Risque de collision entre
le Lockheed L-1011 C-FTNC d'Air Transat et
l'Aérospatiale ATR 42 C-GXCP
d'Inter-Canadien
19 nm au sud-ouest du VOR de Québec
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le vol TSC 234 de la compagnie Air Transat a décollé de l'aéroport de Mirabel (Québec) vers 00 h 01 min 00 s, temps universel coordonné (UTC) en direction de l'aéroport de Charles- de-Gaulle (France). La route initiale prévoyait une montée au niveau de vol 280 sur la voie aérienne V316 jusqu'au radiophare omnidirectionnel VHF (VOR) de Québec (Québec) puis directement vers le point MIILS, situé à 195 milles nautiques (nm) à l'est du VOR de Québec. Le vol ICN 1647 de la compagnie Inter-Canadien en provenance de Bagotville (Québec) approchait du VOR de Québec en croisière au niveau de vol 200 pour joindre la voie aérienne V98 et se diriger vers Montréal.
À 42 nm du VOR de Québec, TSC 234 a été autorisé au niveau de vol 290 et à se rendre directement vers MIILS. Au niveau de vol 200 et à 19 nm au sud-ouest du VOR de Québec, TSC 234 a effectué une manoeuvre d'évitement à la suite d'un avis de résolution (RA) du Système d'avertissement de trafic et d'évitement d'abordages (TCAS/ACAS). Au même moment, ICN 1647 qui était à environ 19 nm au sud-ouest du VOR de Québec a également reçu un RA du TCAS/ACAS et effectué une manoeuvre d'évitement.
L'espacement entre les deux appareils a été de 300 pieds sur le plan vertical et de 2,25 milles sur le plan horizontal. L'espacement obligatoire était de 1 000 pieds verticalement ou 3 milles horizontalement. Les deux équipages se sont observés visuellement lors de leurs manoeuvres d'évitement.
Renseignements de base
Le TCAS/ACAS est un système autonome conçu pour servir d'appui au système de contrôle de la circulation aérienne (ATC) et de complément au concept «voir et éviter». Le TCAS/ACAS balaie en permanence l'espace aérien autour de l'aéronef et cherche à obtenir des réponses d'autres aéronefs dans le voisinage au moyen de leur transpondeur. Les trajectoires de vol, basées sur les réponses des transpondeurs, sont suivies par le TCAS/ACAS. Le système affiche un avis de circulation (TA) ou un avis de résolution (RA) lorsque des trajectoires de vol vont pénétrer la zone de collision autour de l'appareil.
Un TA est affiché 35 à 48 secondes à partir du moment où il est prévu que l'aéronef conflictuel pénétrera dans la zone de collision. Les renseignements sur le trafic comprennent la distance, le relèvement et l'altitude de l'aéronef. L'équipage de conduite doit utiliser cette information comme aide au repérage visuel de l'autre aéronef afin d'éviter un conflit.
Un RA consiste généralement en une manoeuvre verticale qui doit être effectuée afin d'accroître ou de maintenir l'espacement par rapport à l'aéronef conflictuel. Le RA est fourni de façon visuelle et sonore. Il consiste en un avis correctif invitant à changer la vitesse verticale de l'aéronef ou un avis préventif destiné à limiter les changements de vitesse verticale.
L'espace aérien est divisé, pour fins de contrôle, en différents secteurs. Au moment de l'événement, l'appareil d'Air Transat devait traverser, entre autres, les secteurs de Rawdon, Québec et Lévis (Québec).
Le secteur de Rawdon s'étend à l'est de l'aéroport de Mirabel jusqu'à approximativement 18 nm du VOR de Québec. Le secteur s'étend aussi au nord et au sud de la voie aérienne V316, et les vols sont contrôlés jusqu'au niveau de vol 280.
Le secteur de Québec est bordé, entre autres, à l'ouest par le secteur de Rawdon. Il couvre tout le secteur de l'aéroport de Québec et même plus dans les directions nord, sud et est. Dans le secteur de Québec, les vols sont contrôlés jusqu'au niveau de vol 280.
Dans le secteur de Lévis, les vols sont contrôlés à partir du niveau de vol 290 et plus haut. Ce secteur s'étend au-dessus des secteurs de Rawdon, Québec et même plus.
En quittant Mirabel, TSC 234 a contacté le secteur de Rawdon à 00 h 04 min 31 secNote de bas de page 1. Il a été identifié au radar et autorisé au niveau de vol 280. À 00 h 12 min 58 s, le contrôleur de Rawdon a effectué un relevé de position de la cible radar avec le contrôleur de Québec, qui l'a accepté. Cette procédure implique que l'appareil risque de pénétrer dans le secteur de Québec, mais que les communications radio ne seront pas transférées au contrôleur de Québec sans pour autant le dégager de sa responsabilitéé de maintenir un espacement adéquat. Pendant ce temps, à 00 h 13 min 48 s, ICN 1647 annonçait qu'il arrivait au VOR de Québec.
