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Rapport d'enquête aéronautique A07C0106

Incendie en vol dans le poste de pilotage
du Boeing 747-251B N632NW
exploité par Northwest Airlines Inc.
à 150 nm au nord de Winnipeg (Manitoba)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

L'avion-cargo Boeing 747-200 de la compagnie Northwest Airlines Inc. immatriculation N632NW, numéro de série 23112) effectue le vol 909 entre Wilmington (Ohio) et Anchorage (Alaska), aux États-Unis, avec un équipage de trois personnes à bord, lorsque l'équipage voit de la fumée et des flammes s'échapper d'un panneau à disjoncteurs du poste de pilotage situé derrière le siège du second officier. L'équipage exécute les procédures de la liste de vérifications d'urgence du poste de pilotage pertinente et déclare une situation d'urgence au contrôle de la circulation aérienne. L'incendie s'éteint de lui-même pendant l'exécution des procédures de la liste de vérifications. L'avion se déroute sur Winnipeg (Manitoba), où les services de sauvetage et les véhicules de lutte contre l'incendie l'attendent, et atterrit sans problèmes à 6 h 49, heure avancée du Centre. Personne n'est blessé.

Renseignements de base

Un bulletin météorologique d'aérodrome spécial a été émis pour Winnipeg à 6 h 22, heure avancée du CentreNote de bas de page 1. Les conditions météorologiques étaient les suivantes : vent du 320° vrai à 12 nœuds, visibilité de 15 milles terrestres avec nuages dispersés à 1100 pieds et nuages fragmentés à 2200 et 9500 pieds, température de 12 °C. Les conditions météorologiques, en altitude de croisière et à l'atterrissage, n'ont joué aucun rôle dans l'incident.

Au moment de l'incident, l'avion était au niveau de vol de croisière 360. À environ 6 h 25, le second officier a remarqué une fluctuation de la température au niveau de l'indicateur de température de fuseau de la boucle de détection d'incendie « A » du moteur numéro quatre. La température a continué de fluctuer à la hausse, puis un voyant de défectuosité s'est mis à clignoter sur le panneau de détection d'incendie du moteur. Le voyant de défectuosité s'est ensuite allumé complètement de même qu'un voyant principal de détection d'incendie sur le panneau annonciateur du poste de pilotage. L'équipage a passé en revue la liste de vérifications de la section 2.26.32 du manuel d'exploitation de la compagnie (MEC) intitulée « Voyant de détection d'incendie et/ou voyant de défectuosité du moteur allumé » tirée du manuel de procédures en situation d'urgence ou anormale.

L'équipage a déplacé le sélecteur de la boucle de détection d'incendie de « A » à « B » et le voyant de défectuosité s'est éteint. Peu de temps après l'exécution de la liste de vérifications, une odeur de fumée d'origine électrique s'est fait sentir. Le second officier a confirmé que l'odeur provenait de derrière le panneau P6 situé à l'arrière du poste de pilotage. Il a regardé par les hublots d'inspection et a vu des flammes et de la fumée à l'intérieur du panneau. Les membres d'équipage ont mis leur masque à oxygène et leurs lunettes antifumée et les commandes de vol ont été remises au copilote. Ce dernier a déclaré une situation d'urgence et a demandé l'autorisation de se rendre directement à Winnipeg.

Pendant que le commandant de bord et le second officier passaient en revue la liste de vérifications de la section 2.26.6 du MEC intitulée « Incendie ou fumée d'origine électrique », le disjoncteurs 3A-4A de détection d'incendie du moteur du panneau P6 s'est déclenché. L'incendie a augmenté d'intensité et s'est éteint uniquement après que l'équipage a déclenché les relais d'alternateur numéro un et numéro deux, conformément aux instructions de la liste de vérifications. Les dommages causés par l'incendie étaient confinés à l'intérieur du panneau P6, et la visibilité à l'intérieur du poste de pilotage a toujours été normale. Lorsque l'incendie s'est éteint, les membres d'équipage ont retiré leur masque à oxygène et leurs lunettes antifumée. Le commandant de bord a pris les commandes de l'avion puis a largué environ 10 000 livres de carburant afin que l'avion atteigne sa masse maximale à l'atterrissage. Il a largué le carburant à plus de 10 000 pieds au-dessus du niveau de la mer, puis il a effectué une approche à vue de la piste 36 de l'aéroport international James Armstrong Richardson de Winnipeg où il s'est posé sans problèmes.

