Perte de maîtrise due à la défaillance progressive d'un composant du rotor principal
Les hélicoptères Abitibi ltée
Aerospatiale AS350BA Astar (hélicoptère) C-FHAG
12 mi au sud-est de Smoky Tower (Alberta)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le pilote de l'hélicoptère Aerospatiale AS350BA effectuait un vol de convoyage entre Tumbler Ridge (Colombie-Britannique) et Springbank (Alberta). En vol de croisière, le pilote a senti de fortes vibrations dans le rotor principal. Il a réduit la vitesse en vue d'un atterrissage de précaution, mais à l'arrondi, il a perdu la maîtrise de l'appareil. L'hélicoptère a percuté le sol avant de s'immobiliser sur le côté droit. Le pilote a subi des blessures légères; l'hélicoptère a été lourdement endommagé.
Le Bureau a déterminé que les vibrations dans le rotor principal ont augmenté et que le pilote a perdu la maîtrise de l'hélicoptère quand l'une des trois butées sphériques de la tête du rotor principal s'est rompue en fatigue. Des boursouflures avaient été constatées sur une butée, mais les critères d'inspection et de rejet du constructeur n'ont pas été respectés, et l'hélicoptère a été laissé en service.
1.0 Renseignements de base
1.1 Déroulement du vol
Le pilote de l'hélicoptère Aerospatiale (Eurocopter) AS350BA Astar, immatriculé C-FHAG, effectuait un vol de convoyage entre Tumbler Ridge (Colombie-Britannique) et Springbank (Alberta); il devait effectuer une escale à Edson (Alberta) pour ravitailler l'appareil en carburant. Quelque 30 à 40 minutes après le décollage, l'hélicoptère volant en croisière à 5 500 pieds-mer à une vitesse de 125 noeuds, le pilote a senti de fortes vibrations dans le rotor principal. Une dizaine de minutes plus tard, le pilote a vu un puits abandonné au milieu de la région fortement boisée, et il a réduit la vitesse en vue d'un atterrissage de précaution. À l'arrondi, le pilote a perdu la maîtrise de l'appareil. L'hélicoptère a percuté le sol et s'est immobilisé sur le côté droit. Le pilote a été légèrement blessé; l'hélicoptère a été lourdement endommagé.
L'accident s'est produit à 19 h Note de bas de page 1, heure avancée des Rocheuses (HAR) Note de bas de page 2, avant le coucher du soleil, à une altitude de 3 890 pieds-mer par 54° 20′ de latitude Nord et 118° 45′ de longitude Ouest Note de bas de page 3.
1.2 Victimes
Équipage | Passagers | Tiers | Total | |
---|---|---|---|---|
Tués | - | - | - | - |
Blessés graves | - | - | - | - |
Blessés légers/ Indemnes | 1 | - | - | 1 |
Total | 1 | - | - | 1 |
1.3 Dommages à l'aéronef
L'hélicoptère a été lourdement endommagé.
1.4 Autres dommages
Aucun.
1.5 Renseignements sur le personnel
Âge | 34 ans |
---|---|
Licence | pilote professionnel |
Date d'expiration du certificat de
validation |
1er oct 1994 |
Nombre d'heures de vol | 3 586 |
Nombre d'heures de vol sur type en cause | 578 |
Nombre d'heures de vol dans les 90 derniers jours | 249 |
Nombre d'heures de vol sur type en cause dans les 90 derniers jours | 249 |
Nombre d'heures de service avant l'événement | 4 |
Nombre d'heures libres avant la prise de service | 72 |
1.5.1 Autres renseignements sur le pilote
Le pilote possédait la licence et les qualifications nécessaires au vol et en vertu de la réglementation en vigueur. Le pilote est habitué à piloter l'hélicoptère AS350BA, mais il n'a pas été en mesure de décrire les vibrations en détail. Il a déclaré qu'après avoir constaté que l'une des pales fonctionnait mal, il avait cru que le rotor principal avait besoin d'un alignement.
1.6 Renseignements sur l'aéronef
Constructeur | Aerospatiale SNI |
---|---|
Type | AS350BA |
Année de construction | 1982 |
Numéro de série | 1546 |
Certificat de navigabilité | valide |
Nombre total d'heures de vol cellule | 4 401,2 |
Type de moteur (nombre) | Turbomeca Arriel 1B (1) |
Type d'hélice (nombre) | Aerospatiale SNI (1) |
Masse maximale autorisée au décollage | 4 630 lb |
Type(s) de carburant recommandé(s) | Jet B, Jet A, Jet A-1 |
Type de carburant utilisé | Jet B |
1.6.1 Renseignements supplémentaires sur l'aéronef
L'hélicoptère était convoyé à Springbank à des fins d'entretien et pour y subir des réparations car le moteur ne produisait plus sa puissance nominale maximale.
On a estimé que la masse et le centrage se trouvaient dans les limites permises. Du fret ayant une masse totale de 600 livres était transporté dans un filet à l'arrière de la cabine. Le reste du fret se trouvait dans les compartiments à bagages.
1.6.2 Autres renseignements sur l'hélicoptère
Après le décollage pour le vol de convoyage jusqu'à Springbank, le pilote a constaté que l'appareil ne volait pas avec autant de souplesse que l'autre hélicoptère AS350 qu'il venait tout juste d'amener à Tumbler Ridge. Il y avait plus de vibrations en vol, et le pilote s'est dit qu'il faudrait faire un alignement des pales du rotor principal pendant que l'appareil serait à Springbank à des fins d'entretien.
Le pilote ayant utilisé le C-FHAG avant le présent vol de convoyage jusqu'à Springbank avait constaté au cours des inspections prévol que le caoutchouc des butées sphériques présentait des traces d'usure et de fendillement (criquage), mais il n'avait remarqué ni bombement ni boursouflure. Lorsque le technicien d'entretien d'aéronef (TEA) s'était occupé de l'appareil, quelque 81 heures de vol avant l'accident, il avait inspecté toutes les butées sphériques et avait remarqué que l'une d'elles (il ne se souvient plus laquelle) était fendillée et bombée (boursouflée). Le TEA avait déclaré l'hélicoptère bon pour le service, la butée devant être remplacée à la prochaine inspection des 500 heures prévue à 4 580,8 heures (179,6 heures après l'accident). Le TEA a inspecté l'hélicoptère pour la dernière fois, y compris les butées sphériques, le matin de l'accident, avant le premier vol de la journée. L'hélicoptère a effectué 4,7 heures de vol après cette inspection.
1.6.3 Conversion de l'hélicoptère
L'hélicoptère (C-FHAG) avait été converti du modèle AS350D en modèle AS350B en mai 1992, à 2 552,2 heures cellule, et en modèle AS350BA en juin 1992, à 2 691,7 heures. Ces conversions avaient notamment demandé le remplacement des pales de rotor principal d'AS350D (Astar) (réf. 350A11-0010-01) par des pales d'AS355 (Twin Star) (réf. 355A11-0020-11). Les conversions permettaient de conserver les butées sphériques originales de l'AS350 (réf. 704-A-33-633-156). Les heures d'utilisation depuis la mise en service initiale de ces butées étaient de quelque 162,7 heures au moment de la conversion, et de 1 876 heures au moment de l'accident.
1.6.4 Les butées sphériques de tête de rotor principal
Une butée sphérique se compose de plusieurs coupelles d'acier lamifiées entre de minces feuilles de caoutchouc formant un élastomère. Ce dernier est collé entre deux cadres d'aluminium, et l'ensemble forme la butée sphérique. Ces butées supportent les forces centrifuges des pales du rotor principal lorsque celui-ci est en mouvement. Elles sont flexibles en torsion, en battement et en traînée, mais rigides en compression. Les butées sphériques sont un composant important du moyeu du rotor principal puisque tous les mouvements et toutes les charges passent par elles.
Quand une butée sphérique commence à se dégrader, le caoutchouc se met à sortir progressivement d'entre les plaques de métal, ce qui se traduit par des boursouflures à l'extérieur et par une «queue» d'extrusion à l'intérieur. Cette perte de caoutchouc entraîne un raccourcissement de la butée. Compte tenu de la position de la butée sphérique dans la tête du rotor principal, la pale de rotor s'éloigne progressivement du centre de rotation; le centre de gravité de la pale se déplace plus à l'extérieur que celui des deux autres pales, ce qui donne naissance à des vibrations à la fréquence d'une par tour, vibrations qui augmentent en intensité à mesure que le caoutchouc sort et que la butée raccourcit. Lorsque le caoutchouc se décolle des cadres et que la partie centrale en élastomère sort d'un seul coup, la pale de rotor concernée se déplace brusquement vers l'extérieur sur une distance égale à l'épaisseur de la partie de butée manquante. Les vibrations à la fréquence d'une par tour deviennent soudainement très fortes, et le pilote peut perdre la maîtrise de l'hélicoptère.
