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Rapport d'enquête maritime M97M0094

Homme à la mer
Petit bâtiment à passagers
« MACDONALD'S III »
Port de Charlottetown (Île-du-Prince-Édouard)
Le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le « MACDONALD'S III » effectuait une promenade de plaisance dans le port de Charlottetown avec 34 passagers et 3 membres d'équipage à son bord. Un des passagers est tombé à l'eau et est resté introuvable malgré les efforts déployés par le personnel du « MACDONALD'S III ». Son corps a été retrouvé dans la partie sud-est du port de Charlottetown le 20 septembre 1997.

Renseignements de base

Nom « MACDONALD'S III »
Port d'immatriculation : Charlottetown (Île-du-Prince-Édouard)
Pavillon : Canada
Numéro d'immatriculation: 328781
Type de navire : Petit bâtiment à passagers en bois de type « Cape Island »
Jauge brute : 22 tjb
Longueur : 12 m
Membres d'équipage : 3
Passagers : 34
Propulsion : Moteur diesel Ford, 2 x 135 H.P.
Construction : 1967, Lower W. Pubnico (Nouvelle-Écosse)
Propriétaire : Imperial Water Cruises, Charlottetown, (Île-du-Prince-Édouard)

De type « Cape Island », le bâtiment était auparavant un transporteur côtier local. Il était autorisé à embarquer au plus 40 passagers et 3 membres d'équipage.

Le navire était muni d'un pare-vent constitué de feuilles de plastique transparent reliées par des fermetures éclair et montées sur une armature métallique. Ce pare-vent assurait une protection contre le vent et la pluie des deux côtés du bâtiment. Il n'y avait pas de pare-vent de ce genre à l'extrémité arrière du pont du coffre. Pour passer de celui-ci au pont arrière étroit, il fallait simplement descendre sur le banc de nage arrière et prendre pied sur le pont arrière.

L'équipement de survie comprenait 44 gilets de flottaison rangés dans une caisse non identifiée placée sur le pont du coffre, ainsi que quatre bouées de sauvetage dont l'une était munie d'une lampe à allumage automatique. L'équipement comprenait également trois radeaux de sauvetage à gonflement automatique rangés au-dessus de la timonerie.

Un certificat d'inspection de sécurité avait été délivré pour ce bateau par le bureau de Charlottetown (Î.-P.-É) de Transports Canada, le 27 mai 1997 et il était valide jusqu'au 30 septembre 1997. Le certificat autorisait les voyages effectués dans le port de Charlottetown et ses approches, uniquement par beau temps et sans s'éloigner à plus de cinq miles du rivage. Le bâtiment a heurté un pilier submergé dans le havre de Charlottetown le 17 septembre 1997 et fut déclaré subséquemment en état de perte totale.

Étant donné son âge avancé, le « MACDONALD'S III ;» profitait d'un droit acquis qui l'exemptait de certains critères de stabilité, qu'il y ait ou non des passagers à bord.

Le capitaine a déclaré qu'il avait déjà discuté, avec les membres d'équipage, de la possibilité que des passagers tombent à la mer, mais ils n'ont jamais fait d'exercice de récupération en prévision de telles situations.

Pour être exploité en tant que bâtiment à passagers, un navire doit être inspecté et muni des permis et certificats nécessaires. Cependant, il est possible également d'exploiter un navire en affrètement, c'est-à-dire lorsqu'un particulier ou une société le prend en location dans le but d'offrir une activité agréable à des amis, des clients ou des associés. Dans ce cas, les personnes à bord, ne sont pas, par définition, des passagers.

La plupart des exploitants de bateaux affrétés font inspecter leurs bâtiments en conformité avec une norme permettant d'obtenir de Transports Canada un certificat de petit bâtiment à passagers. L'exploitant peut alors embarquer des groupes composés de personnes prêtes à payer pour s'offrir un voyage d'excursion ou de pêche.

Les exploitants de ces petits bâtiments à passagers ont habituellement peu de difficultés à obtenir un permis pour la vente d'alcool à bord. Étant donné le peu d'espace disponible, le bar est habituellement installé dans la timonerie. C'est là qu'il se trouvait durant la soirée du 16 août 1997 et que l'affréteur offrait des verres gratuitement.

Dans le port de Charlottetown et dans les autres ports de l'Île-du-Prince-Édouard où ces bâtiments sont exploités, ils sont appelés communément « booze boats », au sens de « tavernes flottantes ».

C'est à la suite d'un accord verbal, que le « MACDONALD'S III » avait été affrété par le propriétaire d'une société qui voulait en faire profiter son personnel. Le propriétaire de la société et le propriétaire du bateau s'étaient entendus sur la durée de l'affrètement, sur le prix et sur la consommation gratuite d'alcool.

Le propriétaire de la société et 32 membres de son personnel ont pris place à bord du bateau le 16 août, entre 19 h et 19 h 15.Note de bas de page 1 Aucun membre d'équipage ne les a accueillis à bord ni avisé de l'emplacement ou de l'utilisation d'équipement de sécurité au moyen du système d'interphonie de bord.

Aucune affiche ni dessin ne montrait la manière d'endosser et attacher correctement un gilet de sauvetage ni ne faisait connaître l'emplacement des radeaux de sauvetage pneumatiques et la manière d'y prendre place.

Le bâtiment a quitté la gare maritime de Charlottetown vers 19 h 15 ; tous les passagers étaient assis sur la périphérie du pont du coffre. Ils visitaient le bar et se servaient de la seule toilette qui se trouvait dans la cabine avant (rouf), à laquelle ils avaient accès en passant par la timonerie.

Vers 20 h 45, alors que le bâtiment naviguait au large du Charlottetown Yacht Club, le capitaine a remarqué qu'un passager titubait et il a donné l'ordre au barman de ne plus lui servir d'alcool. L'affréteur a suggéré de lui servir un coke sans rhum au lieu de l'empêcher de consommer de l'alcool au bar. À ce moment, le passager avait déjà consommé trois double portions de rhum dans du coke en 40 ou 45 minutes environ. On lui avait dit de s'asseoir sur le pont du coffre, où des bancs étaient installés sur les deux côtés dans l'axe longitudinal ainsi que dans le sens perpendiculaire à l'arrière. Le capitaine a également demandé à d'autres passagers de le garder à l'oeil. Mais, 10 à 15 minutes plus tard, l'homme est tombé à la mer et le capitaine a entendu des passagers appeler à l'aide pour qu'il soit récupéré.

Des observateurs ont confirmé que l'homme était auparavant monté sur la partie bâbord du pont arrière et qu'il avait commencé à danser (une gigue, dans le jargon local). D'autres passagers qui se trouvaient à côté avaient tenté de le persuader de revenir sur le pont du coffre, mais, au lieu de les écouter, il est monté sur la hanche tribord, où une ancre et un câble enroulé étaient rangés, sur le pont. Il s'est remis à danser la gigue malgré l'insistance des autres passagers pour qu'il redescende sur le pont du coffre. Il est tombé à l'eau peu de temps après.

Le capitaine a donné l'ordre au lieutenant, qui tenait la barre, de mettre celle-ci à bâbord toute et de communiquer avec la station radio de la Garde côtière par radiotéléphone VHF. Il a dit au lieutenant de décrire la situation à la Garde côtière alors qu'il se rendait lui-même à l'arrière pour saisir une bouée de sauvetage et tenter de repérer l'homme tombé à la mer.

Peu après, un passager musclé et bon nageur s'est jeté à l'eau pour secourir l'autre. On a lancé une bouée de sauvetage à ce sauveteur éventuel, qu'on a vu plonger sous l'eau à la recherche de l'homme tombé à la mer.

L'affréteur a dit au capitaine que l'homme tombé à la mer se trouvait juste derrière un voilier à environ 50 pieds (15 m) derrière le « MACDONALD'S III ». L'affréteur a alors enlevé une partie de ses vêtements, a plongé et a commencé à nager vers cet endroit.

Selon les personnes qui le connaissaient, l'homme tombé à la mer était un bon nageur. Lorsqu'il était dans l'eau, cet homme ne montrait aucun signe de détresse; par exemple, il n'agitait pas les bras pas plus qu'il n'appelait à l'aide. Selon les rapports, il est demeuré visible durant 30 à 60 secondes.

La température à la surface de l'eau dans le port de Charlottetown ce jour-là, le 16 août, était de 12 à 14°C environ. Selon la documentation produite par la Croix-Rouge canadienne, une personne peut survivre durant 4 heures environ dans l'eau à cette température.

Le capitaine, l'équipage et les nombreuses personnes qui se trouvaient à bord ont fait de leur mieux pour repérer l'homme tombé à la mer, mais il n'a jamais été revu. Leur tâche était d'autant plus difficile que le projecteur du bateau ne fonctionnait pas.

Le passager qui s'était improvisé sauveteur a été retiré de l'eau; il n'avait pas cessé de tenir la bouée de sauvetage. On a retrouvé l'affréteur par la suite, à bord d'un voilier amarré au club nautique de Charlottetown.

L'homme tombé à la mer n'a pas été retrouvé malgré les recherches effectuées dans le secteur par le « MACDONALD'S III », d'autres bateaux locaux, un aéronef, une équipe de plongeurs de la Gendarmerie royale du Canada et des gens qui participaient aux recherches sur le rivage. Son corps a été retrouvé dans la partie sud-est du port de Charlottetown le 20 septembre 1997.

Analyse

Le certificat d'inspection (no 16) délivré par Transports Canada énumère les articles d'équipement de sauvetage exigés à bord de ce bateau. Ce matériel comprend 3 radeaux de sauvetage pneumatiques pouvant accueillir 45 personnes en tout, ainsi que 4 bouées de sauvetage et 44 gilets de flottaison.

Les gilets de flottaison étaient rangés dans une caisse non identifiée placée sur le pont du coffre. Aucune affiche n'indiquait la manière de les endosser et attacher correctement. Aucun des membres d'équipage n'a fait une annonce ni une démonstration à l'intention des passagers au moment de l'embarquement, pour les renseigner sur l'équipement de sauvetage.

Ni le propriétaire ni le capitaine n'avaient adopté une consigne d'intervention en cas de chute d'homme à la mer. Le capitaine et l'équipage avaient abordé la question, mais aucun exercice n'avait suivi. Une démonstration de ce genre n'est pas exigée par Transports Canada, ni la démonstration de l'utilisation pratique des radeaux de sauvetage pneumatiques ou des bouées de sauvetage.

Le BST a produit un rapport - numéro M95M0092 - après l'échouement du « MACDONALD'S III » avec 15 passagers à bord près du port de Charlottetown en 1995. La cause a été attribuée au fait que le bar et de nombreuses personnes non essentielles à la navigation se trouvaient à proximité du poste de navigation dans la timonerie.

On ne sait pas si l'homme tombé à la mer avait consommé de l'alcool avant d'embarquer. Toutefois, il a été confirmé qu'il avait consommé trois double rum-and-cokes en 40 ou 45 minutes alors qu'il était à bord. Son comportement, avant la chute, était tel que le capitaine a donné au barman l'ordre de ne plus lui servir de boisson alcoolisée. Le barman avait déjà cessé de lui en donner après avoir observé l'attitude instable du client.

Les interventions des deux sauveteurs improvisés, bien que bonnes en soi, ont multiplié les responsabilités du capitaine, qui devait désormais s'occuper de trois hommes à la mer au lieu d'un seul.

L'homme qui est tombé à la mer a été aperçu dans l'eau durant 30 à 60 secondes puis n'a plus été revu.

Faits établis

  1. Les passagers ont embarqué sans être accueillis par l'équipage du « MACDONALD'S III ».
  2. Aucune information n'a été fournie aux passagers au sujet de l'emplacement des radeaux de sauvetage pneumatiques, des bouées de sauvetage, des gilets de flottaison et de l'équipement de lutte contre l'incendie.
  3. Aucun avis relatif à l'utilisation de l'équipement de sécurité n'était affiché.
  4. Aucun exercice de récupération d'homme à la mer n'avait été exécuté.
  5. Le grand nombre de personnes non essentielles à la navigation présentes dans le petit local de la timonerie était une cause de distraction pour le capitaine et ses membres d'équipage.
  6. Avant la chute de l'homme, d'autres passagers ont tenté vainement de le persuader de rester assis sur le pont du coffre.

Causes et facteurs contributifs

L'homme est tombé à la mer parce qu'il avait quitté les autres lieux sans danger du bateau et qu'il dansait sur une partie étroite et encombrée du pont arrière.

Il se peut que la consommation d'alcool ait favorisé son comportement irresponsable et son indifférence à l'égard des dangers possibles.

Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet événement. Le Bureau, composé du président Benoît Bouchard et des membres Maurice Harquail, Charles Simpson et W.A. Tadros, en a autorisé la diffusion le .

Annexes

Annexe A - Photographies

Le « MACDONALD III »
Le « MACDONALD III »
  1. Caisse non-identifiée dans laquelle se trouvaient les gilets de flottaison
  2. Endroit d'où l'homme est tombé à la mer
A. Caisse non-identifiée dans laquelle se trouvaient les gilets de flottaison B. Endroit d'où l'homme est tombé à la mer

Annexe B - Croquis du secteur de l'accident