Photo 1. Dommages causés par l'incendie au panneau P6
Photo of Dommages causés par l'incendie au panneau P6

Après avoir inspecté l'avion, on a déterminé que l'incendie avait pris naissance à l'intérieur de la carte d'alarme de la carte de circuits imprimés de la boucle « A » du moteur numéro quatre (A4) qui se trouve dans le boîtier électronique de contrôle de détection d'incendie situé du côté arrière du panneau à disjoncteurs P6 (voir la photo 1). L'incendie a touché deux cartes de circuits adjacentes (A3 et A5) ainsi qu'un faisceau de câbles principal de l'avion situé au-dessus du boîtier de commande. Le personnel de maintenance a remplacé le boîtier de commande et les cartes de circuits et a réparé le faisceau de câbles endommagé. Le moteur numéro quatre a été remis en marche et la température sur l'indicateur de température de fuseau de la boucle de détection d'incendie « A » du moteur numéro quatre a commencé à fluctuer comme lors de l'incident, et le voyant de défectuosité sur le panneau de détection d'incendie du moteur s'est allumé. On a alors coupé le moteur et découvert par la suite que la carte de circuits A4 avait encore été endommagée, ce qui indique que les deux défaillances de carte ont probablement été causées par une tension vagabonde qui est entrée dans le faisceau de câbles à partir de l'extérieur du boîtier de commande et qui a fait surchauffer les cartes. Le circuit entre la carte d'alarme de la carte de circuits imprimés et la boucle de détection d'incendie du moteur n'est pas protégé par un disjoncteur. On a débranché le connecteur de coupe-feu électrique du système de détection d'incendie du moteur numéro quatre et on a découvert que la garniture isolante intérieure en caoutchouc, qui sert à isoler les broches de branchement, était détériorée et imbibée de liquide hydraulique (Skydrol). On a remplacé le connecteur, et tous les essais de système et points fixes de moteur étaient normaux.

On a préparé l'avion pour le vol et, peu de temps après le décollage, la température sur l'indicateur de température de fuseau de la boucle de détection d'incendie « A » du moteur numéro quatre a atteint le maximum, et le voyant de défectuosité et le voyant principal de détection d'incendie se sont allumés. L'avion est retourné à Winnipeg où on a découvert que la carte de circuit A4 avait encore été endommagée. On a préparé l'avion pour un vol de convoyage sur trois moteurs (le moteur numéro quatre étant inopérant) vers la base principale de l'exploitant à Minneapolis (Minnesota), aux États-Unis, qui pouvait offrir un soutien au sol plus étendu.

Pendant la recherche de panne à Minneapolis, on a découvert qu'il y avait du courant alternatif sur le circuit de courant continu de la boucle « A » du moteur numéro quatre. Ce courant a disparu lorsqu'on a débranché le mécanisme d'entraînement à vitesse constante du générateur. On a inspecté le câblage près du générateur et on a découvert que quatre câbles du faisceau étaient effilochés, dont trois jusqu'à l'âme. Deux des trois câbles effilochés jusqu'à l'âme étaient reliés aux broches 1 et 3 du connecteur DG1B du générateur magnétique permanent. Lorsque le mécanisme d'entraînement à vitesse constante est branché et que le moteur fonctionne, le générateur magnétique permanent produit environ 60 volts de c.a. Le troisième câble était un câble de 28 volts c.c. (W266-W13-16R) qui fait partie de la boucle de détection d'incendie du moteur.

Photo 2. Zone d'effilochage
Photo of Zone d'effilochage

Les câbles effilochés étaient attachés au moyen d'attaches autobloquantes en plastique. Lorsqu'on a retiré les attaches, on a remarqué qu'un jeu dans un câble de la boucle de détection d'incendie du moteur avait été replié et fixé au faisceau de câbles du générateur magnétique permanent (voir photo 2).

Pendant le montage du moteur, les faisceaux sont posés en respectant la fiche d'atelier 42 pour composants à remplacement rapide (QEC-42) de Northwest Airlines Inc. Les faisceaux sont assemblés et posés en suivant les directives portant sur les zones à vibrations élevées de niveau 3 que l'on retrouve dans la publication 25092 de Northwest Airlines et dans les manuels de pratiques normalisées de Boeing (Standard Wiring Practices [chapitre 20]) et Powerplant Buildup [section 71-00-00]) (voir annexe A). Ces documents fournissent aussi des directives sur l'acheminement des faisceaux et des pratiques exemplaires d'assemblage et d'installation. Le paragraphe 3C du chapitre 20-10-11 précise, entre autres, que, dans la mesure du possible, tous les câbles de faisceaux doivent être parallèles avant d'être attachés.

Photo 3. Exemple de fixation et d'acheminement adéquats
Photo of Exemple de fixation et d'acheminement adéquats

Northwest Airlines Inc. a consulté des techniciens qui avaient déjà travaillé sur le moteur. Ces derniers ont précisé que l'acheminement des câbles et la formation des faisceaux ne respectaient pas les procédures d'atelier QEC (voir photo 3).

Lors de la révision du moteur, le faisceau est retiré pour inspection, conformément au manuel de maintenance des composants. Selon les instructions générales, le faisceau doit être démonté au besoin pour effectuer le nettoyage, l'inspection et les réparations. Toutes les autres visites en atelier n'exigent qu'une inspection/vérification visuelle sans démontage.

