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Rapport d'enquête de pipeline P94H0036

Rupture d'un gazoduc de gaz naturel
TransCanada PipeLines Limited
Canalisation 100-2 de la canalisation
principale de 914 millimètres (36 pouces)
Poteau kilométrique de la vanne de canalisation principale 110 - 2 + 22,098 kilomètres
Latchford (Ontario)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Vers 7 h 13, heure avancée de l'Est, le 23 juillet 1994, une rupture du gazoduc de gaz naturel de 914 millimètres (36 pouces) de la TransCanada PipeLines Limited ainsi qu'un incendie se sont produits à la hauteur du poteau kilométrique de la vanne de canalisation principale 110-2 + 22,098 kilomètres, près de Latchford (Ontario).

Le Bureau a déterminé que la rupture a été causée par une cassure ductile due à une surcharge parce que la paroi de la canalisation s'était considérablement amincie à cause de corrosion externe.

1.0 Renseignements de base

1.1 L'accident

Le 23 juillet 1994, vers 7 h 13, heure avancée de l'Est (HAE), une perte de pression de service et une augmentation de l'écoulement du gaz naturel se sont produites simultanément en aval de la station 4110, près de Haileybury (Ontario), à la vanne de canalisation principale 110-2. Le gazoduc principal de gaz naturel de 914 millimètres (mm) de diamètre extérieur (diamètre nominal de conduite de 36 pouces) de la TransCanada PipeLines Limited (TCPL) est désigné sous le nom de canalisation 100-2. La station 4110 est commandée à distance par l'opérateur du centre de contrôle (OCC) situé à la station 4116, près de North Bay (Ontario), à environ 139,2 kilomètres (km) (86,5 milles) de là. La permanence est assurée 24 heures sur 24 à la station 4116.

Vers 7 h 25 HAE, un agent de la Police provinciale de l'Ontario a remarqué que le réseau était en feu. Il a signalé au répartiteur de la Police provinciale de l'Ontario de North Bay que l'incendie était dans le réseau de la TCPL, qui est à environ 8 km au sud de la ville de Latchford (Ontario) et environ 350 mètres (m) (1 148,3 pieds) à l'est de la route no 11. L'agent de la Police provinciale de l'Ontario a même remarqué que des roches et des débris en provenance d'une explosion avaient été projetés sur la route. Le répartiteur de la Police provinciale de l'Ontario a averti immédiatement l'OCC de la station 105, située à Ramore (Ontario), à la hauteur de la vanne de canalisation principale 105, qui à son tour a avisé l'OCC de la station 4116.

Entre 7 h 29 et 7 h 38 HAE, le personnel de la TCPL a confirmé que le lieu de l'événement était bien entre les stations 4110 et 4112. À partir des instructions fournies par le contrôleur d'acheminement du gaz de la TCPL à Calgary (Alberta), l'OCC de la station 4116 a mis en oeuvre les mesures d'isolation d'urgence des stations 4110 et 4112. Ces mesures ont été mises sur pied pour isoler la section du gazoduc en amont et en aval du lieu de l'événement. L'OCC de la station 4116 a aussi entrepris de fermer d'urgence l'unité de compression 112-B1 de la station 4112.

À 7 h 45 HAE, l'OCC de la station 4116 a commencé à fermer d'urgence les unités de compression 110-A1, 110-A2 et 110-B1 de la station 4110. Au même moment, le répartiteur de la Police provinciale de l'Ontario a confirmé de nouveau l'emplacement approximatif de l'explosion et a fait remarquer que l'incendie du gazoduc avait déclenché un feu de forêt.

Vers 7 h 46 HAE, des équipes d'incendie du ministère des Ressources naturelles de l'Ontario sont arrivées sur les lieux et ont commencé à combattre le feu de forêt des deux côtés de l'emprise de 62,5 m (205 pieds) de largeur. On a aussi procédé à une vérification des quatre habitations inoccupées qui se trouvaient dans les environs. Trois de ces habitations sont regroupées à environ 360 m (1 181,1 pieds) au nord-ouest du lieu de l'événement et la quatrième se trouve à environ 560 m (1 837,3 pieds) au nord. La seule route donnant accès aux quatre habitations était couverte en plusieurs endroits de roches et de débris en provenance de l'explosion.

