Language selection

Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A23C0048

Collision avec le relief
Custom Helicopters Ltd.
Bell 206L (hélicoptère), C-FQHB
Grise Fiord (Nunavut), 52 NM S (île Devon)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Déroulement du vol

Le 28 juin 2023, l’hélicoptère Bell 206L (immatriculation C-FQHB, numéro de série 45095) exploité par Custom Helicopters Ltd. a décollé pour effectuer un vol selon les règles de vol à vue (VFR) de Truelove Inlet, sur l’île Devon (Nunavut), vers un glacier de la calotte glaciaire Devon, avec un pilote et 2 passagers à son bord. Le vol avait pour but de transporter les passagers, qui devaient effectuer un levé de calotte glaciaire dans le cadre du Programme du plateau continental polaire. L’hélicoptère a décollé à 9 h 36 Note de bas de page 1; cependant, une fois arrivé au glacier, le pilote a déterminé que la surface n’était pas suffisamment définie pour effectuer un atterrissage sécuritaire. Il est donc retourné au camp à Truelove Inlet pour s’approvisionner et fabriquer des balises à déposer sur le glacier afin de mieux définir la surface de l’aire d’atterrissage.

Les conditions météorologiques locales relevées à ce moment-là étaient un couvert nuageux au-dessus de l’altitude de vol de 3800 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL), avec visibilité maximale.

Le deuxième vol a décollé à 10 h 18. Lors de cette tentative d’atterrissage, le pilote a réduit la vitesse anémométrique de l’aéronef et s’est servi des rochers comme guide visuel pour l’approche initiale sur le glacier. L’aéronef a survolé le glacier à une hauteur de 75 à 100 pieds au-dessus du sol (AGL), à une vitesse d’environ 30 nœuds, en prévision du largage des balises.

Une fois que l’hélicoptère a dépassé les rochers, le pilote a perdu les repères visuels à la surface et a amorcé par inadvertance une descente. À 10 h 39, l’hélicoptère est entré en collision avec le relief ascendant. Il a heurté la surface enneigée avec un léger mouvement latéral vers la droite. Ce mouvement s’est transformé en un basculement dynamique. L’hélicoptère s’est immobilisé sur le côté droit et le moteur s’est arrêté de lui-même. L’hélicoptère a été détruit par les forces d’impact. Il n’y a eu aucun déversement de carburant ou incendie.

Le pilote et les 2 passagers ont été légèrement blessés. Le téléphone satellite d’un passager a été utilisé pour appeler le bureau du Programme du plateau continental polaire à Resolute Bay (Nunavut). Environ 2 heures et 30 minutes plus tard, le pilote et les 2 passagers ont été secourus et emmenés à Resolute Bay à des fins d’évaluation médicale.

Renseignements météorologiques

Le pilote n’avait ni téléphone ni accès à Internet et n’a pas été en mesure de consulter les conditions météorologiques avant le départ. La station d’observation météorologique la plus proche se trouvait à Grise Fiord (CWGZ), à 52 miles marins au nord du lieu de l’événement. À 11 h, les conditions suivantes ont été rapportées :

La prévision de zone graphique émise à 6 h 29 et valide à 7 h indiquait que la zone du lieu de l’événement allait être au centre d’un système dépressionnaire. On prévoyait à cet endroit des couches de nuages épars entre 14 000 et 22 000 pieds ASL et une visibilité supérieure à 6 SM. Dans la zone située juste au large de la côte est de l’île Devon, on prévoyait des couches de nuages épars entre 3 000 et 15 000 pieds ASL, avec une visibilité supérieure à 6 SM, et des zones isolées d’altocumulus castellanus avec des sommets à 20 000 pieds ASL, avec une visibilité de 2 SM dans des averses de neige et de pluie légères ainsi que de la brume et des plafonds de nuages épars entre 600 et 1200 pieds AGL.

