorées au point où elles en sont à l'heure actuelle. Il y a quelques minutes, elles étaient descendues à un demi ou à un huitième de mille. Elles pourraient retomber à n'importe quel moment. Et la prévision régionale pour le sud du Manitoba est un léger courant du sud-ouest se transformant en léger courant du sud au cours de la période, la masse d'air étant humide à basse altitude et stable sur les régions à l'ouest, se transformant en poches d'air humide sur les régions à l'est et pour les régions à l'ouest surtout concentrées à l'ouest de la vallée de la rivière Rouge, plafond à 2500 dans un ciel couvert occasionnellement fragmenté avec un sommet à 4000 et des visibilités de plus de six milles, sauf par endroit des plafonds de stratus épars de 500 à 1000 pieds et des visibilités d'un à cinq milles dans une bruine légère, de la neige et du crachin jusqu'à 18 h Zulu [UTC]. Givrage mixte moyen dans les stratus. Le niveau de congélation est près de la surface, s'élevant à 2500 pieds vers midi, et l'aperçu pour la période de 18 h à 6 h est plafonds de VFR marginal devenant VFR à partir de l'ouest. »

    L'instructeur a demandé la prévision d'aérodrome de Dauphin et a reçu l'information suivante : « Prévision d'aérodrome TAF pour Dauphin, valide de 5 h à 18 h [UTC], vent du 230 degrés à sept, visibilité de plus de six milles et plafond à 2000 pieds sous un ciel couvert et vent reculant au 180 degrés à 12 noeuds entre 14 h et 16 h Zulu. »

    Le jour de l'accident, Environnement Canada a préparé des prévisions pour la région de Brandon-Dauphin-Winnipeg-Gimli, et des prévisions d'aérodromes pour Dauphin. Il n'y avait pas de prévisions d'aérodrome ni d'observations météorologiques pour les points entre Gimli et Dauphin, et rien n'indique que l'instructeur ou l'élève aient obtenu des renseignements météorologiques pour cette région d'autres sources. La région entre Gimli et Dauphin n'est pas densément peuplée. Toutefois, il y a plusieurs villages le long de la route du vol dont les habitants ont été en mesure de fournir des renseignements météorologiques après l'accident. Ces renseignements ne sont pas facilement disponibles aux pilotes par l'intermédiaire de la FSS. L'exposé météorologique fourni à l'instructeur par le spécialiste FSS correspondait généralement aux observations météorologiques consignées pour Dauphin et Gimli, à la prévision d'aérodrome pour Dauphin et à la prévision régionale pour la route du vol.

    Après avoir reçu l'exposé météorologique du spécialiste de la FSS, l'instructeur et l'élève ont discuté et ont décidé d'attendre que les conditions s'améliorent. À 9 h 41, le système automatisé d'observations météorologiques de Gimli signalait que la couverture nuageuse avait diminué au point d'être constituée de nuages épars à 1 900 pieds avec une visibilité de 2,5 milles. L'élève a déposé un plan de vol VFR avec la FSS à 9 h 54, indiquant une altitude prévue de 2 500 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl). À 10 h, le système automatique d'observations météorologiques a indiqué que le ciel était dégagé et que la visibilité avait augmenté à six milles. L'instructeur et l'élève ont quitté peu après avoir reçu le rapport de 10 h de la station automatique.

    Un imprimé des renseignements météorologiques provenant du site internet de NavCanada a été retrouvé dans les effets personnels de l'élève, dans l'avion après l'accident. Les renseignements avaient été imprimés à 8 h 21 le jour de l'accident et ils comprenaient les récentes observations météorologiques et prévisions d'aérodrome de Winnipeg, Brandon, Portage Southport, Dauphin et Le Pas ainsi que les prévision des vents en altitude et la prévision régionale pour la période comprise entre 6 h et 18 h. La prévision régionale indiquait des plafonds à 2500 pieds asl, avec des sommets à 4 000 pieds, une visibilité supérieure à six milles terrestres avec par endroit des plafonds de stratus entre 500 et 1 000 pieds et des visibilités variant de un à cinq milles terrestres dans une bruine légère, de la neige et de la brume jusqu'à midi. Un givrage mixte moyen dans des stratus, du givre opaque de léger à moyen au-dessus du point de congélation. Point de congélation près de la surface et s'élevant à 2 500 pieds vers midi. Turbulence légère à nulle. Aperçu : plafonds de VFR marginal devenant VFR à partir de l'ouest.

