Rapport d'enquête aéronautique A96A0050

Événement au décollage/à l'atterrissage
Air Canada
Canadair Cl 600-2B19
Fredericton (Nouveau-Brunswick)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le Canadair Regional Jet s'est posé sur la piste 15, à Fredericton (Nouveau-Brunswick), à 22 h 29, heure avancée de l'Atlantique (HAA). Pendant la fin de la course à l'atterrissage, à basse vitesse, l'avion a fait une embardée à gauche et est sorti de piste à environ 5 500 pieds du seuil. L'avion s'est immobilisé lorsque son train avant s'est enfoncé dans le sol meuble à coté du revêtement de la piste. Aucun membre d'équipage ni passager n'a été blessé, et l'avion n'a subi aucun dommage.

    Renseignements de base

    Le commandant de bord était titulaire d'une licence de pilote de ligne et totalisait 12 200 heures de vol, dont 535 à titre de commandant d'avion du type en cause. Le copilote était titulaire d'une licence de pilote ligne et totalisait 8 500 heures de vol, dont environ cinq heures sur le type en cause.

    La masse et le centrage de l'avion s'inscrivaient dans les limites. L'équipage de conduite n'a signalé aucune défectuosité de système, et le personnel de maintenance n'en a décelé aucune pendant l'inspection suivant l'incident.

    L'avion qui effectuait le vol 646 d'Air Canada (ACA646), avait été autorisé par le Centre de contrôle régional (ACC) de Moncton à effectuer une approche directe sur la piste 15 à Fredericton à l'aide du système d'atterrissage aux instruments (ILS). La piste 15 mesure 6000 pieds de long de 200 pieds de large. L'équipage avait communiqué avec la station d'information de vol (FSS) de Fredericton lorsque l'avion se trouvait à 100 milles à l'ouest de l'aéroport et avait demandé quel était l'état de la piste. Le spécialiste de la FSS avait indiqué au vol ACA646 qu'il n'y avait aucun rapport d'indice de freinage (JBI), que les balayeuses demeureraient sur la piste jusqu'à cinq minutes avant l'arrivée du vol et qu'un rapport d'indice de freinage à jour serait communiqué à l'équipage avant l'atterrissage. Environ six minutes avant l'atterrissage, l'équipage de conduite a reçu les indications suivantes sur l'état de la piste : piste 15/33; sur 100 pieds au centre de la piste , 60 % nue et mouillée, 20 % de neige mouillée et 20 % de neige légère; un pouce de neige et de neige mouillée à l'extérieur de la zone centrale.

    Le rapport météorologique publié par Environnement Canada sur les conditions météorologiques réelles en surface à 22 h 00 HAA (29 minutes avant l'atterrissage de ACA646) étaient les suivantes : plafond de précipitations en ciel obscurci à 800 pieds, visibilité de 3/4 de mille dans la neige légère, température de 0°C, point de rosée à −1°C et vent soufflant à 030 degrés vrai à 10 noeuds. Les conditions météorologiques réelles en surface enregistrées à 22 h 48 HAA, 19 minutes après l'atterrissage de ACA646, étaient les mêmes. Environ quatre minutes avant le toucher des roues, ACA646 a été avisé que la portée visuelle de piste pour la piste 15 était de 6 000 pieds avec les feux de piste réglés à l'intensité cinq. Deux minutes avant le toucher des roues, on a indiqué à l'équipage de conduite que le vent soufflait du 060 degrés magnétique à 10 noeuds.

    Pendant la fin de la course à l'atterrissage, l'avion a fait une embardée sur la gauche au moment où la vitesse indiquée diminuait à 40 noeuds. Pour contrer l'embardée, le pilote aux commandes a réduit l'inversion de poussée, puis a rentré les inverseurs alors qu'il freinait et qu'il compensait à fond à droite au moyen du gouvernail de direction. Les inverseurs se sont rétractés avant que le régime des réacteurs ait diminué au régime de ralenti en inversion. Il s'en est suivi que l'avion a subi une impulsion vers l'avant parce que le régime des réacteurs était supérieur au régime de ralenti. L'inverseur du réacteur gauche, puis celui du réacteur droit ont été redéployés, le régime du réacteur gauche augmentant au-delà du régime de ralentiNote de bas de page 1; l'avion a poursuivi son embardée sur la gauche et est sorti de piste.

    L'avion s'est immobilisé lorsque le pneu du train avant s'est enfoncé dans le sol meuble. Une fois l'avion arrêté, l'équipage a donné des gaz au réacteur gauche pour tenter en vain de ramener l'avion sur la piste. L'équipage a alors coupé les réacteurs de l'avion, et pris des dispositions pour faire transporter les passagers vers l'aérogare.

    L'enregistreur de données de vol et l'enregistreur de conversations de poste de pilotage ont été envoyés au Laboratoire technique du BST. Les enquêteurs du BST avaient demandé que le disjoncteur de l'enregistreur phonique soit déclenché après l'incident, mais quand cet enregistreur a finalement été arrêté, les conversations de l'équipage avant la sortie de piste avaient déjà été oblitérées par un autre enregistrement et n'étaient donc plus disponibles.

    Les données de l'enregistreur de données de vol indiquaient que les vitesse d'approche et de toucher des roues avaient été normales pour la masse et la configuration à l'atterrissage de l'avion, et que les déporteurs-sol avaient été déployés au toucher des roues. Après le toucher des roues, les inverseurs de poussée ont été déployés pendant 24 secondes, et l'inversion de poussée a été maintenue à 84 % N1 pendant 17 secondes. Les ailerons et le gouvernail de direction ont été utilisés pour contrer le vent de gauche.

    L'état de la surface de la piste signalé à l'équipage de conduite environ six minutes avant l'atterrissage ne dépassait pas les limites recommandées pour le type d'aéronef. Aucune lecture d'indice de freinage de la piste (JBI) n'a été produite parce qu'il y avait de l'eau et de la neige mouillée sur la piste. L'équipage de conduite a signalé que la piste était entièrement recouverte de neige lors de l'atterrissage de l'avion.

    La composante maximale démontrée de l'avion par vent de travers pour l'atterrissage et le décollage sur une piste sèche est de 24 noeuds, ce qui n'est pas considéré comme limitatif. Le manuel d'utilisation de l'avion de l'exploitant indique qu'il faut envisager une autre piste lorsque le vent de travers sur une piste mouillée ou glissante dépasse 15 noeuds. La composante de vent de travers était de 10 noeuds lorsque ACA646 a atterri. Bien que Canadair recommande que la poussée inverse soit inférieure à 30 % de N1 pour des vitesse inférieures à 60 noeuds afin que soit évité tout risque de dommage par des corps étrangers aux réacteurs, l'équipage de conduite a maintenu l'inversion à 84 % N1 jusqu'à ce que la vitesse atteigne 35 noeuds.

    Les forces de virage des pneus du train principal pouvant contrer une dérive sont au minimum lorsque l'antidérapage fonctionne à l'efficacité de freinage maximale dans les conditions existant au moment de l'application des freins.

    Le manuel d'utilisation du CL-65 d'Air Canada indique les mesures appropriées que le pilote doit prendre lors d'un atterrissage sur piste glissante par vent de travers, et il contient l'avertissement suivant :

    Lorsque qu'on passe de l'inversion de poussée au régime de ralenti vers l'avant, faire une pause au régime de ralenti en inversion pour permettre aux réacteurs de décélérer avant de passer au régime de ralenti vers l'avant. Si les inverseurs sont rétractés alors que les réacteurs tournent toujours à haut régime, la décélération diminuera de façon notable ou l'avion subira une impulsion vers l'avant.

    Le manuel d'utilisation de l'avion précise de réduire symétriquement les niveaux de poussée inverse, au besoin, si l'on éprouve de la difficulté à maîtriser l'avion. Le manuel, à la rubrique Procédures d'atterrissage normales, indique aussi : «Si l'on éprouve des difficultés de maîtrise en direction, relâcher les freins.»

    Au cours de l'enquête, des atterrissages ont été effectués en simulateur avec les vents et les conditions de piste similaires à celles qui prévalaient au moment de l'incident. L'embardée à gauche hors de la piste n'a pu être reproduite en simulateur. Lorsque le vent de travers approchait de 20 noeuds, il se produisait un mouvement de lacet à gauche et un dérapage vers la droite (côté sous le vent), comme le prévoyait le manuel d'instruction de l'équipage de conduite. Lorsque le vent de travers a été porté à 20 noeuds, l'avion est sorti de piste par le côté droit.

    Analyse

    Comme il neigeait toujours, la contamination de la piste au toucher des roues aurait été supérieure à ce qui avait été signalé à l'équipage de conduite lors du rapport sur l'état de la piste. La portée visuelle de la piste 15 était de 6 000 pieds, et l'équipage de conduite aurait été en mesure de voir les feux de l'extrémité départ de la piste au moment du toucher des roues.

    La surface glissante de la piste a réduit l'efficacité du freinage. Aussi, l'équipage de conduite, voyant approcher l'extrémité de la piste alors que l'avion était encore en décélération, aurait été amené à continuer d'utiliser une poussée inverse élevée à une vitesse inférieure à celle recommandée par Canadair. Le vent de travers de la gauche combiné à la surface glissante de la piste et à la poussée inverse élevée ont causé une embardée à gauche de l'avion. Comme les réacteurs n'avaient pas décéléré au régime de ralenti inverse avant que les inverseurs soient rentrés, l'impulsion résultante vers l'avant a suffi à annuler la décélération et a fait sortir l'avion de piste.

    Lorsque l'équipage a redéployé les inverseurs, la poussée inverse au régime de ralenti du réacteur gauche a contribué à augmenter le taux de virage de l'avion vers la gauche. Aussi, comme les freins étaient tenus serrés après l'embardée, les forces de virage des pneus étaient alors négligeables. Si les freins avaient été relâchés, de plus grandes forces de virage des pneus auraient pu aider à contrer l'embardée et à maintenir l'avion sur la piste. Le gouvernail de direction n'aurait été d'aucune utilité à faible vitesse. Après l'embardée de l'avion vers la gauche pendant la décélération, le pilote aux commandes a déplacé les manettes d'inversion de poussée sur le cran de ralenti d'inversion; cependant, dans sa hâte, il a poussé les manettes d'inversion au-delà du cran de ralenti d'inversion et les inverseurs se sont rétractés avant que la poussée soit au régime de ralenti. Si les réacteurs avaient décéléré au régime de ralenti avant la rentrée des inverseurs, l'avion se serait peut-être immobilisé sur la piste.

    Les atterrissages au simulateur ne se sont pas traduits par une embardée à gauche, comme cela avait été le cas de l'avion en question. Toutefois, après l'embardée à gauche, la poussée inverse a été ramenée au ralenti d'inversion, et le passage à la poussée vers l'avant n'a pas été appliquée dans le simulateur.

    Le rapport suivant du Laboratoire technique du BST a été rédigé :

    • LP 41/96 - FDR Analysis (analyse de l'enregistreur de données de vol).

    Le Laboratoire technique du BST et le constructeur de l'avion, Canadair, ont chacun produit une reconstitution animée par ordinateur de la sortie de piste. Une copie de la bande enregistrée de ce document est disponible sur demande auprès du BST.

    Faits établis

    1. À l'atterrissage, le pilote aux commandes n'a pu conserver la maîtrise en direction de l'avion à basse vitesse.
    2. Un vent de travers de la gauche et la surface glissante de la piste ont été à l'origine de la perte de maîtrise en direction.
    3. Les réacteurs n'ont pas décéléré au régime de ralenti avant la rentrée des inverseurs. Il s'en est suivi que le passage à la poussée vers l'avant a interrompu la décélération de l'avion.
    4. L'état de la surface de la piste et la composante vent de travers ne dépassaient pas les limites d'atterrissage.
    5. Le pilote a maintenu le freinage après l'embardée. Cette manoeuvre a réduit au minimum les forces de virage des pneus pouvant contrer l'embardée.
    6. Le gouvernail de direction ne pouvait pas contrer l'embardée à cause de la faible vitesse de l'avion.

    Causes et facteurs contributifs

    L'équipage de conduite n'a pas été en mesure de conserver la maîtrise en direction de l'avion à l'atterrissage. Le vent de travers, la surface glissante de la piste et la poussée vers l'avant qui s'est produite lorsque les inverseurs ont été rentrés avant que les réacteurs aient décéléré au régime de ralenti ont contribué à la perte de maîtrise.

    Mesures de sécurité

    Mesures de sécurité prises

    Mesure prise par l'exploitant

    Air Canada a indiqué qu'elle était en train de rédiger un supplément d'information pour l'intégrer à sa documentation d'exploitation en hiver. Le supplément donnera plus de renseignements sur les atterrissages sur surfaces glissantes par vent de travers qu'il n'y en a déjà dans le manuel d'utilisation du CL-65.

    Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet événement. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau qui est composé du Président Benoît Bouchard et des membres Maurice Harquail, Charles Simpson et W.A. Tadros.