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Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A20W0072

Collision avec une ligne de transport d’électricité
Immatriculation privée
Harmon Rocket II, C-FZXS
Aérodrome Hugget/Goodwood Field (Alberta)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Déroulement du vol

Le 26 septembre 2020, vers 13 h 17Note de bas de page 1, l’aéronef de construction amateur Harmon Rocket II (immatriculation C-FZXS, numéro de série 140) a décollé de l’aérodrome de Rocky Mountain House (CYRM) (Alberta) pour un vol à destination de l’aérodrome Hugget/Goodwood Field (CGF5), avec 2 personnes à bord. Le but du vol était de rejoindre des amis qui devaient passer l’après-midi à faire du karting sur le circuit de course adjacent à l’aérodrome. L’aéronef est arrivé au-dessus de CGF5 à 13 h 37 et a fait 2 circuits autour de l’aérodrome, étant donné que le pilote n’était jamais allé à cet endroit.

Après le 2e circuit, l’aéronef a tourné à gauche, est descendu à environ 25 pieds au-dessus du sol (AGL) et a survolé du nord au sud la ligne droite de la piste de course. D’après les vidéos enregistrées par les observateurs au sol, à l’extrémité sud de la ligne droite, l’aéronef a amorcé une montée et a heurté le plus élevé des 2 fils d’une ligne de transport d’électricité non marquée sur le côté nord du chemin de canton 504 à une altitude de 32 à 35 pieds AGL (figure 1). L’aéronef s’est cabré et a monté jusqu’à une altitude d’environ 700 pieds tout en roulant à droite jusqu’à une assiette presque inversée et en changeant de cap vers l’ouest. Lorsque l’aéronef a commencé à descendre, il a roulé à gauche jusqu’à avoir les ailes à l’horizontale et a continué à descendre jusqu’à ce qu’il percute le sol, dans une assiette en piqué de 40°.

L’aéronef a été presque entièrement détruit par l’incendie qui a suivi l’écrasement. Les 2 occupants ont subi des blessures mortelles. Aucun signal de radiobalise de repérage d’urgence (ELT) n’a été détecté, et l’incendie a détruit l’ELT à bord.

Figure 1. Carte illustrant la trajectoire de vol de l’aéronef dans l’événement à l’étude, la ligne de transport d’électricité et le lieu de l’accident (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
Carte illustrant la trajectoire de vol de l’aéronef dans l’événement à l’étude, la ligne de transport d’électricité et le lieu de l’accident (Source : Google Earth, avec annotations du BST)

Conditions météorologiques

Le message d’observation météorologique régulière d’aérodrome de 13 h pour l’aéroport international d’Edmonton (CYEG), 21 milles marins à l’est de CGF5, indiquait les conditions suivantes :

Les conditions météorologiques n’ont pas été retenues comme facteur dans cet accident.

Renseignements sur l’aéronef

Le Harmon Rocket II est un aéronef de construction amateur qui résulte de modifications apportées à un aéronef Van’s Aircraft RV-4. Le kit de transformation Harmon permet l’installation d’un plus gros moteur en élargissant le fuselage et en allongeant le RV-4 de 18 pouces. L’aile est modifiée, et les matériaux ainsi que l’emplacement du train d’atterrissage sont également modifiés pour tenir compte de l’augmentation de la taille du moteur. L’aéronef a une puissance massique relativement élevée qui permet des performances convenant au vol acrobatique avancé.

L’aéronef de l’événement à l’étude était muni d’un moteur Textron/Lycoming IO-540 et de 2 manches de commande. Toutefois, toutes les autres commandes de moteur et de vol avaient été installées pour le siège avant seulement. L’aéronef était utilisé régulièrement au cours de spectacles aériens partout au Canada, aux États-Unis et au Mexique.

Renseignements sur les occupants

Le pilote détenait une licence de pilote de ligne (ATPL) – avion, avec annotations pour les aéronefs monomoteurs et multimoteurs, et pour les planeurs. Il avait également obtenu une qualification de type pour le Harmon Rocket II. Son certificat médical était valide pour le type de vol personnel effectué. Le carnet de vol personnel du pilote a été partiellement détruit dans l’incendie qui a suivi l’impact. Toutefois, la dernière entrée lisible indiquait qu’il avait accumulé, en date du 21 février 2020, 4568,1 heures de vol au total. Le pilote était un pilote de voltige aérienne d’expérience bien connu et il détenait une attestation de compétence en voltige aérienne de niveau 1Note de bas de page 2 qui l’autorisait à effectuer des manœuvres acrobatiques sans restriction à toute altitude.

La passagère détenait une licence de pilote privé – avion, avec une annotation pour aéronef monomoteur et vol de nuit.

International Council of Air Shows

L’International Council of Air Shows (ICAS) a pour mandat de [traduction] « fournir des renseignements aux commanditaires et aux pilotes de spectacles aériens; promouvoir la sécurité au cours de tous les événements aériens et collaborer avec les organismes gouvernementaux à l’élaboration de normes de sécurité pour les spectacles aériensNote de bas de page 3. » Fondée en 1967, l’ICAS est une organisation nord-américaine qui collabore avec la Federal Aviation Administration aux États-Unis et Transports Canada (TC) au Canada afin d’établir les normes que les pilotes de voltige aérienne doivent respecter pour pouvoir participer à des spectacles aériens partout au Canada et aux États-Unis.

TC reconnaît le Manuel d’évaluation de la compétence en voltige aérienneNote de bas de page 4 (le Manuel d’ÉCVA) de l’ICAS comme étant le document qui décrit en détail la façon dont les pilotes de voltige aérienne respecteront les normes requises pour participer à des spectacles aériens homologués avec un public. Le programme prévoit la délivrance par TC d’une attestation de compétence en voltige aérienne, qui indique l’aéronef, la catégorie d’aéronef, l’altitude minimale, la distance latérale minimale et les manœuvres autorisés.

Selon le Manuel d’ÉCVA, une attestation de compétence en voltige aérienne permet au titulaire d’effectuer des acrobaties aériennes devant un public au cours d’une manifestation aéronautique publique. Toutefois, l’enquête a permis de déterminer que ce vol n’était pas considéré comme une manifestation aéronautique publique. Ni le Manuel d’ÉCVA ni l’attestation de compétence en voltige aérienne ne libèrent le titulaire des exigences du Règlement de l’aviation canadien (RAC).

Analyse de l’épave

Lorsque l’aéronef a heurté la ligne de transport d’électricité, le fil supérieur est entré en contact avec l’aéronef juste au-dessus du nez, puis il a glissé sur le capot jusqu’à ce qu’il heurte le bord d’attaque de la verrière. La verrière s’est fracturée et s’est immédiatement détachée de la cellule, pour atterrir dans le champ au sud du chemin de canton 504. Le reste de la cellule a percuté le sol avec une énergie considérable à environ 2000 pieds au sud-ouest de la ligne électrique. Le fuselage, du tableau de bord à la queue, a été consumé par le feu. Les parties extérieures des ailes, des volets et des ailerons sont demeurées à l’extérieur de la zone d’incendie. Le gouvernail de direction, le stabilisateur horizontal et la gouverne de profondeur étaient en grande partie consumés par le feu, mais toujours reconnaissables. Comme les câbles reliés à la gouverne de direction étaient faits d’acier inoxydable et ont résisté au feu, on a établi la continuité des commandes de la gouverne de direction. Toutefois, la continuité des commandes des volets, des ailerons et de la gouverne de profondeur n’a pas pu être établie étant donné que les tubes de va-et-vient en aluminium ont tous été détruits par l’incendie. Une vidéo du survol juste avant la collision avec le câble montrait que l’aéronef répondait aux manipulations des commandes de vol.

Lignes de transport d’électricité et marquage

La ligne de transport d’électricité au nord du chemin de canton 504 était composée d’une ligne d’alimentation rurale à 2 fils de 14,4 kVNote de bas de page 5.

En général, les poteaux d’alimentation en milieu rural mesurent environ 35 pieds (10,6 m) de hauteur une fois mis en place. Le fil supérieur (haute tension) est monté sur des isolateurs sur la pointe du poteau. Le fil inférieur (potentiel de mise à la terre ou neutre) est fixé par des isolateurs à environ 4,5 pieds au-dessous du sommet du poteau. La distance d’environ 400 pieds entre les poteaux permet au fil supérieur d’être suspendu à une hauteur de 32 pieds (9,7 m) au milieu.

D’après l’article 601.23 du RAC :

constitue un obstacle à la navigation aérienne le bâtiment, l’ouvrage ou l’objet, y compris tout accessoire de ceux-ci : [...] qui excède en hauteur 90 m AGL et est situé dans un rayon de 6 km du centre géographique d’un aérodromeNote de bas de page 6;

De plus, le paragraphe 601.25(1) du RAC comporte la mention suivante :

S’il conclut qu’un bâtiment, un ouvrage ou un objet, autre que l’un de ceux visés à l’article 601.23, constitue, du fait de sa hauteur et de son emplacement, un danger pour la navigation aérienne, le ministre enjoint à la personne qui en a la responsabilité ou la garde de le baliser et de l’éclairer en conformité avec les exigences de la norme 621Note de bas de page 7,Note de bas de page 8.

Le fil que l’aéronef de l’événement à l’étude a heurté se trouvait à moins de 6 km (la distance réelle était de 0,88 km) du centre géographique de CGF5. Cependant, il n’était pas nécessaire de marquer les fils puisque le point le plus élevé de la ligne de transport d’électricité n’était que de 10,6 m.

Les croisements de fils à basse altitude sont très nombreux au Canada, et dans le cadre d’une enquête précédenteNote de bas de page 9, TC a déclaré qu’il ne serait pas raisonnable d’exiger qu’ils soient tous éclairés ou balisés.

Vol à basse altitude

Le RAC stipule qu’« [il] est interdit d’utiliser un aéronef d’une manière imprudente ou négligente qui constitue ou risque de constituer un danger pour la vie ou les biens de toute personneNote de bas de page 10 ».

Dans certains cas, un vol à basse altitude est requis pour certaines activités comme les travaux aériens, le transport de charges externes, les études sur la faune, les inspections de pipelines ou de lignes de transport d’électricité et les spectacles aériens. Toutefois, en ce qui concerne les altitudes et les distances minimales à respecter au-dessus des zones non construites, le RAC déclare ce qui suit :

Sauf s’il s’agit d’effectuer le décollage, l’approche ou l’atterrissage d’un aéronef ou lorsque la personne y est autorisée en application de l’article 602.15, il est interdit d’utiliser un aéronef [...] à une distance [verticale ou latérale] inférieure à 500 pieds de toute personne, tout navire, tout véhicule ou toute structureNote de bas de page 11.

Le Manuel d’information aéronautique de Transports Canada (AIM de TC) contient l’avertissement suivant, en caractères gras, concernant le vol à basse altitude :

Attention — Voler intentionnellement à basse altitude est dangereux. Transports Canada avise tous les pilotes que voler à basse altitude pour éviter du mauvais temps ou pour des raisons opérationnelles est une activité dangereuseNote de bas de page 12.

La section du AIM de TC sur le vol à basse altitude admissible comprend également la note suivante :

On ne saurait trop insister sur les dangers que présente le vol à basse altitude. En plus des dangers habituels liés au vol à basse altitude, tels que l’impact avec le sol, deux aspects importants qui ont trait aux structures d’origine humaine doivent être soulignés. [...]

Les collisions avec câbles [sic] sont à l’origine d’un nombre important d’accidents de vol à basse altitude. Plusieurs d’entre elles surviennent au-dessus de terrains plats, à très basse altitude et dans des conditions météorologiques favorables.

La réglementation qui régit le vol à basse altitude est dispersée dans de nombreuses parties du RAC. Il incombe aux pilotes et aux compagnies pour lesquelles ils travaillent de veiller au respect rigoureux de toute la réglementationNote de bas de page 13.

Récemment, le BST a réalisé un certain nombre d’enquêtes sur les vols à basse altitudeNote de bas de page 14. L’enquête sur un accident similaire au cours duquel un hélicoptère Bell 206B a heurté des lignes de transport d’électricité près de Flatlands (Nouveau-Brunswick), en 2016, a permis de déterminer que le vol à basse altitude était risqué, particulièrement si la planification et la reconnaissance appropriées n’avaient pas été effectuées avant le vol, et qu’il pouvait entraîner une collision avec des fils ou d’autres obstacles, augmentant le risque de blessures ou de mort.

Message de sécurité

Le vol à basse altitude est une activité à risque élevé, car tous les dangers, comme les lignes de transport d’électricité, ne sont pas marqués physiquement ou ne peuvent être vus à temps pour éviter une collision.

Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Il a été officiellement publié le .