    Plusieurs observateurs au sol ont indiqué que la météo entre Eriksdale, à 20 milles marins (nm) à l'est du lieu de l'accident, et Vogar, à cinq milles marins du lieu de l'accident présentaient des nuages fragmentés à couverts à basse altitude au moment du vol, la visibilité étant à l'occasion réduite par le brouillard. D'autres personnes sont parties de Kinosota, à trois milles marins au sud-ouest du lieu de l'accident, et se sont dirigées vers le lac Manitoba dans une zone de pêche située à environ six milles au sud du lieu de l'accident, le matin de ce dernier. Ces personnes ont aussi observé que des nuages bas et du brouillard étaient présents dans ces régions jusqu'à midi ce jour-là. Plusieurs observateurs ont remarqué qu'un appareil qui correspondait à la description de l'avion en question se dirigeait vers l'ouest, sur la route de vol prévue, au-dessus du village de Vogar, à une altitude estimée à 200 ou 400 pieds, peu avant midi le jour de l'accident. On a vu l'avion voler au-dessus d'une couche nuageuse et il n'a été que brièvement visible entre les trouées des nuages. On a indiqué que l'avion volait droit et en palier et que le bruit de son moteur était régulier. L'élévation du sol dans la région de Vogar est d'environ 840 pieds asl.

    Un témoin a indiqué avoir entendu un avion voler dans la région à l'ouest de Vogar. L'avion n'était pas visible, mais la hauteur du son du moteur de l'avion variait, d'une façon laissant croire que l'avion virait ou manoeuvrait. Comme le son de l'avion s'affaiblissait, un bruit sec a été entendu, ce que le témoin a cru être le bruit de la glace du lac qui craquait. Après ce bruit, il ne pouvait plus entendre l'avion. L'avion n'était pas visible par les observateurs à cause du brouillard dans la région. On n'a trouvé aucun témoin qui ait observé l'écrasement. Selon ce qui a été rapporté, la glace du lac fend rarement dans les températures relativement chaudes qui prévalaient le jour de l'accident.

    Le Règlement de l'aviation canadien (RAC) stipule qu'aucune personne ne doit exploiter un avion en vol VFR à l'intérieur d'un espace aérien non contrôlé à moins que l'avion vole par référence visuelle par rapport à la surface; et dans les cas où l'avion est exploité à moins de 1000 pieds au-desus du sol (agl) , le jour, la visibilité en vol ne doit pas être inférieure à deux milles terrestres, à moins d'autorisation contraire, et l'avion doit voler à l'extérieur des nuages. Les pilotes volant en VFR ont besoin d'une visibilité et d'un plafond suffisants pour s'orienter par rapport au sol et naviguer jusqu'à leur destination. Le vol dans les nuages ou dans des zones de visibilité réduite diminue le nombre de références visuelles qui permettent aux pilotes de conserver la maîtrise de leur appareil. Le relief de Gimli à Vogar se compose essentiellement de champs cultivés et de forêts qui offrent des références visuelles même si le sol est recouvert de neige. La Publication d'information aéronautique (A.I.P. Canada) indique qu'un voile blanc se produit au-dessus d'une surface enneigée et sous un ciel uniformément couvert, et qu'il a pour effet de faire perdre la perception du relief et de créer un phénomène de désorientation; seuls des objets très foncés se trouvant à proximité peuvent être décelés. Voler au-dessus de la surface blanche d'un lac gelé recouvert de neige réduit grandement les références visuelles disponibles et augmente les risques que le pilote soit victime d'un voile blanc.

    La masse maximale autorisée de l'avion est de 1 609 lb. Une reconstitution de la masse de l'avion, fondée sur le poids réel des occupants et de leurs bagages retrouvés dans l'avion ainsi que la charge de carburant consignée indique que l'avion pesait 1 637 livres au décollage et 1 619 livres au moment de l'accident. Un calcul du centrage de l'avion indique que le centre de gravité ne se trouvait pas dans les limites approuvées, mais cela n'était probablement pas un facteur dans l'accident.