1.6.5 Description des butées sphériques portant plusieurs références
Les butées sphériques portent cinq références dans les nomenclatures et les documents d'entretien courant et de maintenance de l'AS350/355. Les butées de réf. 704A33-633-27, -28 et - 30 ne sont plus disponibles. Celles de réf. 704A33 633-109 sont apparues en 1987 pour remplacer les butées -27, -29 et -30, conformément au bulletin de service 62.09. La plage de température des butées -109 va de -25 °C à 40 °C.
Les butées sphériques de réf. 704A33-633-156 qui ont été retrouvées sur le C-FHAG sont apparues en 1989, conformément au bulletin 01.24, pour les raisons suivantes :
- la résistance aux très basses températures a été portée à −40 °C, aucune limite de température maximale n'ayant été précisée;
- l'élastomère a été assoupli et, lorsque ces butées sont utilisées à des températures positives, le temps moyen de bon fonctionnement a été réduit (voir la lettre de service 122-62-92). C'est pourquoi Eurocopter recommande l'installation de ces butées en cas d'exploitation à des températures inférieures à −25 °C;
- à l'origine, la durée de vie utile recommandée de ces butées avait été fixée à 6 400 heures dans le bulletin 01.24. Toutefois, la dernière révision des Recommandations principales d'entretien courant 05.99.00 (RPEC).précise à la note (2) que la vie utile ne concerne que les pièces métalliques, les parties en caoutchouc devant toujours être évaluées «selon état».
La lettre de service 1122-62-92 (25/09/92) recommande l'utilisation des butées sphériques -109 au lieu des -156 dans la majorité des cas de façon à augmenter le temps moyen de bon fonctionnement. Toutefois, la plupart des exploitants canadiens utilisent des butées
-156 tout au long de l'année à cause des coûts inhérents à l'achat de deux jeux de butées par hélicoptère.
Il semble que, chez les exploitants canadiens d'hélicoptères AS350, on ait compris à tort que la vie utile d'une butée sphérique, fixée à l'origine à 6 400 heures par le constructeur, s'appliquait à l'ensemble de cette pièce. La révision pertinente des RPEC précise que cette durée de 6 400 heures ne concerne que la partie métallique, les parties en caoutchouc devant être évaluées «selon état». Ces butées doivent être examinées chaque jour, en général au moment de l'inspection après le «dernier vol de la journée».
1.6.6 Le manuel, les bulletins et les consignes d'entretien de l'AS350BA
L'article 05.21.00 des RPEC précise que la vérification après le dernier vol de la journée sert à établir s'il sera possible d'utiliser l'hélicoptère le jour de vol suivant. Cette vérification peut être effectuée par un pilote ou un TEA. Si la vérification est effectuée par un pilote, et que ce dernier découvre des anomalies, il doit les signaler à un TEA qualifié sur ce type d'appareil. Il faut alors décider si l'on peut continuer à utiliser l'hélicoptère tout en surveillant son état ou s'il faut l'interdire de vol jusqu'à ce que les problèmes aient été réglés.
Le point (4) de l'article 62.20.00.601 des RPEC précise les limites à utiliser pour déterminer si la butée sphérique et les amortisseurs de fréquence ne sont plus en état de navigabilité.
Le 20 mars 1992, la Division hélicoptères de l'Aerospatiale a envoyé un télex urgent à tous les exploitants d'AS350 et d'AS355. Celui-ci reprenait le télex no 10039 en date du 20 mars 1991 envoyé par Eurocopter France. Ce télex a pour titre «Inspection des butées sphériques de la tête du rotor principal des hélicoptères AS350 et AS355». Le paragraphe (2) indique ce qui suit :
Puisque le manuel de vol (article 4.3) ne contient aucun critère de rejet à l'inspection, dès que le pilote détecte des dommages, un mécanicien (ou tout autre employé qualifié) doit obligatoirement inspecter la tête de rotor avant le prochain vol en se servant des critères des fiches d'entretien.
Le paragraphe (3) précise ceci :
Nous attirons notamment votre attention sur l'apparition soudaine de vibrations anormales qui peuvent être dues à une dégradation des butées sphériques (réf. bulletin et consigne de navigabilité).
Il n'a pas été possible de déterminer à quels employés de la compagnie ce télex urgent avait été diffusé, autres que ceux chargés de l'entretien.
