Rapport d'enquête aéronautique A96P0231

Rupture du support d'axe de transmission
Transwest Helicopters Ltd.
Bell 214B-1 (Hélicoptère) C-GTWH
à 10 nm au sud-est de New Denver
(Colombie-Britannique)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Un Bell 214B-1, immatriculé C-GTWH, numéro de série 28017 effectuait des opérations d'hélidébardage à 10 milles marins au sud-est de New Denver (Colombie-Britannique). Aux environs de 15 h, heure avancée du Pacifique (HAP)Note de bas de page 1, au moment où l'hélicoptère commençait à soulever deux billes de bois, le pilote et le copilote ont entendu un grand bruit en provenance de l'arrière de l'appareil; l'hélicoptère a poursuivi son vol momentanément, puis il s'est mis à tourner en sens horaire. Des témoins au sol ont entendu le grand bruit et ont vu le rotor de queue s'arrêter de tourner. Le pilote a compris que le rotor de queue était tombé en panne et il a suivi les procédures d'urgence pertinentes. Il a posé l'hélicoptère en bordure de la zone exploitée près d'un bosquet de petits arbres, à côté d'une ravine. Les pales du rotor principal ont heurté les arbres et l'hélicoptère a basculé dans la ravine. Le copilote a été grièvement blessé et le pilote a été légèrement blessé. L'équipe au sol a aidé l'équipage à quitter l'appareil et a éteint un petit incendie autour du moteur. L'hélicoptère a été lourdement endommagé.

    Renseignements de base

    Les documents recueillis pendant l'enquête ont révélé que le pilote possédait les licences et les qualifications nécessaires au vol et était qualifié conformément à la réglementation en vigueur. Il avait repris le travail le jour précédant l'accident après un congé de deux semaines. Le jour de l'accident, les vols, commencés vers 10 h 30, avaient été interrompus par une pause de deux heures environ une heure plus tard pendant que l'équipe au sol déplaçait son équipement vers une nouvelle zone d'exploitation forestière. L'opération d'hélidébardage à partir de la nouvelle zone d'exploitation se déroulait depuis une heure et demie environ quand l'accident est survenu.

    Chaque membre de l'équipage de conduite portait un casque de vol, mais ni le pilote ni le copilote ne portaient les bretelles de sécurité qui était à leur disposition. Il n'était pas possible pour eux de porter les bretelles de sécurité, car ils devaient se pencher sur le côté du poste de pilotage afin de regarder par une porte ouverte ou une fenêtre concave pour observer continuellement la longue élingue, la charge, l'espace de dégagement du rotor de queue et le sol.

    L'examen de l'hélicoptère sur les lieux de l'accident a révélé que l'arbre d'entraînement du rotor de queue s'était cisaillé à l'arrière de la boîte de transmission du rotor principal à l'endroit où l'arbre d'entraînement passe au travers d'un tunnel de protection sous le moteur. On a transporté l'hélicoptère jusqu'à la base de l'exploitant afin de l'examiner plus en détail. On a constaté que le support gauche (réf. 214-030-606-005) de l'axe de transmission supérieure était rompu et que la fracture présentait des caractéristiques de fatigue. On a envoyé le support de transmission rompu au Laboratoire technique du BST pour un examen microscopique.

    On a découvert qu'une crique de fatigue a pris naissance au niveau du rayon entre le corps et l'épaulement de l'axe. La crique s'est propagée sous l'effet de l'alternance des périodes de fatigue et de surcharge jusqu'à ce que l'étape critique soit atteinte et l'axe se rompe. Il a été impossible de déterminer la cause de l'apparition de la crique ainsi que la période pendant laquelle elle s'est propagée. Rien ne permet de croire qu'il y ait eu un défaut de fabrication et l'axe était conforme à tous les critères dimensionnels spécifiés.