Les dossiers de maintenance indiquent que la dernière révision du moteur JT9D-7R4G2 numéro quatre, portant le numéro de série 715053, avait été effectuée par Northwest Airlines Inc. en octobre 2002 et que le moteur totalisait 13 376 heures de vol et 2339 cycles depuis sa pose. Il n'y avait aucune indication de réparations effectuées sur le moteur depuis sa pose. Une vérification de maintenance sous le capot, qui coïncidait avec une vérification 1A, avait été effectuée 383 heures avant l'incident. Il restait 216 heures avant la prochaine inspection. La vérification sous le capot comprend, entre autres, l'inspection des câbles électriques afin de déterminer s'ils sont effilochés, détériorés ou brûlés par endroits ou si des coquilles arrière ou des raccords sont desserrés. L'avion en question était utilisé par Northwest Airlines Inc. pour des vols de transport de marchandises à travers le monde et il avait été soumis à des travaux de maintenance dans de nombreuses villes et de nombreux pays.

Le boîtier électronique de contrôle de détection d'incendie endommagé ainsi que l'enregistreur numérique de données de vol et l'enregistreur de la parole dans le poste de pilotage ont été envoyés au laboratoire technique du BST d'Ottawa (Ontario) pour examen. L'enregistreur numérique de données de vol et l'enregistreur de la parole dans le poste de pilotage ne contenaient pas de renseignements pertinents. L'enregistreur numérique de données de vol n'avait enregistré qu'un nombre restreint de paramètres, et aucun n'était lié directement à l'incendie. Les deux heures d'enregistrement de l'enregistreur de la parole dans le poste de pilotage avait été effacées par les opérations au sol après le vol. On a évalué que l'incendie avait été causé par la carte d'alarme de la carte de circuits imprimés de la boucle « A » du moteur numéro quatre (A4) (pièce numéro 60B00023-96) qui se trouve dans le boîtier électronique de contrôle de détection d'incendie. La résistance (R11) sur le côté de la carte de circuit imprimé avait brûlé et éclaté en raison d'une surchauffe interne causée par le passage d'un courant excessif.

Analyse

Un mouvement relatif entre les câbles mal attachés de faisceaux de câbles voisins a effiloché les câbles. Les faisceaux se situent dans une zone du moteur considérée à vibrations élevées. Une longueur excessive de câble dans la boucle de détection d'incendie du moteur numéro quatre était repliée et fixée au faisceau de câbles voisin du générateur magnétique permanent. Le Manuel Standard Wiring Practices de Boeing précise, entre autres, que tous les câbles de faisceaux doivent être parallèles avant d'être attachés. Cette directive n'a pas été respectée lorsque la longueur excessive de câble de la boucle de détection d'incendie du moteur numéro quatre a été attachée.

Puisque les câbles étaient effilochés jusqu'à l'âme, la tension de 60 volts c.a. du générateur magnétique permanent est passée sur le circuit de 28 volts c.c. de la boucle de détection d'incendie « A » et a provoqué une surintensité vers le boîtier électronique de contrôle de détection d'incendie situé dans le poste de pilotage. La surintensité a été dissipée par les résistances de la carte d'alarme de la carte de circuits imprimés A4 qui ont surchauffé jusqu'à prendre feu. Puisque le circuit entre la carte de circuits imprimés et la boucle de détection d'incendie du moteur n'est pas protégé par un disjoncteur, le système surchauffe jusqu'à ce qu'il y ait court-circuit.

Il n'a pas été possible de déterminer à quel moment les câbles en questions ont été mal fixés, mais il est probable que cela se soit produit au moment de la révision du moteur ou après. Les visites subséquentes à l'atelier et les vérifications de maintenance sous le capot n'ont pas permis de déceler l'anomalie au niveau du câblage ni l'effilochage des fils. Une telle anomalie serait difficile à déceler sans démonter le faisceau de câbles. Les vérifications de maintenance régulières n'exigent qu'une inspection/vérification visuelle sans démontage des faisceaux de câbles.

L'enquête a donné lieu aux rapports de laboratoire suivants :

On peut obtenir ces rapports en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Des faisceaux de câbles voisins dans une zone à vibrations élevées du moteur numéro quatre étaient mal attachés.
  2. Le personnel de maintenance ou de contrôle de la qualité de Northwest Airlines Inc. n'a pas décelé que le faisceau de câbles était mal attaché pendant l'installation initiale ni pendant la modification du faisceau ou l'inspection sous le capot subséquente.
  3. Les câbles étaient effilochés jusqu'à l'âme, ce qui a provoqué une surintensité vers le boîtier électronique de contrôle de détection d'incendie situé dans le poste de pilotage. La surintensité a ensuite produit un court-circuit dans les résistances d'une carte de circuits interne, ce qui a déclenché un incendie à bord.

Mesures de sécurité

Northwest Airlines Inc. a lancé une campagne d'inspection de sa flotte de Boeing 747 afin de déterminer si d'autres avions éprouvaient les mêmes problèmes d'acheminement et d'effilochage de câbles que ceux de l'avion en question. Aucune anomalie semblable n'a été décelée. Northwest Airlines Inc. a aussi amélioré son programme de maintenance en ajoutant une nouvelle étape à la vérification sous le capot existante de 600 heures. Cette étape a été conçue spécialement pour déceler et corriger les acheminements de câbles incorrects dans la zone où les câbles se sont effilochés dans l'avion en question.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .

Annexes

Annexe A — Extrait du Powerplant Buildup Manual de Boeing

Ce document n'existe pas en français.