À 7 h 48 HAE, le personnel de la TCPL a entrepris d'isoler les canalisations 100-1, 100-2 et 100-3 de la station 4112 en amont du lieu de l'événement. Cette manoeuvre a pris fin à 7 h 49 HAE.

À 7 h 50 HAE, l'OCC de la station 4116 a entrepris d'isoler les canalisations 100-1, 100-2 et 100-3 de la station 4110. Cette manoeuvre s'est terminée à 7 h 51 HAE. Au même moment, la Police provinciale de l'Ontario a avisé la TCPL que la route no 11, aux environs de l'événement, avait été fermée à cause de la présence de grosses roches et d'autres débris sur la chaussée.

À 7 h 51 HAE, la portion du réseau située entre les vannes de canalisation principale 110 et 112 a été effectivement isolée après que des employés de la TCPL ont fermé les vannes d'isolement, entre 7 h 29 et 7 h 50 HAE.

À 8 h 25 HAE, des employés de la TCPL sont arrivés sur les lieux, ont confirmé que la canalisation 100-2 s'était rompue, et identifié l'emplacement de la rupture comme étant le poteau kilométrique de la vanne de canalisation principale 110-2 + 22,098 km, à environ 117 km de la station 4116. On a signalé à ce moment-là qu'environ 20 m (65,62 pieds) de conduite avaient été projetés du sol, que la forêt autour du lieu de la rupture brûlait toujours et qu'il y avait un petit incendie de gaz naturel en amont de la canalisation 100-2.

À 8 h 40 HAE, toutes les roches et tous les débris ayant été enlevés, la Police provinciale de l'Ontario a ouvert de nouveau la route no 11 aux environs du lieu de l'événement.

À 9 h 10 HAE, l'incendie du gazoduc s'est éteint de lui-même et les employés de la TCPL ont fini d'établir un périmètre de sécurité autour du lieu de l'événement pour empêcher tout accès non autorisé.

À 21 h 35 HAE, le 25 juillet 1994, environ 63 heures après l'explosion et l'incendie, et après que les réparations ont été effectuées, les employés de la TCPL ont remis la canalisation 100-2 en service normal.

1.2 Victimes

Personne n'a été blessé à la suite de cet événement.

1.3 Dommages au matériel et perte de produit

La conduite s'est rompue sur 21,76 m (environ 71,4 pieds) de longueur et complètement séparée du réseau. L'explosion a creusé un cratère d'environ 16 m de largeur sur 36 m de longueur, d'une profondeur de 2 à 4 m. L'incendie a complètement rasé environ 4,77 hectares (ha) (11,79 acres) autour du gazoduc, tandis qu'environ 7,52 ha (18,58 acres) de terrain ont été plus ou moins touchés par le feu et la chaleur.

Environ 4 194 000 mètres cubes (m3) (148 108 900 pieds cubes) de gaz naturel ont été consumés par l'incendie. Un autre 23 200 m3 (819 000 pieds cubes) de gaz naturel a servi à purger l'air du segment de réseau touché avant sa remise en service normal.

Puisque certaines sections de conduite non endommagées ont dû être enlevées en amont et en aval du lieu de l'événement, l'ensemble des réparations a nécessité l'installation de 48,59 m (159,42 pieds) de conduite.

1.4 Conditions météorologiques

Le temps était couvert et la température était de 16,6 degrés Celsius. Les vents soufflaient à trois noeuds (8 km/h), à 150 degrés (du sud-sud-est) et le plafond se situait à 1 066,8 m (3 500 pieds). La pression barométrique était de 753,36 mm (29,66 pouces) de mercure.

1.5 Particularités du gazoduc

Sur le lieu de l'événement, la TCPL possède trois canalisations parallèles : la première, la canalisation 100-1, a un diamètre extérieur nominal de 762 mm (diamètre nominal de conduite de 30); la deuxième, la canalisation 100-2, a un diamètre extérieur nominal de 914 mm (diamètre nominal de conduite de 36); et la troisième, la canalisation 100-3, a un diamètre extérieur nominal de 1 067 mm (diamètre nominal de conduite de 42). Les trois conduites sont enterrées à environ 0,914 m de la surface, dans un sol rocailleux, à un endroit où l'inclinaison du gazoduc change rapidement en raison d'une pente abrupte du terrain.

La paroi de la canalisation 100-2 a une épaisseur nominale de 9,14 mm (0,360 pouce) et sa limite élastique minimale spécifiée est de 448 mégapascals (MPa) (nuance de conduite X-65 de l'American Petroleum Institute (API)). Cette section de la canalisation 100-2 a été construite en 1972, et l'extérieur a été recouvert au moment de la construction d'une couche de mastic d'apprêt, d'un revêtement d'émail asphalté appliqué à chaud et d'une couche extérieure en amiante et en papier kraft. Même si la TCPL pense que le revêtement extérieur à l'endroit de l'accident a dû être endommagé lors de la construction initiale, l'analyse métallurgique de la conduite qui s'est rompue n'a relevé aucun signe comme quoi la surface de la conduite aurait été endommagée à ce moment-là. La TCPL savait, à la lumière des résultats obtenus par le programme d'entretien des pipelines instauré en 1985, que le revêtement d'asphalte des canalisations 100-1 et 100-2 s'était détérioré parce que, comparativement aux revêtements plus récents, le revêtement à l'asphalte n'adhérait pas aussi bien à la conduite d'acier, manquait de résistance mécanique et était hautement perméable à l'eau. Conséquemment, la TCPL avait découvert que les exigences quant à la protection cathodique (PC) des sections recouvertes d'asphalte avaient augmenté à mesure que le revêtement d'asphalte vieillissait.

Cette section de la canalisation 100-2 avait été soumise à des essais hydrostatiques en janvier 1973, à une pression minimale de 9 198 kilopascals (kPa). L'autorisation de mise en service livrée à la TCPL en janvier 1973 par l'Office national de l'énergie (ONE) prévoyait une pression manométrique maximale de service de 6 895 kPa. En 1986, toute la section entourant la vanne de canalisation principale où l'accident s'est produit avait subi un essai de résistance hydrostatique qui n'avait décelé aucune anomalie. Jusqu'en 1977, la TCPL avait exploité la canalisation 100-2 à une pression manométrique maximale de service réduite de 6 454 kPa parce qu'elle était interconnectée avec la canalisation 100-1, dont la pression manométrique maximale de service était de 6 454 kPa. Après 1977, avec la reclassification de la canalisation 100-1 à une pression manométrique maximale de service plus élevée, la TCPL a exploité la canalisation 100-2 à la pression manométrique maximale de service acceptée de 6 895 kPa.

On avait dû effectuer des réparations avant l'événement sur cette section de la canalisation 100-2 entre les vannes de canalisation principale 110 et 116 parce que la paroi avait été enfoncée par divers travaux de construction ou par des roches. Les sections à réparer avaient été identifiées par inspection interne des canalisations et les réparations des bosselures avaient été effectuées en 1980. En 1986 et plus tard en 1987, toute la section avait été soumise, à l'aide d'un dispositif électronique d'inspection interne, à des essais destinés à déceler les bosselures et autres déformations de surface. Ces travaux ont été réalisés dans le cadre d'un important programme d'inspection de six sections de canalisation principale consécutives entre les vannes de canalisation principale 110 et 116. Ils ont permis de relever une série de cinq bosselures et se sont soldés par le remplacement de toutes ces sections, dont l'une se trouvait immédiatement en aval du lieu de l'événement. En 1991, on a dû effectuer des réparations sur la canalisation 100-2 dans les environs immédiats du lieu de l'événement, en raison de dommages dus à des contraintes externes.

Cette section de la canalisation 100-2 n'avait jamais fait l'objet d'un essai destiné à déceler la corrosion à l'aide d'un dispositif d'inspection interne des pertes en métal. La TCPL avait pris cette décision pour les raisons suivantes :

  1. le dossier d'exploitation du réseau jusque-là ne faisait aucunement mention de problèmes de corrosion;
  2. les résultats négatifs d'autres inspections internes des pertes en métal ailleurs sur la canalisation 100-2;
  3. les résultats de 22 excavations sur la canalisation 100-2 en 1986 dans cette section de la vanne qui n'avaient relevé aucune trace importante de corrosion;
  4. les essais hydrostatiques effectués sur cette section de la vanne en 1986 qui n'avaient relevé aucune anomalie.

La rupture de la canalisation 100-2 n'a pas endommagé la canalisation 100-1 ou la canalisation 100-3. La dernière patrouille aérienne au-dessus de cette section du réseau avant l'événement avait été faite le 21 juillet 1994, vers 16 h 30 HAE, sans qu'aucun problème ne soit signalé.

