Rupture en vol d'une pale de rotor principal
Rupert's Land Operations Inc.
Hughes 369D (hélicoptère) C-FDTN
14 km au nord de Provost (Alberta)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Vers 14 h, heure normale des Rocheuses (HNR)Note de bas de page 1, le pilote de l'hélicoptère Hughes 369D portant le numéro de série 370102D transportait au bout d'une élingue de 50 pieds un bâti auquel étaient accrochés des sacs de matériel de sismique. Après avoir posé un sac, le pilote a repris le vol stationnaire à environ 100 pieds au-dessus du sol afin d'en placer un autre. Le manche cyclique s'est soudainement mis à vibrer fortement et l'hélicoptère a piqué du nez. Le pilote a alors tiré à fond sur le manche pour essayer de rétablir l'assiette de l'appareil, mais ce dernier a continué de descendre et s'est écrasé au sol, en piqué et incliné à gauche. Il s'est immobilisé sur le côté gauche, les traverses tubulaires et le tube de patin gauches cassés. La poutre de queue s'était détachée en vol, et les pales de rotor principal se sont vrillées sous la force de l'impact au sol. Le réservoir de carburant s'est perforé et mis à couler dans le poste de pilotage. Les travailleurs de l'équipe de sismique ont appelé les secours médicaux et aidé le pilote étourdi par le choc à sortir de l'épave. Ce dernier a été transporté en ambulance à un hôpital local. Les travailleurs ont par la suite trouvé une pale du rotor principal à environ 1 200 pieds au sud du lieu de l'accident.
Renseignements de base
L'hélicoptère Hughes 369D est doté de cinq pales de rotor principal (réf. 369D21100-517). Un jeu complet de pales avait été monté sur l'appareil en cause le 17 juillet 1995. À chaque pale correspond une couleur des écrous de fixation qui sert de repère de montage. À l'époque de l'accident, le jeu de pales avait environ 2 461 heures de vol, exception faite de la pale bleue qui en avait 86 de moins parce qu'elle avait dû être démontée pour subir une réparation des bandes d'usure. Ces pales ont une durée de vie normale de 3 530 heures.
La pale récupérée (no de série 009999-H709), appelée pale verte, s'est détachée de l'hélicoptère à cause de l'apparition d'une crique dans le sens de la corde, juste après la ferrure de fixation inférieure de la pale. Le longeron, le revêtement de la pale et le renfort montraient des signes caractéristiques de défaillance causée par la fatigue. L'examen de la pale du rotor effectué par le Laboratoire technique du BST a permis de constater que la crique avait pris naissance sur le renfort intérieur inférieur et qu'elle s'était étendue dans le sens de la corde à travers le revêtement et le longeron de la pale. L'enquête a révélé qu'un lot de renforts avait été utilisé pour le montage des pales bien qu'il avait à l'origine été refusé à cause d'un défaut. On avait découvert une rupture ou un pli dans la courbure du renfort vis-à-vis du revêtement de la pale. Ce défaut fait que l'épaisseur de la couche d'adhérisation peut subir des variations et éventuellement diminuer l'efficacité du collage à certains endroits au cours du montage. L'étude des contraintes a démontré qu'en plus de la réduction du transfert de charge causé par le décollement de l'adhésif, le défaut du renfort peut imposer une contrainte résiduelle importante au revêtement de la pale après le montage.
La vérification sur place a permis de découvrir une crique similaire au même endroit sur la pale bleue (no de série 009999-H706). L'examen ultérieur des autres pales effectué par le Laboratoire technique du BST a révélé que toutes avaient des criques au même endroit; la pale blanche (no de série 009999-H708) avait une crique d'un demi-pouce, et les pales jaune et rouge (nos de série 009999-H705 et -H707) présentaient une micro-fissuration.
L'examen de l'épave a permis de constater que la surface métallique du baquet de siège du pilote s'était déplacée vers le bas, et que le pylône instruments s'était brisé à sa base de fixation et qu'il se trouvait appuyé contre les débris des pédales du palonnier du pilote et le montant de porte avant gauche. Le moteur a continué de tourner après l'impact, brûlant l'herbe au-dessous des tuyaux d'échappement. La porte du côté pilote a été arrachée de ses charnières, et le pare-brise supérieur gauche en plexiglass s'est brisé à l'impact avec le sol. Rien n'indique que les pales du rotor principal ont heurté la poutre de queue. Le représentant de l'hélicoptériste a expliqué que, lors d'accidents antérieurs associés à un fort déséquilibre du rotor principal, la vibration latérale avait provoqué la défaillance structurale de la poutre de queue.
Les dossiers montrent que l'hélicoptère avait été certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. La masse et le centrage se trouvaient dans les limites prescrites, tout comme le centre de gravité. D'après les inscriptions au carnet de bord de l'appareil, la vérification obligatoire de l'embout du pied de pale en vertu de la consigne de navigabilité (AD) 96-10-09 avait été effectuée lors de la dernière inspection aux 100 heures, le 26 novembre 1997, et aucune crique n'avait été trouvée.
Le pilote possédait les licences et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur, et il avait accumulé un total de 1 554 heures de vol dont 1 452 sur Hughes 369D. Il portait un casque et la ceinture-baudrier complète au moment de l'accident. Il avait pris place sur le siège gauche, tel qu'il se doit dans ce type d'appareil. Il a été hospitalisé avec un poumon collabé, des exulcérations mineures aux chevilles et des brûlures chimiques au bas du torse et au bras gauche causées par la fuite de carburant. Il souffrait également du cou et du coccyx.
L'accident est survenu dans une zone de pâturage onduleuse et herbeuse, parsemée de petits arbres et de taillis. La journée de l'accident, le bulletin du Système automatique d'observation météorologique (AWOS) pour la région de Coronation (Alberta) (Coronation est situé à 50 nm au sud-est de Provost) annonçait un ciel clair au-dessous de 10 000 pieds, une visibilité de 9 milles, des vents soufflant du 270 degrés vrai à 7 noeuds, une température de −3 °C et un point de rosée de −7 °C. Les conditions météorologiques n'ont pas été retenues en tant que facteur contributif à l'accident.
Analyse
La pale du rotor principal s'est rompue en fatigue et s'est détachée sous des charges normales d'utilisation. Il est probable que la réduction de transfert de charge ayant résulté du décollement de l'adhésif, combinée aux contraintes résiduelles subies par le revêtement du renfort après le montage de la pale, est à l'origine de la fatigue.
Le type de blessure du pilote est le résultat logique de la façon dont l'hélicoptère s'est écrasé sur son patin gauche. Le fait d'avoir utilisé la ceinture-baudrier complète et d'avoir porté un casque n'a pas empêché le pilote de subir le fort impact des forces latérale et verticale, tel qu'en témoignent le déplacement vers le bas de la surface métallique du baquet de siège et les dommages à la porte côté pilote. Une fois l'hélicoptère immobilisé, le pilote n'a pu s'extirper de l'épave sans assistance.
L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :
- LP 190/97 - Main Rotor Blade Examination (Examen de la pale du rotor principal)
Faits établis
- La défaillance de la pale (verte) du rotor principal a été causée par la fatigue ayant vraisemblablement résulté d'un défaut des renforts, ce qui a provoqué la rupture de la pale.
- La forte vibration causée par la perte de la pale du rotor principal a provoqué la rupture de la poutre de queue.
- Après la rupture de la poutre de queue, le pilote n'a pu conserver la maîtrise de l'hélicoptère et il s'est écrasé.
Causes et facteurs contributifs
Le pilote a perdu la maîtrise de l'hélicoptère lors de la défaillance d'une pale du rotor principal causée par la fatigue. La pale s'est détachée de l'hélicoptère, ce qui s'est traduit par une forte vibration provoquant la rupture de la poutre de queue.
Mesures de sécurité
Mesures de sécurité à prises
Après avoir examiné les pièces défectueuses de la pale du rotor principal, l'hélicoptériste a publié les deux bulletins de service obligatoire (MSB) suivants :
- Le SB 369D-194, du 24 décembre 1997, précise qu'une inspection visuelle de l'embout du pied des pales ayant plus de 1 500 heures en service doit être effectuée toutes les 25 heures.
- Le SB369D-195R1, du 23 janvier 1998, précise qu'une inspection visuelle de l'embout du pied des pale ayant plus de 600 heures en service appartenant à certains types et portant certains numéros de série spécifiés doit être effectuée toutes les 25 heures.
La FAA a émis deux directives :
- L'AD 98-01-13, du 31 décembre 1997, rend obligatoire l'inspection requise par le SB 369D-194.
- L'AD 98-03-15, du 29 janvier 1998, rend obligatoire l'inspection requise par le SB 369D-195R1.
Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau qui est composé du Président Benoît Bouchard et des membres Maurice Harquail, Charles Simpson et W.A. Tadros.