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Rapport d'enquête aéronautique A08Q0110

Perte de références visuelles et
collision avec la surface de l'eau
de l'hélicoptère Eurocopter EC 120B C-GHNI
au lac à l'Épaule (Québec)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Vers 9 h 7, heure avancée de l'Est, l'hélicoptère EC 120B, immatriculé C-GHNI, numéro de série 1131, quitte le secteur du lac des Neiges (Québec) pour effectuer un vol privé selon les règles de vol à vue à destination de l'aéroport international de Québec/Jean-Lesage, situé à 42 milles marins (nm) au sud. Environ 15 minutes après le décollage, les conditions météorologiques se dégradent, et le pilote décide de se poser au lac à l'Épaule, à 28 nm au nord de sa destination. Alors qu'il survole le lac à basse altitude pour examiner l'aire d'atterrissage qu'il a choisie, le pilote met en marche le désembueur à air chaud pour éliminer la condensation sur le pare-brise, mais le pare-brise s'embue immédiatement. L'hélicoptère perd de l'altitude et percute la surface de l'eau. Le pilote et le passager sont légèrement blessés mais réussissent à évacuer l'hélicoptère. Le pilote se met à nager en direction de la rive en remorquant le passager. Deux pêcheurs dans une petite embarcation leur portent secours et ils sont transportés à l'hôpital en ambulance. Le passager meurt par la suite. L'hélicoptère coule dans 25 pieds d'eau à environ 500 pieds de la rive et est lourdement endommagé.

Renseignements de base

Déroulement du vol

Le pilote et le passager avaient été invités à une excursion de pêche dans une pourvoirie située dans le secteur du lac des Neiges. Le 16 juin 2008, l'hélicoptère EC 120B a quitté l'aéroport international de Québec/Jean-Lesage (CYQB) pour se rendre dans le secteur du lac des Neiges où il a atterri comme prévu. L'hélicoptère est resté au sol sous la pluie pendant les deux jours qui ont suivi.

Le matin du 19 juin 2008, l'hélicoptère EC 120B a été inspecté et préparé en vue du vol de retour vers CYQB. Vers 9 h 7Footnote 1, l'hélicoptère a décollé pour effectuer un vol selon les règles de vol à vue (VFR) avec à son bord le pilote et le passager. Le pilote était en place droite et le passager, en place gauche. Conformément à sa certification, l'hélicoptère EC 120B peut être piloté à partir du siège droit ou du siège gauche. Des conditions météorologiques de vol à vue (VMC) marginales prévalaient au moment du départ. Le pilote a jugé que la visibilité était d'environ 10 milles terrestres (sm) avec un plafond situé de 300 à 600 pieds au-dessus du sol (agl). Il n'y avait aucune précipitation. Avant le départ, le pilote n'a pas vérifié les prévisions météorologiques pour l'itinéraire prévu. La pourvoirie n'offrait pas de service Internet, mais il y avait un téléphone qui aurait pu être utilisé pour obtenir un exposé météorologique.

Des averses de pluie ont débuté et ont lentement pris de l'ampleur alors que le pilote traversait une vallée en direction du lac à l'Épaule situé à la limite sud-est du Parc national de la Jacques-Cartier. Pendant qu'il survolait le lac, le pilote a remarqué deux chalets sur la rive est : un du côté nord et l'autre du côté sud. Le pilote a poursuivi sa route vers le sud-ouest et a traversé une vallée au-delà du lac à l'Épaule. Les averses de pluie ont continué à prendre de l'ampleur et les couches de nuages ont empêché l'appareil de passer par la vallée. Le pilote a donc décidé de retourner au lac à l'Épaule pour se poser près d'un des chalets qu'il avait aperçus plus tôt et attendre que la météo s'améliore.

N'ayant pas trouvé une aire convenable pour atterrir en toute sécurité près du chalet situé du côté sud du lac, le pilote s'est dirigé vers le chalet du côté nord du lac (voir l'Annexe A - Lac à l'Épaule). Alors qu'il se dirigeait vers le nord, à environ 100 pieds agl au-dessus du lac, de la condensation a commencé à se former sur le pare-brise au moment où le pilote a réduit la vitesse. La visibilité était réduite à l'extérieur en raison des fortes averses de pluie. Le pilote a mis en marche le désembueur à air chaud pour éliminer la condensation sur le pare-brise, mais, au lieu du résultat attendu, le pare-brise et les fenêtres latérales avant se sont immédiatement embués, ce qui a complètement obstrué la visibilité vers l'extérieur. L'hélicoptère qui se trouvait à environ 100 pieds agl est descendu et a percuté la surface de l'eau à une vitesse estimée de 20 à 30 nœuds. Des données de position extraites du GPS ont été utilisées dans l'Annexe A.