    Le carnet de bord de l'avion se trouvait à bord au départ de Gimli. On n'a pas retrouvé le carnet de bord après l'accident et l'on croit qu'il a été perdu dans la glace sur les lieux de l'accident. Les dossiers de l'avion indiquent que celui-ci était certifié et équipé conformément à la réglementation en vigueur. Il n'y avait aucun signe d'incendie avant ou après l'écrasement. Le moteur s'est séparé du fuselage à l'impact et il pendait au bout des câbles de commande du moteur, sous la glace. Le moteur a subi de graves dommages à l'impact si bien qu'il n'a pas été possible de le faire fonctionner pour déterminer son état. Toutefois, les dommages subis par les engrenages du réducteur et par l'hélice de l'avion indiquent que le moteur produisait de la puissance au moment de l'impact avec la glace. Les revêtements en composites de la voilure ont été retrouvés décollés des longerons d'aile. Un examen a révélé la présence de fissures et de plissements résultant d'un impact avec les bords d'attaque des revêtements alors qu'ils étaient maintenus en place par les longerons. La poutre-fuselage de l'avion s'est rompue à la limite de la dérive. Le mode de défaillance correspondait aux forces d'impact, et rien n'indique que cette structure s'était rompue en vol. L'analyse des instruments électriques de vol a révélé qu'ils fonctionnaient au moment de l'accident. Les gouvernes et les autres circuits de l'avion ont été examinés dans la mesure du possible, et l'on n'a découvert aucun signe de défectuosité. L'avion avait totalisé 1500 heures de vol depuis sa construction. Il n'était pas équipé pour le vol aux instruments ni pour le vol dans des conditions de givrage connues. On savait que le gyroscope dérivait en vol; toutefois, il était quand même considéré en bon état de fonctionnement.

    Plusieurs instructeurs de l'IIPTC ont indiqué qu'ils allumaient systématiquement le transpondeur en vol; toutefois, à plusieurs reprises, ils s'étaient aperçu qu'il était inutilisable. L'instrument n'était pas devenu fiable malgré plusieurs tentatives de réparation. Un examen des dossiers des données radar au Centre de contrôle régional de Winnipeg a révélé une cible primaire quittant la zone de Gimli au moment où l'avion en question est parti. La cible s'est déplacée sur la trajectoire prévue par l'équipage pendant plusieurs minutes, puis a disparu. Un système radar peut afficher la cible primaire d'un avion dont le transpondeur ne fonctionne pas. Le transpondeur a été endommagé dans l'accident, et il n'a pu être testé. Un transpondeur qui fonctionne interagit avec le radar et donne un affichage radar secondaire. Aucune autre cible à basse altitude n'a été détectée par le radar dans la région Vogar-Kinosota au moment de l'accident.

    L'étudiant occupait le siège gauche, conformément aux pratiques normales en instruction, mais l'instructeur était le pilote commandant de bord et il avait la responsabilité de la sécurité du vol. Les instruments de vol de l'avion sont placés devant le siège gauche; toutefois, ils peuvent être observés à partir du siège droit. Les résultats d'autopsie indiquent que l'instructeur était probablement aux commandes au moment de l'accident. Les résultats des examens toxicologiques visant à déterminer la présence d'alcool et d'autres produits volatils ont été négatifs pour l'élève et l'instructeur.

    L'IIPTC avait établi une politique de formation intitulée « Mesures de sécurité de l'unité de formation au pilotage ». Cette publication précisait que « Ces mesures de sécurité ont été élaborées pour guider l'élève dans six domaines de l'exploitation. » Un de ces domaines était les minima météorologiques pour les vols. En page 5, des limites météorologiques précises sont fournies pour les vols en solo des élèves. Dans le cas des vols en solo des élèves pilotes, les limites sont : « Circuits : plafond de 1000 pieds, visibilité de 5 milles terrestres; Zone d'exercice : plafond de 2500 pieds, visibilité de 10 milles terrestres; Vol de navigation en solo : plafon de 3000 pieds, visibilité de 12 milles terrestres ». En ce qui a trait aux vols des élèves en double commande, la publication précise : « Dans la plupart des cas, l'instructeur détermine si les conditions météorologiques conviennent ou non au vol en solo ou en double commande. » Des entrevues avec des instructeurs de l'IIPTC ont indiqué qu'ils étaient, pour la plupart, au courant des dispositions de ces mesures de sécurité et qu'ils exécutaient leurs vols conformément à celles-ci.

