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Rapport d'enquête aéronautique A06C0131

Collision avec un plan d'eau
de l'hélicoptère McDonnell Douglas
Hughes 369E C-FHMF
exploité par Helicopter Transport Services (Canada) Inc.
à 20 nm à l'est de Davy Lake (Saskatchewan)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le pilote de l'hélicoptère McDonnell Douglas Hughes 369E (immatriculation C-FHMF, numéro de série 0370E) transporte une équipe de deux déboiseurs de chantier à partir du camp de base de l'entreprise situé près de Davy Lake ( Saskatchewan) vers un site de déboisement situé à proximité. Le pilote vole à une hauteur de 300 à 500 pieds au-dessus du niveau du sol près d'un petit lac sans nom lorsqu'il voit un caribou traverser le lac à la nage. Le pilote vire et descend vers l'animal. L'hélicoptère heurte ensuite la surface du lac à une vitesse d'environ 100 noeuds, vers 8 h 30, heure normale du Centre. L'hélicoptère sombre peu de temps après l'impact, mais les trois occupants réussissent à sortir de l'épave submergée. Le pilote et un passager, qui ont subi de graves blessures, réussissent à nager jusqu'à la rive. Après avoir retiré leurs vêtements de travail, ils se dirigent à la nage vers le deuxième passager qui est en détresse dans l'eau. Leur tentative de sauvetage est infructueuse, et le deuxième passager se noie. Les deux survivants sont secourus plus tard dans l'après-midi.

Renseignements de base

Au moment de l'accident, à 8 h 30, heure normale du CentreFootnote 1, le ciel était dégagé. Un vent très léger faisait à peine onduler la surface du lac. Par vent très léger, la surface de l'eau peut passer rapidement de légèrement ondoyante à miroitante, et vice-versa. On appelle ce phénomène « pattes de chat ». La température était évaluée à environ 10 °C. La température de l'eau du lac était de 12 °C.

Le pilote était titulaire d'une licence de pilote professionnel - hélicoptère validée par un certificat médical de catégorie 1, annotée pour les hélicoptères de série Hughes 369 et valide uniquement pour des vols de jour. Il avait été engagé par l'entreprise en 2005 après avoir suivi sa formation élémentaire de pilotage d'hélicoptère. La politique de l'entreprise en matière d'embauche consiste à engager les pilotes à leur sortie de l'école de pilotage et à les faire travailler d'abord comme arrimeur afin d'évaluer leur potentiel en tant qu'employé, puis à fournir aux candidats retenus de la formation sur le type d'aéronef ainsi que sur les procédures et les valeurs de l'entreprise.

Le pilote a suivi ce processus et a été embauché comme arrimeur. Après avoir réussi sa période de probation, il a été choisi en mars 2006 pour suivre le programme de formation de pilote de l'entreprise qui comprend un cours sur la prise de décision du pilote. Après un vol d'entraînement périodique effectué au début de juillet, il a effectué son premier déploiement puis, après une courte pause à la mi-juillet, il a été déployé au camp de Davy Lake. Les deux déploiements ont été faits avec l'hélicoptère C-FHMF. Au moment de l'accident, le pilote totalisait environ 225 heures de vol, toutes effectuées à bord d'un hélicoptère. Au cours des 90 jours précédents, il avait effectué environ 100 heures de vol, en grande partie à bord de C-FHMF.

Environ 48 heures avant l'accident, le pilote a été traité pour une infection mineure. Selon les autorités médicales, le médicament prescrit n'aurait eu aucun effet sur la capacité du pilote à piloter. Ce médicament permet généralement de réduire les symptômes de l'infection en moins de 48 heures. Le pilote respectait les exigences du Règlement de l'aviation canadien (RAC) relatives aux limites de temps de vol et à la période sans service. Le pilote avait dormi 7 ½ heures dans la nuit précédant le vol en question et il était bien reposé. Il a effectué deux petits vols avant le vol en question.

