Rapport d'enquête aéronautique A94Q0220

Risque de collision
entre le de Havilland DHC-8-102 C-FGRY
d'Air Alliance et
le Fokker F.28 MK 1000 C-FCRI
d'Inter Canadien
Aéroport international de Québec/Jean Lesage

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Un Fokker 28 était en attente sur la piste 06 alors qu'un Beechcraft 1900 circulait sur la même piste. Un Dash 8 était également en finale pour la piste 06. Puisque le Beechcraft tardait à sortir de la piste, le contrôleur-stagiaire a demandé au Fokker de quitter la piste pour permettre au Dash 8 de se poser.

    Le Beechcraft a quitté la piste alors que le Dash 8 était en courte finale. Le contrôleur-stagiaire a alors autorisé ce dernier pour l'atterrissage alors que le Fokker n'avait pas encore quitté la piste. Le commandant de bord du Dash 8 a aperçu les feux de navigation du Fokker et a effectué une remontée.

    Renseignements de base

    Il faisait nuit et l'aéroport de Québec (Québec) était sous l'influence d'un système de basse pression donnant des plafonds de 200 pieds et des visibilités de 2 600 pieds dans le brouillard.

    La piste 06 était en service et les aéronefs effectuaient des approches aux instruments (ILS). Le trafic était léger. Seulement un Beechcraft 1900 - Bizex 954 et un Dash 8 - AAQ125 étaient en approche. Un Fokker 28 - ICN 1668 était en attente pour un départ.

    De la tour de contrôle, la visibilité ne permettait pas de voir la piste 06. Les contrôleurs avaient deux écrans radar donnant l'information RAMP (Programme de modernisation des radars); ces écrans indiquaient clairement les aéronefs en approche pour la piste 06. Il n'y avait pas de radar sol. Cinq contrôleurs étaient de service lors de l'événement : au contrôle d'aéroport, il y avait un contrôleur-formateur et un contrôleur-stagiaire, un contrôleur au sol, un coordonnateur, qui n'était pas dans la tour au moment de l'incident, et un spécialiste technique d'exploitation. Il n'y avait pas de surveillant.

    Après l'atterrissage du Beechcraft, le Fokker s'est aligné sur la piste; le Dash 8 était alors en finale à sept milles nautiques. L'équipage du Beechcraft ne connaissait pas bien l'aéroport et a circulé lentement jusqu'à la voie de circulation Alpha.

    Alors que le Beechcraft circulait toujours sur la piste et que le Dash 8 était à trois milles nautiques, le contrôleur-stagiaire a demandé à l'équipage du Fokker de quitter la piste par la voie de circulation Golf. Puisqu'un autre aéronef s'y trouvait déjà, le Fokker s'est dirigé vers la voie de circulation Hotel située à 1 600 pieds du seuil de la piste 06. Cette manoeuvre fut confirmée par le contrôleur-stagiaire.

    Les trois contrôleurs suivaient de près l'évolution du Beechcraft. Alors que le Dash 8 était à un mille nautique, le Beechcraft a confirmé être sorti sur la voie de circulation Alpha. Le contrôleur-stagiaire a autorisé le Dash 8 pour l'atterrissage alors que celui-ci était à un demi-mille nautique et que le Fokker approchait de la voie de circulation Hotel.

    En franchissant le seuil de piste à 100 pieds-sol, le commandant de bord du Dash 8 a remarqué les feux de navigation du Fokker qui était encore sur la piste. Il a immédiatement effectué une remontée et a survolé le Fokker qui se situait alors au point habituel du toucher des roues lors de l'approche ILS.

    Le contrôleur-stagiaire avait 24 années d'expérience comme contrôleur terminal. Il avait récemment débuté l'entraînement comme contrôleur d'aéroport. Sa progression était normale. Le contrôleur-formateur connaissait le contrôleur-stagiaire depuis plusieurs années et le considérait très compétent.

    Le contrôle de la circulation aérienne a lieu dans un environnement complexe, qui comporte des limites de temps, l'exécution de tâches multiples et le recours au travail en équipe. Ceci implique le traitement de données présentées simultanément de façon visuelle et auditive. Le contrôleur doit non seulement avoir une bonne connaissance du domaine, mais également la capacité de résoudre les problèmes efficacement. Il doit adapter des stratégies de gestion de la charge de travail qui doivent être exécutées dans un espace de temps critique.

    Le contrôle de la circulation aérienne exige une visualisation et une manipulation d'information à deux dimensions, mais qui est traitée en trois dimensions. Le contrôleur doit interpréter rapidement et correctement l'information changeante provenant des écrans radar, des fiches de progression de vol et des communications avec les équipages de conduite et d'autres contrôleurs. Il agit en fonction de cette information tout en appliquant les règlements et les procédures établies et en veillant à l'écoulement en toute sécurité du trafic aérien.

    Analyse

    Au moment de l'événement, les trois contrôleurs étaient attentifs à leur travail et n'étaient pas dérangés par d'autres facteurs environnementaux. Les conditions météorologiques ne leur permettaient pas de voir la piste 06, ni le seuil de cette piste. Ils ne pouvaient donc pas voir la progression des trois aéronefs en cause. Par contre, les écrans du radar RAMP permettaient de voir la progression du Dash 8.

    Le premier plan d'action du contrôleur-stagiaire permettait au Beechcraft d'atterrir, au Fokker de s'aligner et de décoller aussitôt que le Beechcraft aurait quitté la piste, et au Dash 8 de se poser. Par contre, puisque l'équipage du Beechcraft ne connaissait pas bien l'aéroport et à cause de la visibilité réduite par le brouillard, il a mis plus de temps que prévu pour libérer la piste. Ce facteur a changé le plan d'action déjà établi par le contrôleur-stagiaire : le Fokker déjà au seuil de la piste ne pouvait pas décoller et le Dash 8 en finale ne pouvait pas se poser.

    Le nouveau plan d'action était de faire sortir le Fokker le plus rapidement possible de la piste. Ce plan n'a pas fonctionné puisqu'un autre aéronef se trouvait déjà sur la voie de circulation Golf. L'équipage du Fokker a alors précisé qu'il roulait jusqu'à la voie de circulation Hotel qui est située à 1 600 pieds du seuil de la piste 06, et qu'il rappellerait après avoir dégagé la piste. Le contrôleur-stagiaire a confirmé cette information. Par contre, même s'il a confirmé cette information, il semble qu'il ne l'ait pas assimilée correctement, puisque le Dash 8 se trouvait à moins d'une minute de l'atterrissage et qu'il faudrait à peu près ce temps au Fokker pour se rendre jusqu'à la voie de circulation Hotel. Un nouveau plan d'action aurait été nécessaire.

    Il ne semble pas que le contrôleur-stagiaire ait bien traité l'information reçue du Fokker. De plus, pendant ce temps, l'attention du contrôleur-stagiaire et du contrôleur-formateur était fixée sur le Beechcraft. Convaincu que le Fokker avait quitté la piste, le contrôleur-stagiaire a autorisé le Dash 8 à se poser. La vigilance du commandant de bord et de l'équipage du Dash 8 a permis d'éviter un accident grave.

    Faits établis

    1. Les conditions météorologiques gênaient le suivi visuel du trafic utilisant la piste 06.
    2. L'information radar permettait d'effectuer le suivi du Dash 8.
    3. Le retard occasionné par le Beechcraft a changé la séquence des événements prévus par le contrôleur-stagiaire.
    4. Le contrôleur-stagiaire n'a pas visualisé correctement la manoeuvre proposée par l'équipage du Fokker.
    5. L'attention des trois contrôleurs était fixée sur le Beechcraft.
    6. Le contrôleur-stagiaire a autorisé le Dash 8 à se poser alors que le Fokker était sur la piste.

    Causes et facteurs contributifs

    À cause d'un mauvais traitement de l'information, le Dash 8 a été autorisé à se poser alors que le Fokker était sur la piste. La visibilité réduite a contribué à l'événement.

    Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau, qui est composé du Président, John W. Stants, et des membres Zita Brunet et Hugh MacNeil.