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Rapport d'enquête ferroviaire R06T0281

Mort d'un employé
Total Track Railway Construction and Maintenance Services Inc.
(sous-traitant de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada)
Arracheuse de crampons Nordco Grabber, modèle A
Point milliaire 223,0 de la subdivision Kingston
Moira (Ontario)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 11 novembre 2006 à 2 h 10, heure normale de l'EstNote de bas de page 1, un opérateur d'une arracheuse de crampons a perdu la vie pendant qu'il essayait de réparer sa machine au point milliaire 223,0 de la subdivision Kingston du Canadien National (CN). L'opérateur était un employé de la Total Track Railway Construction and Maintenance Services Inc., et il faisait partie d'une équipe de renouvellement des traverses dans le cadre d'un contrat de sous-traitance passé avec le CN.

Renseignements de base

Le 11 novembre 2006 vers 2 h 00, heure normale de l'Est , deux employés de la Total Track Railway Construction and Maintenance Services Inc. (Total Track) font fonctionner une arracheuse de crampons Nordco de modèle ANote de bas de page 2 près du point milliaire 223,0, un peu à l'ouest de Belleville, en l'occurrence près de Moira (Ontario) (figure 1). Ils font partie d'une équipe de renouvellement des traversesNote de bas de page 3 qui travaille à contrat pour le Canadien National (CN) et remplace des traverses sur le tronçon sud de la voie principale de la subdivision Kingston du CN. La température est d'environ 4 °C, et le vent souffle du nord à 13 km/hNote de bas de page 4.

Figure 1. Carte indiquant le lieu de l'accident (Source : Atlas des chemins de fer canadiens)
Carte indiquant le lieu de l'accident
Figure 1b : Machine Kershaw (à droite à l’avant-plan) et arracheuse de crampons Nordco (au centre à l’arrière plan), et médaillon, vues de l’est.
Figure 1b : 	Machine Kershaw (à droite à l’avant-plan) et arracheuse de crampons Nordco (au centre à l’arrière plan), et médaillon, vues de l’est.

À 2 h 00, l'arracheuse de crampons (photo 1) précède d'environ 250 pieds la machine suivante de l'équipe de renouvellement des traverses. L'équipe vient de terminer son travail à cet endroit et prépare l'arracheuse de crampons en vue d'un déplacement, lorsque le mécanisme d'entraînement de la machine tombe en panne.

Les deux opérateurs de la machine reviennent à pied vers l'arrière pour demander conseil à l'opérateur de la machine Kershaw à insérer et extraire les traverses (l'opérateur de la machine Kershaw). L'opérateur de la machine Kershaw est en train de réparer l'installation hydraulique de sa machine. Il demande aux opérateurs de l'arracheuse de crampons de chercher la cause du problème et, si possible, de réparer sur place l'arracheuse de crampons. Un des deux opérateurs de l'arracheuse de crampons (l'opérateur no 1), un homme de 20 ans, se glisse sous le côté droit de la machine tandis que l'autre opérateur de la machine (l'opérateur no 2) se tient debout du même côté de la machine et donne à son collègue les outils dont il a besoin.

Après avoir terminé son travail, l'opérateur de la machine Kershaw se rend à pied près de l'arracheuse de crampons. Comme il arrive près du côté droit de la machine, le châssis de galets de roulement de l'arracheuse de crampons s'active et s'abaisse et heurte l'opérateur no 1. L'opérateur de la machine Kershaw dit à l'opérateur no 2 de faire remonter le châssis de galets de roulement, il tire l'opérateur no 1 de sous la machine, puis il court vers sa machine pour demander une aide médicale par radio. Il est environ 2 h 10 à ce moment.

Le personnel d'urgence arrive sur les lieux peu de temps après l'appel, et confirme que l'opérateur no 1 n'a pas survécu à ses blessures. Le service de police de Belleville et des gens du ministère du Travail de l'Ontario (MT) se rendent aussi sur les lieux de l'accident.

Le MT a entrepris une enquête officielle. Lorsqu'il a examiné l'arracheuse de crampons, le MT a constaté qu'elle n'était pas conforme aux normes de sécurité. On a donc posé un scellé d'interdiction sur la machine, et décrété qu'elle ne pourrait être remise en service qu'après avoir été rendue conforme. Par la suite, le MT devait inspecter la machine et retirer l'étiquette d'interdiction.

Données sur les accidents subis par des employés

Cet événement était le deuxième accident à survenir en deux semaines pendant les activités d'une équipe de renouvellement des traverses sur les voies du CN. Le 1er novembre 2006, deux employés d'une équipe de renouvellement des traverses du CN avaient été blessés, l'un d'eux subissant des blessures graves, lorsque le mécanisme d'entraînement d'une arracheuse de crampons est resté bloqué en marche arrière et que l'arracheuse a heurté les deux employés. Cet accident antérieur s'est produit au point milliaire 40,5 de la subdivision Togo du CN, dans l'ouest du Canada.

Photo 1. Vue latérale de l'arracheuse de crampons sur les lieux de l'accident (Source : Ministère du Travail de l'Ontario)
Vue latérale de l'arracheuse de crampons sur les lieux de l'accident

L'examen des dossiers du BST pour les années 2000 à 2007 (voir le tableau 1) montre que, sauf pour l'année 2003, le nombre de blessures subies par des employés des chemins de fer a été relativement constant au cours de la période examinée. Toutefois, alors qu'on a signalé deux accidents mortels subis par des employés au cours des quatre années allant de 2000 à 2003, on en a dénombré douze au cours des quatre années suivantes, soit de 2004 à 2007.

Tableau 1. Accidents subis par des employés des chemins de fer qui ont été signalés au BST (de 2000 à 2007)
Année Accidents mortels, employés des chemins de fer Accidents mortels, employés du CN Blessures, employés des chemins de fer Blessures, employés du CN
2000 1 0 8 6
2001 0 0 6 2
2002 0 0 7 6
2003 1 1 3 1
2004 5 1 7 5
2005 2 1 5 4
2006 3 3 6 4
2007 2 1 8 7

Le sous-traitant

L'entreprise Total Track a été fondée en 2000. Son siège social est établi à Mallorytown (Ontario), son atelier principal et son dépôt de matériel étant un peu à l'ouest de Brockville (Ontario). Depuis sa fondation, l'entreprise fournit surtout des services de réparation et d'entretien des voies à des clients industriels du domaine ferroviaire et à des compagnies de chemin de fer sur courte distance. Le travail d'entretien des voies étant saisonnier, l'effectif de Total Track peut compter aussi peu que six employés pendant l'hiver. Lors de l'accident, l'effectif de Total Track était de 47 employés.

La Commission de la sécurité professionnelle et de l'assurance contre les accidents du travail (CSPAAT) a classé Total Track comme étant une entreprise de construction dont le personnel est exposé à des risques élevés. Avant l'accident, Total Track n'avait présenté qu'une demande d'indemnisation à la CSPAAT, qui remontait à 2003.

Contrat du CN relatif à des services de remplacement de traverses

En août 2006, le CN a passé avec Total Track un contrat portant sur la prestation de services clés en main de remplacement de traverses. Le contrat portait sur le remplacement de 50 000 traverses dans la subdivision Caramat du CN, près de Kowkash (Ontario). Kowkash est situé dans une région isolée du nord de l'Ontario, et on ne peut accéder au chantier qu'en prenant le train. Pour ce programme de travaux, le CN a fourni aux équipes de Total Track des voitures logements installées à proximité du chantier. Les travaux à cet endroit ont débuté en août 2006, et ont été interrompus en octobre 2006, à cause du temps froid. La compagnie avait terminé moins du tiers des travaux prévus.

Les activités de Total Track ont connu une expansion rapide après le contrat de la subdivision Caramat. Pour réaliser ce programme de remplacement de traverses, l'entreprise a dû embaucher rapidement du personnel, former des équipes et déployer le personnel et le matériel spécialisé d'entretien dont elle avait besoin. Un mois après le début des travaux du projet de la subdivision Caramat, Total Track a embauché un responsable de la sécurité qui a notamment été chargé d'élaborer une nouvelle politique de santé et de sécurité au travail pour la compagnie.

Pour la plupart, les membres des équipes de Total Track étaient jeunes et ils étaient rémunérés à l'heure. On attendait d'eux qu'ils apprennent le travail sur le tas et qu'ils démontrent un « esprit d'initiative ». Total Track n'avait pas sur place des agents de formation spécialisés ou des mécaniciens qualifiés; toutefois, en trois occasions, elle a embauché des entrepreneurs externes pour faire réparer des équipements électriques et mécaniques. La plupart des nouveaux employés ont été embauchés à titre de manœuvres. Les nouveaux travailleurs qui possédaient les aptitudes voulues et faisaient preuve d'une attitude positive se faisaient offrir des postes d'opérateurs de machines dès que ces postes devenaient vacants. Pour conserver leur poste d'opérateur, les employés devaient apprendre rapidement à faire fonctionner la machine et démontrer qu'ils pouvaient faire en sorte qu'elle continue de bien fonctionner.

Durant le programme de travaux de la subdivision Caramat, les relations entre Total Track et le CN ont été tendues à certains égards. Au nombre des problèmes liés spécifiquement au travail, il y avait :

Après le programme de travaux dans la subdivision Caramat, le CN a demandé à Total Track de l'aider à réaliser un programme de renouvellement de traverses qui était en cours dans sa subdivision Kingston, près de Belleville. Les deux parties ont conclu un accord verbal selon lequel l'exécution des travaux serait assujettie aux mêmes conditions que celles du contrat relatif à la subdivision Caramat, sauf que le CN ne fournirait pas d'hébergement près des lieux du chantier. Total Track a accepté la prolongation du contrat de Caramat, même si Total Track avait de la difficulté à s'acquitter des obligations résultant du contrat de services clés en main de remplacement de traverses.

Facteurs de risque qui influent sur les accidents de travail

En 2005, le MT a analysé les statistiques de la CSPAAT portant sur les entreprises à haut risqueNote de bas de page 5. L'analyse a révélé que :

Le MT s'est fondé sur les résultats de l'analyse des données de la CSPAAT pour mettre en œuvre un programme d'inspection qui vise la tranche de 2 p. 100 des entreprises qui sont le plus à risque. Les inspections portent sur la culture générale en matière de santé et sécurité au travail, sur les structures de signalement des incidents, et sur la formation ou les connaissances relatives à la santé et à la sécurité.

En 2005, l'Institut de recherche sur le travail et la santé a mené une étude sur les facteurs qui influent sur les risques d'accidents auxquels les adolescents et les jeunes adultes sont exposés sur les lieux de travailNote de bas de page 6. L'étude a permis d'établir une corrélation entre les « risques professionnels » et un « surcroît de travail perçu » et un taux élevé de blessures. Lors de l'accident, 23 employés de Total Track étaient affectés au programme de remplacement de traverses de la subdivision Belleville. Quatorze de ces employés, dont celui qui a perdu la vie, travaillaient pour Total Track depuis moins de huit mois et cinq employés y travaillaient depuis moins de trois mois. Neuf de ces employés étaient des hommes de moins de 25 ans que la compagnie avait embauchés initialement pour les affecter au chantier de la subdivision Caramat.

Opérateurs de l'arracheuse de crampons

L'opérateur no 1 travaillait pour la compagnie depuis environ huit mois, dont trois mois et demi à titre d'opérateur d'arracheuse de crampons. Il avait été embauché comme manœuvre. Environ un mois après le début du programme de travaux de la subdivision Caramat, Total Track a eu besoin d'un opérateur d'arracheuse de crampons, de sorte que le poste a été offert à l'opérateur no 1. La formation que l'opérateur no 1 a suivie sur l'utilisation des arracheuses de crampons a consisté en deux journées de formation supervisée en cours d'emploi, suivies d'une instruction donnée par son collègue plus expérimenté. L'opérateur no 2 était au service de la compagnie depuis à peu près le même temps, et il était opérateur d'arracheuse de crampons depuis environ quatre mois et demi.

La formation en cours d'emploi a porté surtout sur la façon de faire fonctionner l'arracheuse de crampons, sur l'extraction des crampons et sur les déplacements le long de l'emprise. Les opérateurs de la machine ont aussi reçu une formation générale sur la sécurité au travail. Par exemple, on conseillait aux opérateurs de « verrouiller en position haute » les unités de travail de l'arracheuse de crampons de façon que la machine puisse rouler sans danger pendant les déplacements. Toutefois, les opérateurs n'ont pas reçu d'instructions particulières portant sur la façon de préparer l'arracheuse de crampons pour qu'elle soit sûre pendant des travaux de réparation.

Le programme de travaux de la subdivision Caramat a débuté dans un endroit isolé où l'on ne pouvait pas compter sur l'assistance de spécialistes de la mécanique, aucun mécanicien breveté n'étant affecté à l'équipe de renouvellement des traverses. À Total Track, il était normal que les opérateurs s'occupent sur place de l'entretien courant et de la réparation de leurs machines.

Normes de sécurité applicables aux employés du CN pendant les travaux d'entretien de la voie

Quand des employés du CN exécutent des travaux d'entretien de la voie, ils sont régis par la réglementation fédérale. Tous les employés du CN au Canada sont régis par les normes minimales de santé et sécurité qui sont énoncées dans le Code canadien du travail. De plus, les normes régissant la sécurité des employés sont énoncées dans la Ligne de conduite sur la gestion des risques du CN et sont incluses dans les Instructions générales d'exploitation de la compagnie. La ligne directrice du CN sur la gestion des risques précise queNote de bas de page 7 :

Recours par le CN à des entrepreneurs pour l'exécution de travaux de voie

Entre janvier 2005 et décembre 2006, le CN a conclu 24 contrats avec des entreprises de l'extérieur en vue de l'exécution de travaux de construction ou d'entretien de la voie à la grandeur du Canada. Voici un résumé de la répartition de ces contrats :

Date de lancement des contrats Nombre de contrats
De janvier 2005 à décembre 2005 6
De janvier 2006 à décembre 2006 18

Tous les employés des entrepreneurs doivent suivre la formation initiale offerte par le CN aux entrepreneurs et se conformer aux normes minimales de santé et sécurité qui sont en vigueur au CN. Tout manquement à cette stipulation peut être une cause de résiliation du contrat. Le CN autorise son « employé responsable » à prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir des blessures, pour empêcher que la propriété du chemin de fer soit endommagée ou pour empêcher toute perturbation de l'exploitation du chemin de fer. Lors de l'accident, il n'existait pas de processus permettant de s'assurer qu'avant de passer un contrat, les entrepreneurs disposent des ressources et ont mis en place les procédures qui leur permettront de mener les activités prévues au contrat en toute sécurité.

Par ailleurs, durant les travaux de remplacement de traverses que Total Track a réalisés dans les subdivisions Caramat et Kingston du CN, le CN a procédé régulièrement à des « campagnes éclair de sécurité » et à des contrôles de la compétence des travailleurs (y compris des travailleurs contractuels). Les manquements à la sécurité ont été communiqués à la haute direction de l'entrepreneur. Avant l'accident, le CN avait avisé la direction de Total Track du fait que les employés de l'entrepreneur contrevenaient aux normes de santé et de sécurité au travail du CN. Le CN s'attendait à ce que l'entrepreneur prenne des mesures pour amener ses employés à se conformer.

Le 12 octobre 2006, soit environ un mois avant l'accident, le CN avait rencontré la direction de Total Track à Belleville et lui avait remis une lettre dans laquelle il interdisait à quatre employés de Total Track d'accéder aux propriétés du CN. L'employé qui a perdu la vie était un de ces quatre employés. Total Track savait que l'employé en question était interdit d'accès, mais elle lui a permis de continuer de faire fonctionner l'arracheuse de crampons sur les propriétés du CN.

Examen de l'arracheuse de crampons par le laboratoire technique du BST

Le rapport no LP015/07 du laboratoire technique du BST résume les résultats de l'examen détaillé de l'arracheuse de crampons. L'arracheuse de crampons était une arracheuse Nordco Grabber de modèle A (no de série 166), dont la fabrication remontait à 1989. Cette machine a été conçue spécifiquement pour l'extraction sur place des crampons enfoncés dans les traverses. L'arracheuse de crampons était configurée de façon à être commandée par deux personnes, avec une station de travail au-dessus de chaque rail. L'opérateur maniait un levier de commande à chaque station de travail, pour actionner différents vérins hydrauliques à contrôle électronique qui positionnent les mâchoires d'extraction, abaissent le châssis de galets de roulement sur le champignon du rail, alignent le mécanisme de la mâchoire et manœuvrent les mâchoires de façon qu'elles extraient le crampon.

L'arracheuse de crampons a été conçue pour pouvoir se déplacer d'elle-même à des vitesses atteignant 25 mi/h (en mode de non arrachage de crampons). Un mécanisme d'entraînement par chaîne reliait l'arbre d'entraînement à l'essieu moteur et permettait à la machine de circuler sur les rails, en marche avant ou en marche arrière. Voici les principales observations du rapport du laboratoire technique du BST :

Pratiques d'entretien du matériel d'entretien de la voie du CN

Les travaux de réparation ou d'entretien courant du matériel d'entretien de la voie du CN sont exécutés par des mécaniciens qualifiés. L'inspection et l'entretien de ce matériel se font à des intervalles prédéterminés. Les opérateurs de machines du CN ne se chargent pas eux-mêmes de réparer leur matériel. Ils font venir une équipe d'entretien sur place lorsque l'équipement tombe en panne pendant le service. S'il est impossible de réparer l'équipement sans danger, on doit le retirer du service.

Tous les travaux d'entretien et de réparation sont documentés dans un livret technique d'entretien qui doit être contrôlé et signé par un superviseur. Le livret d'entretien de l'équipement et le manuel de l'opérateur doivent rester avec la machine et doivent être facilement accessibles en tout temps.

Responsabilité, inspection et surveillance sur les lieux de travail

Le CN est une entreprise régie par la réglementation fédérale et il est assujetti au Code canadien du travail, relevant de la responsabilité de Ressources humaines et Développement social Canada (RHDSC). Total Track est une entreprise sous réglementation provinciale dont l'exploitation était régie par la Loi sur la santé et la sécurité au travail de l'Ontario (LSST), laquelle relève du ministère du Travail de l'OntarioNote de bas de page 8.

Lors de cet accident, Total Track travaillait à contrat pour une compagnie sous réglementation fédérale. De plus, les employés de Total Track travaillaient sur une propriété d'une compagnie sous réglementation fédérale.

Un arrêt de la Cour suprême du CanadaNote de bas de page 9 a donné des éclaircissements quant aux responsabilités des entreprises qui font du travail en sous-traitance au Canada. Cet arrêt a amené l'Association ontarienne de sécurité des services publics et électriques à mettre en œuvre de nouvelles lignes directrices concernant la sous traitance des travaux de services publics. Ces nouvelles lignes directrices ont notamment prévu d'ajouter un nouveau processus de diligence raisonnable aux pratiques d'appel d'offres, de façon qu'on puisse indemniser l'entrepreneur advenant qu'un accident survienne ou que quelqu'un subisse des blessures graves. Ce processus de diligence raisonnable va jusqu'à exiger que l'entrepreneur mette en place la structure administrative nécessaire et dispose de l'équipement voulu pour exécuter le travail en toute sécurité. Au sujet de l'état de l'équipement devant être affecté à un projet, les lignes directrices portant sur les appels d'offres relatifs aux services publics (Utilities Tendering Practices Guidelines) se lisent comme il suitNote de bas de page 10 :

Avant l'adjudication, les entreprises retenues devront remettre une liste de l'équipement dont elles se serviront pour réaliser le projet. Les substitutions ou les modifications apportées à cette liste devront être approuvées par la Commission. La liste, conformément à l'annexe 'C', doit inclure une description de l'équipement et préciser l'âge de celui-ci, et doit être accompagnée de certificats de bon état mécanique délivrés par le ministère des Transports de l'Ontario, et de certificats conformes à la norme OHSA CAN/CSA 225 M88 portant sur les engins élévateurs à nacelle. Tous les véhicules (à l'exception des automobiles) doivent être munis des trousses de sécurité, du matériel de sauvetage et des extincteurs appropriés. L'entrepreneur doit fournir à la Commission les certificats d'épreuves relatifs aux gants de caoutchouc, au matériau isolant et à d'autres équipements lorsque la Commission en fait la demande, et il doit veiller à ce que ces documents soient à jour en tout temps. (traduction)

Peu importe que l'entrepreneur soit un organisme de compétence fédérale ou de compétence provinciale, le CN assure la même supervision, et applique son processus de sécurité applicable aux entrepreneurs et fait intervenir son « employé responsable » sur place. Lors de l'accident, le CN n'avait pas instauré un processus similaire de diligence raisonnable pour veiller à ce que les entrepreneurs mettent en place la structure administrative nécessaire et disposent de l'équipement voulu pour exécuter le travail en toute sécurité.

Conformité de l'entrepreneur avec la réglementation sur la santé et la sécurité au travail (SST)

Lors de l'événement, l'utilisation de l'arracheuse de crampons n'était pas conforme à la réglementation sur la SST. On a fait fonctionner l'arracheuse de crampons de nuit alors qu'il n'y avait pas d'éclairage pour illuminer la cabine ou les commandes de la machine, qu'il n'y avait pas de dispositif d'arrêt d'urgence bien visible et bien en vue, et que les panneaux de protection n'étaient pas tous installés convenablement.

Analyse

L'accident mortel s'est produit pendant que les opérateurs de la machine essayaient de faire des réparations sur place à l'arracheuse de crampons. L'analyse portera sur l'état de la machine au moment de l'accident. Elle traitera aussi de la façon dont on a fait les travaux de réparation et ce faisant, elle examinera les procédures de la compagnie en matière de formation, d'entretien du matériel et de réparation. L'analyse traitera aussi de la façon dont le processus contractuel influe sur les normes de sécurité sur les lieux de travail.

L'accident

Le moteur de l'arracheuse de crampons tournait, et tous les principaux systèmes électriques et pneumatiques fonctionnaient. Les opérateurs travaillaient en équipe : tandis qu'un des opérateurs se trouvait sous la machine, l'opérateur cherchait des outils et de l'équipement dans la cabine encombrée et non éclairée de la machine. Le personnel du laboratoire technique du BST a fait l'essai de l'équipement pour déterminer quels étaient les réglages de la machine qui avaient pu être à l'origine de l'accident. À partir de ces essais, des déclarations des témoins et de photos prises sur les lieux de l'événement, on a conclu que l'accident s'était vraisemblablement produit lorsque le levier de commande de l'arracheuse de crampons a été actionné par inadvertance, ce qui a fait descendre rapidement le châssis droit de galets de roulement sur l'employé qui se trouvait sous la machine.

Les opérateurs travaillaient ensemble sur cette arracheuse de crampons depuis environ trois mois et demi. Ni l'un ni l'autre des opérateurs n'avait utilisé une arracheuse de crampons avant d'être affecté à cette machine. Ils avaient reçu une formation en cours d'emploi élémentaire qui portait surtout sur le fonctionnement et l'entretien de leur machine, dans la configuration où elle était. Ils faisaient fonctionner la machine dans un endroit où l'on ne pouvait pas compter sur les services d'un mécanicien breveté. Pour les employés que Total Track avait embauchés en vue du programme de travaux de la subdivision Caramat, cette façon de procéder à l'entretien du matériel était devenue de facto une pratique courante. Les opérateurs de l'arracheuse de crampons, qui n'étaient pas des mécaniciens ou des techniciens-mécaniciens qualifiés, se conformaient aux pratiques d'exploitation normales de Total Track quand ils ont essayé de réparer sur place l'arracheuse de crampons.

Durant les réparations sur place, on n'avait pas arrêté et verrouillé l'arracheuse de crampons et on n'avait pas fixé les têtes de travail de façon à les empêcher de descendre après avoir été fixées en position relevée. Par conséquent, le châssis de galets de roulement a pu être actionné et a pu s'abaisser parce qu'on n'avait pas rendu l'arracheuse de crampons sûre avant d'exécuter les réparations.

Les opérateurs de l'arracheuse de crampons avaient suivi une formation générale sur la façon de rendre sûrs les lieux de travail. De plus, le CN s'attendait à ce que tous les entrepreneurs et leurs employés se conforment aux règles de sécurité du CN concernant le verrouillage de sécurité de l'équipement. Toutefois, lors de l'accident, les opérateurs de la machine n'avaient pas suivi une formation ou reçu des instructions sur le mode d'emploi de la machine ou sur la façon de l'entretenir conformément aux instructions du fabricant et aux normes minimales imposées par la réglementation.

Culture interne de Total Track

Total Track a débuté ses activités en tant que fournisseur de services d'entretien et de réparation de la voie qui offrait ses services à des clients industriels et à des compagnies de chemin de fer sur courte distance. Quand ses activités de travail ont connu une expansion rapide pour englober la prestation de services d'entretien de voies principales pour des chemins de fer de compétence fédérale, la transition n'a pas tenu compte de toutes les exigences liées à la sécurité. Un embauchage et une formation précipités ont fait en sorte que l'effectif de l'entreprise soit constitué en majorité de jeunes hommes inexpérimentés, en l'occurrence un groupe pour lequel les risques d'accidents de travail sont de trois à cinq fois plus élevés que pour la population de travailleurs en général.

Dans le cas de cet accident-ci, un grand nombre des employés embauchés récemment par Total Track ont été affectés immédiatement à un chantier situé dans une région isolée, où ils ont bénéficié d'un minimum de supervision et de soutien. Durant le programme de travaux de la subdivision Caramat, alors que Total Track prenait du retard dans l'atteinte de ses objectifs de production, les employés qui n'avaient pas « l'esprit d'initiative » qu'on attendait d'eux avaient du mal à suivre le rythme. Lorsqu'on applique une culture exigeant un « esprit d'initiative » au sein d'une entreprise dont l'effectif est jeune et inexpérimenté, à plus forte raison dans un environnement où la formation et la supervision sont limitées, il peut très bien arriver que les employés adoptent des méthodes de travail peu sûres.

Pratiques de Total Track en matière de santé et de sécurité au travail

Dès le début du programme de travaux dans la subdivision Caramat, les pratiques d'exploitation de Total Track ne tenaient pas compte des pratiques minimales de santé et sécurité au travail ou s'y soustrayaient. L'utilisation et l'entretien de l'équipement n'étaient pas conformes aux spécifications du fabricant et aux normes minimales exigées par la Loi sur la santé et la sécurité au travail de l'Ontario (LSST). Les modifications et les travaux d'entretien et de réparation dont l'équipement faisait l'objet n'étaient pas documentés. La formation et la supervision des employés étaient minimales.

En outre, en l'absence de mécaniciens qualifiés sur les lieux de travail, la compagnie en est venue à faire faire par les opérateurs les travaux qu'on devait faire pour assurer le fonctionnement continu des machines, notamment les réparations sur place. Durant ces réparations sur place, les opérateurs n'appliquaient pas ou ne pouvaient pas appliquer en tout temps les procédures de verrouillage de sécurité qui doivent être appliquées quand on travaille sur les machines. Par conséquent, la pratique consistant à confier à des employés d'exploitation non qualifiés des travaux d'entretien et de réparation d'équipements lourds a eu pour effet d'accroître les risques d'accidents de travail.

Cette démarche quant à l'entretien du matériel contraste avec les pratiques d'exploitation qui sont en vigueur au CN. Au CN, on utilise des pièces approuvées pour les travaux d'entretien et de réparation du matériel, et on fait faire le travail par des mécaniciens qualifiés. Tous les travaux d'entretien du matériel sont documentés dans un livret technique d'entretien qui doit être contrôlé et signé par un superviseur. Les livrets d'entretien de l'équipement et les manuels de l'opérateur doivent rester avec la machine en tout temps. Étant une entreprise relevant de la réglementation fédérale, le CN fait en sorte que les lieux où travaillent ses employés soient en tout temps conformes aux normes minimales énoncées dans le Code canadien du travail, et aux règles de sécurité du CN.

Lors des inspections de sécurité qu'il avait faites, le CN avait documenté des situations de non conformité mettant en cause des employés et le matériel de Total Track. Toutefois, Total Track a tardé à répondre aux préoccupations du CN relatives à la sécurité, de sorte que les opérations ont pu continuer. Un mois après le début du contrat de la subdivision Caramat, Total Track a fait des démarches pour embaucher un responsable de la sécurité et pour élaborer une nouvelle politique de santé et de sécurité au travail.

L'absence d'une culture solidement établie en matière de santé et de sécurité et le manque de formation et de connaissances sur la santé et la sécurité au travail sont des facteurs qui, d'après les constatations du ministère du Travail de l'Ontario, caractérisent les entreprises à haut risque. En n'adhérant pas aux protocoles établis en matière de santé et de sécurité au travail, les entreprises sont susceptibles de mener leurs activités sans tenir compte des normes minimales de sécurité au travail, et d'exposer ainsi leurs employés à un risque accru de blessures professionnelles graves.

Diligence raisonnable et sécurité sur les lieux de travail

Le CN exige que tous les entrepreneurs suivent et réussissent un cours d'orientation. Le contrat obligeait Total Track à se conformer aux normes minimales du CN dans le cadre de sa participation aux programmes de travaux touchant les subdivisions Caramat et Kingston. Pendant l'exécution des travaux, « l'employé responsable » du CN est autorisé à prendre les mesures voulues pour prévenir des blessures, pour empêcher que la propriété du chemin de fer soit endommagée ou pour empêcher toute perturbation de l'exploitation du chemin de fer. Les contrats du CN stipulent que le non-respect des lignes directrices du CN en matière de sécurité constitue un motif de résiliation du contrat. On a pris ces mesures pour s'assurer que l'entrepreneur est informé des attentes minimales auxquelles doivent répondre les sous traitants du CN.

À la signature du contrat de la subdivision Caramat, Total Track ne se conformait pas aux normes de sécurité provinciales ou fédérales. Comme l'entreprise n'avait pas auprès de la CSPAAT un dossier de sécurité susceptible d'attirer l'attention sur elle et de justifier la tenue d'une inspection ciblée, Total Track n'a pas fait l'objet d'une vérification de conformité en matière de SST.

Le processus de sélection des entrepreneurs du CN ne comportait pas un critère de diligence raisonnable permettant de s'assurer que les activités des entrepreneurs sont conformes aux normes de sécurité. Le CN a autorisé l'entrepreneur à utiliser sur ses propriétés du matériel mal entretenu et à faire travailler sur ses propriétés des gens qui n'avaient pas reçu une formation sur les normes minimales de sécurité du CN.

Après le début des travaux, le CN s'est graduellement rendu compte de la mesure dans laquelle les activités de Total Track s'écartaient des stipulations du contrat. Le CN a pris des mesures pour obliger la direction de Total Track à appliquer des mesures correctives, et il est allé jusqu'à interdire à certains travailleurs de Total Track d'accéder aux propriétés de la compagnie. Toutefois, si l'on avait fait un examen approfondi de la structure de santé et sécurité au travail de l'entrepreneur et de ses pratiques d'exploitation, on aurait constaté que l'absence d'un responsable de la sécurité désigné justifiait à elle seule que l'on craigne pour la sécurité du personnel. Faute d'une procédure qui permet de s'assurer qu'un entrepreneur dispose des ressources et a mis en place les processus qui lui permettront de mener les activités prévues au contrat en toute sécurité, les travaux faits à contrat risquent davantage d'être exécutés dans des conditions de sécurité qui laissent à désirer

Limitation du mouvement du châssis de galets de roulement

La cheville de calage du châssis de galets de roulement droit n'était pas insérée au moment de l'accident. Les chevilles de calage sont conçues pour empêcher le châssis de galets de roulement de s'abaisser sur la structure de la voie lorsque la machine roule entre deux emplacements de travail. Toutefois, même quand elle est insérée, la cheville de calage n'interdit pas complètement le mouvement vers le bas du châssis de galets de roulement, et elle ne modifie en rien la vitesse à laquelle le châssis se déploie. Des essais effectués avec la machine ont révélé qu'avec la cheville de calage en place, la partie inférieure du guide d'alignement du châssis de galets de roulement s'arrête à tout juste cinq pouces du champignon du rail. Donc, même si la cheville de calage, censée limiter le mouvement vers le bas du châssis de galets de roulement droit, avait été insérée avant le début des réparations, le châssis serait quand même descendu suffisamment bas pour causer des blessures graves, voire mortelles.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. L'accident s'est produit après qu'on eut actionné par inadvertance le levier de commande de l'arracheuse de crampons, ce qui a fait descendre rapidement le châssis droit de galets de roulement sur l'opérateur qui se trouvait sous la machine.
  2. Les opérateurs de l'arracheuse de crampons, qui n'étaient pas des mécaniciens ou des techniciens-mécaniciens qualifiés, se conformaient aux pratiques d'exploitation normales de Total Track quand ils ont essayé de réparer sur place l'arracheuse de crampons.
  3. Le châssis de galets de roulement a pu être actionné et a pu s'abaisser parce qu'on n'avait pas rendu l'arracheuse de crampons sûre avant d'exécuter les réparations.
  4. Les opérateurs de la machine n'avaient pas reçu de formation sur la façon de rendre leur équipement sûr.
  5. Contrairement aux dispositions de la Loi sur la santé et la sécurité au travail (LSST) de l'Ontario, on a fait fonctionner l'arracheuse de crampons de nuit alors qu'il n'y avait pas d'éclairage pour illuminer la cabine ou les commandes de la machine et qu'il n'y avait pas de dispositif d'arrêt d'urgence bien visible et bien en vue.

Faits établis quant aux risques

  1. Lorsqu'on applique une culture exigeant un « esprit d'initiative » au sein d'une entreprise dont l'effectif est jeune et inexpérimenté, à plus forte raison dans un environnement où la formation et la supervision sont limitées, il peut très bien arriver que les employés adoptent des méthodes de travail peu sûres.
  2. La pratique consistant à confier à des employés d'exploitation non qualifiés des travaux d'entretien et de réparation d'équipements lourds a pour effet d'accroître les risques d'accidents de travail.
  3. En n'adhérant pas à des protocoles établis en matière de santé et de sécurité au travail, les entreprises sont susceptibles de mener leurs activités sans tenir compte des normes minimales de sécurité au travail, ce qui peut donner lieu à des accidents de travail plus fréquents.
  4. Faute d'une clause de diligence raisonnable qui permet de s'assurer qu'un entrepreneur dispose des ressources nécessaires et a mis en place les processus qui lui permettront de mener les activités prévues au contrat en toute sécurité, les travaux faits à contrat risquent davantage d'être exécutés dans des conditions de sécurité qui laissent à désirer.

Autres faits établis

  1. Même si la cheville de calage, censée limiter le mouvement vers le bas du châssis de galets de roulement droit, avait été insérée avant le début des réparations, le châssis serait quand même descendu suffisamment bas pour causer des blessures graves, voire mortelles.

Mesures de sécurité prises

Canadien National (CN)

Après l'accident, le CN a résilié le contrat qu'il avait conclu avec Total Track et il a interdit à l'entrepreneur de travailler de nouveau pour le CN. De plus, après avoir procédé à une vérification portant sur d'autres contrats existants, le CN a résilié un autre contrat dont l'adjudicataire avait des pratiques de sécurité qui n'étaient pas conformes aux exigences du CN.

Le CN a aussi présenté des séances de sensibilisation à ses superviseurs pour les informer de la façon de procéder à l'égard des entrepreneurs qui travaillent pour le CN.

Total Track

En mars 2008, Total Track a tenu une journée d'orientation sur la santé et la sécurité au travail à l'intention des employés qui revenaient au travail et des nouveaux employés, avant le début du travail dans le cadre d'un contrat attribué récemment à l'entreprise.

Transports Canada

Dans le cadre de l'examen du système de gestion de la sécurité du CN, Transports Canada a entrepris d'examiner les lignes directrices du CN relatives à la sécurité des entrepreneurs, ainsi que la suffisance des mesures de surveillance des entrepreneurs.

Ministère du Travail de l'Ontario

Le ministère du Travail de l'Ontario (MT) a mené une enquête officielle en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité au travail de l'Ontario. Après avoir examiné l'arracheuse de crampons, le MT a constaté que la machine n'était pas conforme aux normes de sécurité. On a posé un scellé d'interdiction sur la machine, et décrété que celle-ci ne pourrait être remise en service qu'après avoir été rendue conforme.

Le MT a porté des accusations contre Total Track relativement à un certain nombre d'infractions à la réglementation. Dans un jugement rendu récemment (susceptible d'appel), la Cour de l'Ontario a déterminé que les activités de Total Track étaient assujetties à la réglementation fédérale.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .