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Rapport d’enquête sur la sécurité du transport maritime M20P0092

Dragage de l’ancre et collision subséquente
Vraquiers Golden Cecilie et Green K-Max 1
Détroit de Plumper, îles Gulf sud (Colombie-Britannique)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Description des navires

Le Golden Cecilie est un vraquier d’une longueur de 198 m et d’une jauge brute de 34 311. Il a été construit en 2015 et il est immatriculé sous pavillon de Hong Kong (Chine) (no 9692662 de l’Organisation maritime internationale [OMI]) (figure 1). Au moment de l’événement, 20 membres d’équipage se trouvaient à bord.

Figure 1. Le Golden Cecilie (Source : Csaba Magyar, Shipspotting.com)
Le Golden Cecilie (Source : Csaba Magyar, Shipspotting.com)

Le Green K-Max 1 est un vraquier d’une longueur de 229 m et d’une jauge brute de 44 076. Il a été construit en 2019 et il est immatriculé sous pavillon du Libéria (no 9838058 de l’OMI) (figure 2). Au moment de l’événement, 19 membres d’équipage se trouvaient à bord du navire.

Figure 2. Green K-Max 1 (Source : Captain Peter, Shipspotting.com)
Green K-Max 1 (Source : Captain Peter, Shipspotting.com)

Déroulement de l’événement

Le 11 février 2020, le Golden Cecilie a quitté Busan (Corée du Sud) à destination de Vancouver (Colombie-Britannique). Le 28 février à 20 h 18Note de bas de page 1, le navire a pris à bord un pilote de British Columbia Coast Pilots Ltd. au large de Victoria (Colombie-Britannique) et s’est dirigé vers le mouillage C du détroit de Plumper (Colombie-Britannique), attribué par le port de Vancouver. Vers 23 h 12, le bateau a jeté l’ancre au mouillage C en utilisant son ancre bâbord avec 5 maillons de chaîneNote de bas de page 2 dans l’eau.

Lorsque le Golden Cecilie est arrivé au mouillage C, le Green K-Max 1 était ancré au mouillage BNote de bas de page 3 voisin, et ce, depuis le 24 février (figure 3). La distance entre le Golden Cecilie et le Green K-Max 1 était d’environ 1280 m. Les deux navires étaient en lest et attendaient les instructions d’accostage, étant donné que leurs cargaisons n’étaient pas prêtes pour être chargées. Le Golden Cecilie avait un tirant d’eau de 4,63 m à l’avant et de 6,77 m à l’arrière, avec un franc-bord de 12 m.

Figure 3. Secteur de l’événement (Source de l’image principale : Service hydrographique du Canada, avec annotations du BST; source de l’image en médaillon : Google Earth, avec annotations du BST)
Secteur de l’événement (Source de l’image principale : Service hydrographique du Canada, avec annotations du BST; source de l’image en médaillon : Google Earth, avec annotations du BST)

Légende

  1. Position d’ancrage initiale du Golden Cecilie le 28 février
  2. Nouvelle position d’ancrage du Golden Cecilie le 19 mars après changement d’ancre
  3. L’alarme de navire chassant sur son ancre se déclenche à bord du Golden Cecilie.
  4. Le Golden Cecilie entre en collision avec le Green K-Max 1.

Le 19 mars, l’équipage du Golden Cecilie a obtenu l’autorisation des Services de communication et de trafic maritimes (SCTM) de Victoria de passer de son ancre bâbord à son ancre tribord afin d’empêcher des dépôts de s’accumuler sur l’ancre, comme le mentionne le manuel du système de gestion de la sécurité (SGS) du Golden CecilieNote de bas de page 4. L’équipage a jeté 2 maillons de chaîne pour l’ancre tribord, a levé l’ancre bâbord, puis a jeté 3 maillons de chaîne de plus pour l’ancre tribord. Au cours du changement d’ancre, l’équipage a utilisé le moteur principal du navire pour manœuvrer à environ 370 m de sa position initiale, puis jeter à nouveau l’ancre plus près du mouillage B (figure 3). La distance entre le Golden Cecilie et le Green K-Max 1 était alors d’environ 910 m. Après l’arrêt du moteur principal, le capitaine du Golden Cecilie a placé le moteur principal sur 20 minutes de préavis, ce qui signifie que le moteur principal doit pouvoir être démarré dans les 20 minutes suivant le moment où la passerelle le demande à la salle des machines ou au mécanicien de service.

