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Rapport d'enquête aéronautique A06O0180

Collision avec un plan d'eau
du Cessna 172M C-FKWP
au lac Wilcox à Richmond Hill (Ontario)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Vers 17 h 20, heure avancée de l'Est, le Cessna 172M équipé de flotteurs (immatriculation C-FKWP, numéro de série 17261897) quitte le lac Wilcox (Ontario) pour un vol à destination de l'île Manitoulin (Ontario) dans des conditions météorologiques de vol à vue. En raison de la surface exiguë du lac, le pilote exécute une manoeuvre en huit alors qu'il se déplace sur le redan afin d'augmenter la vitesse en vue de la course finale au décollage. Cette manoeuvre oblige à effectuer deux virages à 180 degrés à des extrémités opposées du lac. Après que l'avion eut pris l'air, un virage serré à basse altitude vers la gauche est exécuté pour éviter des obstacles sur la rive. À mesure que l'angle d'inclinaison augmente, l'avion décroche, percute le plan d'eau du flotteur gauche en piqué et capote. L'avion s'immobilise sur le dos en eaux peu profondes, près de la rive. Le pilote et les deux passagers parviennent à sortir de l'avion sans être blessés.

Renseignements de base

La station météorologique la plus proche est située à l'aéroport de Toronto/Buttonville (Ontario), à environ six milles marins au sud. Le message d'observation météorologique régulière pour l'aviation (METAR) à 17 h, heure avancée de l'EstFootnote 1, était le suivant : vent soufflant du 270°V à 9 noeuds, visibilité de 15 milles terrestres, plafond de 28 000 pieds, température de 35 °C. Des conditions similaires étaient présentes au lac Wilcox; par contre, on a signalé que le vent soufflait du nord-ouest à 10 noeuds, et la hauteur de la houle était d'environ un pied. Les conditions météorologiques n'ont pas été un facteur dans l'accident.

Le pilote avait obtenu sa licence de pilote privé et sa qualification hydravion en juin 2003, et il était titulaire d'un certificat médical de catégorie 3 valide. Il totalisait 340 heures de vol, dont 260 sur hydravions et 170 sur l'hydravion en question. Il volait régulièrement, mais les enquêteurs n'ont pu mettre la main sur les documents qui attestaient que le pilote se conformait aux exigences de mise à jour des connaissances prévues à l'alinéa 401.05 (2) a) du Règlement de l'aviation canadien (RAC).

L'avion avait été construit en 1973 et il était équipé des flotteurs modèle 67 2000 de Canadian Aircraft Products (CAP), en vertu du certificat de type supplémentaire (CTS) SA62 7. Le certificat de navigabilité de l'avion était valide, et l'avion totalisait 17 685 heures de vol depuis sa construction. Le pilote en question était le propriétaire inscrit depuis février 2003. La dernière inspection annuelle avait eu lieu le 28 juillet 2006. Aucune anomalie ni défectuosité n'avait été portée aux livrets techniques de l'avion, et aucun problème mécanique n'avait été signalé au sujet de l'avion lors du vol en question. Le moteur, un Avco Lycoming O 320 E2D de 150 HP, avait été modifié par le CTS SE3692SW de RAM Aircraft Corporation qui augmentait à 160 HP la puissance maximale nominale de cinq minutes au décollage. Le manuel de pilotage du Cessna ne comprenait aucune modification ni valeur de performances réglementaires relativement au CTS, et aucune n'était requise. L'augmentation de la puissance moteur n'a pas été un facteur dans cet accident parce qu'on a déterminé que les systèmes de bord fonctionnaient correctement et que le moteur avait développé la puissance requise au décollage.

Afin de réduire la vitesse de décrochage et d'améliorer les caractéristiques de pilotage à faible vitesse, des générateurs de tourbillons sont souvent installés sur l'avion. Il existe un CTS pour le montage de générateurs de tourbillons sur le Cessna 172M. Le CTS SA00831SE prévoit le montage de 40 générateurs de tourbillons juste en arrière du bord d'attaque de chaque aile, de 40 sur l'intrados du stabilisateur et de 40 sur la dérive. L'avion en question possédait 40 générateurs de tourbillons sur chaque aile, 36 sur l'intrados du stabilisateur et aucun sur la dérive. L'article 605.85 du RAC exige la signature d'une autorisation de remise en service après maintenance avant l'utilisation d'un aéronef ayant subi de la maintenance. Rien n'était documenté dans les livrets techniques de l'avion pour confirmer ce montage partiel. Il n'y avait aucune donnée indiquant que les générateurs de tourbillons manquants du stabilisateur et de la dérive avaient contribué à l'accident.

