Rapport d'enquête aéronautique A96W0178

Perte de maîtrise
Spirale Cessna 150 C-FQZC
Bellis (Alberta)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le pilote du Cessna 150 effectuait un vol de nuit selon les règles de vol à vue (VFR) entre Spirit River (Alberta) et St. Paul. Avant de partir, il avait téléphoné à la station d'information de vol (FSS) de Grande Prairie pour recevoir un exposé météorologique et déposer son plan de vol. Ce faisant (il était 20 h 30 environ), le pilote avait été averti que son plan de vol entrerait en vigueur dans 10 minutes à moins que le spécialiste de la FSS ne soit avisé du contraire. L'avion a décollé à 20 h 40, heure avancée des Rocheuses (HAR), pour effectuer, comme prévu, le vol d'une durée de quatre heures. Aucun message radio en provenance de l'avion n'a été reçu par la FSS de Grande Prairie ni par aucune autre FSS le long de la trajectoire.

    À 23 h 10, des personnes ont entendu de leur maison le grondement d'un moteur d'avion suivi d'un violent bruit sourd. Ils sont sortis pour regarder autour de leur ferme mais, comme il pleuvait si fort qu'il était impossible de voir quelque chose, ils sont rentrés chez eux et ont appelé la police. Un peu plus tard, des recherches policières ont été entreprises et se sont poursuivies toute la nuit jusqu'au lendemain matin. L'épave de l'avion a été localisée à 9 h 30 à un quart de mille environ de la maison de ferme. Le pilote avait péri dans l'accident.

    Renseignements de base

    L'avion était équipé d'un récepteur de navigation utilisant le système de positionnement mondial (GPS), et le pilote savait bien se servir de ce dispositif. Le pilote a utilisé plusieurs fois la radio de l'avion pendant son vol vers Spirit River, et rien n'indique que la radio ne fonctionnait pas. Les dommages et la torsion des pales de l'hélice sont typiques d'un régime moteur très élevé au moment de l'impact. Les systèmes de l'avion ont été examinés dans la mesure du possible, et aucun signe de mauvais fonctionnement n'a été découvert. L'examen du journal de bord et des livrets techniques effectué après l'accident a montré que l'appareil était entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées et qu'il ne restait aucun point d'entretien différé à corriger.

    Le lieu de l'accident se trouve sur la trajectoire entre Spirit River et St. Paul. L'avion a heurté le sol en piqué, l'aile droite basse. L'avion a laissé un sillon de 170 pieds. L'aiguille de l'anémomètre a laissé une marque correspondant à une vitesse supérieure à 190 mi/h. Les traces au sol ainsi que la répartition des débris révèlent que l'avion était dans un piqué en spirale à vitesse élevée au moment de l'impact au sol.

    L'interrupteur de la radiobalise de repérage d'urgence (ELT) était sur « ARM », et l'antenne extérieure était cassée. Aucun signal n'a été capté et, lorsque l'ELT (une Pointer Centrum de modèle C4000) a été vérifiée, elle n'a émis aucun signal. Après quelques manipulations de l'interrupteur, l'ELT s'est mise à fonctionner normalement. L'enquête n'a pas révélé pourquoi l'ELT n'a pas bien fonctionné à l'impact.

    Une circulaire intitulée Pilot's Spatial Disorientation (La désorientation spatiale du pilote) publiée par la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis fait état des dangers de la désorientation attribuable à la perte des références visuelles au sol. La circulaire stipule ce qui suit :

    Les références à la surface ainsi que l'horizon naturel peuvent disparaître, même en volant par une visibilité supérieure aux minima des règles de vol à vue. L'absence d'horizon naturel ou de références à la surface est chose courante au-dessus de l'eau la nuit, et notamment au-dessus des régions très peu peuplées ou par mauvaise visibilité.

    L'avion s'est écrasé dans une région agricole peu peuplée où le manque de lumières au sol a pu empêcher le pilote de disposer de bonnes références en surface.

    Le pilote a commencé sa formation au pilotage en août 1995 et a obtenu la licence de pilote privé le 2 mai 1996. Il s'est ensuite inscrit à un cours de pilote professionnel au cours duquel il a obtenu une annotation pour le vol de nuit le 27 août 1996. Le pilote totalisait 130 heures de vol, dont 126 heures sur Cessna 150 et Cessna 152 et 4 heures sur Cessna 172RG. Au cours de sa formation en vue de l'obtention de sa licence de pilote et de son annotation de vol de nuit, le pilote a reçu 11 heures de formation dans des conditions simulées de vol aux instruments. Ce genre de formation, comme le précise le Guide de l'instructeur de vol de Transports Canada a pour objet d'enseigner au pilote les rudiments du vol aux instruments. On y aborde le vol rectiligne en palier, les montées et les descentes, les virages ainsi que les assiettes inhabituelles. Les compétences du pilote avaient été vérifiées dans ces domaines dans le cadre de son test en vol précédant la délivrance de sa licence de pilote privé. La formation en vue de l'obtention de l'annotation au vol de nuit était semblable, sauf qu'aucun test en vol n'avait été exigé. Presque toute la formation au vol aux instruments dispensée au pilote a été effectuée à l'aide de tous les instruments de l'avion, mais avec un dispositif limitant la vue extérieure. La formation au vol de nuit suivie par le pilote s'est déroulée dans les environs de la ville d'Edmonton, dans une région très peuplée bénéficiant d'un important éclairage au sol. Aucune partie de la formation du pilote n'a été dispensée dans de véritables conditions de vol aux instruments.

    Alberta
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    Alberta

    Au moment des faits, un front froid d'origine maritime quasiment stationnaire s'étendait à partir d'une dépression présente dans le nord-ouest de l'Alberta et traversait le nord-est de la province. La trajectoire de vol prévue entre Spirit River et St. Paul croisait le front froid près de Smoky Lake. Les conditions météo le long de la route étaient les suivantes : ciel clair avec quelques nuages autour de Spirit River, plafonds VFR dans les 60 à 90 nm à l'ouest du front froid, et plafonds bas avec visibilité réduite dans la pluie et le brouillard aux abords du front froid. À l'est de ce front, des plafonds VFR de strato-cumulus ont été signalés dans presque toute la région.

    Le pilote a appelé la FSS dans l'après-midi du 16 septembre pour obtenir un exposé météo. Il n'a demandé que les conditions météorologiques pour la région de St. Paul, ce qui lui a été donné. Quelque 45 minutes avant le départ, le pilote a appelé pour demander une mise à jour de l'exposé météo. Il a reçu les conditions réelles à Slave Lake (100 nm à l'ouest du front froid), à Cold Lake (70 nm à l'est de ce même front) et à Lloydminster (80-90 nm à l'est de ce même front) ainsi que les prévisions d'aérodrome terminus pour Cold Lake. On a signalé au pilote que des conditions météo marginales faisant état de plafonds de strato-cumulus et d'averses de pluie prévalaient à partir de Slave Lake et pour le reste du trajet jusqu'à destination. Les prévisions d'aérodrome terminus pour Cold Lake (à 40 nm de St. Paul) valables de 22 h à 2 h faisaient état de visibilités de trois milles dans le brouillard et la pluie, et de plafonds à 800 pieds du sol.

    Analyse

    L'enquête n'a pas permis d'établir si le pilote avait essayé de contacter la FSS de Grande Prairie après le décollage parce qu'aucun message radio n'a été reçu de l'avion. Il se peut que le pilote ait pensé qu'il n'était pas obligé d'appeler la FSS pour ouvrir son plan de vol ou qu'il volait trop bas pour établir des communications en cours de route.

    Les conditions météorologiques étaient bonnes au départ de Spirit River, mais elles se sont détériorées en route. Aux abords du front, dans des nuages bas et une visibilité réduite dans le brouillard et la pluie, et de nuit au-dessus d'une région peu peuplée, les références au sol ainsi que l'horizon naturel peuvent avoir disparu. Le pilote aurait alors été contraint de voler aux instruments; toutefois, ses heures de vol aux instruments se limitaient à celles effectuées pendant sa formation, et il n'avait probablement jamais volé dans les nuages ou sans horizon. Le pilote a probablement eu du mal à voler aux instruments, il a été désorienté et a perdu la maîtrise de l'avion. L'avion s'est mis en piqué en spirale, et le pilote n'a pu en sortir.

    Faits établis

    1. L'exposé météorologique révèle que les conditions météo étaient à la limite de l'acceptable pour le vol prévu.
    2. Le pilote n'a communiqué avec aucune FSS en cours de route.
    3. Le pilote a essayé de poursuivre le vol à vue dans des conditions météorologiques qui se dégradaient.
    4. L'accident s'est produit de nuit, dans une région peu peuplée et par visibilité réduite.
    5. Le pilote possédait la licence et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol, mais il est probable qu'il n'avait jamais voler dans des conditions l'obligeant à se fier uniquement aux instruments de l'avion.
    6. L'enquête n'a pas révélé pourquoi l'ELT n'a pas bien fonctionné au moment de l'impact.

    Causes et facteurs contributifs

    Le pilote a poursuivi le vol dans des conditions météorologiques qui se dégradaient, il a probablement été désorienté et a perdu la maîtrise de l'avion. L'appareil s'est mis en piqué en spirale, et le pilote n'a pu en sortir.

    Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau qui est composé du Président Benoît Bouchard et des membres Maurice Harquail, Charles Simpson et W.A. Tadros.