    Les axes de transmission montés sur le Bell 214B sont remplacés selon leur état et, par conséquent, leur durée de vie en service est illimitée. Ces axes ne faisant donc pas partie d'un système de suivi des composants, et il a été impossible de connaître les antécédents de service complet de ces pièces. Au moment de la livraison initiale en provenance de l'usine de Bell Helicopter Textron Incorporated (BHTI), les axes étaient reliés à une boîte de transmission de rotor principal qui portait un numéro de série différent de celui de la boîte de transmission installée sur l'hélicoptère au moment de l'accident. Cette première boîte de transmission avait subi un arrêt brusque du rotor principal lors d'un accident, ce qui aurait engendré des contraintes d'intensité élevées sur les axes.

    Compte tenu du manque de documentation sur le composant, il a été impossible de déterminer si les axes en cause étaient les mêmes que ceux qui étaient reliés à la boîte de transmission au moment de l'accident précédent. Les deux axes en cause montraient des signes d'un réusinage effectué à un moment donné de leur vie en service.

    La boîte de transmission du rotor principal de l'hélicoptère Bell 214B doit subir une révision majeure à toutes les 2 500 heures de service. On a installé une boîte de transmission remise à neuf sur l'hélicoptère en cause le 17 avril 1996, et les dossiers indiquent qu'on avait depuis ce temps utilisé l'hélicoptère pendant 810,3 heures. Selon le Manuel de réparation et de révision des composants (MRRC) de BHTI, les axes doivent être examinés visuellement et au moyen d'un contrôle magnétoscopique pendant la révision majeure.

    Transwest Helicopters avait procédé à la révision de la boîte de transmission au complet dans ses propres ateliers de maintenance et avait confié à un atelier d'essai approuvé indépendant l'inspection des composants qui nécessitaient des essais non destructifs (NDT). L'exploitant en cause avait acheté d'un autre exploitant d'hélicoptères un carter inférieur de boîte de transmission rendu à sa limite d'utilisation; il a acheté séparément un carter supérieur auquel les axes étaient déjà fixés, et ils l'a envoyé à l'entreprise de NDT pour que ce dernier en fasse l'inspection. Le carter supérieur de la boîte de transmission est construit en aluminium et doit subir un procédé de NDT différent du contrôle magnétoscopique requis pour les axes. Les dossiers reliés à la révision majeure de cette boîte de transmission n'indiquent pas que les axes aient subi un contrôle magnétoscopique. Les fiches de vérifications de maintenance utilisées pendant la révision de la boîte de transmission étaient basées sur le MRRC de BHTI et l'utilisation de ces fiches avait été approuvée par Transports Canada. L'étude des fiches de vérifications révèle qu'au moins trois techniciens différents ont participé à la révision majeure.

    Une révision majeure de la boîte de transmission nécessite le nettoyage, le démontage, l'inspection, la réparation au besoin et le remontage de nombreux composants. Par conséquent, les instructions contenues dans le MRRC pour la révision de la boîte de transmission étaient longues et compliquées. Afin de simplifier le travail et de maintenir le contrôle sur le déroulement des opérations, plusieurs organismes de révision majeure ont mis au point des fiches de vérifications NDT supplémentaires qui précisent quelles pièces nécessitent des NDT et quel type de NDT il convient d'utiliser. Le constructeur de l'hélicoptère, BHTI, n'inclut pas de telles fiches de vérifications dans son MRRC, et il n'est pas tenu de le faire en vertu de la réglementation en vigueur. Au moment de cet accident, Transwest Helicopters n'a pas utilisé de telles fiches de vérifications, mais la compagnie a mis au point et a mis en oeuvre ses propres fiches de vérifications NDT supplémentaires peu de temps après l'accident.

    Analyse

    La rupture du support d'axe de la boîte de transmission a permis à la boîte de transmission de pivoter et de se désaligner. Ce déplacement a induit une charge de flexion sur l'arbre d'entraînement du rotor de queue, ce qui a rapidement entraîné sa défaillance. Le fait que l'hélicoptère n'a pas commencé à tourner en sens horaire immédiatement après le grand bruit laisse croire que ce dernier a été causé par la rupture instantanée de l'axe, alors que la défaillance de l'arbre d'entraînement du rotor de queue a été progressive et secondaire.

    Il a été impossible de déterminer la cause fondamentale de la rupture de l'axe. Les signes de réusinage des axes laissent croire que ces derniers avaient subi des dommages antérieurs, peut-être à l'occasion de l'accident précédent. Les bandes en alternance de signes de fatigue et de surcharge découvertes pendant l'examen au laboratoire laissent croire que la crique s'est propagée lentement pendant les opérations normales et qu'elle a progressé plus rapidement pendant les périodes de surcharges comme les périodes de couple très élevé.

    Même s'il a été impossible de calculer l'intervale qui s'est écoulé entre l'amorce de la crique et la rupture finale, il est probable que la crique était déjà présente au moment de la révision majeure de la boîte de transmission, en raison des dommages antérieurs. Il a été impossible de déterminer si la crique aurait pu être détectée si l'axe avait subi le contrôle magnétoscopique exigé. L'omission de ce contrôle a toutefois réduit les possibilités de toute détection précoce.

    On a omis d'effectuer le contrôle magnétoscopique en raison de plusieurs facteurs reliés au contrôle du processus de révision majeure de la boîte de transmission. Le fait que le carter supérieur ait été acheté séparément et qu'il ait été envoyé pour subir une inspection NDT avec les axes en place a engendré de la confusion puisqu'il ne s'agissait pas de la procédure standard. De plus, la révision n'a pas été supervisée par une seule personne, mais bien par trois personnes qui travaillaient indépendamment l'une de l'autre.

    Les instructions de révision majeure dans le MRRC sont nécessairement longues. L'utilisation de fiches de vérifications supplémentaires identifiant les composants qui nécessitent des NDT aurait peut-être prévenu l'omission du contrôle magnétoscopique. De nombreuses compagnies ont reconnu la nécessité d'utiliser des fiches de vérifications NDT supplémentaires, mais comme le MRRC n'en contient pas, chaque compagnie doit préparer ses propres fiches.

    L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :

    • LP 165/96 - Spindle Failure Analysis (Analyse de la rupture d'un axe).

    Faits établis

    1. L'axe s'est rompu à la suite d'une crique de fatigue dont l'origine est inconnue.
    2. Selon les dossiers disponibles sur le composant, l'axe n'aurait pas subi de contrôle magnétoscopique à l'occasion de la dernière révision majeure.
    3. L'omission d'effectuer le contrôle magnétoscopique est attribuable au manque de supervision des travaux de maintenance pendant le processus de révision majeure.
    4. La rupture de l'axe a permis à la boîte de transmission de se déplacer, ce qui a engendré des charges de flexion sur l'arbre d'entraînement du rotor de queue qui s'est rapidement rompu.

    Causes et facteurs contributifs

    L'arbre d'entraînement du rotor de queue s'est rompu à la suite des charges de flexion engendrées par le désalignement de la boîte de transmission survenu après la rupture du support d'axe.

    Mesures de sécurité

    Mesures de sécurité prises

    À la suite de cet accident, Transwest Helicopters a modifié ses installations et ses procédures de révision majeure de la boîte de transmission. Ces modifications comprennent notamment l'ajout d'un espace dans le hangar pour une installation de révision majeure, la nomination d'un technicien à temps complet à titre de responsable des révisions, et la modification du manuel de révision majeure de la compagnie afin d'y inclure des fiches de vérifications NDT supplémentaires qui précisent clairement le niveau d'inspection requis pour chaque composant.

    Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau qui est composé du Président Benoît Bouchard et des membres Maurice Harquail, Charles Simpson et W.A. Tadros.