Les deux occupants portaient leur ceinture de sécurité et leur baudrier, et ils ont été légèrement blessés. Ils ont réussi à évacuer l'hélicoptère et à grimper sur l'appareil pendant qu'il coulait. Le pilote a donné un coussin de siège au passager pour qu'il l'utilise comme dispositif de flottaison, et il l'a aidé à atteindre la rive. Alors que le pilote nageait vers la rive en remorquant le passager, deux pêcheurs à bord d'une embarcation leur ont porté secours. Les deux hommes n'ont pu être hissés à bord car l'embarcation était trop instable. Le pilote s'est agrippé au bord de l'embarcation tout en tenant le passager jusqu'à la rive. Une fois à terre, on a constaté que le passager était inconscient, et des ambulances ont été appelées pour transporter les deux blessés à l'hôpital. Bien que le passager ait survécu à l'accident, il est décédé par la suite d'une arythmie cardiaque causée par l'immersion dans l'eau froide et le stress intense. L'accident est survenu de jour vers 9 h 25.

Le relief est montagneux entre le secteur du lac des Neiges et le lac à l'Épaule, et les élévations dans ce secteur varient de 2275 pieds à 3775 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl). Le lac à l'Épaule est orienté du nord au sud, et il mesure environ 6000 pieds de longueur et 3000 pieds de largeur à son point le plus large. Les deux chalets situés sur la rive est du lac sont accessibles par des routes différentes.

Dommages à l'hélicoptère

Trois jours après l'accident, l'épave de l'hélicoptère a été repêchée et transportée dans un hangar où les enquêteurs du BST ont pu l'examiner. Ils ont constaté que les glaces de pare-brise du côté gauche et du côté droit avaient éclaté et que la porte coulissante gauche était sortie de sa glissière au moment de l'impact. Le tableau avionique et de bord était légèrement déformé vers l'intérieur de la cabine. Par contre, les sièges et les structures des sièges n'étaient pas déformés. Les ceintures-baudriers à quatre points d'ancrage et les enrouleurs étaient intacts, et ils ont probablement empêché le haut du corps des occupants d'effectuer un mouvement vers l'avant à l'impact, ce qui a permis de réduire leurs blessures. La cabine de l'hélicoptère était peu déformée.

La radiobalise de repérage d'urgence (ELT) (de marque Pointer, modèle 4000-10, numéro de série 408850), a été retrouvée intacte, mais elle avait été submergée dans l'eau immédiatement après l'impact. Selon l'information recueillie, l'interrupteur était sur AUTO lorsque l'ELT a été repêchée, mais le signal ne s'est pas déclenché, ce qui est probablement dû à des forces d'impact insuffisantes qui se sont exercées dans l'axe du contact de décélération. L'ELT a fait l'objet d'un test de fonctionnement, et elle a fonctionné correctement.

Conditions météorologiques

Les cartes météorologiques des prévisions de zone graphique (GFA) indiquent qu'une dépression se déplaçait vers l'est du Québec et affectait la région où le vol ayant mené à l'accident s'est déroulé. Les GFA annonçaient les conditions suivantes : visibilité de 3 milles terrestres (sm) à plus de 6 sm dans des averses de pluie de faible intensité et du brouillard, nuages altocumulus castellanus à 18 000 pieds asl et plafond par endroits à 700 pieds agl (voir l'Annexe B - Prévisions de zone graphique).

La station de compte rendu météorologique pour l'aviation la plus proche du lieu de l'accident se trouve à CYQB. À 9 h, le message d'observation météorologique régulière pour l'aviation (METAR) pour CYQB faisait état des conditions suivantes :

Vent du 100 °T à 6 nœuds, visibilité de 6 sm dans de la pluie de faible intensité et du brouillard, nuages épars à 900 pieds agl, nuages fragmentés à 1900 pieds agl, ciel couvert à 2800 pieds agl, température de 14 °C, point de rosée à 13 °C, calage altimétrique de 29,84 pouces de mercure.