Un devis de masse et de centrage aurait été rempli du fait que l'avion était équipé de flotteurs, mais aucune modification à la masse et au centrage faisant état de cette configuration n'a pu être trouvée. Le dernier Rapport annuel d'information sur la navigabilité aérienne (RAINA) de l'avion en question conservé dans les dossiers de Transports Canada remontait à l'année civile 2004, et il indiquait une masse à vide de l'avion de 1470 livres. Toutefois, il ne faisait pas état de la masse réelle de l'avion équipé de flotteurs. Selon le CTS 62 7, la masse à vide approximative de l'avion équipé des flotteurs CAP 67 2000 aurait été de 1625 livres. La masse estimée de l'avion pendant le décollage en question était de 2220 livres, ce qui correspond à la masse maximale certifiée au décollage. Le centrage se situait dans les limites pour un Cessna 172M équipé de flotteurs.

Le lac Wilcox est un petit lac situé dans la zone résidentielle de Richmond Hill. La rive est entourée d'immeubles d'habitation et, au-delà de ceux-ci, de nombreux lotissements. Le lac est populaire pour ses activités récréatives, comme la natation, la navigation de plaisance et le canotage. Lors de l'accident, il y avait beaucoup d'activités sur le lac. La plus grande distance sur le lac mesure environ 3500 pieds en direction est-ouest. L'avion circulait vers le nord-ouest lors de la course finale au décollage. La distance totale disponible de la rive sud-est à la rive nord-ouest était d'environ 2500 pieds (voir la Figure 1).

Figure 1. Schéma du décollage depuis le lac Wilcox
Figure of Schéma du décollage depuis le lac Wilcox

Le manuel de pilotage du Cessna 172M ne mentionne que les valeurs de performance au décollage pour un avion équipé des flotteurs EDO, modèle 2000. Bien que les variantes opérationnelles soient légères par rapport aux flotteurs CAP modèles 2000, la différence en performance au décollage le jour de l'accident ne portait pas à conséquence. Les volets de l'avion ont été sortis à 10° pour le décollage. Compte tenu des conditions atmosphériques le jour de l'accident, la distance de décollage nécessaire pour un Cessna 172M équipé de flotteurs EDO, modèle 2000 a été calculée. Ces calculs étaient fonction d'une technique de performance maximale, laquelle demande 10° de volets et une vitesse indiquée de franchissement d'obstacles de 58 noeuds (KIAS). La distance nécessaire pour une course au décollage dans un vent debout de 10 noeuds (dans ce cas-ci, vers le nord-ouest) était d'environ 2100 pieds, tandis que la distance totale pour franchir un obstacle de 50 pieds était d'environ 3000 pieds. Pour se servir de toute la longueur du lac pour décoller, il faudrait effectuer le décollage en direction ouest et tenir compte d'un vent traversier à environ 60°, ce qui donnerait une composante vent debout de 7 noeuds. La distance requise pour la course au décollage en question avait été calculée à environ 2150 pieds, tandis que la distance requise pour franchir un obstacle de 50 pieds était d'environ 3100 pieds.

La vitesse de décrochage pour un Cessna 172M à la masse maximale certifiée pour le décollage, volets sortis à 10° et ailes à l'horizontale est d'environ 42 KIAS. Cette vitesse de décrochage monte à 50 KIAS à une inclinaison latérale de 45° et à 59 KIAS à une inclinaison latérale de 60°. La vitesse de l'avion au cours de l'accident n'a pu être déterminée; par contre, en raison de la distance limitée disponible après le déjaugeage, l'avion ne disposait plus d'une distance suffisante pour accélérer hors du vol lent. L'angle d'inclinaison utilisé lorsque l'avion a viré pour éviter les obstacles a été d'environ 45°.

Au cours du décollage d'un avion à flotteurs, il est nécessaire de faire déjauger les flotteurs pour que l'avion puisse accélérer. C'est ce qu'on désigne communément par l'expression « faire passer l'avion sur le redan ». Lorsqu'il y a suffisamment d'espace pour décoller et qu'il n'y a pas d'obstacles sur le lac, le décollage se fait normalement en ligne droite. S'il est nécessaire que l'avion change de direction pendant qu'il est sur le redan (circulation sur le redan), il nécessite un plus grand rayon de virage que lorsqu'il circule à basse vitesse. La manoeuvre en huit utilisée pendant le décollage nécessitait deux changements de direction et, en raison de la vitesse de l'avion, il fallait s'attende à un virage à grand rayon. L'avion se trouvait à environ 200 pieds de la rive est-sud-est avant de virer en direction nord-ouest pour la course au décollage finale.

Il y a un risque inhérent à changer de direction lorsqu'on circule sur le redan, selon le vent et la houle du moment. Lors d'un virage en circulation sur le redan pour passer de vent arrière à vent debout, le vent agit sur l'intrados de l'aile intérieure, ce qui la soulève. Cette action, combinée au déplacement vers le haut causé par la houle et la pression de la force centrifuge agissant sur l'avion pendant le virage, peut faire chavirer l'avion.

La procédure de décollage en question avait été apprise sur le tas et elle ne figurait pas dans le manuel de pilotage de Cessna comme une procédure normale ou complémentaire. Selon le RAC, un pilote n'était pas tenu d'apprendre ni de démontrer cette procédure pour obtenir une qualification d'avion à flotteurs.

La distance disponible pour un décollage dans le vent, en direction nord-ouest, était insuffisante. S'il y avait suffisamment de distance pour prendre l'air, l'avion n'aurait cependant pas été en mesure de montrer en toute sécurité à une altitude de franchissement d'obstacles de 50 pieds. Toutefois, même dans un vent de travers soufflant à 60°, le lac était suffisamment long en direction est-ouest pour un décollage suivi d'une montée à une altitude de franchissement d'obstacles de 50 pieds. Décoller directement face à un vent debout est la procédure privilégiée pour une performance optimale; dans le cas qui nous occupe, la diminution de la performance résultant de la composante vent de travers aurait été minime. Le pilote a décidé de virer alors qu'il circulait sur le redan afin de raccourcir la course au décollage. Toutefois, l'effet a été négligeable parce que le rayon de virage a augmenté lors du virage final, ce qui a réduit par le fait même la distance de décollage disponible dans le vent. Après le déjaugeage, la vitesse lente de l'avion ne lui a pas laissé beaucoup de marge au-dessus de la vitesse de décrochage pour manoeuvrer. Au moment où l'avion s'est incliné pour éviter les obstacles, la vitesse de décrochage a augmenté, et l'avion a décroché.

Le vent et la houle présents sur le lac lors de l'accident présentaient un risque de chavirement pour l'avion pendant la manoeuvre en huit exécutée en circulation sur le redan. La manoeuvre pouvait aussi entrer en conflit avec les embarcations de plaisance et les autres personnes utilisant le lac à des fins récréatives. Un décollage exécuté dans une seule direction aurait réduit les risques d'abordage.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Le pilote a tenté de décoller dans le vent, en direction nord-ouest, alors que la distance disponible pour décoller et franchir un obstacle de 50 pieds était insuffisante.
  2. Après avoir pris l'air alors qu'il n'y avait pas suffisamment de distance pour franchir les obstacles droits devant, le pilote a tenté d'exécuter un virage serré à basse altitude, ce qui s'est soldé par un décrochage et une collision avec un plan d'eau.

Faits établis quant aux risques

  1. Au cours de la circulation sur le redan et de la manoeuvre en huit, en raison du vent et de la houle du moment, l'avion risquait de chavirer.
  2. L'avion a circulé sur le redan d'une façon qui a engendré un risque d'abordage avec des embarcations de plaisance et d'autres personnes utilisant le lac.
  3. La manoeuvre en huit utilisée pour le décollage par le pilote a réduit encore plus la distance de décollage dans le vent disponible à cause du grand rayon de virage de l'avion alors que celui-ci circulait sur le redan.
  4. Rien n'indique que le pilote s'était conformé aux exigences de mise à jour des connaissances prévues à l'alinéa 401.05 (2) (a) du Règlement de l'aviation canadien (RAC).

Autre fait établi

  1. En raison de l'absence d'une autorisation de remise en service après maintenance de l'installation de générateurs de tourbillons, l'avion n'était pas exploité conformément à l'article 605.85 du RAC.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .