Rapport d'enquête aéronautique A91P0194

Sortie de piste
Piper PA 23-250 Aztec C-GIFD
Chilliwack (Colombie-Britannique)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Après avoir effectué une série de circuits et d'atterrissages, le pilote est revenu à l'aéroport pour un atterrissage avec arrêt complet. Peu après le toucher des roues, l'avion a fait une embardée, est sorti de piste et a fini sa course dans un ruisseau. L'avion a été lourdement endommagé; le pilote a été grièvement blessé.

    Le Bureau a déterminé que le pilote avait perdu la maîtrise de l'avion à l'atterrissage; il n'a pas été possible de déterminer la cause de la perte de maîtrise. La gravité des blessures du pilote et les dommages à l'avion ont été attribués à la collision de l'avion avec le flanc du ruisseau.

    Autres causes concourantes : l'orientation du ruisseau non couvert par rapport à la piste, la présence du ruisseau à l'intérieur des limites de la bande de piste, et la faible distance du ruisseau par rapport au seuil de la piste 24.

    1.0 Renseignements de base

    NUMÉRO DE DOSSIER : A91P0194
    TYPE D'ÉVÉNEMENT : sortie de piste (accident)
    DATE : 11 septembre 1991
    HEURE LOCALE : 12 h 15 HAP
    LIEU : Chilliwack (Colombie-Britannique)
    TYPE D'AÉRONEF : Piper PA 23-250 Aztec
    IMMATRICULATION : C-GIFD
    TYPE D'EXPLOITANT : particulier
    GENRE DE VOL : récréatif/voyage
    DOMMAGES : importants
    LICENCE : pilote privé - avions

    Pilote
    HEURES DE VOL 90 derniers Total
    Tous types 15 499
    Type en cause 15 45
    VICTIMES Équipage Passagers
    Tués - -
    Blessés graves 1 -
    Blessés légers - -
    Indemnes - -

    1.1 Déroulement du vol

    Le pilote avait fait des exercices d'atterrissage à l'aéroport municipal de Chilliwack, en Colombie- Britannique. Après avoir effectué quelques circuits, il a positionné l'avion pour un atterrissage pleins volets avec arrêt complet sur la piste 24. Immédiatement après le toucher des roues, l'aile gauche s'est soulevée, et l'avion s'est embarqué sur la gauche. L'avion a continué à tourner, alors que seules la roue avant et la roue droite du train principal touchaient le sol, puis il est sorti sur le côté gauche de la piste, à environ 900 pieds du seuil (voir l'annexe A). Une fois sur l'herbe, l'avion a commencé à glisser latéralement, puis la roue gauche du train principal a touché le sol. L'avion se trouvait maintenant à quelque l0 degrés à gauche de sa trajectoire au sol, et il se déplaçait à une vitesse de quelque 40 noeuds.

    L'avion a roulé librement sur l'herbe courte sur environ 150 pieds jusqu'à ce qu'il plonge dans un ruisseau de 10 pieds de profondeur, qui était perpendiculaire à la piste. Le train avant de l'avion a pénétré dans le ruisseau à environ 48 pieds du bord gauche de la piste en dur. L'avion a quitté le sol pendant quelques instants avant de retomber lourdement sur le nez du côté opposé du ruisseau. L'avion a fini sa course dans les eaux peu profondes du ruisseau.

    1.2 Évacuation

    Comme le pilote n'était pas retenu par un baudrier, il a été projeté sur le tableau de bord lorsque l'avion a heurté le fossé. La force de l'impact a renfoncé le nez de l'avion dans la cabine et le pilote a été coincé dans son siège. Le personnel de secours a dû utiliser une décarcéreuse pour dégager le pilote de l'avion. Le pilote a subi des blessures graves; l'avion a subi des dommages importants.

    1.3 Les conditions météorologiques

    La température à l'aéroport était d'environ 20 °C, le ciel était dégagé, et la visibilité était illimitée. Le vent en surface soufflait à moins de 10 noeuds du 210 degrés magnétique. La composante vent de travers pour la piste 24 était d'environ six noeuds.

    1.4 Le pilote

    Le pilote possédait la licence et les qualifications nécessaires au vol et en vertu de la réglementation en vigueur, et il était qualifié sur type.

    1.5 L'aéronef

    Les livrets d'entretien de l'avion ne faisaient état d'aucun point d'entretien différé qui pourrait avoir un lien avec les circonstances de l'accident. L'examen de l'avion après l'accident n'a révélé aucune défectuosité qui aurait pu causer l'embardée de l'avion vers la gauche de la piste.

    L'avion était exploité et entretenu conformément à la réglementation en vigueur. La masse et le centrage étaient dans les limites prescrites. L'avion n'était pas équipé d'un baudrier, et la réglementation ne l'exigeait pas.

    1.6 L'atterrissage

    Pendant l'enquête, le pilote a déclaré qu'il ne se souvenait pas beaucoup de l'atterrissage. Un témoin a déclaré que l'avion avait d'abord touché le sol de la roue avant, puis avait rebondi. D'autres témoins ont indiqué que l'avion balançait des ailes au moment de l'atterrissage. L'examen des marques de dérapage sur la piste a révélé que seuls le train avant et la roue du train principal droit touchaient la piste au moment où l'avion s'est embarqué sur la gauche, et que la roue du train principal gauche n'a pas touché le sol avant que l'avion quitte la piste. L'avion a alors commencé à déraper latéralement. Il n'y avait aucun autre obstacle dans la trajectoire de l'avion, à l'exclusion du ruisseau.

    1.7 Marsouinage et brouettage

    Le marsouinage est une oscillation autour de l'axe transversal de l'avion, un peu comme le mouvement d'un marsouin dans l'eau. Le marsouinage à l'atterrissage est une oscillation (rebond) entre la roue du train avant et celles du train principal, et il peut se produire lorsque le train avant touche la piste en premier, que ce soit à cause d'une vitesse excessive à l'atterrissage ou d'une mauvaise technique de pilotage.

    Le brouettage se produit lorsque le train avant plutôt que le train principal, est forcé de supporter une portion excessive de la masse de l'avion. Toucher le sol du train avant, un freinage exagéré, ou le frottement entre les roues et la piste causé par un dérapage peuvent se traduire par du brouettage. Le brouettage peut causer des dommages au train avant ou faire bifurquer l'avion.

    1.8 Aérodromes - Normes et pratiques recommandées (TP 312)

    La piste de Chilliwack était certifiée par Transports Canada comme étant une piste d'approche à vue de catégorie 2(B). Les aires de manoeuvre de l'aéroport doivent donc être conformes à certains paramètres établis dans la publication TP 312 intitulée Aérodromes - Normes et pratiques recommandées.(voir l'annexe B).

    La publication TP 312 en vigueur au moment de l'accident (1991) était celle du 6 février 1986. L'édition en vigueur à l'heure actuelle est celle du 1er mars 1993. Vous trouverez des extraits de ces deux éditions à l'annexe B.

    1.9 Bandes de piste - Définition

    À l'alinéa 3.1.6.5, la publication TP 312 en vigueur stipule que toute bande à l'intérieur de laquelle s'inscrit une piste à vue s'étendra latéralement, sur toute sa longueur, de part et d'autre de l'axe de la piste et du prolongement de cet axe, jusqu'à une distance, par rapport à cet axe, au moins égale à 30 mètres (98,5 pieds) lorsque le chiffre de code est 1 ou 2.

    1.10 Normes de catégorie 2(B) - Surfaces nivelées - Définition

    La publication TP 312 en vigueur exige qu'une piste de catégorie 2(B)1 soit d'une largeur de 75 pieds et qu'elle présente une surface nivelée de 75 pieds de chaque côté de l'axe de piste sur toute la longueur de la piste et du prolongement d'arrêt, le cas échéant. La piste de Chilliwack répond aux normes de la catégorie 2(B).

    1.11 Fossés

    La norme de la publication TP 312 sur les fossés qui était en vigueur en 1991, au moment de l'accident, exigeait que les fossés situés au bord de la surface nivelée voisine d'une piste soient munis d'une bordure pour réduire les dommages structuraux à un avion qui, accidentellement viendrait à y pénétrer. Les flancs des fossés devaient avoir une pente de 4 unités de mesure horizontale pour une unité de mesure verticale. La pente maximale acceptable devait être de 3 unités de mesure horizontale pour une unité de mesure verticale. Les fossés devaient être graduels et recouverts de gazon pour limiter l'érosion et faciliter leur entretien. Les fossés ne devaient pas être situés dans la partie nivelée de la bande.

    La publication TP 312 en vigueur à l'heure actuelle, et qui a été modifiée en mars 1993, stipule en 3.1.6.19 que les fossés ne doivent pas être situés dans la partie nivelée de la bande. Lorsqu'ils seront situés au bord de l'aire nivelée, leurs bords doivent être aussi graduels que possible 1 La catégorie 2 renvoie à une distance de référence de l'avion de 2 650 pieds jusqu'à 4 000 pieds non compris. afin de minimiser les dégâts que pourrait subir un avion qui viendrait à y pénétrer. La publication stipule également en 3.1.6.21 que les fossés ouverts devraient avoir une pente latérale de 4 unités de mesure horizontale pour une unité de mesure verticale. Ces fossés devraient être nivelés et tourbés à des fins de contrôle d'érosion et d'entretien.