Les prévisions d'aérodrome (TAF) pour CYQB valides à compter de 8 h 12 le 19 juin 2008 étaient les suivantes :

Vent du 070 °T à 5 nœuds, visibilité de 6 sm dans de la pluie de faible intensité et du brouillard, nuages fragmentés à 800 pieds agl, ciel couvert à 2000 pieds agl. Temporairement entre 8 h et 10 h, visibilité supérieure à 6 sm, aucune condition météorologique importante, nuages épars à 800 pieds agl, ciel couvert à 2000 pieds agl. À compter de 10 h, vent du 080 °T à 8 nœuds, visibilité supérieure à 6 sm, quelques nuages à 800 pieds agl, nuages fragmentés à 2000 pieds agl. Temporairement entre 10 h et 12 h, nuages fragmentés à 3000 pieds agl.

Pour la durée du vol ayant mené à l'accident, le radar météorologique de Villeroy, qui est situé au sud-ouest de Québec, montrait des averses de pluie plus fortes dans la région montagneuse du Parc national de la Jacques-Cartier ainsi que des précipitations de moindre intensité au sud et au nord du Parc (voir l'Annexe C - Radar météorologique de Villeroy).

L'hélicoptère appartenait au pilote, et il était utilisé à des fins privées. Dans un tel cas, le Règlement de l'aviation canadien (RAC)Footnote 2 stipule qu'il est interdit à quiconque d'utiliser un aéronef en vol VFR dans l'espace aérien non contrôlé à moins que l'aéronef soit utilisé hors des nuages avec des repères visuels à la surface. Dans le cas d'un hélicoptère, si l'aéronef est utilisé à moins de 1000 pieds agl. la visibilité en vol doit être d'au moins un mille le jour.

Renseignements sur le pilote

Le pilote a obtenu une licence canadienne de pilote privé - hélicoptère en mai 2002. Il a suivi sa formation sur un hélicoptère Bell 206. En août 2003, il a obtenu l'annotation lui permettant de piloter l'EC 120. Au moment de l'accident, il était titulaire d'un certificat médical de l'aviation de catégorie 3 valide. Depuis l'achat du EC 120B en 2003, le pilote avait effectué environ 1296 heures de vol à son bord. Il était également titulaire d'une licence de pilote privé d'aéronef à voilure fixe, valable pour des aéronefs sur flotteurs, qu'il avait obtenue en 1992. Le pilote totalisait environ 3434 heures de vol sur des aéronefs à voilure fixe, et 1663 heures de vol sur des hélicoptères.

Renseignements sur l'hélicoptère

L'hélicoptère était entretenu par un organisme de maintenance agréé (OMA) conformément à la réglementation en vigueur et à un programme approuvé de maintenance et d'inspection. Toutes les consignes de navigabilité et toute la maintenance nécessaire avaient été exécutées. Les dossiers de maintenance indiquent que l'EC 120B avait effectué 30 heures de vol depuis sa dernière inspection annuelle/inspection aux 100 heures. Aucune anomalie n'avait été signalée. La masse et le centrage de l'hélicoptère se trouvaient dans les limites prescrites au moment de l'accident. Le pilote n'a signalé aucun problème technique avant la collision avec le plan d'eau. L'hélicoptère n'était pas certifié ni équipé pour voler dans des conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC), et la réglementation ne le prescrivait pas.

La Figure 1 présente le circuit de ventilation, de chauffage et de désembuage de l'EC 120B. L'air extérieur passe par l'entrée d'air avant, et la prise de ventilation l'envoie vers le compartiment avant droit du capot. Un ventilateur de soufflage envoie ensuite l'air vers le circuit de distribution par un orifice dans le plafond de la cabine. Le circuit de distribution d'air comprend une gaine installée dans le plafond de la cabine, qui suit l'axe longitudinal de l'hélicoptère. Cette gaine est divisée en deux branches. Si le ventilateur de soufflage est sélectionné en position ouverte (ON), seulement de l'air frais de l'extérieur est introduit à l'intérieur de la cabine. Pour désembuer le pare-brise et les fenêtres de l'hélicoptère, le pilote doit régler le bouton de commande du robinet-vanne qui se trouve au plafond de la cabine, entre les deux sièges avant. L'air extérieur se mélange à l'air chaudFootnote 3 qui est prélevé de la sortie (P2) du compresseur centrifuge. Afin d'obtenir une circulation d'air optimale vers le pare-brise, le pilote doit fermer les grilles d'aération qui alimentent l'arrière de la cabine. L'examen de l'hélicoptère effectué après l'accident a révélé que le bouton de commande du robinet-vanne P2 et les grilles d'aération étaient réglés correctement pour fournir une circulation d'air optimale vers l'avant, conformément aux instructions du manuel de vol de l'EC 120B. Dans le cas où le pare-brise devient embué, l'EC 120B est muni d'une fenêtre mauvais temps que le pilote peut ouvrir en vol, s'il a le temps, pour continuer le vol tout en regardant à l'extérieur sur le côté de l'appareil.

