Collision avec un câble
Gouvernement du Canada
Garde côtière canadienne
Bell 206L (hélicoptère) C-GCHN
Rivière Margaree (Nouvelle-Écosse)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le pilote de l'hélicoptère de la Garde côtière canadienne était parti de East Margaree (Nouvelle- Écosse) en compagnie de sa fille et de deux agents du ministère des Pêches et des Océans pour effectuer une mission de surveillance des pêches. La mission était presque terminée et l'hélicoptère volait à basse altitude au-dessus de la rivière Margaree lorsqu'il a heurté une ligne électrique qui enjambait la rivière. L'hélicoptère est devenu ingouvernable et a heurté la surface gelée de la rivière. Le pilote a subi des blessures mortelles; les trois passagers ont été grièvement blessés.
Le Bureau a déterminé que le pilote n'a pas vu la ligne électrique assez tôt pour l'éviter. Ont contribué à l'accident : la décision du pilote d'effectuer à basse altitude la partie du vol qui se déroulait au-dessus de la rivière sans avoir d'abord survolé la zone pour déceler les obstacles, et l'absence de procédures clairement définies sur les missions de surveillance des pêches.
1.0 Renseignements de base
1.1 Déroulement du vol
L'hélicoptère de la Garde côtière canadienne (GCC)Note de bas de page 1, qui était basé à Shearwater (Nouvelle- Écosse), était arrivé à l'aéroport d'East Margaree le matin de l'accident. Il devait être utilisé pour effectuer une patrouille de surveillance du ministère des Pêches et des Océans (MPO) dans les Hautes-Terres du Cap-Breton et dans la zone du lac Ainsley.
Après être arrivé à East Margaree, le pilote a rencontré deux agents des pêches et a discuté de la mission. Le pilote a ensuite décollé d'East Margaree en compagnie de sa fille et des deux agents du MPO. Après que les agents eurent inspecté plusieurs lacs des Hautes-Terres du Cap-Breton, le pilote a ravitaillé l'hélicoptère à Neil's Harbour, sur la côte nord-est de l'île du Cap-Breton. Le pilote a ensuite poursuivi la patrouille de surveillance et s'est dirigé vers le lac Ainsley, puis il a volé le long du littoral ouest de l'île du Cap-Breton jusqu'à l'embouchure de la rivière Margaree.
Le pilote a remonté la rivière vers East Margaree. Le pilote volait à basse altitude au-dessus de la rivière quand l'hélicoptère a heurté une ligne électrique qui enjambait la rivière. L'hélicoptère est devenu ingouvernable et a heurté la surface gelée de la rivière.
Le pilote a subi des blessures mortelles; les trois passagers ont été grièvement blessés.
L'accident s'est produit de jour par 46°24′ de latitude Nord et 061°05′ de longitude OuestNote de bas de page 2, vers 13 h 21, heure normale de l'Atlantique (HNA)Note de bas de page 3.
1.2 Victimes
Équipage | Passagers | Tiers | Total | |
---|---|---|---|---|
Tués | 1 | - | - | 1 |
Blessés graves | - | 3 | - | 3 |
Blessés légers/ indemnes | - | - | - | - |
Total | 1 | 3 | - | 4 |
1.3 Dommages à l'aéronef
L'hélicoptère a été détruit dans l'accident.
1.4 Autres dommages
La ligne électrique a été sectionnée. Une centaine de maisons des environs ont été privées d'électricité jusqu'au lendemain, alors qu'une ligne électrique temporaire a été montée.
1.5 Renseignements sur le personnel
Pilote | |
---|---|
Âge | 44 ans |
Licence | pilote professionnel |
Date d'expiration du certificat de validation | 1er février 1996 |
Nombre d'heures de vol | 3 813 |
Nombre d'heures de vol sur type en cause | 1 636 |
Nombre d'heures de vol dans les 90 derniers jours | 42 |
Nombre d'heures de vol sur type en cause dans les 90 derniers jours | 19 |
Nombre d'heures de service avant l'événement | 5,5 |
Nombre d'heures libres avant la prise de service | 20 |
Le pilote possédait la licence et les qualifications nécessaires au vol et en vertu de la réglementation en vigueur et il était qualifié sur Bell 206. Il possédait un certificat de validation de licence de catégorie 1 valide qui stipulait qu'il devait avoir ses verres correcteurs à portée de la main pour piloter. L'enquête a révélé que le pilote portait ses verres au moment de l'accident.
Le pilote avait déjà effectué des missions de surveillance de ce genre.