Pendant que le Golden Cecilie se trouvait au mouillage, les officiers de quart à la passerelle du navire se fiaient aux avertissements NAVAREA d’Inmarsat-C et de NAVTEX qui transmettent les prévisions météorologiques locales. Le 29 mars, à 14 h, le deuxième lieutenant du Golden Cecilie a inscrit dans le journal de bord de la passerelle que la pression barométrique était de 1007 millibars (mb)Note de bas de page 5 et que les vents soufflaient du sud à une vitesse de 7 à 10 nœuds (force 3 sur l’échelle de Beaufort). Vers 17 h, le capitaine du Golden Cecilie a quitté la passerelle pour la nuit. Les ordres de nuit habituels du capitaine renvoyaient aux instructions à la passerelleNote de bas de page 6 que les officiers de quart à la passerelle devaient suivre. La liste de vérification du mouillage et du quart de mouillage du navireNote de bas de page 7 précisait que le capitaine devait être avisé si le vent atteignait une vitesse de 28 à 33 nœuds (force 7 sur l’échelle de Beaufort), et que le capitaine, le mécanicien de service et l’équipe du poste avant devaient être appelés au premier signe de dragage de l’ancre.

À 22 h, il a été consigné que le vent soufflait du sud-est à une vitesse de 11 à 16 nœuds (force 4 sur l’échelle de Beaufort). À 22 h 32, les prévisions météorologiques NAVAREA indiquaient un coup de vent en approche à 636 milles du Golden Cecilie avec des vents du sud-est de 25 à 35 nœuds (force 6–7 sur l’échelle de Beaufort). Les prévisions météorologiques d’Environnement et Changement climatique Canada (ECCC) indiquaient que des vents violents de 20 à 33 nœuds étaient prévus dans le secteur du détroit de Plumper. Le 30 mars, à 0 h, le troisième lieutenant a noté dans le journal de bord de la passerelle que la pression barométrique était de 1002 mb et que la vitesse du vent augmentait, atteignant de 17 à 27 nœuds (force 5–6 sur l’échelle de Beaufort) de la même direction sud-estNote de bas de page 8.

Peu après, le 2e officier est arrivé à la passerelle et a relevé le 3e officier. À 2 h, selon les notes du journal de bord de la passerelle, le vent soufflait du sud à une vitesse d’environ 28 à 33 nœuds, et la pression barométrique était de 995 mb. Vers 3 h 10, le 2e officier à la passerelle a observé que le navire faisait une embardée à cause de rafales de vent.

À 3 h 10 min 47 s, l’alarme dragage de l’ancre s’est déclenchée sur l’enregistreur d’alarmes du système de visualisation de cartes électroniques et d’information (ECDIS). Le 2e officier a également remarqué que la position du navire sur le radar avait changé et que le navire dérivait vers le Green K-Max 1.Le 2e officier a demandé au matelot breveté de service de se rendre à la proue et de vérifier l’ancre.

Le 2e officier a ensuite informé le capitaine et le mécanicien de serviceNote de bas de page 9 que le navire chassait sur son ancre, et il a demandé au mécanicien de service de préparer le moteur principal. Le mécanicien de service s’est immédiatement rendu à la salle des machines et a alerté le 2e mécanicien et le chef mécanicien, qui l’ont rejoint.

À 3 h 20, le capitaine est arrivé sur la passerelle. Il a donné l’ordre au matelot breveté d’amorcer les préparatifs pour jeter l’ancre bâbord, et il a demandé à l’équipe d’ancrage, composée du premier lieutenant, du maître d’équipage et d’un élève-officier de pont, de se rendre immédiatement au poste d’ancrage. À 3 h 25, le capitaine leur a donné l’ordre de jeter l’ancre bâbord. L’équipe a essayé de jeter l’ancre bâbord, mais elle ne s’est pas déployée. Tandis que les tentatives pour jeter l’ancre bâbord se poursuivaient, l’équipe d’ancrage a filé 2 autres maillons de la chaîne de l’ancre tribord, conformément aux ordres du capitaine, afin d’empêcher le navire de dériver davantage. Alors que l’équipe tentait toujours de déployer l’ancre bâbord, le Golden Cecilie dérivait vers le Green K-Max 1 à une vitesse d’environ 1,4 nœud sous l’influence du vent sur son franc-bord élevé.

Pendant ce temps, l’officier de quart du Green K-Max 1 a remarqué sur le radar que la position du Golden Cecilie avait changé. Il a communiqué avec l’équipe à la passerelle du Golden Cecilie pour déterminer si le navire chassait sur son ancre. Dès réception de la confirmation, l’officier de quart du Green K-Max 1 en a informé le capitaine du Green K-Max 1, qui s’est rendu à la passerelle. Le capitaine a donné l’ordre à l’équipe d’ancrage du Green K-Max 1 de se rendre aux ancres pour filer plus de maillons de chaîne de l’ancre tribord afin que le navire puisse s’éloigner du Golden Cecilie. L’équipe d’ancrage a filé 11 maillons de chaîne dans l’eau et le Green K-Max 1 a dérivé à environ 185 m au nord-ouest de son emplacement d’origine (figure 3)Note de bas de page 10. Le moteur principal du Green K-Max 1 était sur un préavis de 10 minutes, mais le capitaine du navire n’a pas demandé qu’il soit démarré.

À 3 h 26, alors que l’équipe d’ancrage du Golden Cecilie éprouvait encore des difficultés à jeter l’ancre bâbord, le capitaine a donné l’ordre que l’ancre tribord soit filée davantage. Vers 3 h 27, 2 maillons de chaîne de l’ancre tribord ont été filés, pour un total de 7 maillons de chaîne dans l’eau. Peu après, l’équipe d’ancrage a réussi à dégager l’ancre bâbord de sa position arrimée, et elle a déployé environ 12 maillons de chaîne. À 3 h 28, les mécaniciens ont démarré le moteur principal. Le capitaine a donné l’ordre que les 2 ancres soient levées, et il a utilisé le moteur principal pour tenter de s’éloigner du Green K-Max 1. Le Golden Cecilie a poursuivi sa dérive vers le Green K-Max 1 à une vitesse d’environ 1,4 nœud. À 3 h 30, la section centrale côté bâbord du Golden Cecilie est entrée en collision avec la partie avant tribord du Green K-Max 1.

À 3 h 31, alors que le moteur du Golden Cecilie était en marche avant lente, le capitaine a tenté d’éloigner le navire du Green K-Max 1, mais il n’y est pas parvenu. Les rafales de vent ont entraîné une 2e collision, entre l’arrière de la section centrale bâbord du Golden Cecilie et la partie avant tribord du Green K-Max 1; la collision a causé des dommages aux 2 navires. À un moment donné au cours de cette séquence d’événements, l’ancre bâbord du Golden Cecilie s’est emmêlée avec la chaîne de l’ancre bâbord du Green K-Max 1.

À 3 h 32, le Golden Cecilie, avec le moteur principal à demi-vitesse avant, a réussi à s’éloigner d’environ 370 m du Green K-Max 1. Cependant, comme l’ancre bâbord du Golden Cecilie était encore emmêlée avec la chaîne de l’ancre bâbord du Green K-Max 1, le Golden Cecilie tirait le Green K-Max 1 à environ un demi-nœud. À 3 h 42, l’équipage du Golden Cecilie a levé l’ancre tribord. Alors qu’il tentait de lever l’ancre bâbord, il s’est rendu compte que sa chaîne était emmêlée avec celle de l’ancre bâbord du Green K-Max 1 et il s’est arrêté. Les capitaines des 2 navires ont fait appel à des pilotes et à des remorqueurs de renfort.

Vers 10 h 30, les pilotes avaient embarqué à bord de chacun des navires et démêlé l’ancre de la chaîne. Escorté par des remorqueurs, le Golden Cecilie a de nouveau été ancré au mouillage C, et le Green K-Max 1, au mouillage B.

Avaries

Le contact entre les navires a percé un trou de 30 cm de diamètre sur le côté bâbord de la coque du Golden Cecilie, à environ 3 m sous la ligne de pont dans la citerne de ballast latérale supérieure no 5, ainsi qu’une bosselure rectangulaire dans le côté bâbord de la coque au droit de la citerne de ballast d’eau supérieure no 4. Le Green K-Max 1 a subi des avaries mineures sur l’avant-tribord au droit de sa citerne de ballast tribord no 1. Les avaries subies par les 2 navires se trouvaient au-dessus de la ligne de flottaison. L’événement n’a engendré aucune pollution.

Conditions environnementales

Lors de l’événement, il faisait sombre et il pleuvait, et la visibilité était de 10 milles marins. Le vent soufflait du sud-sud-est à une vitesse d’environ 22 à 27 nœuds (force 6 sur l’échelle de Beaufort), avec des rafales d’environ 41 nœuds. Le courant poussait vers le nord avec une houle de 2,5 à 4 m de hauteur.

Les données historiques d’ECCC indiquent qu’en mars et en avril, la vitesse du vent dans ce secteur peut atteindre de 45 à 55 nœuds (force 9–10 sur l’échelle de Beaufort). Le 21 janvier 2018, la vitesse du vent consignée était de 59 nœuds (force 10 sur l’échelle de Beaufort), soit la vitesse maximale consignée au cours des 5 années précédentes.

Bulletins météorologiques diffusés par les Services de communications et de trafic maritimes

L’information sur les conditions environnementales diffusées par ECCC peuvent être recueillies par diverses autorités, comme l’Administration de pilotage du Pacifique (APP) et le Port de Vancouver, qui peuvent en outre demander aux SCTM de distribuer ces renseignements aux équipages. Pour les navires ancrés au port de Vancouver, à Constance Bank et au port de Prince Rupert, les SCTM ont mis en place des procédures pour diffuser des bulletins météorologiques lorsque la vitesse du vent est supérieure à 25 nœuds. Les bulletins météorologiques conseillent également aux équipages de garder le ou les moteurs principaux du navire en veille et la 2e ancre prête à être jetée. Ces procédures ont été mises en place au nom de l’APP, de l’Administration portuaire Vancouver Fraser et du Port de Prince Rupert.

Les SCTM n’ont pas de procédures établies pour diffuser des prévisions météorologiques pour les navires ancrés aux mouillages du détroit de Plumper. Transports Canada est responsable des navires ancrés dans le détroit de Plumper, mais il laisse à chacun des équipages le soin de communiquer directement avec les SCTM pour obtenir des prévisions météorologiques à jour dans le secteur. 

Gestion du risque de dragage de l’ancre

Entre janvier 2015 et mars 2020, 102 événements de navires chassant sur leur ancre le long de la côte de la Colombie-Britannique ont été signalés aux SCTM. Un navire qui chasse sur son ancre peut provoquer une collision, un échouement ou d’autres situations d’urgence.

Le Golden Cecilie avait un manuel de SGS qui comprenait des conseils et des recommandations sur la façon d’atténuer le risque que le navire chasse sur son ancre :

Dans l’événement à l’étude, l’équipage n’a pas recueilli les prévisions météorologiques locales quotidiennes pour le jour de l’événement à partir de la radio à très haute fréquence, du télécopieur météorologique ou de la radiodiffusion à moyenne fréquence et haute fréquence, et il n’a pas obtenu un avertissement météorologique à jour d’autorités locales comme ECCC ou les SCTM. Par conséquent, l’équipage n’a pas suivi les procédures établies pour préparer le navire et l’équipage à des conditions météorologiques défavorables imminentes. De plus, les facteurs qui ont une incidence sur le dragage de l’ancre n’ont pas été pris en compte conformément au SGS, et la préparation en cas d’urgence pour réagir aux intempéries était inadéquate.

Liste de surveillance du BST

La Liste de surveillance du BST énumère les principaux enjeux de sécurité qu’il faut s’employer à régler pour rendre le système de transport canadien encore plus sûr. La gestion de la sécurité est l’un de ces enjeux et, dans le secteur maritime, les enquêtes du BST ont révélé que, même lorsque des processus officiels existent, ils sont souvent inefficaces pour cerner les dangers ou réduire les risques. Le SGS du Golden Cecilie avait été certifié et vérifié par un organisme autorisé. Toutefois, l’enquête a permis de déceler des lacunes dans l’efficacité de la gestion de la sécurité en ce qui a trait au degré de préparation du navire aux intempéries.

Mesures de sécurité prises

À la suite de l’événement, l’exploitant du Golden Cecilie, SeaTeam Management Pte Ltd., a pris les mesures de sécurité suivantes :

Messages de sécurité

Lorsqu’un navire est ancré, son équipage doit recueillir les prévisions météorologiques de toutes les sources disponibles en temps opportun; il doit être conscient des facteurs de risque qui peuvent amener un navire à chasser sur son ancre, en particulier l’excès de franc-bord et un ballastage inadéquat; et il doit s’assurer que les moteurs principaux, les ancres et les machines de pont sont prêts afin que des mesures correctives puissent être prises au premier signe que le navire chasse sur son ancre.

Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .