Rapport d'enquête aéronautique A95P0268

Collision avec des arbres
Navair Charter Inc.
Piper PA-31 Navajo C-GKNB
7 nm à l'est-sud-est de Kamloops
(Colombie-Britannique)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le Piper PA-31 du vol FCV705 de Navair Charter, un avion postal à deux membres d'équipage, effectuait un vol de nuit selon les règles de vol aux instruments (IFR), de Williams Lake (Colombie-Britannique) à Kamloops. Alors que l'équipage effectuait une procédure aux instruments à l'aéroport de Kamloops, il s'est retrouvé dans une zone sans nuages. Le commandant de bord a annulé son plan de vol IFR et est descendu pour effectuer une approche selon les règles de vol à vue (VFR) sur l'aéroport. À 19 h 2, heure normale des Rocheuses (HNP)Note de bas de page 1, l'avion a heurté des arbres à une altitude de 2 400 pieds-mer, à sept milles marins à l'est-sud-est de l'aéroport de Kamloops. Le commandant de bord a été tué sur le coup, et le copilote a été grièvement blessé; l'appareil a été détruit par le choc et par l'incendie qui s'est déclaré après l'impact.

    Renseignements de base

    À l'origine, le vol portait l'indicatif Navair FCV704. Il était parti de Vancouver à 6 h 33 HNP pour transporter du courrier à Williams Lake. Il est arrivé à Williams Lake à 8 h 38. Après avoir fermé l'avion, l'équipage s'est retiré dans ses quartiers pour se reposer jusqu'au moment du départ, en fin d'après-midi. L'équipage est revenu à l'aéroport à 17 h 30 et, alors que le copilote préparait l'avion pour le départ, le commandant de bord a obtenu un exposé météorologique pour le vol de retour.

    Le camion de la poste est arrivé à l'aéroport de Williams Lake avec 10 minutes de retard, et 210 livres de fret ont alors été chargées à bord de l'appareil. Le vol, maintenant désigné sous l'indicatif FCV705, est parti de Williams Lake à 18 h 15 pour le vol de retour à Kamloops, puis à Vancouver. Alors qu'il approchait de Kamloops à 11 000 pieds-mer, l'équipage a établi le contact radio avec le vol FCV719 de la compagnie, un appareil MU-2 qui était arrivé à Kamloops à 18 h 46. Son équipage a signalé qu'il avait trouvé une trouée dans la couverture nuageuse au-dessus du radiophare d'alignement d'approche, situé à environ 8 milles marins de l'aéroport et qu'il avait annulé son plan de vol IFR pour effectuer une approche à vue sur l'aéroport. L'équipage du FCV705 a alors discuté des conditions selon lesquelles il pourrait lui aussi annuler son plan de vol IFR. Le copilote, qui pilotait l'avion en place gauche, a exprimé son inquiétude à la perspective d'avoir à effectuer une descente à vue au-dessus du relief sombre et a donné des indications au commandant de bord sur toute l'approche selon la procédure IFR.

    À 18 h 52, l'équipage a entrepris une procédure d'approche aux instruments sur l'aéroport de Kamloops. Le Navajo est un aéronef de catégorie B, et l'altitude minimale de descente pour un aéronef de catégorie B à Kamloops est de 3 200 pieds-mer. L'aéroport de Kamloops est situé à une altitude de 1 133 pieds-mer, ce qui signifie que le plus bas que l'équipage pouvait descendre pendant l'approche IFR sans avoir établi le contact visuel avec les abords de la piste était 2 067 pieds-sol.

    Les conditions météorologiques de 0200Z à Kamloops étaient les suivantes : nuages épars à 800 pieds-sol, plafond mesuré à 1 900 pieds avec ciel couvert, vents légers et visibilité de 10 milles. Ce message météorologique, bien qu'il signalait les conditions en vigueur une heure plus tôt, était le dernier que l'équipage avait demandé et celui qu'il utilisait. Au moment de l'accident, les conditions météorologiques à Kamloops étaient les suivantes : nuages épars à 800 pieds-sol, plafond mesuré à 1 600 pieds avec ciel couvert, vents légers et visibilité de 10 milles. Il faisait nuit noire; 1/10 du ciel était couvert avec des stratus fractus, et 9/10 du ciel était couvert avec des stratus. Tant la prévision météorologique que le plafond signalé indiquaient que les conditions météorologiques étaient inférieures au minimum permettant d'exécuter l'approche avec succès.

    Au début de l'approche, le commandant de bord a contacté la station d'information de vol (FSS) de Kamloops et a signalé qu'il prévoyait annuler son plan de vol IFR le plus tôt possible. Le spécialiste FSS a accusé réception de l'appel et a fourni les renseigements habituels sur l'aéroport, indiquant qu'un DHC-8 et un avion de la compagnie attendaient de décoller de la piste 08 selon des plans de vol IFR. En vue de réduire au minimum tout conflit entre les avions IFR au départ et à l'arrivée, la réglementation exige qu'un appareil au départ selon un plan de vol IFR ne soit pas autorisé à décoller tant que l'appareil à l'arrivée n'a pas atterri ou annulé son plan de vol IFR. Certains équipages annulent leur plan de vol IFR pendant l'approche pour faciliter ou accélérer le départ des autres appareils en IFR.

    Au cours de l'étape en éloignement de la procédure d'approche, l'équipage a établi le contact visuel avec les feux et les autres références au sol grâce à une trouée dans la couche nuageuse. La trouée était centrée au-dessus du radiophare d'alignement de piste (LOC); elle avait une largeur d'environ 10 milles marins et se prolongeait vers l'est sur environ 15 milles marins à partir du radiophare non directionnel (NDB) de Kamloops. Le commandant de bord a annulé son plan de vol IFR à 18 h 55, a pris les commandes et a entamé une descente indirecte perpendiculaire au LOC en ce qui semble avoir été un circuit en huit. À 18 h 58, l'équipage a avisé la FSS qu'il se trouvait en descente à 10 milles marins; 40 secondes plus tard, il a signalé qu'il était à 5 000 pieds en descente.

    À 19 h 1, l'ATS a autorisé un DHC-8 à décoller de la piste 08. La procédure de départ IFR publiée pour cette piste plaçait le DHC-8 sur une trajectoire inverse de celle du vol FCV705. L'équipage du vol FCV705 savait très bien que le DHC-8 avait été autorisé à décoller et qu'il risquait d'entrer en conflit avec lui. À 19 h 1 h 26, le spécialiste FSS a demandé un rapport de position à jour à l'équipage du Navajo, et le pilote a répondu qu'il venait de franchir 2 500 pieds en descente à 8 milles marins DME (équipement de mesure de distance). Il n'y a eu aucune autre communication de la part de cet avion. À 19 h 5, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) de Kamloops a informé le spécialiste FSS qu'un aéronef s'était peut-être écrasé sur la crête Juniper.

    Bien que les vols à vue de nuit présentent toujours des risques, ces derniers sont encore plus grands en région montagneuse à cause du relief élevé qui entoure bien des aéroports. La procédure de circuit de piste de nuit publiée pour l'aéroport de Kamloops stipule que seuls les pilotes connaissant bien les environs devraient utiliser l'aéroport s'il fait noir; de plus, les six balises lumineuses délimitant la zone du circuit doivent fonctionner et tous les virages doivent être effectués dans les limites du périmètre des balises lumineuses. L'enquête a révélé que les balises lumineuses fonctionnaient normalement au moment de l'accident.

    La procédure d'approche aux instruments sur la piste 26 à Kamloops fait appel à un NDB et à un LOC qui est aligné, en partie, sur la vallée de la rivière Thompson sud. Bien que le plancher de la vallée se trouve à une altitude de 1 200 pieds-mer, le relief des deux côtés de celle-ci s'élève à au moins 3 000 pieds. L'avion s'est écrasé sur un terrain élevé, à l'extérieur de la zone normalement utilisée pour les circuits VFR de nuit.

    Le vol VFR repose sur la disponibilité de repères visuels permettant à un pilote de naviguer au moyen de références au sol et qui assurent un dégagement en toute sécurité entre l'avion et tout obstacle de l'endroit. L'Ordonnance sur la navigation aérienne (ONA), série VII, n 3, précise en détail les exigences météorologiques minimales propres au vol VFR. Toutefois, outre de mauvaises conditions météorologiques, la nuit et un terrain peu éclairé contribuent souvent à réduire le nombre de répères visuels, ce qui empêche le pilote de bien évaluer sa position et son altitude. L'accident s'est produit dans une vallée montagneuse peu éclairée.

    Les deux pilotes possédaient les licences et les qualifications nécessaires au vol. Le commandant de bord, au service de Navair depuis trois ans, connaissait la région aux environs de l'aéroport de Kamloops puisqu'il avait déjà effectué les mêmes vols deux à quatre fois par semaine. Le copilote, au service de Navair depuis trois mois et demi, ne connaissait pas aussi bien l'aéroport de Kamloops puisqu'il avait effectué ce vol environ 14 fois, mais seulement une fois en IFR de nuit.

    L'avion Piper PA-31 était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. À cause de la destruction de l'appareil à l'impact et de l'incendie qui a suivi, les enquêteurs n'ont pu déterminer si une défaillance ou une défectuosité d'un système avant l'impact avait pu contribuer à l'accident; cependant, rien de tel n'a été constaté.

    Le copilote portait son harnais de sécurité au moment de l'accident, et il croit que c'est ce qui lui a sauvé la vie. Le commandant de bord ne portait pas son harnais de sécurité, même si son siège était équipé de ce dispositif.

    Une vérification de Transports Canada, menée le 21 novembre 1995 conformément aux procédures de vérification normalisées de Transports Canada, a révélé que le dossier de la compagnie etait satisfaisant, conformément aux articles appropriés du Règlement de l'Air.

    Analyse

    L'équipage a entrepris une procédure d'approche complète aux instruments vers la piste 26 à Kamloops. Les conditions météorologiques signalées au moment de l'approche étaient inférieures aux minima nécessaires pour effectuer une approche selon les limites de la catégorie B. Par conséquent, il y avait une possibilité que l'équipage manque son approche et se déroute vers son aéroport de dégagement.

    Au cours de l'approche, le commandant de bord a établi le contact visuel avec des feux et d'autres références au sol, puis il a annulé son plan de vol IFR. La décision du commandant de bord d'annuler son plan de vol a probablement été influencée par le fait qu'il connaissait les conditions météorologiques et par le fait qu'un avion de la compagnie avait réussi à effectuer une approche à vue à Kamloops 15 minutes plus tôt. Il se peut aussi que la décision du commandant de bord ait été prise pour aider à accélérer le départ d'autres appareils qui attendaient de décoller de Kamloops en vertu de plans de vol IFR. En pratique, par contre, ce délai aurait probablement été négligeable pour les appareils au départ.

    Après que le commandant de bord a annulé son plan de vol IFR, l'ATS a autorisé un DHC-8 à rouler pour décoller de la piste 08. La procédure de départ aux instruments publiée pour cette piste plaçait le DHC-8 sur une trajectoire conflictuelle avec l'avion qui a subi l'accident. Il est possible que ce conflit ait influencé le pilote qui serait alors descendu plus bas qu'en temps normal afin d'assurer l'espacement avec l'avion qui approchait.

    Une procédure de descente en VFR n'offre pas l'avantage d'un franchissement garanti du relief et, en l'absence de références visuelles suffisantes, peut placer l'avion sur une altitude dangereusement basse à l'insu de l'équipage. Même si les conditions météorologiques du moment convenaient à un vol VFR, selon ce que stipulent les ONA, la nuit noire sous une couverture nuageuse, jumelée à un relief peu éclairé et sans caractéristiques, aurait réduit le nombre de repères visuels permettant aux pilotes de juger de leur hauteur réelle au-dessus du sol ou de leur position par rapport aux obstacles environnants. Les conditions générales auraient donc gêné les pilotes qui essayaient de poursuivre le vol par référence visuelle avec le sol.

    Faits établis

    1. Les pilotes possédaient les licences et les qualifications nécessaires au vol.
    2. L'aéronef était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées.
    3. Une vérification de Transports Canada a révelé que la compagnie avait un dossier satisfaisant, relativement aux articles appropriés du Règlement de l'Air.
    4. L'aéroport de Kamloops est entouré d'un relief montagneux sur tous les côtés, et des mises en garde avaient été publiées au sujet de l'utilisation de l'aéroport en vol VFR la nuit.
    5. Toutes les aides radio pour une approche aux instruments et toutes les balises lumineuses fonctionnaient normalement pour une procédure de circuit de piste à vue la nuit.
    6. Les conditionms météorologiques à Kamloops convenaient au vol VFR, comme le stipulent les ONA; par contre, les conditions générales, causées par la nuit noire et un terrain peu éclairé, ont pu réduire le nombre de repères visuels et compromettre la capacité des pilotes à naviguer et à assurer l'espacement par rapport au sol au moyen de repères visuels.
    7. Le commandant de bord a annulé son plan de vol IFR pendant qu'il effectuait une procédure aux instruments à l'aéroport de Kamloops et il est descendu dans une trouée de la couche nuageuse.
    8. Pendant la descente, l'équipage n'avait pas suffisamment de repères visuels pour poursuivre le vol en toute sécurité par référence avec le sol.
    9. L'avion a heurté des arbres, en terrain montagneux, à environ sept milles marins à l'est-sud-est de l'aéroport et légèrement au sud de la trajectoire du radiophare d'alignement de piste.

    Causes et facteurs contributifs

    L'avion a heurté des arbres au cours d'une descente VFR de nuit au-dessus d'un terrain montagneux parce que l'équipage n'avait pas suffisamment de repères visuels lui permettant de déterminer sa hauteur au-dessus du sol. Facteurs contributifs : la décision du commandant de bord d'annuler son plan de vol IFR et de tenter une approche à vue à partir d'un point situé bien à l'extérieur de la zone de circuit VFR publiée, les risques inhérents à tout vol VFR effectué en région montagneuse et la demande de l'équipage de se tenir à bonne distance des avions qui décollaient en IFR de l'aéroport de Kamloops.

    Mesures de sécurité

    Mesures prises

    Depuis l'accident, Navair Charter a embauché une agence de l'extérieur pour offrir à tous les membres d'équipage une formation en gestion des ressources de l'équipage (CRM). Tous les équipages ont reçu cette formation, sauf les pilotes récemment embauchés, qui devraient la recevoir dans les quelques mois suivant leur embauche.

    Lors d'une réunion sur la sécurité des vols de la compagnie tenue peu de temps après l'accident, Navair a examiné sa politique sur l'annulation des plans de vol IFR la nuit ainsi que les procédures de circuit de piste la nuit. Navair a souligné le fait qu'annuler un plan de vol IFR pour rendre service à d'autres appareils n'est pas recommandé.

    Navair est en train de rédiger un manuel de procédures d'exploitation normalisées qui sera conforme au nouveau Règlement de l'aviation canadien et qui traitera des vols IFR de nuit et des procédures de circuit de piste la nuit.

    Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau qui est composé du Président Benoît Bouchard et des membres Maurice Harquail, Charles Simpson et W.A. Tadros.

    Annexes

    Annexe A