    1.12 Aéroport de Chilliwack

    Le ruisseau était orienté du nord au sud et il était situé dans le prolongement de piste amont de la piste 24 avant que la piste soit prolongée. Le cours du ruisseau a été modifié lors du prolongement de la piste, et un caniveau se trouve maintenant sous la piste de 75 pieds de largeur et de 3 900 pieds de longueur, à environ 1 250 pieds du seuil de la piste 24. Le caniveau débouche sur des fossés ouverts. Le fossé nord commence à 79,5 pieds de l'axe de la piste, et le fossé sud, à 77,5 pieds de l'axe de piste. Ainsi le fossé commence au-delà de l'aire nivelée de la bande.

    Le ruisseau a 52 pieds de largeur en moyenne et une profondeur de 10 à 15 pieds, et il présente une pente plus raide que la pente 3 pour 1. Ses bords et ses flancs rocailleux abrupts sont couverts de végétation. Au moment de l'accident, le ruisseau avait trois ou quatre pieds d'eau de profondeur. La quantité d'eau varie en fonction des précipitations.

    Les sorties nord et sud du caniveau situé sous la piste se trouvent à l'intérieur des limites de la bande et au bord de la surface nivelée.

    1.13 Interprétation de la publication TP 312 par Transports Canada

    Transports Canada ne considère pas que le ruisseau que l'avion a heurté est un fossé, mais plutôt un cours d'eau ou un ruisseau naturel. Transports Canada donne comme exemples de dangers naturels similaires les pistes qui sont construites à côté des rivières et des lacs. Transports Canada est d'avis que la norme TP 312 sur les fossés renvoie normalement à ceux qui sont parallèles aux pistes; toutefois, le document TP 312 ne traite aucunement de la question de l'orientation des fossés.

    1.14 Accident antérieur

    En 1988, un aéronef est sorti de piste (rapport A88P0188) et a fini sa course dans le ruisseau en cause dans le présent accident. Le pilote a perdu la maîtrise en direction de l'appareil après avoir interrompu le décollage, et l'aéronef a plongé dans le ruisseau.

    2.0 Analyse

    2.1 Introduction

    L'analyse porte sur les mesures prises par le pilote à l'atterrissage, l'emplacement du cours d'eau et le risque que ce dernier présente en cas de sortie de piste.

    2.2 Atterrissage

    Il est évident, d'après les déclarations des témoins et les marques sur la piste, que le pilote a perdu la maîtrise en direction de l'avion peu après le toucher des roues, et qu'il n'a pas pu empêcher l'avion de quitter la piste et de plonger dans le ruisseau. Tout indique que l'avion a marsouiné ou brouetté à l'atterrissage, mais il n'y a pas suffisamment de données pour déterminer comment s'est produit la perte de maîtrise.

    2.3 Blessures et dommages

    Le ruisseau était le seul obstacle dans la trajectoire de l'avion après que l'avion a quitté la piste. Si l'avion n'avait pas heurté cet obstacle, il est probable que le pilote n'aurait pas été blessé et que l'avion n'aurait subi que des dommages légers. Si le pilote avait porté un baudrier, ses blessures auraient été moins graves.

    2.4 Cours d'eau

    Le document TP 312 définit, entre autres, les largeurs de bande nécessaires pour les pistes aux instruments et les pistes à vue. La piste de Chilliwack satisfait aux exigences d'approche en vigueur (du 1er mars 1993) en ce que le cours d'eau se trouve immédiatement à l'extérieur de la surface nivelée définie, et à l'intérieur des limites de la bande. La piste était aussi conforme aux exigences de l'édition de la TP 312 en vigueur (6 février 1986) au moment de l'accident. Cependant, un fossé se trouvant juste à l'extérieur de la surface nivelée, parallèlement à la bande, doit être pourvu d'une bordure, et ses flancs doivent présenter une pente de 4 unités de mesure horizontale pour 1 unité de mesure verticale. La norme en vigueur à ce moment-là recommandait la même pente, mais permettait une pente maximale de 3 unités de mesure horizontale pour 1 unité de mesure verticale. La pente des flancs de ce cours d'eau n'est pas conforme aux normes de 1986, ni à celles de 1993, sur la pente des fossés. Toutefois, Transports Canada est d'avis qu'il s'agit d'un ruisseau ou d'un cours d'eau, et non d'un fossé. Par conséquent, Transports Canada a conclu que ce cours d'eau n'a pas à être conforme aux normes de pente pour fossés édictées dans le document TP 312.

    Il est clair qu'un fossé, un ruisseau ou un cours d'eau naturel, perpendiculaire à la piste présente un plus grand danger pour un avion qui sort de la piste que s'il se trouvait parallèle à la piste. Puisque le cours d'eau à proximité de l'aéroport de Chilliwack est situé à environ 1 200 pieds du seuil de la piste 24, il se trouve dans la trajectoire des aéronefs qui sortent de piste pendant les étapes critiques du vol que sont le décollage et l'atterrissage. Tout avion qui sort de la piste comme l'a fait l'avion en question heurterait probablement le flanc opposé, que la pente soit à 3 pour 1 ou à 4 pour 1. En outre, comme il y a eu deux accidents de cette nature en trois ans, il est clair que le danger est bien réel.

    3.0 Faits établis

    1. Le pilote était qualifié sur type.
    2. L'avion était exploité et entretenu conformément à la réglementation en vigueur.
    3. L'avion n'était pas équipé d'un baudrier, ce qui n'était pas exigé par la réglementation.
    4. La masse et le centrage se trouvaient dans les limites prescrites.
    5. Le pilote a perdu la maîtrise de l'avion à l'atterrissage.
    6. Rien n'indique qu'une défectuosité de l'avion ait pu provoquer une embardée à l'atterrissage.
    7. Le document TP 312 intitulé Aérodromes - Normes et pratiques recommandées .xige une surface nivelée de 75 pieds pour les pistes de catégorie 2. Comme le cours d'eau commence à 77,5 pieds de l'axe de piste, il n'est pas soumis aux exigences relatives à la surface nivelée.
    8. Le document TP 312 exige que les fossés situés au bord d'une surface nivelée soient pourvus d'une bordure pour réduire les dommages structuraux à l'avion en cas de sortie de piste.
    9. Transports Canada a déterminé que le cours d'eau de Chilliwack n'a pas à être conforme à la norme du document TP 312 sur les fossés parce que le cours d'eau en question est un ruisseau naturel.
    10. Transports Canada considère que le cours d'eau est un ruisseau naturel et que, comme tel, il n'enfreint pas les critères de certification des pistes de catégorie 2 édictés dans le document TP 312.
    11. Le document TP 312 ne traite pas du danger que présente la partie non couverte d'un cours d'eau qui se trouve à l'intérieur des limites de la bande.

    3.1 Causes

    Le pilote a perdu la maîtrise de l'avion à l'atterrissage; il n'a pas été possible de déterminer la cause de la perte de maîtrise. La gravité des blessures du pilote et les dommages à l'avion ont été attribués à la collision de l'avion avec le flanc du ruisseau.

    Autres causes concourantes : l'orientation du ruisseau non couvert par rapport à la piste, la présence du ruisseau à l'intérieur des limites de la bande de piste, et la faible distance du ruisseau par rapport au seuil de la piste 24.

    4.0 Mesures de sécurité

    4.1 Mesures prises

    En août 1993, le BST a envoyé un avis de sécurité à Transports Canada lui suggérant qu'il souhaiterait peut être vérifier si l'aéroport de Chilliwack satisfaisait aux critères de certification sur les fossés, contenus dans le document TP 312. Transports Canada a répondu que les agents régionaux de Transports Canada et l'exploitant de l'aéroport sont conscients du risque que représente ce cours d'eau, mais il incombe à l'exploitant de l'aéroport de prendre les mesures qui s'imposent pour éliminer ce danger.

    En novembre 1994, un avis supplémentaire a été envoyé au District de Chilliwack, qui est responsable de l'exploitation de l'aéroport. L'avis indiquait que compte tenu de l'état des flancs du fossé, un aéronef qui quitterait la piste, même s'il restait dans les limites théoriques de la bande de piste, pourrait être lourdement endommagé ou pourrait causer des blessures graves.

    Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau, qui est composé du Président, John W. Stants, et des membres Gerald E. Bennett, Zita Brunet, l'hon. Wilfred R. DuPont et Hugh MacNeil.

    Annexes

    Annexe A - Lieu de l'accident

    Vue à partir du bord de la piste 24

    (noter les traces de pneu)

    Vue de l'avion dans le ruisseau

    (vue en direction sud-sud-ouest)

    Vue de l'avion dans le ruisseau

    (vue en direction nord-nord-est)

    Vue du ruisseau

    Annexe B

    Extraits de la publication TP 312

    Aérodromes - Normes et pratiques recommandées, édition du 6 février 1986

    Extraits de la publication TP 312

    Aérodromes - Normes et pratiques recommandées, édition du 1er mars 1993