1.6.7 Le manuel de vol de l'AS350BA
Le manuel de vol homologué de l'AS350BA se trouvait à bord de l'hélicoptère au moment des faits.
L'article 4.3 de ce document décrit les trois vérifications fonctionnelles à effectuer chaque jour, à savoir :
(1) vérifications avant le premier vol de la journée;
(2) vérification en escale;
(3) vérification après le dernier vol de la journée.
Ces vérifications peuvent être effectuées par un employé d'entretien qualifié ou par un pilote qualifié. Bien que l'inspection des butées sphériques ne fasse partie ni des vérifications avant le premier vol de la journée ni des vérifications en escale, elle est obligatoire au moment des vérifications après le dernier vol de la journée. Le manuel de vol précise que l'élastomère des butées ne doit présenter aucun signe d'endommagement, de décollement, d'éraflement, d'extrusion causée par des boursouflures et de criquage. En conséquence, s'il détecte un dommage quelconque, aussi petit soit-il, le pilote doit le signaler, et un mécanicien (ou tout employé qualifié) doit alors inspecter la tête de rotor avant le prochain vol en se servant des critères figurant dans les fiches d'entretien.
Rien dans le manuel de vol ne met en garde les pilotes contre la gravité des risques inhérents à une dégradation des butées sphériques, pas plus qu'on ne précise les mesures à prendre en cas de brusque apparition en vol de vibrations anormales qui pourraient être le signe d'une défaillance de ces butées.
1.7 Renseignements météorologiques
Selon Environnement Canada, il y avait une faible crête anticyclonique au-dessus de l'est et du centre de l'Alberta tandis qu'un front froid en altitude arrivait à l'ouest de la province en provenance du centre de la Colombie-Britannique. Le pilote a déclaré que les véritables conditions météorologiques en route étaient les suivantes : température de 24 °C, ensoleillé, vent calme, visibilité supérieure à 15 milles, et aucune précipitation pendant le vol. La météo n'a joué aucun rôle dans l'accident.
1.8 Renseignements sur l'épave et sur l'impact
Le pilote s'est approché du centre de la clairière et du puits abandonné au cap de 095 degrés magnétique. La clairière était plus ou moins de niveau, à une altitude de quelque 3 900 pieds- mer; sa superficie était de 400 à 500 pieds carrés. Un chemin forestier orienté au cap de 228 degrés magnétique était parallèle au côté est.
L'hélicoptère s'est immobilisé au cap de 008 degrés magnétique. Il reposait sur le côté droit; la tête du rotor principal touchait le sol. Sur les lieux, au gisement de 335 degrés magnétique, à 34, 36 et 39 pieds de l'hélicoptère, se trouvaient trois traces profondes laissées par les pales du rotor principal. L'entaille la plus profonde avait un angle d'impact de 25 degrés et une profondeur d'un pied environ.
Tous les composants de la tête du rotor principal tripale ont été trouvés près du fuselage, à l'exception de la partie centrale en élastomère de la butée sphérique de la pale rouge; cette partie a été retrouvée à 162 pieds de l'hélicoptère, au gisement de 355 degrés magnétique. Les dommages à la butée de la pale rouge montrent que la partie en caoutchouc s'est décollée des cadres intérieur et extérieur et que les cadres (y compris des parties de manchon) se sont détachés de la tête de rotor principal Starflex. L'examen préliminaire montre une rupture en fatigue de la butée sphérique. La butée de la pale bleue s'est décollée du cadre intérieur, et l'élastomère ainsi que le cadre extérieur sont restés dans le Starflex. La butée de la pale jaune était intacte et à sa place, mais l'élastomère était fendillé et bombé. Des morceaux des pales du rotor principal en fibres de verre étaient éparpillés sur plusieurs centaines de pieds.
Le profond sillon dans le sol révèle que la tête du rotor tournait encore lorsque le fuselage s'est immobilisé. L'herbe a été brûlée juste derrière l'échappement du moteur, ce qui laisse croire que le moteur a fonctionné un certain temps après l'impact. La poutre de queue s'est rompue à un joint de raccordement situé juste derrière le fuselage et reposait en face de l'hélicoptère. Le siège en fibres de verre utilisé par le pilote s'est rompu et s'est détaché de sa structure de fixation.
1.9 Recherches sur les difficultés en service concernant les butées sphériques
La base de données RDS (Rapports de difficultés en service) de Transports Canada contient plus de 25 cas de défaillances prématurées de l'élastomère ou des butées sphériques du rotor principal.
1.10 Questions relatives à la survie
L'accident offrait des chances de survie. Le pilote portait son casque mais il n'avait pas attaché sa mentonnière, et il a subi des blessures légères. Pendant l'accident, le pilote a perdu son casque. Après l'accident, on a constaté que le casque était fendu à trois endroits.
Pendant l'accident, le siège du pilote s'est complètement détaché de la structure de l'hélicoptère, et le pilote n'a été retenu que par sa ceinture sous-abdominale qui est restée fixée à la structure du plancher de la cabine. L'hélicoptère était également muni d'un harnais à enrouleur verrouillable fixé à l'arrière du siège; une fois le siège détaché de la structure, le harnais a perdu son efficacité.
Les 600 livres de fret transportées à l'arrière de la cabine ont été retenues en place par le filet.
2.0 Analyse
2.1 Introduction
Le pilote possédait l'expérience et les qualifications nécessaires au vol et en vertu de la réglementation en vigueur. Les conditions météorologiques n'ont joué aucun rôle dans l'accident. Les systèmes de l'hélicoptère ont été examinés dans la mesure du possible, et aucun signe de mauvais fonctionnement qui aurait pu contribuer à l'accident n'a été décelé, à l'exception de la rupture de butée sphérique dans la tête du rotor principal. L'enquête se concentre donc sur la rupture de butée, sur la perte de maîtrise et sur la raison pour laquelle l'hélicoptère a été jugé en état de navigabilité malgré la présence de boursouflures sur les butées sphériques qui dépassaient les spécifications du constructeur.
2.2 La rupture par décollement de butée sphérique
Il est possible que certains exploitants d'hélicoptères AS350 croient à tort que la durée de vie utile d'une butée sphérique, fixée à l'origine à 6 400 heures par le constructeur, s'applique à toute la butée. Cependant, la révision pertinente des RPEC précise que les parties en caoutchouc de ces butées doivent être évaluées «selon état» et qu'elles doivent être inspectées quotidiennement, en général pendant l'inspection après le dernier vol de la journée. Bien que le TEA ait remarqué qu'une butée était boursouflée, il n'a pas respecté les critères d'inspection et de rejet des butées établis par le constructeur, et il a déclaré l'hélicoptère bon pour le service. Les boursouflures n'ayant pas été mesurées, on ne sait pas si l'état de la butée dépassait les critères de rejet du constructeur.
Les butées sphériques se rompent progressivement à mesure que le caoutchouc sort graduellement d'entre les plaques métalliques et que les boursouflures augmentent. Les dimensions des boursouflures avant le vol de convoyage ne sont pas connues; toutefois, puisque la butée s'est rompue 4,7 heures de vol après sa dernière inspection le matin des faits, avant les vols de la journée, l'état de la butée au moment de cette inspection devait dépasser les critères d'inspection et de rejet établis par le constructeur. Qui plus est, les boursouflures avaient sans doute augmenté depuis que le TEA s'était rendu compte de leur présence pour la première fois, 81 heures de vol avant l'accident, et elles avaient très bien pu dépasser les critères d'inspection et de rejet du constructeur pendant cette période. Néanmoins, l'hélicoptère avait été déclaré bon pour le service jusqu'à ce que la butée puisse être remplacée au cours de la prochaine inspection d'entretien des 500 heures, inspection qui devait avoir lieu à 4 580,8 heures, soit 179,6 heures de vol après l'accident.
Le constructeur avait envoyé à tous les exploitants d'AS350 et d'AS355 un télex urgent portant sur les inspections des butées sphériques, mais le contenu de ce télex n'avait pas été inséré dans le manuel de vol. Qui plus est, il n'a pas été possible de déterminer à quels employés de la compagnie ce télex avait été diffusé, autres que ceux chargés de l'entretien. Les pilotes peuvent très bien ne pas avoir été mis en garde contre les conséquences d'une dégradation de butée et de la brusque augmentation des vibrations dans le rotor principal accompagnant le phénomène.
Le pilote ne savait pas qu'une brusque augmentation des vibrations dans le rotor principal était le signe d'une rupture de butée sphérique. En conséquence, lorsque les vibrations ont augmenté pendant le vol de convoyage, le pilote a cru à un mauvais alignement du rotor principal plutôt qu'à une rupture de butée sphérique, et il a poursuivi le vol.