    La structure organisationnelle de l'IIPTC se composait d'un chef instructeur de pilotage, d'un chef instructeur adjoint, d'instructeurs et d'élèves. Le chef instructeur de pilotage était responsable des décisions relativement à la sécurité aérienne pendant les périodes de vol ainsi que de la gestion générale de la formation au pilotage de l'IIPTC. Le chef instructeur adjoint supervisait les instructeurs et agissait comme le coordonnateur de la maintenance. Sauf lorsqu'ils agissaient comme instructeurs pour un vol donné, ni le chef instructeur de pilotage ni le chef instructeur adjoint ne recevaient systématiquement ni ne révisaient les bulletins ou les prévisions météorologiques pour déterminer si les conditions prédominantes se prêtaient aux vols. Chaque instructeur était responsable de vérifier la météo avant le départ. Le chef instructeur de pilotage était au bureau le matin de l'accident. Il a indiqué avoir vérifié le bulletin météorologique de la station automatique d'observations météorologiques (AWOS) pour Gimli et les conditions météorologiques observées à Dauphin avant le départ du vol en question, mais qu'il n'avait pas revu la prévision régionale pour la route du vol. En révisant la prévision régionale après l'accident, le chef instructeur de pilotage et son adjoint ont indiqué qu'ils ne considéraient pas les conditions météorologiques prévues comme se prêtant au vol proposé. Le chef instructeur adjoint n'était pas au bureau le matin de l'accident.

    La résidence de l'élève se trouvait dans le sud de l'Ontario. Au cours de sa formation à Gimli, il avait dû faire face à plusieurs retards ou reports de certains exercices du fait du temps nuageux pour la saison. Il a été mentionné que l'élève avait prévu de quitter Gimli pour retourner chez lui le jour suivant le test en vol proposée, et que l'instructeur, le chef instructeur et l'élève avaient hâte d'en finir avec le test en vol avant le départ de l'élève. Si le test en vol prévu n'avait pas lieu le jour de l'accident, il serait considérablement retardé, et il aurait fallu probablement d'autre entraînement avant que l'élève puisse s'y présenter.

    Analyse

    L'examen de l'épave de l'avion indique que sa structure, son moteur et ses commandes de vol étaient en bon état de fonctionnement au moment de l'accident.

    La cible radar primaire qui indiquait un aéronef partant de Gimli correspondait probablement à l'avion accidenté. Le fait que seulement une cible primaire ait été observée indique que le transpondeur ne fonctionnait pas ou qu'il n'avait pas été allumé pendant le vol. Les instructeurs avaient l'habitude d'allumer le transpondeur; par conséquent, il est possible qu'il eut été allumé mais qu'il ne fonctionnait pas pendant le vol en question. L'absence de communications par transpondeur a rendu plus difficile toute interaction avec le contrôle de la circulation aérienne; toutefois, la sécurité de ce vol n'en a pas été compromise pour autant.

    Les renseignements disponibles indiquent que l'instructeur et l'élève avaient obtenu la prévision régionale pour la route de vol proposée entre Gimli et Dauphin, mais qu'ils ne disposaient pas de renseignements météorologiques précis pour la région de Vogar lors de leur planification pré-vol. Par conséquent, ils n'étaient probablement pas au courant du brouillard qui régnait dans la région du lac Manitoba. Toutefois, la prévision régionale indiquait des plafonds de stratus de 500 à 1 000 pieds par endroits et des visibilités pouvant descendre jusqu'à un mille, c'est-à-dire des conditions ne permettant pas de voler en conformité avec les exigences du RAC. La décision de l'instructeur de partir dans ces conditions ne lui laissait que peu de marge de manoeuvre advenant des conditions de plafond ou de visibilité qui deviennent en cours de route inférieures à celles prévues.

    L'élève prévoyait retourner chez lui, en Ontario, le lendemain; aussi, l'instructeur et l'élève essayaient-ils de terminer l'épreuve en vol avant le départ de l'élève. Il n'est pas possible de savoir dans quelle mesure cette situation aurait influencé les décisions prises par l'élève et l'instructeur, mais il est probable qu'elle aurait augmenté la pression sur l'instructeur et l'élève pour qu'ils effectuent le vol à destination de Dauphin.