Le vol TSC 234 a été transféré au contrôleur de Lévis alors que l'avion était à 43 nm à l'ouest du VOR de Québec et à une altitude de 17 000 pieds. Le contrôleur de Lévis, conformément aux procédures, utilisait un filtre d'altitude de 5 000 pieds, ce qui ne lui permettait d'observer les avions qu'à partir du niveau de vol 240; le contrôleur de Lévis ne pouvait donc pas observer TSC 234 ni ICN 1647. À 00 h 13 min 32 s, le contrôleur de Lévis a autorisé TSC 234 au niveau de vol 290 et à se diriger directement vers MIILS, ce qui occasionne un virage à droite de 12 degrés, conformément aux procédures établies. Le contrôleur de Lévis a communiqué avec le contrôleur de Québec qui a répondu qu'il vérifiait TSC 234. À partir de ce moment, les deux appareils se sont trouvés sur des trajectoires de collision, ce qui a provoqué le déclenchement de leur système TCAS/ACAS vers 00 h 16 min 37 s, selon les données radar.
Le contrôleur de Québec a mentionné qu'il ne pensait pas que les appareils pouvaient être en conflit. Croyant que TSC 234 continuerait comme prévu jusqu'au VOR, le contrôleur avait calculé que, compte tenu de la vitesse de rapprochement des appareils et d'un taux de montée présumé de 1 000 pieds par minute de la part de TSC 234, l'espacement vertical entre les deux appareils ne pouvait pas être inférieur à 1 500 pieds. De plus, il avait calculé que, lorsque TSC 234 passerait à la verticale du VOR, ICN 1647 l'aurait franchi depuis un certain temps. Le taux de montée de TSC 234 a été inférieur au taux présumé par le contrôleur à cause de la masse de l'avion et de la température extérieure élevées.
Le contrôleur de Québec occupait seul le poste de radio et données pendant que son collègue était en pause. Il a mentionné que, peu avant l'événement, il effectuait une coordination importante avec la tour de Québec en raison de l'arrivée sur la piste 06 d'un appareil qui effectuait une évacuation médicale alors que la piste 24 était en service. L'attention du contrôleur a été canalisée à l'est du VOR de Québec, alors que le risque de collision se produisait au sud-ouest du VOR de Québec. Sa charge de travail était modérée avec une complexité de modérée à élevée.
Le contrôleur de Québec en était à son troisième quart de travail depuis qu'il s'était requalifié. En effet, il avait passé les six derniers mois au terminal de Montréal. Il revenait à son ancien poste mais, durant son absence, la limite supérieure du secteur de Québec avait été augmentée de 17 000 pieds au niveau de vol 280. Le contrôleur a mentionné que, au moment de l'événement, il n'était pas familier avec les survols; il n'avait pas reçu de formation en classe à ce sujet mais il avait reçu une formation en cours d'emploi. Le contrôleur a aussi déclaré avoir déjà géré, bien qu'à des vitesses plus faibles, des survols lorsque l'espace du secteur de Québec était limité à 17 000 pieds.
Analyse
Les contrôleurs aériens étaient qualifiés pour les postes qu'ils occupaient.
Le contrôleur de Québec venait de se requalifier en poste, et il connaissait l'ensemble des tâches à accomplir. Il admet avoir déjà géré, bien qu'à des vitesses plus faibles, des survols à des altitudes inférieures à 17 000 pieds; cependant, il a mentionné qu'il n'était pas familier avec les survols puisque son espace aérien avait été modifié durant son absence et s'étendait maintenant jusqu'au niveau de vol 280.
Le contrôleur de Québec s'est retrouvé seul à un moment où la charge de travail a augmenté soudainement. Durant la période précédant le risque de collision, l'attention accrue que le contrôleur portait à la coordination de l'arrivée d'un vol d'évacuation médicale à l'aéroport de Québec ne lui a pas permis de percevoir le risque de collision qui existait entre les deux avions. De plus, bien qu'il ait été responsable de maintenir un espacement adéquat entre les deux appareils, le contrôleur avait accepté que les communications soient transférées au secteur de Lévis. Ainsi, les deux appareils ont dû effectuer des manoeuvres d'évitement à 19 milles au sud-ouest du VOR de Québec à la suite d'un avis de résolution du TCAS/ACAS.
Faits établis
- L'espacement minimal entre les deux appareils n'a pas été respecté par le contrôle de la circulation aérienne.
- Les équipages ont effectué une manoeuvre d'évitement à la suite d'un avis de résolution du TCAS/ACAS.
- Les contrôleurs aériens étaient qualifiés.
- Au moment de l'événement, l'attention du contrôleur de Québec était portée vers la coordination de l'arrivée d'un vol d'évacuation médicale à l'aéroport de Québec.
- Le contrôleur de Québec occupait seul le poste de radio et données alors que son collègue était en pause.
- Le contrôleur de Québec avait la responsabilitéé de maintenir un espacement adéquat pour TSC 234, mais il n'était pas en communication avec lui.
Causes et facteurs contributifs
Le contrôleur du secteur de Québec ne s'est pas assuré de maintenir l'espacement minimal entre les deux appareils. Les facteurs qui ont contribué à l'événement sont l'absence de communication directe, l'augmentation soudaine de la charge de travail causée par l'arrivée d'un vol d'évacuation médicale ainsi que l'absence d'un deuxième contrôleur au poste.
Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet incident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau qui est composé du Président Benoît Bouchard et des membres Maurice Harquail et W.A. Tadros.
Annexes