1.6 Renseignements sur l'aéronef
Constructeur | Bell Helicopter Textron Inc. |
---|---|
Type | Bell 206L |
Année de construction | 1977 |
Numéro de série | 45136 |
Certificat de navigabilité | valide |
Nombre total d'heures de vol cellule | 7 157 |
Type de moteur (nombre) | Allison 250-C20B (1) |
Type de rotor (nombre) | semi-articulé (1) |
Masse maximale autorisée au décollage | 3 950 lb |
Types de carburant autorisés | Jet A, Jet A-1 et Jet B |
Type de carburant utilisé | Jet A |
L'hélicoptère était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées.
La masse et le centrage étaient dans les limites prescrites au moment de l'accident.
1.7 Renseignements météorologiques
1.7.1 Météo pour Sydney
La station météorologique d'Environnement Canada la plus proche des lieux de l'accident est située à Sydney (Nouvelle Écosse), à 47 milles à l'est de là.
Les prévisions d'aérodrome pour Sydney avaient été émises le 25 février 1995 à 16 h 30 UTC, et elles étaient valides pour la période comprise entre 17 h UTC et 17 h UTC le lendemain.
Au moment de l'accident, les conditions suivantes étaient prévues : nuages fragmentés à 2 000 pieds-sol, visibilité supérieure à six milles, et vents soufflant du 250 degrés magnétique à 15 noeuds avec des rafales pouvant atteindre les 25 noeuds. Les conditions variables suivantes étaient prévues pour la même période : nuages épars à 2 000 pieds-sol, nuages épars en altitude, et visibilité supérieure à six milles.
Les conditions météorologiques réelles à la surface à Sydney, observées à 17 h 4 UTC, étaient les suivantes : plafond mesuré à 3 000 pieds-sol avec nuages fragmentés, deuxième couche de nuages couvrant le ciel à 25 000 pieds-sol, visibilité de 15 milles, et vents du 270 degrés magnétique à 16 noeuds avec des rafales pouvant atteindre les 22 noeuds.
1.7.2 Météo pour Margaree
Les témoins ont déclaré que le ciel était généralement clair et que la visibilité était bonne. Le vent soufflait du sud-ouest entre 10 et 20 noeuds. Le soleil était à environ 70 degrés au-dessus de l'horizon, légèrement devant l'hélicoptère et au-dessus, au moment de l'accident.
Les survivants ont indiqué que la visibilité et les conditions de vol étaient très bonnes et que les turbulences étaient légères.
1.8 Télécommunications
L'hélicoptère était équipé d'un équipement utilisable de radiocommunication très hautes fréquences (VHF) et VHF à modulation de fréquence (FM). Une liaison FM continuelle était assurée entre l'hélicoptère et le Centre des opérations de la GCC situé à Sydney (Nouvelle- Écosse).
Aucune communication en provenance de l'hélicoptère n'a été enregistrée juste avant l'accident.
1.9 Renseignements utiles
1.9.1 Observations des témoins
La distance entre l'embouchure de la rivière et l'endroit où s'est produit la collision avec la ligne électrique est d'environ deux milles et demi. Des témoins qui se trouvaient le long de cette partie de la rivière ont vu l'hélicoptère descendre à une altitude estimée à 100 pieds-sol à l'embouchure de la rivière Margaree, puis remonter la rivière à cette altitude.
1.9.2 Déclarations des survivants
L'agent du MPO était en place gauche. Il a déclaré que, pendant que l'hélicoptère remontait la rivière Margaree, un petit conifère sur la surface gelée de la rivière avait attiré son attention. Les agents du MPO savent que ces petits conifères sont utilisés par les braconniers pour empêcher les trous faits dans la glace de geler. Ces trous sont ensuite utilisés pour placer des filets de pêche illégaux sous la glace.
L'agent du MPO a déclaré qu'il ne se rappelait aucune conversation dans l'hélicoptère pendant cette courte étape du vol à la verticale de la rivière Margaree. Il a déclaré que l'appareil avait survolé le petit arbre et que le pilote avait effectué un virage à gauche à 360 degrés à basse altitude. Le pilote venait d'amorcer la montée après le virage lorsque l'hélicoptère a heurté la ligne électrique. L'agent du MPO a déclaré qu'il n'avait vu la ligne électrique qu'après la collision. Il a indiqué qu'après la collision, le pilote a essayé de reprendre la maîtrise de l'hélicoptère jusqu'à ce que l'appareil heurte la surface gelée de la rivière.
Les trois survivants ont déclaré qu'ils n'avaient eu connaissance d'aucun problème technique dans l'hélicoptère avant la collision avec la ligne électrique.