Figure 1. Circuit de ventilation, de chauffage et de désembuage de la cabine.
Figure of Circuit de ventilation, de chauffage et de désembuage de la cabine.

L'humidité de l'air représente la quantité de vapeur d'eau contenue dans l'air à un moment donné. Plus la température est élevée dans un endroit donné, plus elle peut contenir de vapeur d'eau. L'air est saturé lorsqu'il contient un niveau maximal de vapeur d'eau. Si l'air saturé est refroidi, il contiendra plus de vapeur d'eau qu'il ne lui est possible d'en retenir. La vapeur d'eau excédentaire se transformera, passant d'un gaz à des gouttelettes d'eau visibles. C'est ainsi que sont formés les nuages et le brouillard. Le processus qui transforme la vapeur d'eau en gouttelettes d'eau est connu sous le nom de condensation. L'humidité relative désigne le degré de saturation. Le phénomène de condensation est généralement connu par les pilotes, et sa formation est possible peu importe le type d'aéronef.

L'hélicoptère est resté stationné pendant deux jours dans des conditions humides et pluvieuses. Quand il a quitté le secteur du lac des Neiges, le pilote a mis le ventilateur de soufflage sur ON, mais il n'a pas sélectionné le mode désembuage à air chaud, car les deux occupants étaient à l'aise à l'intérieur de la cabine. La dernière étape du vol s'est déroulée dans des averses de pluie moyennes et abondantes. L'air extérieur était donc saturé. La température extérieure au moment de l'accident était d'environ 8 °C à 3000 pieds asl. La pluie froide provenant d'une altitude supérieure a refroidi le pare-brise, qui aurait été beaucoup plus froid que la température ambiante à l'intérieur de la cabine de l'hélicoptère.

L'humidité engendrée par la journée humide et pluvieuse aurait suffisamment imprégné les tapis, les sièges, les occupants et leurs vêtements pour que le taux d'humidité de la cabine atteigne presque 100 %, ce qui aurait entraîné une lente formation de condensation sur le pare-brise. Lorsque le pilote a sélectionné le désembuage à air chaud pour éliminer la condensation sur le pare-brise avant l'atterrissage, tout le pare-brise et les fenêtres latérales se sont immédiatement embués.

Comme c'est le cas pour la plupart des hélicoptères légers, l'EC 120B n'est pas muni d'essuie-glace. Toutefois, cette option est disponible si le propriétaire désire en faire l'achat. À vitesse élevée, les précipitations s'écoulent du pare-brise plus facilement, en raison de la plus grande circulation d'air. En approche à l'atterrissage, le C-GHNI volait à basse vitesse. Les précipitations abondantes qui tombaient au moment de cette étape du vol aurait favorisé l'accumulation d'eau sur le pare-brise et réduit davantage la visibilité du pilote.

Opérations de vol

Dans un environnement tridimensionnel, le pilote utilise la vue, l'ouïe, le toucher et les sensations physiques pour déterminer sa position par rapport au sol. La vue fournit au corps les données les plus fiables, mais les organes de l'oreille interne jouent également un rôle important sur le plan de l'orientation spatiale. En raison de sa structure, l'oreille interne peut induire le pilote en erreur par rapport à sa position dans l'espace. Le pilote doit utiliser ses yeux pour valider les renseignements communiqués par l'oreille interne. Si des changements d'assiette, de vitesse ou d'altitude se font graduellement, l'oreille interne ne détectera pas immédiatement ces changements, et elle n'en informera pas le cerveau. Lors de vols exécutés à l'aide de repères visuels extérieurs, le pilote compte sur ces repères pour détecter tout changement d'altitude, de cap, de vitesse et de taux de variation d'un axe de vol. Sans repères visuels, un changement dans un des trois axes de vol peut passer inaperçu, ce qui peut mener à une perte de maîtrise de l'aéronef.

Le paragraphe 602.62(1) du RAC stipule qu'il est interdit [...] d'utiliser un aéronef au-dessus d'un plan d'eau au-delà d'un point où l'aéronef pourrait rejoindre le rivage dans l'éventualité d'une panne moteur, à moins que ne soit transporté à bord un gilet de sauvetage, un dispositif de flottaison individuel ou un vêtement de flottaison individuel pour chaque personne à bord. Comme le pilote ne prévoyait pas survoler de plans d'eau au-delà d'une distance de plané de la rive, il n'y avait aucun dispositif de flottaison à bord. Il n'est pas inhabituel d'exploiter un hélicoptère monomoteur à basse altitude au-dessus d'un plan d'eau pour effectuer certaines applications aériennes, mais en cas de perte de puissance ou de maîtrise, le pilote dispose de peu de temps pour redresser l'appareil. Il est fréquent pour les équipages de suivre des reliefs peu élevés comme des lacs, des rivières, des routes et des voies ferrées, dans des conditions de faible visibilité et de nuages bas. Le C-GHNI a survolé le lac à l'Épaule à la recherche d'une aire d'atterrissage convenable. L'hélicoptère se trouvait à 100 pieds au-dessus de la surface du lac, en approche à l'atterrissage, et il n'aurait pas pu effectuer un plané de 500 pieds pour atteindre la rive la plus proche en cas de panne moteur au-dessus du plan d'eau. Cependant, par faible visibilité, il était possible d'exécuter une approche sous un angle plus faible au-dessus du plan d'eau et d'éviter tout obstacle.

Le vol ayant mené à l'accident s'est déroulé par une journée relativement fraîche, à basse altitude. Par conséquent, conformément au manuel de vol de l'EC 120BFootnote 4, aucune restriction n'était imposée au pilote relativement à l'utilisation du désembueur à l'approche et à l'atterrissage. L'utilisation du désembueur dans ces conditions n'aurait pas eu d'incidence sur les performances de l'hélicoptère. Le manuel de vol n'alerte pas les pilotes sur les conséquences de l'utilisation du désembueur dans certaines conditions météorologiques, surtout lors des étapes critiques du vol. Même si le dispositif permet de désembuer efficacement le pare-brise, il peut toutefois embuer le pare-brise dans certaines conditions et ainsi réduire temporairement la visibilité extérieure.

Une recherche effectuée dans la base de données du BST n'a pas permis de trouver d'autres événements pertinents semblables au présent accident. La formation de condensation sur le pare-brise n'est pas un incident à signaler; par conséquent, les statistiques concernant ce genre d'événement ne reflètent pas nécessairement la fréquence de ces événements. Plusieurs pilotes d'EC 120B ont été contactés pour vérifier si le pare-brise de leur appareil s'était embué en approche finale à l'atterrissage. La plupart ont signalé que de tels incidents se sont produits au sol et que le pare-brise s'embuait souvent lorsque des passagers montaient à bord avec des vêtements mouillés, ce qui augmentait le taux d'humidité dans la cabine. Dans ce cas, le pilote devait attendre que le désembueur élimine la buée du pare-brise avant de décoller.

L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :

On peut obtenir ce rapport en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.

Analyse

Avant de quitter le secteur du lac des Neiges, le pilote n'a pas vérifié les prévisions météorologiques le long de l'itinéraire prévu. Même si les prévisions annonçaient surtout des conditions VFR, la météo annonçait des plafonds bas par endroits et des précipitations dans ce secteur. Le vol devait se dérouler en région montagneuse où la hauteur des nuages pouvait, par moment, nuire au passage de l'appareil à certains endroits, surtout au-dessus de terrains élevés. Le pilote a rencontré des conditions imprévues de visibilité réduite dans des averses de pluie fortes, à proximité du lac à l'Épaule, et il a dû trouver un endroit pour se poser en toute sécurité pour attendre que la météo s'améliore.

Le pilote a décidé d'effectuer une approche au-dessus du lac, ce qui lui a permis d'exécuter une approche sous un angle plus faible et de rester loin des obstacles difficiles à repérer. Il n'est pas inhabituel de survoler une rivière ou un lac par visibilité réduite. Toutefois, en cas d'imprévus (comme une panne moteur), l'hélicoptère peut ne pas se trouver à une distance de plané de la rive, ce qui représente un risque pour l'aéronef et ses occupants. Même en l'absence d'une aire d'atterrissage convenable le long de la rive, si l'hélicoptère avait volé plus près de la rive, cela aurait permis de réduire le risque lié au parcours d'une longue distance à la nage en eaux froides.

Lorsque le pilote a sélectionné le désembueur à air chaud pour éliminer la buée sur le pare-brise, l'air chaud provenant de la gaine de ventilation du plafond a été immédiatement refroidi au contact du pare-brise relativement plus frais. Ce refroidissement rapide a provoqué la condensation de l'air, ce qui a embué le pare-brise et les fenêtres latérales. Le pare-brise et les fenêtres latérales embués de l'hélicoptère ainsi que les fortes précipitations ont fait que le pilote n'a pas pu maintenir le contact visuel avec ses repères visuels extérieurs. Il n'a pas eu le temps d'ouvrir la fenêtre mauvais temps, ce qui aurait pu lui assurer un minimum de visibilité extérieure. Sans repères visuels extérieurs, le pilote ne s'est pas aperçu qu'il descendait à moins de 100 pieds agl, et l'hélicoptère a percuté la surface du lac à faible vitesse.

L'air chaud peut contenir plus d'humidité que l'air froid. Par conséquent, après un certain temps, l'air chaud entrant dans la cabine par les diffuseurs du plafond aurait réchauffé le pare-brise à une température telle que la vapeur d'eau contenue dans l'air chaud de la gaine ne se serait pas transformée en gouttelettes d'eau. À ce moment-là, le pare-brise aurait commencé à se désembuer. Par conséquent, si le désembueur avait été sélectionné à plus haute altitude, il est fort probable que le pare-brise aurait été désembué à temps pour que le pilote constate et interrompe la descente avant que l'hélicoptère ne percute le plan d'eau.

Aucune documentation n'alerte les équipages d'EC 120B sur le risque associé à la sélection du désembueur lors de certaines étapes critiques du vol; cette sélection peut, dans certaines conditions météorologiques, causer une perte provisoire de la visibilité extérieure et une perte de maîtrise de l'aéronef.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Les conditions météorologiques pour l'itinéraire prévu n'ont pas été vérifiées avant le départ du secteur du lac des Neiges. Le pilote a rencontré des conditions imprévues de visibilité réduite dans des averses de pluie moyennes à fortes et des nuages bas qui l'ont forcé à se poser.
  2. Le pare-brise s'est immédiatement embué après que le pilote a sélectionné le désembueur à air chaud. Le pare-brise embué et les fortes précipitations ont fait que le pilote n'a pas pu maintenir le contact visuel avec ses repères visuels extérieurs.
  3. Sans repères visuels extérieurs, le pilote ne s'est pas aperçu qu'il descendait à moins de 100 pieds au-dessus du sol (agl), et l'hélicoptère a percuté la surface du lac. Il n'a pas eu le temps d'ouvrir la fenêtre mauvais temps, ce qui aurait pu lui assurer un minimum de visibilité extérieure.

Faits établis quant aux risques

  1. L'approche à l'atterrissage s'est déroulée au-delà d'une distance de plané de la rive, ce qui présentait un risque pour l'hélicoptère et ses occupants en cas d'imprévus.
  2. Aucune documentation n'alerte les équipages d'EC 120B sur le risque associé à la sélection du désembueur lors de certaines étapes critiques du vol; cette sélection peut, dans certaines conditions météorologiques, causer une perte provisoire de la visibilité extérieure.

Autre fait établi

  1. Pendant le vol, la sélection du désembueur à une altitude plus élevée aurait probablement permis au pare-brise de se désembuer suffisamment pour que le pilote constate et corrige tout changement non souhaité des paramètres de vol de l'hélicoptère.

Mesures de sécurité

Mesures prises

Eurocopter a élaboré un bulletin d'information (Information Notice) au sujet de l'utilisation du désembueur qui sera émis le 15 juillet 2009. Ce bulletin avertira les équipages de tous les modèles d'hélicoptères Eurocopter de la susceptibilité de flash fogging des pare-brise qui pourrait se produire dans certaines conditions météorologiques après la sélection du désembueur et qui pourrait, par la suite, réduire la visibilité et temporairement engendrer une perte de références visuelles. Ce bulletin rappellera aux équipages d'utiliser la fenêtre mauvais temps dans de telles circonstances pour assurer le contact visuel avec les références extérieures.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .

Annexes

Annexe A - Lac à l'Épaule

Annexe B - Prévisions de zone graphique

Annexe C - Radar météorologique de Villeroy
(situé au sud-ouest de Québec)