Dans le cadre des activités d'exploitation habituelles de la TCPL, des employés effectuent une inspection annuelle du réseau, en parcourant l'emprise à pied avec des détecteurs de gaz portatifs dans le but de détecter les fuites de gaz naturel.

La dernière inspection de ce genre sur cette section du réseau avait été effectuée le 13 juillet 1994 et aucune fuite de gaz naturel n'avait été détectée dans le secteur de l'événement.

1.6 Exploitation du productoduc

Au centre de contrôle d'acheminement du gaz de la TCPL, à Calgary, on se fie à un certain nombre de données télémétriques envoyées des stations de compression et de comptage par le réseau de télémétrie du réseau de contrôle du système et d'acquisition des données (SCADA) de la TCPL pour déterminer les stratégies d'exploitation optimales pour ce qui est du déplacement des quantités de gaz naturel. Le réseau de la TCPL est subdivisé en secteurs d'exploitation dont toutes les stations de compression sont commandées à distance par un OCC.

Une révision des données de télémétrie pour la journée en question révèle que l'écoulement de gaz naturel quotidien des trois canalisations de la TCPL du nord de l'Ontario était d'environ 4,183 milliards de pieds cubes. Tout avait fonctionné normalement au cours des 24 heures précédentes et aucune défectuosité de fonctionnement n'a été identifiée à partir de cette révision.

1.7 Protection cathodique de la canalisation 100-2

En 1972, lors de l'installation de la canalisation 100-2 qui s'est rompue, les exigences quant à la PC ont été superposées à celles de la canalisation 100-1. D'après les renseignements disponibles à ce moment-là, on n'a pas jugé nécessaire d'augmenter la PC de cette section de la canalisation 100-2. Par contre, en 1976, la TCPL a installé une connexion électrique directe entre cette section de la canalisation 100-2 et le redresseur de la canalisation 100-1 situé au poteau R100 + 17,85 km.

Le lieu de l'événement se situe dans un environnement rocheux à haute résistance électrique, où le degré de résistivité du sol, à 3 m de profondeur, mesurait environ 1 250 000 ohm/centimètres en 1989. Le personnel de la TCPL connaissait l'existence d'un cours d'eau souterrain qui a été découvert sur le lieu lors de la rupture de la canalisation et ce dernier aurait constitué une source constante d'oxygène pour le secteur du gazoduc.

Afin de déterminer l'efficacité du système de PC et d'assurer le respect de la norme industrielle minimale existante de 850 millivolts (mV), le personnel de la TCPL effectue une série de vérifications conduite-sol à divers moments au cours de la durée utile du réseau. Ces vérifications consistent en une vérification du système cathodique par points fixes rapprochés (« close pipe-to-soil potential survey »), en une vérification des raccords des conducteurs électriques (« test lead pipe-to-soil potential survey »), ou les deux. Les vérifications des raccords des conducteurs électriques, effectuées sur la section de la canalisation 100-2 en question en 1974 et 1975, et la vérification du système cathodique par points fixes rapprochés, effectuée au cours de 1975, ont permis de constater qu'à certains endroits, le courant n'était pas conforme aux critères, c.-à-d. inférieure à la norme industrielle minimale. Deux systèmes de PC par courant imposé ont été installés en 1976 à la hauteur des poteaux R110 + 24,75 km et R110 + 30,27 km. À ce moment-là, la canalisation 100-2 a aussi été raccordée par câble électrique au poteau R110 + 17,85 km de la canalisation 100-1.

De 1976 à 1980, dans le cadre du programme de prévention de la corrosion de la compagnie, des vérifications du système cathodique par points fixes rapprochés et des vérifications des raccords des conducteurs électriques ont permis d'identifier d'autres secteurs où le courant était inférieur aux critères. On a donc installé 102 anodes de magnésium additionnelles dans ce tronçon.

De 1982 jusqu'à maintenant, la TCPL a procédé à de nombreuses vérifications du système cathodique par points fixes rapprochés et des vérifications des raccords des conducteurs électriques. Au début, les vérifications ont été plutôt favorables, mais à partir de 1991, des manquements ont été relevés et on a proposé d'augmenter la PC de cette section du réseau pour faire passer le niveau du courant imposé au-dessus du critère industriel minimal. Cependant, les travaux de réparation correctifs du système de PC ont dû être reportés à cause de la construction d'une nouvelle section de gazoduc (la canalisation 100-3) dans le même secteur. Les travaux de construction sur la canalisation principale bloquaient l'accès aux endroits qui devaient faire l'objet des réparations correctives et aucun relevé pré-correctif, qui aurait pu aider à identifier l'endroit idéal pour l'installation d'un nouveau redresseur, n'a pu être fait parce qu'on avait dû, au cours des travaux, mettre les redresseurs existants hors service pour des raisons de sécurité. Les travaux de réparation ont été à nouveau remis à plus tard en 1992 et 1993 à cause d'autres travaux de construction. En 1994, dans le cadre du programme de prévention de la corrosion, on a proposé l'installation d'un redresseur et d'un système de distribution du courant connexe à la hauteur du poteau R110 + 27,16 km, pour assurer une PC additionnelle dans le secteur.

Par ailleurs, les dossiers de la TCPL indiquent que les redresseurs qui assurent la protection du segment en question ont été hors service pendant diverses périodes totalisant environ 13 mois depuis 1976, en raison de travaux de construction et de contrôle, de pannes de courant, ou de dommages occasionnés par la foudre.

1.8 Protection cathodique sur le réseau de la TCPL

Les dossiers de la TCPL indiquent aussi un retard des travaux de réparation visant à corriger les problèmes de courant de PC inférieure aux critères à d'autres endroits sur le réseau. Un de ces endroits se trouve dans la région de Toronto (Ontario), et ces travaux devraient prendre fin au cours de 1995.

1.9 Essais métallurgiques

Une analyse métallurgique d'une conduite provenant du lieu de la rupture a permis de déterminer que la conduite s'est rompue en mode ductile occasionné par une surcharge à cause d'un important amincissement de la paroi de la canalisation par corrosion externe. Cette rupture s'est produite durant la durée utile du gazoduc et n'était pas le résultat d'une défaillance de fabrication de la paroi de la conduite qui daterait de la période précédant son installation. La défaillance qui a causé la rupture a pris son origine dans une section corrodée de la surface extérieure mesurant environ 1 440 mm de longueur et 1 210 mm de largeur. Rien n'indique que les dommages avaient été causés au moment de la construction. La paroi de la conduite, à l'endroit où la rupture s'est d'abord produite, avait perdu jusqu'à 70 p. 100 de sa matière. La plaque de corrosion qui est à l'origine de la rupture était située entre les positions cinq et six heures sur la surface extérieure de la conduite, vue dans la direction de l'écoulement. Un examen visuel des autres joints de soudure prélevés sur la conduite immédiatement à côté de l'endroit où la rupture s'est d'abord produite a permis de découvrir d'autres signes de piqûres de corrosion, moins importantes toutefois.

2.0 Analyse

2.1 Introduction

L'analyse métallurgique a identifié la corrosion généralisée de l'extérieur de la conduite comme étant à l'origine d'un affaiblissement du gazoduc qui a abouti à une cassure ductile par surcharge de la paroi de la conduite. La rupture de la conduite et la perte de pression de service interne ont provoqué une réaction immédiate, déclenchant la mise en oeuvre d'une série de mesures d'urgence opportunes par le personnel de la TCPL.

L'analyse portera surtout sur le revêtement et les conditions environnementales qui ont contribué à la détérioration de la conduite, ainsi que sur les politiques et les pratiques employées par la TCPL en ce qui concerne la mise en oeuvre et la vérification de l'efficacité de son système de PC.

2.2 Examen des faits

2.2.1 Système de revêtement à l'asphalte

Le revêtement d'asphalte, qui était l'un des plus courants à l'époque de la construction de la canalisation 100-1 et de la section de la canalisation 100-2 en question, s'était considérablement détérioré avec le temps. Le fait que les demandes en PC aient tellement augmenté entre l'installation initiale en 1976 jusqu'à maintenant en offre la preuve. Après avoir été utilisé lors de la construction initiale de nombreux réseaux, le revêtement d'asphalte appliqué à chaud a largement été abandonné depuis par l'industrie des pipelines. Plusieurs importants facteurs techniques justifient cette décision. Avec le temps, on a découvert que les revêtements d'asphalte possédaient des caractéristiques d'adhésion relativement faibles, qu'ils avaient peu de résistance mécanique et qu'ils étaient hautement perméables à l'eau en comparaison des revêtements plus récents.

Si l'on considère la quantité de corrosion de surface trouvée à l'endroit de la rupture et sur les zones adjacentes de la conduite, la détérioration du revêtement en est la cause directe. Le manque de résistance mécanique de ce type de revêtement, les oscillations engendrées par l'exploitation normale du gazoduc, l'inclinaison rapide de la conduite à cause de la pente abrupte du terrain, et les contraintes extérieures élevées occasionnées par l'interaction entre la conduite et le sol (le roc et les matières granuleuses) sont tous des facteurs qui ont contribué à la détérioration du revêtement et permis la formation d'une pile de corrosion qui a progressé jusqu'à causer la rupture de la conduite. Le fait qu'il y avait beaucoup d'eau dans l'environnement autour de la conduite est un autre important facteur qui a contribué à la progression de la pile de corrosion. Le cours d'eau souterrain qui se trouvait dans les environs immédiats du lieu de l'événement s'est avéré une source d'oxygène continue qui a accéléré le processus de corrosion et contribué à la détérioration du revêtement.

2.2.2 Système de protection cathodique

Même si la TCPL mettait assidûment en pratique son programme d'inspection afin de déceler la corrosion et s'efforçait d'améliorer constamment son système pour que le gazoduc ait un niveau de PC adéquat, il n'en reste pas moins qu'il se peut que la protection contre la corrosion fournie à cette section du réseau était inadéquate, et ce depuis 10 ans.

Depuis sa construction en 1972 jusqu'en 1976, il se peut que la canalisation 100-2 n'ait jamais été protégée adéquatement contre la corrosion parce que son système de PC était alors superposé au seul redresseur de la canalisation 100-1 installé en 1960. Bien qu'il ne semble pas y avoir eu de problèmes inhabituels avec la PC dans cette section entre 1976 et 1990, la TCPL a quand même installé des redresseurs additionnels et un grand nombre d'anodes sacrificielles. Selon les vérifications de courant conduite-sol, le personnel de la TCPL a recommandé depuis 1991 l'installation de redresseurs additionnels dans cette section du réseau, dans le cadre de travaux de correction de la PC, pour que les normes de l'industrie soient respectées. Toutefois, l'installation des redresseurs additionnels a été retardée à cause d'autres travaux de construction. Si les travaux de correction avaient été faits, le gazoduc aurait pu bénéficier d'une PC adéquate.

La situation, dans ce secteur, a été davantage compliquée par le fait que l'on ait dû mettre les redresseurs qui protégaient la section hors service pendant les travaux de construction et qu'ils aient, en tout et partout, été hors service pour diverses raisons pour environ 13 mois. Durant ces périodes d'interruption et de protection inadéquate contre la corrosion, la présence du cours d'eau souterrain a fourni une source constante d'oxygène qui a contribué au processus de corrosion et l'a même accéléré.

À cause des délais occasionnés par les travaux de construction, qui ont retardé l'application des mesures correctives qui auraient assuré un courant imposé minimal, et parce que l'on n'a pas tout mis en oeuvre pour s'assurer que le système de PC fonctionnait, jusqu'à 70 p. 100 de la paroi de la conduite s'est corrodée à l'endroit de la rupture. La TCPL est au courant qu'il existe plusieurs endroits où l'application du programme de réparations correctives du réseau a été recommandée afin de ramener le degré de PC à des niveaux acceptables mais que ces recommandations n'ont pas été mises en application. L'un de ces endroits où la situation est la plus pressante se situe dans la région du Toronto métropolitain.

2.2.3 Inspection interne visant la perte en métal des zones corrodées

Depuis sa construction, cette section de la canalisation 100-2 a toujours été l'objet de préoccupations de la part de la TCPL, parce qu'étant construite dans le roc, son intégrité structurale est constamment menacée. La TCPL a effectué des inspections internes visant à déceler les bosselures et les autres dommages structurels occasionnés par les travaux de construction et les autres contraintes extérieures comme les dommages causés par le roc. Ces inspections internes n'ont toutefois pas permis d'identifier les zones touchées par les pertes en métal. La TCPL et les autres compagnies de pipelines sous l'autorité de l'ONE n'étaient pas dans l'obligation de faire sur une base régulière des inspections internes de leurs réseaux afin de déceler les pertes en métal. Depuis sa mise au point dans le milieu des années 1970, le matériel d'inspection interne des pertes en métal, après avoir franchi diverses étapes de développement qui en ont grandement amélioré le rendement, a atteint un niveau de perfectionnement tel qu'il peut désormais identifier à tout coup les zones de corrosion semblables à celle qui a causé l'événement.

3.0 Faits établis

3.1 Faits établis

  1. La rupture du gazoduc a pris naissance à un point de la surface de la paroi de la conduite qui avait été considérablement amincie par la corrosion externe.
  2. Il y avait d'autres endroits où la paroi avait été considérablement amincie par la corrosion externe à la hauteur des joints des conduites adjacentes.
  3. Entre 1972, année de l'installation de la canalisation 100-2, et 1976, on a procuré peu ou pas de protection cathodique (PC) à la canalisation 100-2 parce que son système de protection était superposé à celui de la canalisation 100-1 pendant cette période.
  4. De 1990 à 1994, les projets de réparation corrective du système de PC de cette section de la canalisation 100-2 ont été retardés à cause de la construction d'un nouveau gazoduc, en dépit du fait que le niveau de PC était en-dessous de la norme minimale de l'industrie de 850 millivolts (mV).
  5. De 1976 jusqu'à maintenant, les redresseurs qui assurent la protection de cette section du gazoduc ont été hors service pendant environ 13 mois.
  6. La section a été installée en 1972 dans un endroit où la résistivité du sol est élevée, où un cours d'eau souterrain agit comme source continue d'oxygène et où le sol est rocheux et a une pente abrupte. Tous ces facteurs ont contribué à la détérioration du revêtement et à la formation d'une pile de corrosion.
  7. On a découvert que les revêtements d'asphalte ont tendance à se détériorer avec le temps et que, pour cette raison, on doit leur procurer une meilleure protection, comme en fait foi l'installation d'un plus grand nombre de redresseurs dans cette section pour satisfaire à la norme minimale de l'industrie en matière de PC, qui se situe à 850 mV.

3.2 Cause

La rupture a été causée par une cassure ductile due à une surcharge parce que la paroi de la canalisation s'était considérablement amincie à cause de corrosion externe.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures prises

4.1.1 Entretien du gazoduc et protection cathodique (PC)

En septembre 1994, la TCPL a effectué une inspection interne des pertes en métal d'une section de la canalisation 100-2 à l'aide d'appareils haute résolution. Sept endroits gravement corrodés ont été détectés sur les 140 km de conduite inspectés.

La TCPL a aussi fait l'examen de ses dossiers sur la PC afin d'identifier les endroits où les travaux de réparation du système de PC étaient en retard ou qui présentaient des niveaux de courant imposé trop bas.

Les renseignements recueillis lors de l'inspection et de l'examen des dossiers ont formé la base d'un effort soutenu visant à développer un modèle statistique et une base de données qui permettraient de prévoir la susceptibilité à la corrosion. La TCPL a l'intention d'utiliser sa liste de priorités de susceptibilité à la corrosion mise au point à partir du modèle et de la base de données pour dresser un calendrier de ses inspections internes des pertes en métal.

Le programme d'entretien des pipelines de la TCPL pour 1995 prévoit que les sections de vannes de canalisation principale qui se trouvent dans les deux régions les plus peuplées et qui ont été identifiées par l'inspection et l'examen soient inspectées à l'aide d'appareils à haute résolution d'inspection interne des pertes en métal.

4.1.2 Redresseurs de protection cathodique

La TCPL a mis au point un système de commande à distance raccordé sur des redresseurs et qui lui permet d'identifier immédiatement les défectuosités de fonctionnement et de réduire les temps morts. La mise en oeuvre du système se fait conjointement à des travaux d'amélioration du réseau de contrôle du système et d'acquisition des données (SCADA).

4.1.3 Technique de vérification des variations du champ cathodique

La TCPL a mis à l'essai une nouvelle technique de vérification des variations du champ cathodique qui, dans le cadre de son programme d'entretien normal, pourrait servir à détecter les anomalies ou les manquements dans le revêtement extérieur de son réseau. On a utilisé cette technique à des endroits où la canalisation était enfouie dans le roc et recouverte d'un revêtement extérieur d'asphalte et que des inspections internes de pertes en métal avaient identifiées comme zones de corrosion. À moins que d'importants progrès technologiques ne soient accomplis dans ce domaine, la TCPL n'a pas l'intention d'utiliser cette technique dans des environnements semblables.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau, qui est composé du Président, John W. Stants, et des membres Zita Brunet et Hugh MacNeil.