1.10 Ligne électrique
1.10.1 Généralités
La ligne électrique était constituée d'un câble en acier galvanisé de 3/8 de pouce de diamètre. Les dossiers d'arpentage de la Nova Scotia Power Inc. indiquent que la ligne avait été installée avant le 23 février 1940.
Immédiatement après l'accident, une nouvelle ligne électrique en aluminium a été installée sur les mêmes poteaux. Voici les mesures du plan d'arpentage de la nouvelle ligne électrique :
- la portée totale de la ligne électrique entre les poteaux est de 1 183 pieds;
- le sommet du poteau de la rive ouest est à 67,09 pieds au-dessus du niveau altimétrique de référence;
- le sommet du poteau de la rive est est à 119,31 pieds au-dessus du niveau altimétrique de référence;
- on a estimé que l'hélicoptère avait heurté la ligne électrique à une hauteur comprise entre 64 et 73 pieds au-dessus du niveau altimétrique de référence.
Le niveau altimétrique de référence est le niveau de références géodésiques de Nova Scotia Control qui est utilisé sur les plans d'arpentage.
Les ingénieurs de la Nova Scotia Power Inc. ont indiqué que la flèche du câble en acier galvanisé de 3/8 de pouce de diamètre aurait été plus basse que celle du conducteur en aluminium nouvellement installé. L'ampleur exacte de la flèche du câble d'origine n'a pu être déterminée.
1.10.2 Visibilité de la ligne électrique
La ligne électrique était grisâtre-blanchâtre et contrastait peu avec la surface gelée de la rivière et le sol enneigé plus élevé à l'arrière-plan.
La ligne électrique était suspendue à des poteaux de chaque côté de la rivière. Les deux poteaux étaient entourés de grands arbres à feuillage persistant et d'arbres serrés à feuillage caduc, et la bande défrichée qu'on trouve normalement à proximité des lignes de transport d'électricité avait été envahie par la végétation.
La ligne électrique n'était pas balisée, ce qui n'était pas obligatoire en vertu de la réglementation en vigueur. De plus, la ligne électrique n'était pas indiquée sur les cartes aéronautiques de navigation.
Après l'installation de la nouvelle ligne électrique, les enquêteurs ont survolé la zone à l'altitude approximative à laquelle avait volé l'hélicoptère accidenté. Ils ont déterminé que, même avec une vision optimale et dans des conditions de visibilité idéales, la ligne électrique et ses supports étaient extrêmement difficiles à apercevoir à cause de la végétation et du relief.
Lorsque les enquêteurs ont survolé le câble à une altitude de 300 pieds environ, ils ont constaté qu'il était presque impossible de voir le câble lui-même; toutefois, ils pouvaient voir ses supports et les bandes défrichées sur les deux côtés de la rivière.
1.10.3 Exigences relatives au balisage des lignes électriques
Les normes canadiennes portant sur le balisage des câbles qui présentent un danger pour la navigation aérienne sont indiquées dans la publication TP 382F, Normes d'identification des obstacles de Transports Canada. D'après ces normes, les câbles qui se trouvent à plus de 300 pieds-sol doivent être balisés.
Dans certaines circonstances, les câbles qui se trouvent à moins de 300 pieds de hauteur peuvent faire l'objet d'une étude aéronautique pour déterminer si un balisage ou un éclairage, ou les deux, sont nécessaires pour les rendre plus visibles. Avant d'entreprendre une telle étude, les facteurs suivants sont pris en considération : l'emplacement des obstacles sur un sol élevé, la topographie environnante, l'importance du trafic aérien et la proximité des obstacles dans le cas des hydro-aérodromes et des héliports.
En règle générale, les câbles considérés comme dangereux pour la navigation aérienne et qui nécessitent un balisage sont également indiqués sur les cartes de navigation. On n'a découvert aucun document indiquant qu'une étude aéronautique de la ligne électrique en question avait été effectuée.
1.11 Renseignements sur l'épave et sur l'impact
1.11.1 Collision avec la ligne électrique
L'hélicoptère volait à l'horizontale à environ 70 pieds au-dessus de la rivière, à peu près au milieu de la rivière, à une vitesse estimée de 80 noeuds, au moment de la collision avec la ligne électrique.
La ligne électrique a touché la section avant de l'hélicoptère, sur la partie inférieure du pare- brise. La ligne électrique s'est rompue en deux : là où elle a touché l'hélicoptère, et là où elle était fixée au poteau ouest. La section rompue de la ligne électrique a touché une pale du rotor principal et a été projetée vers l'avant. Elle a été retrouvée à 1 063 pieds du point d'impact avec la ligne électrique.
1.11.2 Impact au sol
L'hélicoptère a heurté la surface gelée de la rivière à 660 pieds du premier point d'impact avec le câble. L'hélicoptère était au cap de 185 degrés magnétique, en piqué et incliné de 15 degrés à droite. La section inférieure principale du fuselage a été arrachée, et les réservoirs de carburant se sont rompus. Après avoir heurté la surface gelée, la partie principale de la cabine a poursuivi sa course sur 170 pieds. La partie avant du poste de pilotage s'est immobilisée à 54 pieds de la partie principale de la cabine. L'hélicoptère a laissé un sillon de 883 pieds de longueur.
Rien n'indique qu'il y ait eu un incendie, que ce soit avant ou après l'accident.
1.11.3 Dommages à l'hélicoptère
Rien n'indique qu'il y ait eu une rupture de la cellule ou un mauvais fonctionnement du moteur avant l'impact. Un examen plus poussé effectué à l'atelier du bureau régional de Moncton (Nouveau-Brunswick) a permis d'établir que le moteur fonctionnait normalement au moment de l'impact.
Six instruments ont été analysés au Laboratoire technique du BST à Ottawa (Ontario); toutefois, seuls trois instruments ont pu fournir des renseignements fiables sur leur affichage au moment de l'impact :
- Tachymètre double - L'aiguille de la turbine libre indiquait entre 99 et 100 %.
- Couplemètre - L'aiguille indiquait entre 50 et 52 %.
- Indicateur d'assiette - L'instrument indiquait une inclinaison à droite de 15 degrés.
Les six voyants d'alarme suivants ont également été examinés : LOW ROTOR RPM, ENGINE OUT, ENGINE RELIGHT , TRANSMISSION OIL, BATTERY HOT et FLOAT ARM. On a conclu qu'ils étaient éteints au moment de l'impact.
1.12 Renseignements médicaux
Rien n'indique qu'une incapacité ou des facteurs physiologiques aient pu perturber les capacités du pilote.
1.13 Surveillance des activités de pêche
1.13.1 Objet du vol et organismes concernés
Le vol avait pour objet de surveiller les activités de pêche dans les Hautes-Terres du Cap-Breton et dans les environs du lac Ainsley. La surveillance s'étendait également à la zone de la rivière Margaree où s'est produit l'accident, à cause d'un rapport de pêche illégale transmis au MPO.
Les patrouilles de surveillance du MPO ont pour objet de recueillir des renseignements sur les activités illégales dans le but d'établir l'identité des contrevenants, puis de leur donner un avertissement et, ultérieurement, une sommation. La pratique courante consiste à ne pas arrêter un contrevenant pendant ces patrouilles; toutefois, les agents du MPO sont armés et, dans des circonstances exceptionnelles, peuvent mettre un contrevenant en état d'arrestation et le transporter à bord de l'hélicoptère.
Les deux organismes en cause dans cette mission étaient Transports Canada et le MPO. Les personnes qui participaient directement à la mission de surveillance étaient le pilote, qui provenait du Service des aéronefs de Transports Canada, et les deux agents du MPO. L'hélicoptère appartenait à la GCC.
1.13.2 Exigences de la mission
Pour effectuer une patrouille de surveillance des pêches, le pilote doit voler à une altitude qui assure un espacement adéquat entre l'appareil et les obstacles, et une vitesse qui permet aux agents du MPO de voir les activités au sol.
L'hélicoptère vole généralement à une altitude de 200 à 300 pieds-sol et à une vitesse d'environ 80 noeuds. Si l'on veut examiner un point en particulier, l'hélicoptère peut voler plus bas et plus lentement, selon les circonstances.
Ce type de vol ne fait pas partie des activités aériennes normales de la GCC, mais il est entrepris à l'occasion comme une opération supplémentaire habituellement effectuée pendant les fins de semaine, à la demande du MPO. Il existe un protocole d'entente (MOU) entre Transports Canada et le MPO relativement à l'affrètement d'aéronefs pour ces vols de surveillance. Ce MOU fait état d'une entente entre les deux organismes sur des questions d'ordre administratif; toutefois, ce MOU n'établit pas les paramètres du vol.
1.13.3 Procédures d'utilisation normalisées
Aucune procédure d'utilisation normalisée (SOP) n'avait été établie entre les deux organismes pour décrire les fonctions des personnes effectuant les vols de surveillance, et aucune formation n'avait été dispensée en matière de vigilance.
D'après Degani et Wiener (1994) Note de bas de page 4, les SOP permettent d'améliorer la coordination entre les agents et permettent aux agents qui ont une expérience et des exigences différentes de s'entendre. Les missions sont normalement effectuées par l'équipage d'une compagnie et par des agents. Toutefois, quiconque directement concerné par le vol ou la mission, dans ce cas-ci il s'agissait d'agents chargés de faire respecter la loi, peut être autorisé à participer à la mission. Ces SOP donnent au personnel les lignes directrices à suivre pour mener à bien la mission. Il est bien connu que le respect de ces SOP officielles permet d'améliorer la sécurité des vols.
En général, les SOP précisent les six points suivants pour éviter toute ambiguïté :
- En quoi consiste la mission.
- Quand il faut effectuer la mission (à quel moment et dans quel ordre).
- Qui effectue la mission.
- Comment il faut effectuer la mission.
- Quelles mesures prendre et dans quel ordre.
- Quel mécanisme doit être utilisé pour aviser la Direction s'il y a des lacunes sur le plan des procédures.
1.14 Protection contre les câbles
1.14.1 Dispositif coupe-câble
L'hélicoptère Bell 206L peut être équipé d'un dispositif coupe-câble (WSPS) en vertu du certificat de type supplémentaire (CTS) SH4083SW dûment approuvé. Le WSPS sert à empêcher qu'un câble pénètre dans le poste de pilotage, il permet de réduire les risques que les commandes de vol soient endommagées pendant un impact contre un câble; il permet également de diminuer les risques qu'un câble se prenne dans le train d'atterrissage. Le fabricant du WSPS affirme que l'efficacité du WSPS a été démontrée à des angles pouvant atteindre 45 degrés et à des vitesses aussi basses que 4 mi/h, et qu'il conserve son efficacité en cas de multiples impacts contre des câbles.
Le WSPS comprend trois éléments : un coupe-câble/déflecteur supérieur, un coupe- câble/déflecteur inférieur, et un déflecteur de câble sur le pare-brise. Chacun de ces composants est muni d'une arête en dents de scie en acier à haute résistance. Le déflecteur de câble du pare-brise sert à faire glisser le câble sur le devant du poste de pilotage et à le faire entrer dans l'un des coupe-câbles.
L'hélicoptère n'était pas équipé d'un WSPS, ce qui n'était pas contraire à la réglementation.
1.14.2 Circulaire d'information aux transporteurs aériens (CITA) 0020
Le 24 avril 1991, la Direction des normes de vol de Transports Canada Aviation a publié la CITA 0020 sur les WSPS. Cette circulaire avait pour objet de démontrer l'efficacité des WSPS aux exploitants d'aéronefs à voilure tournante qui effectuent des vols spéciaux à basse altitude.
Cette circulaire était fondée sur la recommandation de sécurité numéro 90-50 du Bureau canadien de la sécurité aérienne (BCSA) qui prévoyait que :
le ministère des Transports
(a) encourage vivement l'installation de dispositifs coupe-câble sur tous les hélicoptères qui effectuent des opérations spéciales à basse altitude;
(b) prépare un règlement rendant obligatoire l'installation d'un tel dispositif.
En réponse aux recommandations du Bureau, Transports Canada avait conclu que, puisqu'il n'était pas possible de monter un WSPS sur tous les hélicoptères, cette mesure devait rester à la discrétion des exploitants. Toutefois, dans sa circulaire d'information, Transports Canada conseillait vivement aux exploitants d'hélicoptères d'envisager le montage d'un WSPS si c'était possible, puisque les avantages l'emportaient grandement sur le coût de l'équipement et les risques pour les équipages en cas de collision avec un câble.
1.15 Le vol à basse altitude
Les pilotes d'hélicoptère en général jugent que l'espace aérien au-dessous de 300 pieds-sol est une zone dangereuse. Ils sont normalement prévenus que les risques de collision avec un câble sont plus grands à ces basses altitudes et qu'ils ne doivent pas s'aventurer dans cet espace aérien sans prendre de mesures pour réduire les risques de collision avec des câbles. Une des mesures de précaution, que de nombreux pilotes prennent, consiste à effectuer un survol de la zone à une altitude plus élevée afin de déceler les obstacles, comme des câbles, avant de descendre plus bas.
1.16 Vols de surveillance du MPO et transport de passagers
Le matin de l'accident, et conformément aux consignes en vigueur de la GCC, le pilote a demandé au Centre des opérations de la GCC s'il pouvait emmener sa fille pour le vol, ce qui lui a été accordé. Or, la présence de la fille du pilote à bord de l'hélicoptère n'était pas nécessaire pour mener à bien la mission.
Les sections 4.6.2 (Vols de la Garde côtière) et 4.6.3 (Vols hydrographiques) du Manuel d'exploitation d'aéronefs - Hélicoptère des Services des aéronefs de Transports Canada abordent la question du transport de passagers. Les deux sections indiquent que des passagers peuvent être transportés si leur présence à bord ne nuit pas au vol.
Aucune section de ces manuels n'aborde spécifiquement la question du transport de passagers lors d'un vol de surveillance du MPO.
1.17 Questions relatives à la survie des occupants
1.17.1 Ceintures de sécurité
Les boucles des ceintures de sécurité des occupants sont restées attachées pendant l'accident. Le poste de pilotage et la cabine ont été détruits par le choc, et les structures du fuselage autour des fixations des ceintures de sécurité se sont rompues. Le pilote et les deux agents des pêches du MPO ont été trouvés allongés sur la glace à l'extérieur du poste de pilotage et de la cabine.
1.17.2 Déversement de carburant
Le circuit de carburant comprend trois réservoirs souples, un au-dessous et à l'arrière du siège passager, et les deux autres sous chacun des sièges passagers qui font face à l'arrière. Les trois réservoirs souples de carburant se sont rompus pendant l'impact, et une quantité importante de carburant s'est répandue proche de l'endroit où l'épave principale et les occupants ont été trouvés.
Tous les occupants ont subi des brûlures graves parce qu'ils étaient imprégnés de carburant.
1.17.3 Radiobalise de détresse
La radiobalise de détresse (ELT) était fixée au cadre inférieur du pare-brise, à l'intérieur de la cabine, juste devant la porte passagers. La radiobalise s'est détachée de l'hélicoptère pendant l'accident, et elle a été retrouvée sur la glace. Son interrupteur était sur OFF. L'emplacement de la radiobalise est approuvé par Transports Canada. Des enquêtes sur des accidents mettant en cause des hélicoptères dont la radiobalise était montée à peu près au même endroit que dans l'hélicoptère accidenté ont permis au BST de constater que la radiobalise peut facilement se détacher de l'hélicoptère pendant un accident.
Les pilotes et les techniciens d'entretien d'aéronefs (TEA) ont indiqué que, dans le cadre de leur inspection quotidienne, ils vérifient si la radiobalise est bien fixée, mais ils ne vérifient pas la position de l'interrupteur. L'enquête a révélé que l'interrupteur de la radiobalise était sur OFF depuis assez longtemps avant le vol de l'accident.
1.17.4 Casques protecteurs pour les pilotes
La Directive hélicoptères numéro AAFDB-9 du Manuel d'exploitation d'aéronefs - Hélicoptère de Transports Canada aborde la question de l'utilisation des casques protecteurs. Cette consigne stipule ce qui suit :
Cette directive entre en vigueur immédiatement pour assurer la protection du personnel. Tous les pilotes et mécaniciens doivent porter des casques de protection lorsqu'ils effectuent des vols en hélicoptère. Lorsqu'elles sont justifiées, des exceptions peuvent être accordées par l'AAFDB en cas de raisons médicales et pour des questions de taille. Si le casque est inutilisable, des écouteurs doivent être portés jusqu'à ce que le casque puisse être réparé.
Le pilote ne portait pas son casque pendant le vol. Son casque était inutilisable et avait été envoyé à l'atelier de réparation de Transports Canada à Ottawa (Ontario) quatre jours avant l'accident. Le pilote portait des écouteurs, conformément aux exigences de la directive mentionnée ci-dessus. Il y avait des casques supplémentaires aux installations de la GCC située à Shearwater. On a signalé qu'il était fort probable que le pilote n'était pas au courant qu'il pouvait se procurer un casque à cet endroit.
Le Manuel d'exploitation d'aéronefs - Hélicoptère de Transports Canada ne comprend pas de dispositions sur le port du casque par les passagers au cours des vols spéciaux à basse altitude.
Les trois survivants ont subi diverses blessures à la tête. Le pilote a également subi des blessures à la tête, mais elles étaient plutôt légères.
2.0 Analyse
2.1 Généralités
L'hélicoptère était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. L'examen de l'épave n'a révélé aucune défaillance des commandes ni aucun mauvais fonctionnement du moteur avant l'impact. D'après ces renseignements et les témoignages des survivants qui ont indiqué n'avoir eu connaissance d'aucun problème mécanique avant l'accident, on a jugé qu'il n'est pas probable qu'un mauvais fonctionnement des commandes ou qu'un problème mécanique ait joué un rôle dans l'accident. En outre, compte tenu des conditions connues de visibilité et de vol, on a jugé que les conditions météorologiques n'ont pas joué un rôle dans l'accident.