    La structure administrative de l'IIPTC comprenait une certaine supervision des instructeurs par le chef instructeur et son adjoint. Toutefois, elle ne comprenait pas le contrôle systématique de la planification des vols, ni ne permettait l'évaluation régulière des données météorologiques disponibles. Lorsque le chef instructeur de pilotage et son adjoint ont revu la prévision régionale après l'accident, ils ont indiqué qu'ils ne jugeaient pas appropriées les conditions météorologiques pour le vol prévu. Si leur approbation avait été nécessaire avant le départ, le vol n'aurait probablement pas eu lieu. Le fait que l'instructeur était au courant de la prévision régionale mais qu'il ait décidé d'effectuer le vol dans une région où de mauvaises conditions météorologiques étaient prévues, et le fait que le chef instructeur adjoint avait revu les conditions observées mais non la prévision régionale révèlent que peu d'importance était accordée aux prévisions régionales dans le processus de planification des vols à l'IIPTC.

    Même si les conditions météorologiques à Gimli et à Dauphin étaient supérieures à celles qu'exigent le vol VFR, les conditions observées dans la région du lieu de l'accident étaient pires que la prévision; ni la visibilité, ni le plafond n'étaient suffisants pour le régime de vol choisi. Les bulletins locaux indiquaient une couverture nuageuse croissante à l'ouest de l'autoroute 6 ainsi qu'un plafond bas et une faible visibilité au-dessus du lac, dans la zone du lieu de l'accident. L'observateur au sol à l'ouest de Vogar pouvait entendre l'avion, mais il était incapable de le voir à cause du brouillard. Il est donc peu probable que l'avion, à ce moment, ait pu être piloté avec suffisamment de références visuelles par rapport au sol.

    L'instructeur et l'élève ont volé en direction d'une région où la couverture nuageuse augmentait par rapport à l'est, où la couverture nuageuse était plus haute et éparse et où il y avait de meilleures conditions de vol à vue, en ce que la végétation fournissait des repères visuels même si le sol était recouvert de neige. Comme l'avion approchait de Vogar, les nuages se sont épaissis, et le plafond a diminué. À l'ouest de Vogar, une bonne partie des références visuelles par rapport à la surface aurait été perdue à partir du moment où au relief boisé succédait la surface gelée du lac. Le son uniforme et l'assiette en palier de l'avion, comme on a pu l'observer entre les nuages à l'est de Vogar, indiquent que l'avion était, à ce moment-là, bien maîtrisé. La faible altitude de l'avion signalée par un observateur se trouvant à l'ouest de Vogar indique que l'avion se trouvait considérablement plus bas que l'altitude prévue de 2 500 pieds asl. Le changement de hauteur du son de l'avion, signalé par un observateur se trouvant à l'ouest de Vogar, correspond au passage de l'avion du vol au-dessus de la terre ferme à celui au-dessus du lac gelé. La manoeuvre pourrait avoir été tentée afin de faire demi-tour, et le bruit de craquement qui s'en est suivi pourrait avoir été celui de l'avion heurtant la glace.

    La surface blanche du lac offrait peu de contraste avec les nuages fragmentés et elle a probablement estompé le peu de références visuelles qui restaient à la disposition du pilote de l'avion. L'assiette de l'avion lorsqu'il a heurté la glace indique que les pilotes ont perdu la maîtrise de l'appareil et qu'ils ont entamé une manoeuvre dont ils étaient incapables de sortir compte tenu de l'altitude disponible. L'instructeur avait bien reçu une certaine formation en vol aux instruments, mais il n'était pas qualifié pour voler en conditions météorologiques aux instruments, et l'avion n'était pas certifié pour voler dans ces conditions.

    L'accident a donné lieu au rapport suivant du Laboratoire technique du BST : LP 22/98 Instruments Examination (examen des instruments). On peut obtenir un exemplaire du rapport sur demande au Bureau de la sécurité des transports du Canada.

    Faits établis

    1. L'instructeur était certifié et qualifié pour le vol, conformément à la réglementation en vigueur.
    2. Les dossiers de maintenance de l'avion indiquent que ce dernier était certifié et équipé conformément à la réglementation en vigueur, mais qu'il n'était pas équipé pour le vol aux instruments.
    3. L'examen de la structure, des commandes de vol et du moteur de l'avion n'a révélé aucune défectuosité avant écrasement.
    4. Il se peut que le transpondeur de l'avion n'ait pas été en bon état de fonctionnement au cours du vol en question.
    5. La masse de l'avion au décollage et au moment de l'accident était légèrement supérieure à la masse brute maximale autorisée pour le type d'avion.
    6. La prévision régionale indiquait des plafonds de stratus de 500 à 1 000 pieds par endroits le long de la route de vol proposée, avec une bruine légère, de la neige et du brouillard.
    7. L'instructeur avait obtenu un bulletin météorologique de la FSS, et l'élève avait obtenu des renseignements météorologiques pertinents du site internet de NavCanada.
    8. Le chef instructeur a revu les conditions météorologiques à Dauphin et à Gimli avant que le vol en question ne décolle, mais n'a pas vérifié la prévision régionale.
    9. La politique relative aux mesures de sécurité de l'IIPTC comprenait des limites météorologiques précises pour les vols en solo exécutés par les élèves, mais aucune limite météorologique précise pour les instructeurs.
    10. Au moment de l'accident, peu d'importance était accordée aux prévisions régionales dans le processus de planification des vols.
    11. Les conditions météorologiques se sont gâtées à mesure que le vol progressait à l'ouest de l'autoroute 6, et des plafonds bas ainsi qu'une faible visibilité étaient présents dans le voisinage du lieu de l'accident.
    12. Comme l'avion approchait du lac Manitoba, le brouillard et la surface gelée du lac n'offraient que peu de repères visuels au pilote, et des conditions proches du voile blanc prédominaient.
    13. Ni l'élève ni l'instructeur n'étaient qualifiés pour le vol aux instruments.
    14. L'avion a entamé une manoeuvre dont le pilote n'a pu sortir compte tenu de l'altitude disponible, et il a heurté la glace en piqué.
    15. Le départ prévu de l'élève de l'IIPTC le lendemain du vol en question a probablement accru la pression pour que l'instructeur et l'élève fassent le vol.

    Causes et facteurs contributifs

    L'instructeur a probablement perdu toute référence visuelle dans les nuages et dans des conditions proches du voile blanc; il a laissé l'avion entamer une manoeuvre dont il ne pouvait sortir compte tenu de l'altitude disponible. Ont contribué à l'accident la décision du pilote de poursuivre le vol VFR dans des conditions météorologiques qui se détérioraient à l'ouest d'Eriksdale et le fait que le processus de planification des vols n'insistait pas sur l'importance des prévisions régionales.

    Mesure de sécurité

    Mesures de sécurité à prises

    L'IIPTC a indiqué qu'il avait modifié se procédures de régulation des vols. La politique révisée prévoit que la planification des vols pour chaque vol de navigation sera revue par le chef instructeur ou le chef instructeur adjoint pour vérifier que les conditions météorologiques régionales se prêtent au vol et que la masse et le centrage des avions sont dans les limites approuvées.

    La Région des Prairies et du Nord de Transports Canada a indiqué qu'elle a modifié ses vols de vérification de compétence des instructeurs et des pilotes pour mettre l'accent sur la capacité du candidat d'interpréter correctement les observations météorologiques, les prévisions d'aérodrome et les prévisions régionales.

    Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau qui est composé du Président Benoît Bouchard et des membres Maurice Harquail, Charles Simpson et W.A. Tadros.

    Annexes

    Annexe A— Carte indiquant la trajectoire de vol prévue et le lieu de l'accident

    Distance le long de la route de vol prévue entre Gimli et le lieu de l'accident : 69 milles marins

    Distance le long de la route de vol prévue entre Gimli et Dauphin : 118 milles marins

    Annexe B — Sigles et abbréviations

    A.I.P.
    Publication d'information aéronautique
    asl
    au-dessus du niveau de la mer
    AWOS
    station automatique d'observations météorologiques
    BST
    Bureau de la sécurité des transports
    ELT
    radiobalise de repérage d'urgence
    FSS
    station d'information de vol
    HNC
    heure normale du Centre
    IIPTC
    Interlake International Pilote Training Centre
    nm
    mille marin
    RAC
    Règlement de l'aviation canadien
    TUC
    temps universel coordonné
    VFR
    règles de vol aux instruments