La butée s'est alors rompue en fatigue; les vibrations ont augmenté à mesure que le caoutchouc sortait et, finalement, la partie en élastomère s'est décollée et s'est détachée de la tête du rotor. La tête du rotor principal s'est alors trouvée déséquilibrée au point où le pilote n'a pu conserver la maîtrise de l'hélicoptère.
3.0 Faits établis
- Il semble que des exploitants d'AS350 croient à tort que la durée de vie utile de 6 400 heures applicable à la partie métallique des butées est également valable pour la partie en caoutchouc.
- La partie en caoutchouc des butées sphériques n'a pas de durée de vie utile comme telle et doit être évaluée «selon état».
- Le TEA avait remarqué qu'une butée sphérique était boursouflée, mais il n'a pas respecté les critères d'inspection et de rejet des butées établis par le constructeur, et il a déclaré l'hélicoptère en bon état de service.
- L'état de la butée sphérique dépassait les spécifications du constructeur quand l'hélicoptère a été autorisé à partir pour le vol de convoyage à des fins d'entretien.
- La rupture d'une butée sphérique provoque un déplacement du centre de gravité de la tête du rotor principal, ce qui donne lieu à de fortes vibrations à la fréquence d'une par tour.
- Le manuel de vol ne contient ni mise en garde ni mesure corrective traitant d'une augmentation soudaine des vibrations et signalant que ce phénomène est peut-être attribuable à la rupture d'une butée sphérique.
- Le constructeur a averti les exploitants d'AS350 et d'AS355 de ce problème de butée sphérique en 1991 et en 1992.
- Comme il n'a pas été possible de déterminer à quels employés de la compagnie ce télex urgent avait été diffusé autres que ceux chargés de l'entretien, et comme le contenu du télex ne figure pas dans le manuel de vol, les pilotes peuvent très bien ne pas avoir été mis en garde contre les conséquences d'une dégradation de butée sphérique et de l'augmentation des vibrations dans le rotor principal accompagnant le phénomène.
- Le pilote ne savait pas ce que signifiait une augmentation des vibrations et, croyant qu'il s'agissait d'un problème d'alignement de pale de rotor principal, il a poursuivi le vol.
- La butée sphérique de la pale rouge de la tête du rotor principal s'est rompue et a provoqué la perte de maîtrise.
- Le siège du pilote s'est détaché de l'hélicoptère à l'impact.
- Lorsque le siège du pilote s'est détaché, le harnais et l'enrouleur qui étaient fixés au dossier du siège ont perdu leur efficacité.
- Le pilote a perdu son casque pendant l'accident car il n'avait pas attaché sa mentonnière. Après l'accident, le casque était fendu à trois endroits.
3.1 Causes
Les vibrations dans le rotor principal ont augmenté, et le pilote a perdu la maîtrise de l'hélicoptère quand l'une des trois butées sphériques de la tête du rotor principal s'est rompue en fatigue. Des boursouflures avient été constatées sur une butée, mais les critères d'inspection et de rejet du constructeur n'ont pas été respectés, et l'hélicoptère a été laissé en service.
4.0 Mesures de sécurité
4.1 Mesures prises
Transports Canada a fait paraître un article sur cet accident dans le numéro 6/94 de la publication Sécurité aérienne - Vortex.et dans le numéro 4/94 de la publication Sécurité aérienne - Mainteneur. Ces publications de Transports Canada sont envoyées aux pilotes d'hélicoptère titulaires d'une licence canadienne et aux techniciens d'entretien d'aéronef accrédités, respectivement. Les articles mentionnent les exigences relatives aux butées sphériques. En outre, un avis de sécurité aérienne a été envoyé à Transports Canada indiquant que le manuel de vol de l'aéronef devrait renfermer un avertissement ou une mise en garde précisant que si des vibrations anormales en vol se produisent, ces vibrations peuvent être dues à des butées sphériques en mauvais état.
Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau, qui est composé du Président John W. Stants, et des membres Zita Brunet et Hugh MacNeil.
Annexes
Annexe A - Liste des rapports pertinents
L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :
LP 133/94 - Hingeless Rotor Examination.(Examen du rotor non articulé).
On peut obtenir ce rapport en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.
Annexe B - Sigles et abréviations
- BST
- Bureau de la sécurité des transports du Canada
- C
- Celsius
- h
- heure(s)
- HAR
- heure avancée des Rocheuses
- lb
- livre(s)
- RPEC
- Recommandations principales d'entretien courant
- TEA
- technicien d'entretien d'aéronef
- UTC
- temps universel coordonné
- °
- degré(s)
- ′
- minute(s)