Plusieurs éléments visuels ont pu empêcher le pilote de détecter la ligne électrique non balisée pendant le vol à basse altitude. La ligne électrique, d'un diamètre de 3/8 de pouce, était un élément visuel très petit qui, au loin, même dans des circonstances idéales, aurait été presque impossible à discerner. Les supports de la ligne électrique étaient difficiles à apercevoir à cause des arbres environnants. En outre, la couleur grisâtre-blanchâtre de la ligne électrique se fondait avec la couleur de la surface gelée de la rivière et du sol enneigé.
D'après les déclarations des témoins et des survivants, et compte tenu du fait que la ligne électrique était difficile à voir, on a déterminé que le pilote n'a pas aperçu la ligne électrique assez tôt pour l'éviter. L'analyse porte sur plusieurs éléments d'ordre opérationnel.
2.2 Vol à basse altitude
L'enquête n'a pas révélé pour quelle raison le pilote était descendu au-dessous de l'altitude normale des vols de surveillance des pêches, soit de 200 à 300 pieds, pendant l'étape finale du vol, sans avoir d'abord effectué un survol de la zone à une altitude plus élevée.
Aucune exigence d'ordre opérationnel évidente ne demandait au pilote de descendre aussi bas sans avoir d'abord effectué un survol de la zone. De plus, le pilote n'a pas fait part de ses intentions.
Si un survol de la zone avait été effectué, la ligne électrique ou ses supports auraient peut-être été aperçus, et le profil de vol aurait pu être modifié en conséquence.
2.3 Surveillance des activités de pêche
La mission de surveillance mettait en cause deux organismes : Transports Canada et le MPO. Le personnel de chaque organisme avait sa propre fonction pendant le vol. Le pilote de Transports Canada devait piloter l'hélicoptère en toute sécurité, et les agents du MPO devaient déceler les activités illégales et prendre les mesures qui s'imposent pour faire respecter la loi. Les deux fonctions étaient fort différentes, mais elles étaient liées de très près et se complétaient.
Malgré le lien et les différences entre les deux fonctions, les organismes ne se sont pas rencontrés pour examiner les exigences de la mission ni pour s'entendre sur les procédures à suivre en vol.
Dans le cas du vol de l'accident, si les SOP avaient été en vigueur pour des points comme les altitudes, les vitesses et les survols de reconnaissance avant les descentes à basse altitude, la mission aurait présenté moins de dangers et le déroulement du vol aurait été plus prévisible.
2.4 Balisage de la ligne électrique
La ligne électrique avait été montée avant le 23 février 1940. L'accident est le premier accident d'aviation ayant été signalé mettant en cause cette ligne. Si des balises avaient été montées sur la ligne électrique, la ligne aurait été plus facile à voir, et le pilote aurait eu plus de chances de l'apercevoir. Cependant, si cette ligne électrique avait fait l'objet d'une étude aéronautique, il est probable que la ligne n'aurait pas été balisée pour plusieurs raisons : la ligne électrique au-dessus de la rivière Margaree était à une altitude bien inférieure à l'altitude prévue pour les hélicoptères et les avions; en outre, cette partie de la rivière Margaree n'est pas située sur une route de vol à vue normalement utilisée par les hélicoptères et les autres aéronefs; de plus, la ligne électrique n'est pas à proximité d'un aérodrome ou d'un héliport.
2.5 Dispositif coupe-câble
Comme l'indique la recommandation de la CITA 0020, le montage de WSPS sur les hélicoptères qui effectuent des vols à basse altitude permet d'améliorer la sécurité.
L'hélicoptère a heurté le câble dans une position à laquelle l'efficacité du WSPS a déjà été démontrée. Si l'hélicoptère avait été équipé d'un WSPS, ce dispositif aurait fort probablement sectionné la ligne électrique. Dans ce cas, les conséquences de l'accident auraient probablement été beaucoup moins graves.
2.6 Vols de surveillance du MPO et transport de passagers
Le Manuel d'exploitation d'aéronefs - Hélicoptère de Transports Canada n'aborde pas spécifiquement la question du transport de passagers dont la présence n'est pas indispensable. En général, toutefois, des passagers peuvent être transportés à bord de l'hélicoptère si leur présence ne nuit pas au bon déroulement du vol.
En plus des dangers que présentent les missions de surveillance des pêches vu qu'elles ont pour objet de faire respecter la loi, les hélicoptères qui effectuent ces vols sont obligés de voler à basse altitude pendant de longues périodes. Le fait de transporter des passagers dont la présence n'est pas indispensable lors d'un vol à basse altitude et à hauts risques fait courir inutilement des risques à ces personnes.
3.0 Faits établis
- Le pilote possédait la licence et les qualifications nécessaires au vol et en vertu de la réglementation en vigueur.
- L'hélicoptère était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées.
- Rien n'indique qu'il y ait eu une défaillance de la cellule ou un mauvais fonctionnement du moteur avant l'impact.
- La ligne électrique n'était pas balisée, ce qui n'était pas contraire à la réglementation.
- L'hélicoptère a heurté la ligne électrique au niveau de la partie inférieure du pare-brise.
- L'enquête n'a révélé aucune exigence d'ordre opérationnel ni raison permettant d'expliquer pourquoi le pilote volait aussi bas sans avoir tout d'abord effectué un survol pour s'assurer qu'il n'y avait pas de câbles ni d'autres obstacles dans la zone.
- Il n'y avait pas eu d'accord officiel entre Transports Canada et le MPO établissant les paramètres du vol, et il n'y avait pas eu de communications entre les deux organismes concernant les risques associés à ce type de vol.
- Le pilote ne disposait d'aucune procédure d'utilisation normalisée pour ce type de vol de surveillance, et aucune formation n'avait été dispensée en matière de vigilance.
- L'hélicoptère n'était pas équipé d'un WSPS, ce qui n'était pas contraire à la réglementation.
- Si l'hélicoptère avait été équipé d'un WSPS, ce dispositif aurait fort probablement sectionné la ligne électrique.
- La radiobalise de détresse s'est détachée de l'hélicoptère pendant l'accident, et on l'a retrouvée sur la glace; son interrupteur était sur OFF.
- Le pilote ne portait pas de casque pendant le vol.
3.1 Causes et facteurs contributifs
Le pilote n'a pas vu la ligne électrique assez tôt pour l'éviter. Ont contribué à l'accident : la décision du pilote d'effectuer à basse altitude la partie du vol qui se déroulait au-dessus de la rivière sans avoir d'abord survolé la zone pour déceler les obstacles, et l'absence de procédures clairement définies sur les missions de surveillance des pêches.
4.0 Mesures de sécurité
4.1 Mesures prises
4.1.1 Armement de la radiobalise de détresse
La radiobalise de détresse a été trouvée intacte sur la surface gelée de la rivière; elle était sur OFF . L'absence de tout dommage au sélecteur et autour du sélecteur permet de conclure que la radiobalise était sur OFF avant l'impact. Il n'a pas été possible d'établir à quel moment le sélecteur a été mis dans cette position.
Les pilotes de Transports Canada se sont fait rappeler de suivre les SOP pour s'assurer que la radiobalise de détresse est bien armée. Lors d'une épreuve ou d'un vol d'entraînement, si la position du sélecteur n'a pas été vérifiée par le pilote, ce point sera abordé pendant l'évaluation après le vol.
4.1.2 Vols de surveillance du MPO et transport de passagers
Les hélicoptères qui effectuent des vols de surveillance des pêches doivent voler à basse altitude pendant de longues périodes. Le fait de transporter des passagers dont la présence n'est pas indispensable pendant ces missions à hauts risques effectuées à basse altitude fait courir inutilement des risques à ces personnes.
Transports Canada a publié des instructions interdisant le transport de passagers à bord des aéronefs effectuant des missions spéciales.
4.1.3 Dispositifs coupe-câble
L'hélicoptère a heurté la ligne électrique dans une position où le WSPS a déjà prouvé son efficacité. Le Bureau reconnaît que des dispositifs sont en train d'être élaborés pour avertir les équipages de la présence d'un fil ou d'un câble.
Tous les hélicoptères de Transports Canada seront équipés d'un WSPS d'ici 15 mois. D'ici le mois de décembre 1995, chaque région possédera au moins un hélicoptère équipé d'un WSPS.
Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau qui est composé du Président John W. Stants et des membres Zita Brunet et Maurice Harquail.
Annexes
Annexe A - Liste des rapports pertinents
L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :
- LP 37/95 - Instrument Analysis (Analyse des instruments).
On peut obtenir ce rapport en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.
Annexe B - Sigles et abréviations
- BCSA
- Bureau canadien de la sécurité aérienne
- BST
- Bureau de la sécurité des transports
- CITA
- Circulaire d'information aux transporteurs aériens
- CTS
- certificat de type supplémentaire
- ELT
- radiobalise de détresse
- FM
- modulation de fréquence
- GCC
- Garde côtière canadienne
- h
- heure(s)
- HNA
- heure normale de l'Atlantique
- lb
- livre(s)
- mi/h
- mille(s) à l'heure
- MOU
- protocole d'entente
- MPO
- ministère des Pêches et des Océans
- SOP
- procédure d'utilisation normalisée
- TEA
- technicien d'entretien d'aéronef
- UTC
- temps universel coordonné
- VHF
- très hautes fréquences
- WSPS
- dispositif coupe-câble
- %
- pour cent