Renseignements sur le pilote

Le pilote détenait une licence de pilote professionnel – hélicoptère, les qualifications requises pour le vol VFR, ainsi qu’un certificat médical valide. Le pilote avait à son actif un total de quelque 6500 heures de vol, dont 2500 heures aux commandes de l’hélicoptère Bell 206 et 500 heures dans l'Arctique. Le pilote a suivi la formation de printemps de Custom Helicopters Ltd., qui comprenait 2 heures de formation au vol par visibilité réduite, qui a été dispensée le 16 juin 2023. Un examen des dossiers de service de vol indique que le pilote était bien reposé avant le vol. Selon les renseignements recueillis au cours de l’enquête, rien n’indiquait que des facteurs médicaux ont nui au rendement du pilote.

Renseignements sur la compagnie

Custom Helicopters Ltd. est établie au Manitoba et a commencé ses activités en 1977. Elle dispose d’une flotte de plus de 30 aéronefs et fournit des services dans les domaines de la construction, du tourisme, de l’exploitation minière, de la foresterie et de la recherche environnementale en vertu des sous-parties 702 (Opérations de travail aérien), 703 (Opérations d’un taxi aérien) et 704 (Exploitation d’un service aérien de navette) du Règlement de l’aviation canadien (RAC). Le vol à l’étude était effectué en vertu de la sous-partie 703 du RAC.

Renseignements sur l’aéronef

Le Bell 206L est un hélicoptère monomoteur à turbine, à 7 places, monopilote, d’une masse maximale au décollage de 4000 livres. Il possède un seul ensemble rotor principal avec 2 pales de rotor principal en configuration semi-rigide. L’ensemble rotor principal tourne dans le sens des aiguilles d’une montre. Le pilote occupe normalement le siège avant de droite.

Fabriqué en 1977, l’hélicoptère à l'étude totalisait 28 544 heures de vol depuis sa fabrication. Il était équipé d’instruments de pilotage conventionnels, dont un indicateur d’assiette, un altimètre, un indicateur de vitesse verticale et un indicateur de virage et d’inclinaison latérale. Il n’était pas équipé d’un dispositif avertisseur de proximité du sol ou d’un altimètre radar, et la réglementation ne l’exigeait pas. Une tablette, couplée à un récepteur de surveillance dépendante automatique en mode diffusion — réception et à un système interne de référence de cap et d’assiette, se trouvait également à bord. L’application ForeFlight était installée sur la tablette, offrant notamment un affichage amélioré de cartes mobiles et de renseignements aéronautiques ainsi qu’un système de vision synthétique. Le système de vision synthétique fournissait au pilote un affichage dynamique de secours de l’assiette et la possibilité de voir le relief et le trafic dans n’importe quelle directionNote de bas de page 2.

L’aéronef à l’étude n’était pas équipé d’un enregistreur de données de vol ni d’un enregistreur de conversations de poste de pilotage, et la réglementation ne l’exigeait pas.

L’enquête a permis de déterminer que le centre de gravité de l'aéronef se situait à l’intérieur des limites prescrites du fabricant et que sa masse au décollage était de 3910 livres. L’aéronef ne présentait aucune défectuosité connue, et rien n’indique que le mauvais fonctionnement d'un système de l’aéronef a contribué à l’événement.

Renseignements sur l’épave et sur l’impact

Les patins du train d’atterrissage principal étaient déformés et la poutre de queue s’était cassée et tordue. Le rotor principal s’était détaché de l’hélicoptère et l’une des pales était restée coincée sous le fuselage. La transmission du rotor principal avait été arrachée. Le fuselage avait été déchiré au niveau du toit de la cabine. Le pare-brise avant avait été fracassé.

Questions relatives à la survie des occupants

La zone de l’impact était recouverte d’une accumulation d’environ 2 pieds de neige. La cabine et le poste de pilotage de l’aéronef sont demeurés en grande partie intacts. La cargaison avait été arrimée et ne s’est pas déplacée dans les espaces occupés. Le réservoir de carburant ne s'est pas rompu.

Le pilote et le passager occupant le siège avant portaient la ceinture de sécurité à 4 points qui était à leur disposition. Le passager qui occupait le siège arrière, derrière le pilote, portait une ceinture de sécurité à 3 points. Le pilote occupait le siège avant de droite et portait un casque.

Les 2 passagers sont sortis par les portes latérales de gauche. Le pilote est sorti par le pare-brise avant brisé. Le pilote s’est assuré que les passagers allaient bien, puis a éloigné l’équipement de survie et une génératrice de l’épave.

Le pilote s’est assuré que la radiobalise de repérage d’urgence (ELT)Note de bas de page 3 fonctionnait; toutefois, le signal de l’ELT n’a pas été détecté par le système Cospas/SarsatNote de bas de page 4.

Exigences météorologiques applicables aux vols selon les règles de vol à vue

Le RAC énonce les conditions météorologiques de vol à vue minimales pour un vol VFR, qui indiquent que dans les espaces aériens non contrôlés et en dessous de 1000 pieds AGL, un hélicoptère doit maintenir des repères visuels à la surface, rester à l’écart des nuages et, pendant le jour, s’assurer que la visibilité est d’au moins 1 SMNote de bas de page 5. Cependant, Custom Helicopters Ltd. est autorisée par Transports Canada, par l’intermédiaire d’une spécification d’exploitation, à voler dans des conditions de visibilité réduite jusqu’à ½ mille dans les espaces aériens non contrôlés, conformément à aux procédures spécifiques décrites dans le manuel d’exploitation de la compagnie.

Conditions météorologiques de vol aux instruments

Les conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC) sont des conditions météorologiques qui font que la visibilité, le plafond et la distance par rapport aux nuages sont inférieurs aux minima requis pour le vol VFR. La poursuite du vol dans ces conditions nécessite une utilisation compétente des instruments de l’aéronef et des aides à la navigation afin de garder la maîtrise de l’aéronef et de continuer le vol de façon sécuritaire jusqu’à la destination. Un vol effectué par inadvertance dans ces conditions peut être dangereux si le pilote n’est pas formé au vol aux instruments ou si l’aéronef ne possède pas l’équipement nécessaire. Dans ces conditions, le pilote peut être désorienté en l’absence de repères clairs à la surface et peut virer ou descendre vers le relief.

Lumière plate

Cet accident s’est produit alors que l’hélicoptère survolait un glacier à basse altitude. Une fois que l’hélicoptère a dépassé les rochers servant de repères visuels, le pilote a perdu les repères visuels à la surface dans des conditions de lumière plate.

La Federal Aviation Administration (États-Unis) définit la lumière plate comme suit [traduction] :

La lumière plate est une illusion d’optique, également connue sous le nom de « voile blanc partiel ou sectoriel ». Ce phénomène n'est pas aussi grave que le « voile blanc », mais il fait en sorte que les pilotes perdent la profondeur de champ et le contraste de leur vision. Les conditions de lumière plate sont généralement accompagnées d'un ciel couvert empêchant de bien voir tout indice visuel. De telles conditions peuvent se produire n’importe où dans le monde, principalement dans les régions enneigées, mais aussi dans la poussière, le sable, les vasières ou l’eau miroitante. La lumière plate peut complètement masquer les caractéristiques du terrain, ce qui rend les distances et les vitesses de rapprochement impossibles à apprécier exactement. Cette lumière réfléchie peut donner aux pilotes l’illusion qu’ils sont en montée ou en descente alors qu’ils volent de fait en palier. Cependant, en faisant preuve de discernement, avec une formation et une planification appropriées, il est possible d’exploiter un aéronef en toute sécurité dans des conditions de lumière plateNote de bas de page 6.

Au moment de l’événement, les conditions de lumière plate n’étaient pas expressément abordées dans le Manuel d’information aéronautique de Transports Canada; cependant, la définition ci-dessus a été ajoutée au numéro d’octobre 2023 du manuel Note de bas de page 7.

Des photos prises peu après l’accident montrent que des conditions de lumière plate étaient présentes au moment de l’accident (figures 1 et 2).

Figure 1. Photo prise peu après l’événement, montrant des conditions de lumière plate avec un manque de définition de la surface (Source : Custom Helicopters Ltd.)
Photo prise peu après l’événement, montrant des conditions de lumière plate avec un manque de définition de la surface (Source : Custom Helicopters Ltd.)
Figure 2. Photo prise peu après l’événement, montrant le point d’impact et les conditions de lumière plate avec un manque de définition de la surface (Source : Custom Helicopters Ltd.)
Photo prise peu après l’événement, montrant le point d’impact et les conditions de lumière plate avec un manque de définition de la surface (Source : Custom Helicopters Ltd.)

Vol par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments

Les dangers associés à la poursuite d’un vol VFR en IMC sont bien connus. Les accidents survenant lors de vols commençant dans des conditions VFR et se poursuivant jusqu’à ce que les pilotes perdent le repère visuel avec la surface présentent un taux de mortalité élevé. Selon les données recueillies par le BST, ces types de vols ont entraîné 122 accidents et 135 morts au Canada entre 1999 et 2023. Le BST a déjà enquêté sur des accidents survenus dans des conditions de lumière plate ou de voile blancNote de bas de page 8.

À la suite de son enquêteNote de bas de page 9 sur l’accident d’un hélicoptère Airbus Helicopters AS350 B2 sur l’île Griffith (Nunavut) le 25 avril 2021, le Bureau a émis 3 recommandations visant à atténuer les risques associés au vol par inadvertance dans des IMC. Le Bureau a recommandé que des mesures soient prises pour s’assurer que les pilotes possèdent les compétences nécessaires pour sortir d’un vol par inadvertance dans des IMCNote de bas de page 10, que des technologies aidant les pilotes à éviter et à sortir d’un vol par inadvertance dans des IMC soient installées dans les hélicoptères commerciauxNote de bas de page 11, et que les exigences relatives aux opérations par visibilité réduite en hélicoptères soient renforcéesNote de bas de page 12.

Mesures de sécurité prises

En réaction à cet événement, Custom Helicopters Ltd. a ajouté une formation sur la lumière plate à son manuel d’exploitation et offre désormais une formation sur les conditions météorologiques arctiques aux pilotes qui sont affectés à des lieux éloignés. Une instruction sur les opérations aériennes a également été publiée pour les opérations dans l’Arctique, sur les glaciers et en hiver, accompagnée d’instructions et d’une formation sur l’établissement, l’utilisation et l’entretien de piquets et de drapeaux dans les aires d’atterrissage en régions éloignées. Des améliorations ont été apportées à la surveillance des vols et au soutien opérationnel grâce à l’utilisation structurée des communications par satellite pour la planification et le suivi des vols ainsi que les comptes rendus météorologiques. Custom Helicopters Ltd. a également amélioré la formation des pilotes en y incluant la configuration et l’utilisation correctes du système de vision synthétique de ForeFlight.

Messages de sécurité

On rappelle aux pilotes que les conditions météorologiques locales qui produisent une lumière plate peuvent répondre aux critères minimaux du vol VFR en ce qui concerne la visibilité en vol et la distance par rapport aux nuages. Toutefois, le vol dans des conditions de  lumière plate peut avoir une incidence sur la capacité du pilote à détecter et à corriger tout changement d’assiette, d’altitude ou de vitesse anémométrique de l’aéronef. Cette dégradation des repères visuels peut entraîner une perte de conscience de la situation et une possible collision avec le relief.

Il est important que les exploitants aériens mettent en place une formation sur la sensibilisation et le rétablissement afin de réduire les risques associés au vol dans des conditions de lumière plate.

Comme le démontre cet événement, l’utilisation de casques, de ceintures de sécurité et de dispositifs de retenue du fret est essentielle pour améliorer les chances de survie.

Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .