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Rapport d'enquête ferroviaire R00D0098

Collision et déraillement
VIA Rail Canada Inc.
Train numéro 603
Point milliaire 119,35, subdivision La Tuque
La Tuque (Québec)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 30 août 2000, vers 14 h, heure avancée de l'Est, le train no 603 de VIA Rail Canada Inc. roulait vers l'ouest en provenance de Hervey (Québec). Alors que le train s'approchait de la gare de La Tuque (Québec), il est entré en collision avec un camion à benne qui franchissait le passage à niveau privé au point milliaire 119,35 de la subdivision La Tuque. Le conducteur du camion a perdu la vie dans l'accident. Les voyageurs et les membres de l'équipe ont été évacués en toute sécurité. La locomotive et les trois voitures du train no 603 ont déraillé. Le camion a été détruit, et le carburant diesel s'est répandu et a pris feu.

This report is also available in English.

Renseignements de base

Le train se compose d'une locomotive, d'un fourgon à bagages et de deux voitures. Il mesure environ 325 pieds et pèse quelque 300 tonnes. Il a à son bord 22 voyageurs, 2 mécaniciens et 1 gérante des services de bord. Tous les employés répondent aux exigences de leurs postes respectifs et satisfont aux exigences en matière de repos et de condition physique.

Le consignateur d'événements indique que, vers 14 h, heure avancée de l'Est (HAE)Note de bas de page 1, le train roule à une vitesse de 52 mi/h et s'approche de la zone de marche prudente de La Tuque, la manette des gaz est déplacée graduellement de la position no 6 à la position no 1 et les freins sont desserrés. À l'approche de la gare de La Tuque, un des deux mécaniciens quitte la cabine pour se rendre dans le fourgon à bagages en passant par le compartiment moteur. Comme la porte d'accès au compartiment moteur est restée entrebâillée, le mécanicien aux commandes se retourne pour la fermer et s'isoler du bruit des moteurs. Au même moment, le train sort de la courbe de quatre degrés vers la gauche située au point milliaire 119,33 et s'approche du passage à niveau. Lorsque le mécanicien ferme la porte et se retourne pour prendre le combiné radio pour faire un appel comme l'exige les instructions spéciales de la règle 90 du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF)Note de bas de page 2, il aperçoit un camion à benne qui s'engage sur le passage à niveau à basse vitesse en direction sud. Le mécanicien s'abrite derrière le pupitre de commande et le train heurte le camion. Le train déraille du côté sud et s'immobilise à environ 515 m (1 700 pieds) à l'ouest du passage à niveau.

Le conducteur du camion perd la vie lors de l'impact. Le mécanicien qui est dans le compartiment moteur est brûlé légèrement lorsque le carburant diesel du camion prend feu, les flammes ayant pénétré par le hublot et la porte latérale de la locomotive. Tous les voyageurs sont évacués en toute sécurité.

La locomotive et les trois voitures déraillent et sont endommagées. La locomotive porte des marques d'impact à l'avant sur le côté droit. Le rail sud se renverse et la voie est endommagée sur une longueur d'environ 515 m. Le camion à benne est détruit. Il perd sa cargaison au passage à niveau et est projeté du côté nord-ouest en bas du remblai de la voie ferrée, à environ 30 m du passage à niveau. Les réservoirs de carburant du camion sont perforés et se détachent de leurs supports. Un des réservoirs se coince sous le moteur de traction avant de la locomotive; le carburant diesel se répand et s'enflamme. L'autre réservoir est projeté à environ 45 m du côté nord-ouest et prend feu, brûlant l'herbe et les branches sur l'emprise ferroviaire. Il n'y a pas de marque de freinage sur la route dans les environs du passage à niveau.

Après avoir pris les mesures d'urgence appropriées pour signaler l'accident, demander des secours et protéger la voie, les membres de l'équipe éteignent l'incendie sous la locomotive (moteur de traction et câblage électrique) et font déplacer les voyageurs vers la dernière voiture. Les policiers, pompiers et secouristes locaux arrivent sur les lieux dans les minutes suivant l'accident. Les pompiers éteignent le feu de branches et d'herbe; les policiers et les secouristes évacuent les voyageurs.

Le camion à benne était utilisé pour le transport de gravier. Il avait été construit en 1988 et n'était pas muni d'un module-mémoire pour l'enregistrement des mouvements. Il avait une longueur de 9 m et une capacité de 16 tonnes. Il venait d'être chargé de gravier dans une gravière située du côté nord de la voie ferrée à environ 200 m du passage à niveau.

La route menant au passage à niveau est un chemin privé étroit et sinueux à accès restreint qui commence sur le chemin du lac Panneton, parcourt environ 400 m jusqu'à la voie ferrée et se termine à la gravière (figure 1). Du côté nord de la voie ferrée, le chemin est en alignement droit; il a d'abord une pente descendante suivie d'une pente ascendante jusqu'à la gravière. Les terrains adjacents au chemin sont boisés jusqu'à environ 20 m de la voie ferrée. Étant donné les caractéristiques du chemin, les camions chargés voyagent à une vitesse d'environ 7 km/h; à cette vitesse, un camion prend 11 secondes pour parcourir la distance entre la fin des boisés et le passage à niveau. Selon le nombre de voyages effectués par les camions de gravier, on estime que plus de 80 véhicules lourds traversent ce passage à niveau par jour.

Figure 1. Représentation du lieu de l'accident
Représentation du lieu de l'accident

Le conducteur du camion était au service de la compagnie Charles Morissette Inc. de La Tuque depuis environ trois mois. Il avait 18 ans d'expérience comme conducteur de camion lourd. Il était rémunéré selon un taux horaire et non selon le nombre de chargements.

Depuis trois semaines, le conducteur du camion avait effectué environ 20 voyages aller-retour quotidiennement. Le jour de l'accident, il avait débuté son quart de travail vers 7 h et il avait eu une bonne nuit de sommeil la nuit précédente. Une analyse du coroner n'a pas révélé de substance intoxicante dans son organisme, il ne portait pas de lunettes et ne souffrait pas de handicap pouvant nuire à la conduite du camion.

Le conducteur n'avait pas reçu de formation concernant les particularités de ce trajet mais avait été avisé initialement de l'horaire des trains. Bien que les trains de VIA Rail Canada Inc. (VIA) doivent suivre un horaire précis pour ce qui est de leur arrivée et leur départ des gares, l'heure de passage des trains aux points intermédiaires entre les gares n'est pas régie par un horaire. D'autre part, les trains de marchandises ne suivent pas un horaire fixe. Cependant, dans des cas de force majeure, il peut arriver que les trains de voyageurs soient en retard et donc ne soient pas en conformité avec l'horaire; par conséquent, il est très difficile de prévoir avec exactitude l'arrivée des trains.

La compagnie Charles Morissette Inc. disposait de deux camions pour transporter le gravier. La semaine avant l'accident, l'autre camionneur avait évité une collision avec un train au même passage à niveau. Il avait informé son confrère de redoubler de prudence à ce passage à niveau.

La subdivision La Tuque s'étend sur une distance de 125,4 milles entre Cap-Rouge et Fitzpatrick (Québec). Elle se compose d'une voie simple et est régie selon la régulation de l'occupation de la voie (ROV) en vertu du REF, sous la surveillance d'un contrôleur de la circulation ferroviaire posté à Montréal. Dans le secteur du lieu de l'accident, la vitesse maximale est de 50 mi/h pour les trains de voyageurs et de 40 mi/h pour les trains de marchandises. Près du point milliaire 119,0, la voie est en alignement droit en direction ouest; elle décrit ensuite une courbe de quatre degrés vers la gauche sur environ 485 m qui passe entre deux collines boisées. Le passage à niveau est situé à environ 30 m de la sortie de la courbe, sur un tronçon de voie en alignement droit. À l'ouest du passage à niveau, la voie repose sur un remblai d'une hauteur d'environ 6 m.

Le passage à niveau au point milliaire 119,35 n'avait pas été utilisé depuis 1996. Il avait été remis en état pendant l'été 2000 par les employés de la compagnie Charles Morissette Inc. sous la supervision d'un contremaître du CN. La compagnie Charles Morrissette Inc. détient depuis le 1er mai 1997 un contrat de passage à niveau privé qui inclut, en annexe, le plan-norme du CN pour les passages à niveau. Cependant, ni le contremaître du CN ni les employés de Charles Morissette Inc. n'avaient le plan-norme du CN pour les passages à niveau et ne connaissaient bien les lignes directrices de Transports Canada (TC) sur les distances minimales de visibilité.

Des panneaux d'arrêt étaient installés des deux côtés de la voie à environ 2 m des rails. Ils étaient mobiles et situés à une hauteur de 1,35 m alors que le plan-norme du CN prescrivait une hauteur comprise entre 1,8 m et 2,4 m. La ligne de visibilité vers l'est était d'environ 180 m pour un véhicule circulant en direction sud et d'environ 120 m pour un véhicule circulant en direction nord. Le plan-norme du CN et l'ébauche des lignes directrices de TC sur les distances minimales de visibilité indiquaient que la ligne de visibilité devrait être de 230 m pour un passage à niveau où il y a des panneaux d'arrêt et où la vitesse maximale des trains est de 50 mi/h. Par ailleurs, comme il s'agissait d'un passage à niveau privé, les trains ne sifflaient pas car les équipes de train n'étaient pas tenues de se conformer à la règle 14 l)Note de bas de page 3 du REF comme elles le faisaient aux passages à niveau publics.

Le 1er septembre 2000, on a reconstitué l'événement au passage à niveau. On s'est servi d'un camion de même taille mais d'un modèle différent que celui en cause dans la collision. Les dimensions et la position relative des rétroviseurs extérieurs par rapport au conducteur étaient similaires. La reconstitution a révélé que le rétroviseur du côté gauche bloquait la vue du conducteur du côté est (photo 1) lorsque le camion était à 8 m de la voie (distance spécifiée dans les lignes directrices de TC pour la définition des lignes de visibilité); dans ces conditions, un train de marchandises ne pouvait être aperçu que lorsqu'il était à 14 m du passage à niveau.

Photo 1. Visibilité à partir d'un camion situé à 8 m du passage à niveau
Visibilité à partir d'un camion situé à 8 m du passage à niveau

Ni ponceau ni barrière n'avaient été installés de chaque côté du passage à niveau comme l'exigeait le plan-norme du CN. Toutefois, il y avait une barrière à l'entrée du chemin. Après la remise en état du passage à niveau, il n'y a pas eu de contrôle de la qualité de la part du CN pour assurer la conformité avec les normes en vigueur.

TC est l'organisme de réglementation des compagnies ferroviaires de réglementation fédérale. Dans l'exercice de ses responsabilités, TC a instauré une série de politiques régissant la surveillance du réseau et des activités ferroviaires, incluant les passages à niveau. Selon le programme de surveillance des passages à niveau de TC, 5 p. 100 des passages à niveau doivent être inspectés annuellement. Les inspections effectuées dans le cadre de ce programme sont des inspections détaillées qui consistent à évaluer la sécurité des passages à niveau, à recueillir les données sur le trafic routier et ferroviaire, et à vérifier des éléments comme l'état de la chaussée et des approches, la surface de roulement, les lignes de visibilité et l'état des systèmes de signalisation. Les régions de TC utilisent une approche basée sur le risque et accordent donc une plus grande priorité aux endroits où il y a déjà eu des accidents et aux passages à niveau publics. De ce fait, les passages à niveau privés ou de ferme sont rarement l'objet d'inspections détaillées. Lors de l'inspection de la voie, l'inspecteur de l'infrastructure de TC vérifie l'état du platelage et la présence de végétation dans les abords immédiats des passages à niveau; cependant, il ne mesure pas les lignes de visibilité.

Le passage à niveau n'avait jamais été l'objet d'une inspection détaillée et n'avait pas été l'objet d'une inspection par l'inspecteur de l'infrastructure depuis sa réouverture. Par ailleurs, lorsqu'un passage à niveau privé est construit ou ouvert de nouveau, les compagnies ferroviaires ne sont pas tenues d'informer ni d'obtenir une approbation de TC.

VIA a éliminé le poste de chef de train en 1997. Les tâches du chef de train ont été redistribuées entre les mécaniciens et les gérants des services de bord. La manipulation des bagages a été assignée au mécanicien qui n'est pas aux commandes de la locomotive. La documentation déposée par VIA auprès de TC stipule que le mécanicien qui n'est pas aux commandes de la locomotive ne doit toutefois pas s'absenter de la cabine lorsque le train est en marche sauf s'il y a des problèmes avec l'équipement. Les tâches additionnelles des mécaniciens ne nécessitent pas beaucoup de temps en saison régulière; cependant, comme les trains de voyageurs doivent suivre un horaire fixe, le mécanicien doit en général débuter les préparatifs pour le débarquement, comme le triage des bagages et du courrier, avant l'arrivée aux gares pour ne pas retarder les trains. Ceci peut donc à l'occasion créer des situations où il ne reste qu'une personne à bord de la locomotive de tête. En règle générale, l'exploitation des trains au Canada exige au moins deux employés à l'avant du train pour assurer la sécurité du mouvement; toutefois, le Chemin de fer QNS&L a obtenu l'autorisation de TC d'exploiter des trains avec une seule personne à bord de la locomotive de tête après avoir ajouté des systèmes de sécurité et modifié les procédures d'exploitation.

Analyse

Le train roulait 2 mi/h de plus que la vitesse maximale permise; toutefois, cet écart de vitesse est relativement faible et n'a pas eu de conséquences sur l'accident. L'équipement et la condition physique du conducteur de camion n'ont pas contribué à l'accident. L'analyse portera donc sur la méthode d'exploitation du camion, les tâches de l'équipe de train et l'installation, la mise en service et l'entretien des passages à niveau privés afin d'établir les faits qui ont contribué à cet accident.

Comme la ligne de visibilité est de 180 m et que le train parcourt cette distance en 8 secondes, un véhicule semblable à celui en cause dans l'accident, arrêté au panneau d'arrêt, prendrait environ 9 secondes pour accélérer et franchir le passage à niveau. Par conséquent, si le conducteur s'était arrêté au panneau d'arrêt avant de franchir le passage à niveau, avait observé la voie pour vérifier si elle était libre puis avait démarré, il aurait juste eu le temps de franchir le passage à niveau ou la locomotive aurait heurté l'arrière du camion. Cependant, comme le camion a été heurté vers l'avant, comme le prouvent les dommages sur la locomotive, il se peut que le conducteur ait été surpris par l'arrivée soudaine du train et ait arrêté d'accélérer au moment de franchir le passage à niveau ou qu'il se soit engagé sur le passage à niveau sans avoir observé qu'un train s'en approchait. D'autre part, la reconstitution a révélé qu'à une distance de 8 m du passage à niveau, le rétroviseur du côté gauche du conducteur du camion créait un angle mort qui obstruait en partie la vue du conducteur et pourrait l'avoir empêché de voir le train qui approchait. Par conséquent, le conducteur aurait pu regarder vers sa gauche, ne pas voir le train et donc continuer à avancer vers le passage à niveau croyant que la voie était libre. Mais, étant donné l'absence d'un module-mémoire pour l'enregistrement des mouvements à bord du camion et le manque d'information concernant les manoeuvres du conducteur de camion à l'approche du passage à niveau, on ne peut reconstituer avec certitude le déroulement des événements qui ont mené à l'accident et ainsi prévenir des accidents semblables.

Quand le mécanicien qui n'était pas aux commandes s'est dirigé vers le fourgon à bagages, la porte qui sépare la cabine de la locomotive du compartiment moteur est restée entrouverte, permettant donc au bruit des moteurs de pénétrer dans la cabine de la locomotive. Le mécanicien aux commandes s'est donc retourné pour fermer la porte, ce qui a détourné son attention au moment où le train sortait de la courbe quelque 30 m avant le passage à niveau. En outre, comme le mécanicien aux commandes a détourné son attention sur le combiné radio pour quelques secondes additionnelles, il a à peine eu le temps d'apercevoir le camion quelques mètres devant la locomotive et son réflexe a été de se protéger contre l'impact. Il n'a donc pas eu le temps d'actionner le sifflet pour avertir le conducteur du camion du danger imminent.

Même si le mécanicien qui n'est pas aux commandes ne devrait pas quitter la locomotive alors que le train est encore en marche, les contraintes opérationnelles, comme le respect de l'horaire, l'obligent à débuter les préparatifs pour le débarquement avant l'arrivée aux gares pour ne pas retarder les trains. Ceci crée une situation où seulement une personne surveille l'avant du train, ce qui peut réduire le niveau d'attention, affecter le respect de certaines règles du REF et par conséquent éliminer la défense de sécurité généralement associée avec des équipes de train de deux personnes.

La reconstruction du passage à niveau n'a pas été effectuée selon le plan-norme du CN ni les lignes directrices de TC. Les distances minimales de visibilité étaient inférieures aux distances prescrites dans les lignes directrices de TC et le plan-norme du CN; les panneaux d'arrêt étaient environ 60 cm plus bas que prescrit et il n'y avait pas de barrière ni de ponceau de chaque côté de l'emprise ferroviaire. Après la reconstruction du passage à niveau, il n'y a pas eu d'inspection du CN pour vérifier que celui-ci était sans danger. De ce fait, le passage à niveau n'était pas conforme aux normes de sécurité en vigueur et le niveau de sécurité a été réduit. Un programme de contrôle de la qualité qui assurerait la conformité avec les normes en vigueur fournirait un mécanisme additionnel pour assurer que des anomalies qui peuvent avoir un impact sur la sécurité des employés du chemin de fer et du public soient identifiées et corrigées.

Le fait de siffler à l'approche d'un passage à niveau permet non seulement d'avertir les conducteurs de véhicules routiers mais nécessite que le mécanicien dirige son attention vers l'avant du train pour donc être mieux en mesure de réagir. Cependant, vu qu'il s'agissait d'un passage à niveau privé, le train n'était pas tenu de siffler et cela même si le passage à niveau, situé à la sortie d'une courbe et ayant des lignes de visibilité réduites, présentait des risques additionnels aux usagers.

TC fait aussi une distinction entre les passages à niveau publics et les passages à niveau privés; en effet, les programmes d'inspection de TC sont concentrés sur les passages à niveau publics et les passages à niveau privés ne sont pratiquement pas l'objet d'inspections détaillées. Cependant, comme la circulation routière aux passages à niveau privés est relativement faible, en général, cette distinction entre les passages à niveau privés et les passages à niveau publics a peu de conséquences sur la sécurité. Cependant, une réévaluation des risques basée sur les spécificités de chaque passage à niveau peut s'avérer nécessaire car, à certains passages à niveau, même privés, le trafic varie beaucoup selon les saisons, ce qui peut avoir un effet sur le niveau de sécurité.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Comme le camion a été heurté vers l'avant, il se peut que le conducteur ait été surpris par l'arrivée soudaine du train et ait arrêté d'accélérer au moment de franchir le passage à niveau ou qu'il se soit engagé sur le passage à niveau sans avoir observé qu'un train s'en approchait.
  2. L'attention du mécanicien aux commandes de la locomotive a été détournée par les activités qu'il devait exécuter et il n'a donc pas eu le temps d'actionner le sifflet pour avertir le conducteur du camion du danger imminent.
  3. Lorsqu'il ne reste plus qu'une personne à l'avant du train, la défense de sécurité généralement associée avec des équipes de train de deux personnes est éliminée car le niveau d'attention est réduit et le respect de certaines règles du REF est affecté.
  4. Vu qu'il s'agissait d'un passage à niveau privé, le train n'était pas tenu de siffler et cela même si le passage à niveau, situé à la sortie d'une courbe et ayant des lignes de visibilité réduites, présentait des risques additionnels aux usagers.
  5. La reconstruction du passage à niveau n'a pas été effectuée selon le plan-norme du CN ni les lignes directrices de TC; par conséquent, le passage à niveau n'était pas conforme aux normes de sécurité en vigueur et le niveau de sécurité a été réduit.

Faits établis quant aux risques

  1. Le rétroviseur du côté gauche du conducteur du camion créait un angle mort qui obstruait en partie la vue du conducteur et pourrait l'avoir empêché de voir le train qui approchait.
  2. Un programme de contrôle de la qualité qui assurerait la conformité avec les normes en vigueur fournirait un mécanisme additionnel pour assurer que des anomalies qui peuvent avoir un impact sur la sécurité des employés du chemin de fer et du public soient identifiées et corrigées.
  3. Une réévaluation des risques basée sur les spécificités de chaque passage à niveau peut s'avérer nécessaire car, à certains passages à niveau, même privés, le trafic varie beaucoup selon les saisons, ce qui peut avoir un effet sur le niveau de sécurité.

Autres faits établis

  1. L'absence d'un module-mémoire pour l'enregistrement des mouvements à bord de certains véhicules routiers ne favorise pas la compréhension des accidents et gêne l'amélioration de la sécurité.

Mesures de sécurité

Mesures de sécurité prises

Le lendemain de l'accident, le CN a exigé que tous les trains approchant du passage à niveau au point milliaire 119,35 de la subdivision La Tuque se conforment à la règle 14 l) du REF.

Un enquêteur de la Commission de la santé et de la sécurité du travail du Québec a émis une ordonnance à la compagnie Charles Morrissette Inc. lui interdisant d'utiliser le passage à niveau sans avoir au préalable posté une personne au sol. Cette personne doit avoir une bonne visibilité dans les deux directions, doit être équipée d'un appareil radio bi-directionnel et doit être capable d'avertir les conducteurs de camion à l'approche d'un train. Le passage à niveau a finalement été fermé.

Le règlement proposé sur les passages à niveau sera publié dans la Gazette du Canada au cours du printemps 2002. Dans le cas des passages à niveau privés, une section du règlement définira clairement les responsabilités de la compagnie ferroviaire, du propriétaire du chemin et, dans certains cas, de l'administration routière si l'approche du chemin privé fait partie d'une route publique. À cet effet, tout changement à l'infrastructure d'un passage à niveau, à la circulation routière, à la vitesse ou au type de véhicules qui empruntent le passage ou tout autre changement susceptible de nuire à la sécurité doit être apporté à l'attention de la compagnie ferroviaire.

Par ailleurs, au cours de l'année 2001, TC a mis en oeuvre un programme intensif d'inspection de passages à niveau dans le cadre duquel une attention particulière a été accordée aux lignes de visibilité. Les résultats ont été analysés et des rencontres entre TC et les compagnies ferroviaires ont eu lieu pour évaluer les pratiques reliées aux lignes de visibilité.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .

Annexes

Annexe A - Distances minimales de visibilité à tous les passages à niveau sans système d'avertissement

Distances minimales de visibilité à tous les passages à niveau sans système d'avertissement