Atterrissage train rentré (non intentionnel)
North American Airlines Ltd.
Swearingen SA226-TC C-FEPW
Aéroport international Macdonald-Cartier d'Ottawa (Ontario)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
L'aéronef transportait du courrier exprès de Hamilton à Ottawa (Ontario). Le vol s'est déroulé sans incident jusqu'à Ottawa, mais l'atterrissage sur la piste 25 s'est fait avec le train rentré. L'appareil a glissé sur le ventre avant de s'immobiliser; à ce moment-là'un incendie s'est déclaré dans le moteur droit. Le pilote et le copilote - les deux seules personnes à bord - ont rapidement évacué l'aéronef par la porte principale, et les pompiers de l'aéroport ont éteint l'incendie. Aucun membre de l'équipage n'a été blessé mais l'appareil a été fortement endommagé.
Renseignements de base
L'équipage possédait les licences et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur. Le pilote avait 2 240 heures de vol au total, dont 1 930 heures sur le type d'appareil en cause. Le copilote avait obtenu sa licence de pilote professionnel en 1988 et totalisait environ 500 heures de vol. Il avait terminé son cours de qualification aux instruments le 15 décembre 1996, et sa formation initiale sur le SA226-TC en mars 1997, en Colombie-Britannique, chez une autre compagnie. Il n'avait pas volé au cours des 44 jours précédant le 9 juin 1997, date à laquelle il avait terminé son entraînement périodique. Le copilote, qui en était à sa troisième journée de vol opérationnel chez cette compagnie, avait accumulé un total de quelque 55 heures sur ce type d'appareil.
Le copilote était aux commandes et effectuait une approche en alignement arrière, guidée au radar, vers la piste 25 de l'Aéroport international Macdonald-Cartier d'Ottawa. Après avoir quitté 10 000 pieds au-dessus du niveau de la mer en descente, l'équipage a fait l'exposé de préparation à l'approche. Compte tenu des bonnes conditions météorologiques à ce moment-là, l'équipage avait décidé d'effectuer une approche à vue, ce qui ne nécessitait plus un exposé complet de préparation pour une approche aux instruments. Le contrôleur a demandé à l'équipage de maintenir une vitesse d'au moins 180 noeuds en direction du radiophare non directionnel (NDB) d'Ottawa, qui est également le repère d'approche finale (FAF) de la piste 25. L'aéronef se trouvait hors des nuages à environ huit milles marins de l'aéroport, et l'équipage pouvait apercevoir la piste. Dans le but de faire faire au copilote un exercice d'approche aux instruments, le pilote - qui était également le pilote instructeur de la compagnie - a placé une carte contre le pare-brise de son collègue afin de limiter temporairement sa possibilité de voir à l'extérieur, vers l'avant. L'exposé n'a pas été modifié en fonction de la simulation de l'approche aux instruments. Le copilote a correctement dirigé l'appareil sur le radiophare d'alignement de piste, jusqu'au repère d'approche finale, puis il a réduit la vitesse à environ 140 noeuds et demandé au pilote de sortir les volets à moitié, ce que ce dernier a fait. Après le survol du repère d'approche finale, la charge de travail du copilote a augmenté, et ce dernier a éprouvé de la difficulté à exécuter l'approche simulée. En courte finale de la piste 25, le pilote a enlevé la carte placée contre le pare-brise du copilote. Ce dernier a remarqué que l'appareil volait plus vite et plus haut qu'à la normale, aussi a-t-il essayé de récupérer le bon profil d'approche. Quand l'aéronef est passé au-dessus du seuil de la piste 25, il se trouvait à environ 500 pieds au-dessus du sol et à une vitesse relativement élevée, aussi le pilote a décidé de prendre les commandes pour l'atterrissage. Le pilote, qui essayait de faire descendre et ralentir l'appareil le long de la piste, a déclaré qu'il venait juste d'effectuer une remise des gaz quand il a entendu les premiers bruits de l'impact.
La piste 25 a 8 000 pieds de long. Les premières traces de l'impact ont été laissées par les hélices à une distance approximative de 4 590 pieds du seuil de la piste 25. L'appareil venait de s'immobiliser à environ 6 770 pieds du seuil de la piste lorsqu'un incendie s'est déclaré dans le moteur droit. Le copilote a ouvert la porte principale de l'aéronef tandis que le pilote coupait les circuits de bord, et les deux sont sortis de l'avion sans aucune blessure.
Sur ce type d'aéronef, la vitesse maximum de sortie du train est de 176 noeuds, et les procédures d'utilisation normalisées (SOP) de la compagnie précisent que, pour effectuer une approche aux instruments normale, l'appareil doit survoler le repère d'approche finale à une vitesse de 140 noeuds, les volets à moitié sortis et le train sorti.
Conformément aux procédures d'utilisation normalisées de la compagnie, tous les points de la liste de vérifications, de l'après mise en route à l'après atterrissage inclusivement, doivent être énoncées un à un à l'aide d'une méthode question-réponse. Le premier point des vérifications avant l'atterrissage est « Train ... Sorti/3 verts ». Le copilote ne se souvenait pas d'avoir entendu la question sur la vérification du train, et le pilote ne s'est pas rappelé s'il avait placé la commande en position train sorti. Le pilote n'a pas non plus vérifié si les trois voyants verts étaient allumés avant l'accident. Il a dit qu'il avait l'habitude de vérifier si les phares d'atterrissage étaient allumés avant d'effectuer l'atterrissage, parce qu'il avait également l'habitude de ne les'allumer qu'après la sortie du train. Il s'est souvenu avoir vérifié si les phares d'atterrissage étaient allumés, et il en a déduit que le train était sorti. Le copilote a tenu pour acquis que les vérifications avant l'atterrissage avaient été faites puisque l'avion avait passé le NDB; ces vérifications s'effectuent normalement avant d'atteindre ce point ou une fois qu'on l'a atteint, au cours de l'approche. Le pilote ne s'est pas non plus souvenu avoir entendu retentir le klaxon du train avant l'impact.
L'inspection des circuits de bord a permis de constater que la commande du train était en position train rentré. Des tests du klaxon de train ont révélé qu'il ne fonctionnait pas. Un examen approfondi du dispositif a permis de découvrir qu'une diode était défectueuse. Après remplacement de la diode, le dispositif s'est remis à fonctionner. Le pilote a mentionné que le klaxon du train avait fonctionné normalement au cours des séances de formation du copilote une semaine auparavant.
Analyse
Les membres du personnel navigant nouvellement arrivés ont besoin de temps pour s'adapter aux procédures opérationnelles et aux tâches à exécuter. Les membres expérimentés doivent donc se conformer strictement aux procédures et demeurer vigilants à toutes les opérations dans le poste de pilotage, ce qui a pour effet d'accroître leur charge de travail. Dans le cas de cet événement, le peu d'expérience de vol du copilote combiné à son manque de pratique du vol IFR et à la vitesse relativement élevée de l'avion au moment du survol du radiophare non directionnel d'Ottawa se sont traduits par une charge de travail élevée. Le commentaire du copilote va dans se sens lorsqu'il dit qu'il s'est trouvé fort occupé après le passage du NDB. Dans la même veine, le pilote qui avait décidé de faire exécuter un exercice de simulation d'approche aux instruments par le copilote, devait non seulement exécuter ses tâches habituelles mais aussi se concentrer sur les faits et gestes du copilote. Au moment où le copilote s'est senti dépassé par les événements, la charge de travail du pilote qui était déjà lourde s'est accrue inopinément du fait qu'il a dû prendre les commandes de l'appareil.
Les vérifications avant l'atterrissage s'effectuent normalement avant d'atteindre le repère d'approche finale (FAF) ou une fois qu'on l'a atteint. Dans ce cas-là, l'attention de l'équipage avant d'atteindre le NDB était concentrée sur l'approche aux instruments puis, immédiatement après, sur le besoin de réduire la vitesse et l'altitude. Compte tenu de l'urgence d'exécuter ces tâches, l'équipage a oublié d'effectuer les vérifications avant l'atterrissage. Le pilote et le copilote se souviennent avoir consulté certains points de la liste de vérifications, mais pas à l'aide de la méthode question-réponse et ils ont posé l'avion avec le train rentré.
Plusieurs facteurs laissent supposer que ni le pilote ni le copilote n'étaient en mesure d'évaluer pleinement la situation : le pilote n'a pris les commandes de l'appareil qu'après le survol du seuil de la piste; ni lui ni le copilote n'ont fait de lien entre la vitesse excessive de l'avion et le fait que le train n'était pas sorti; le pilote a poursuivi la manoeuvre d'atterrissage malgré l'altitude et la vitesse de vol au-dessus du seuil; enfin, le pilote a été surpris de constater que l'appareil venait de toucher la piste au moment même où il se préparait à effectuer une remise des gaz.
L'ajout impromptu de l'exercice d'approche aux instruments a augmenté la charge de travail du copilote et, par la suite, celle du pilote. Cet accroissement a contribué au manque de coordination et de communication et a fait qu'aucune vérification avant l'atterrissage n'a été effectuée. Les exercices d'approche au cours d'un vol opérationnel, lorsque les conditions météorologiques sont favorables, sont des occasions d'accroître et d'entretenir la compétence, en autant que ces exercices ont fait l'objet d'une bonne planification aux fins de parer à toute éventualité.
L'habitude qu'a le pilote de se fier à l'illumination des phares d'atterrissage comme moyen de s'assurer que toutes les vérifications avant l'atterrissage ont bien été faites constitue une pratique contraire à la sécurité; la vérification de phares d'atterrissage n'est qu'un point parmi d'autres de la liste des vérifications obligatoires. La défaillance du klaxon du train, dont le rôle était d'avertir les pilotes que le train n'était pas sorti, représentait le dernier maillon brisé de la chaîne des événements ayant abouti à l'accident.
Faits établis
- L'équipage possédait les licences et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur.
- L'exercice de simulation d'approche aux instruments n'avait pas été planifié et l'équipage n'en avait pas discuté, ce qui a eu pour conséquence d'accroître la charge de travail du pilote et du copilote.
- Les procédures d'utilisation normalisées de la compagnie n'ont pas été suivies.
- Les vérifications avant l'atterrissage n'ont pas été faites et le train n'a pas été sorti.
- Le klaxon du train n'a pas fonctionné à cause de la défaillance d'une diode électrique.
- L'avion s'est posé avec le train rentré.
Causes et facteurs contributifs
L'avion a atterri avec le train rentré parce que l'équipage n'a pas suivi les procédures d'utilisation normalisées et n'a pas commandé la sortie du train. Ont contribué au présent accident le manque de planification, de coordination et de communication chez l'équipage, ainsi que la défaillance du dispositif avertisseur du train.
Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau qui est composé du Président Benoît Bouchard et des membres Maurice Harquail, Charles Simpson et W.A. Tadros.