Selon l'article 602.62 du RAC, un aéronef utilisé au-dessus d'un plan d'eau au-delà d'un point où l'aéronef pourrait rejoindre le rivage dans l'éventualité d'une panne doit avoir à bord un gilet de sauvetage ou un vêtement de flottaison individuel pour chaque personne à bord. Puisque C-FHMF ne devait pas survoler de plan d'eau au-delà d'une distance à laquelle il est possible de planer jusqu'au rivage, les passagers n'avaient pas de vêtement de flottaison individuel.

Le pilote occupait le siège gauche. Un des passagers était assis dans le siège avant droit et l'autre dans le siège arrière droit. Lorsque le pilote a vu le caribou dans l'eau, il a amorcé un virage vers la droite en direction du lac, en se penchant vers l'avant pour ne pas perdre le caribou de vue. L'hélicoptère s'est mis en descente accentuée au-dessus des arbres, et le pilote a effectué des manoeuvres pour le redresser. L'hélicoptère a poursuivi sa trajectoire de vol au-dessus de l'eau, parallèlement au rivage, à environ 100 pieds de celui-ci. Le pilote a poursuivi ses manoeuvres de redressement, mais il ne s'est pas rendu compte que la collision avec le plan d'eau était imminente et il a fait plonger l'hélicoptère dans l'eau. Selon les conditions d'exploitation au moment de l'accident, la vitesse à ne pas dépasser (Vne) de l'hélicoptère était de 130 noeuds. Aucune force inhabituelle exercée sur les commandes ni aucun voyant ou signal d'alarme n'a été signalé avant ou pendant le virage en descente.

La fixation est un état dans lequel le pilote est incapable de correctement répondre à un stimulus clairement défini, et cela bien que tous les repères nécessaires soient présents et que la réponse appropriée soit disponibleFootnote 2. Cet état est aussi communément appelé « fixation sur la cible » et est principalement de nature perceptive. La personne est tellement concentrée sur un aspect particulier d'une situation qu'elle ignore tout autre facteur présent dans son champ de perception.

Un autre problème de perception peut se produire au-dessus de l'eau lorsqu'il n'y pas de vent ou très peu. La surface de l'eau est sans relief et sans vague, c'est ce qu'on appelle communément un plan miroitant, et elle empêche le pilote de déterminer exactement à quelle hauteur au-dessus de l'eau il se trouve. Il peut avoir l'illusion d'être beaucoup plus haut qu'il n'est vraiment. Le pilote ne connaissait pas le phénomène du plan d'eau miroitant.

Les enquêteurs du BST ne se sont pas rendus sur les lieux de l'accident. L'épave a été retirée du lac par l'entreprise, et un grand nombre de photos ont été prises. Elle a ensuite été attachée à une élingue pour être transportée par hélicoptère vers une piste d'atterrissage éloignée où les enquêteurs devaient l'examiner. Pendant le transport, l'élingue a été coupée par une pièce acérée de l'épave, et cette dernière s'est écrasée au sol d'une hauteur d'environ 1500 pieds. L'épave a ensuite été placée dans un filet et transportée à la piste d'atterrissage pour examen.

Même si le deuxième impact a nui a l'examen de l'épave, il a été possible d'établir que le moteur fonctionnait à pleine puissance au moment de l'accident et qu'il n'y a pas eu de perte de contrôle. Les pales du rotor principal et du rotor de queue portaient des traces de dommages par impact compatibles avec une forte énergie de rotation. Tous les bris ont été causés par une surcharge provoquée par les forces d'impact, à l'exception d'une rupture découverte sur le bras de soutien du renvoi d'angle du rotor de queue. Le rotor de queue et le tableau de bord ont été apportés à l'installation régionale d'examen des épaves, puis au Laboratoire technique du BST à Ottawa pour examen.

L'examen du tableau de bord a indiqué que le voyant de panne de la génératrice s'était allumé avant que le filament soit étiré par les forces d'impact. Aucun autre voyant d'alarme n'était allumé. L'examen du tableau de bord n'a pas fourni suffisamment de renseignements pour permettre une analyse. La rupture sur le bras de soutien du renvoi d'angle était une rupture de fatigue qui s'étendait sur 75 pour cent du bras de soutien. Une photo prise immédiatement après que l'épave a été ramenée sur la rive, et avant le deuxième impact, montre que le bras de soutien du renvoi d'angle était toujours intact. La photo montre aussi qu'il n'y avait plus de peinture le long de la ligne de rupture. Les photos fournies à l'annexe A ont été prises après le deuxième impact. La section restante du bras de soutien du renvoi d'angle s'est brisée en raison de la surcharge causée par le deuxième impact. On peut voir tout le faciès de rupture.

Deux jours avant le vol en question, un technicien d'entretien d'aéronef (TEA) engagé à contrat a effectué une inspection aux 100 heures de C-FHMF. Il a commencé l'inspection pendant la journée, mais l'a terminée après la tombée de la nuit en se servant d'une lampe de poche. La zone du rotor de queue a été inspectée alors qu'il faisait nuit. Le TEA n'a pas vu qu'il n'y avait plus de peinture le long de la zone de rupture par fatigue sur le bras de soutien du renvoi d'angle pendant l'inspection aux 100 heures, et le pilote ne l'a pas remarqué non plus lors des inspections quotidiennes avant vol.

Une légère vibration dans les pédales du rotor de queue avait été signalée avant le vol en question, et le TEA a donc porté une attention particulière aux paliers de pas du rotor de queue au moment de l'inspection aux 100 heures. L'inspection a révélé que ceux-ci étaient légèrement usés. Les paliers de pas se trouvent dans la poignée de chaque pale du rotor de queue et permettent une variation du pas des pales autour du moyeu. Il a été déterminé que les paliers étaient toujours utilisables, mais qu'il faudrait surveiller la situation de près.

L'usure des paliers de pas est déterminée en fonction du jeu à l'extrémité des pales du rotor de queue, qui ne doit pas être supérieur à 0,250 po, conformément au chapitre 64-10-00 du manuel de maintenance des 369E de McDonnell Douglas. Les enquêteurs du BST ont mesuré le jeu à l'extrémité de chaque pale après l'accident, et celui-ci était de 0,110 po et de 0,120 po. Aucune autre défaillance n'a été décelée dans la boîte de transmission du rotor de queue.

D'après l'examen des dossiers de maintenance, l'hélicoptère était certifié et entretenu conformément au système de contrôle de maintenance de l'exploitant. Il n'y avait aucun élément reporté à plus tard ni aucune défectuosité qui aurait pu contribuer à l'accident. L'état de l'épave correspondait à la description du déroulement de l'accident.

L'autopsie a révélé que le passager qui n'a pas survécu s'était noyé et que les blessures qu'il avait subies au moment de l'impact auraient provoqué une difficulté respiratoire dans une situation exigeant un effort physique. Le passager qui n'a pas survécu portait des vêtements de travail et de lourdes bottes.

La radiobalise de repérage d'urgence (ELT) n'a émis aucun signal après l'écrasement. La radiobalise n'a pas été retrouvée et n'a donc pu être examinée. Selon les dossiers de maintenance de l'hélicoptère, ce dernier était doté d'un type d'ELT non submersible. L'ELT a probablement été rendue inutilisable par l'eau lorsque l'hélicoptère a coulé.

Analyse

Même si le pilote avait suivi un cours sur la prise de décision du pilote, il n'a pas mis en pratique les principes qu'il avait appris quand il a décidé d'aller observer le caribou. Il a pris cette décision sans tenir compte des mesures de sécurité requises pour survoler un plan d'eau et sans connaître les dangers liés au phénomène du plan d'eau miroitant ou presque lisse. Le pilote s'est probablement concentré sur le caribou au point de perdre conscience de la situation et de laisser l'hélicoptère se mettre en descente accentuée à basse altitude. Lorsque le pilote s'est rendu compte du taux de descente élevé de l'hélicoptère au-dessus des arbres, il a essayé de stopper la descente, mais l'hélicoptère a continué de se rapprocher de la surface de l'eau. Le problème d'appréciation de la distance par rapport à l'eau causé par un plan miroitant ou presque lisse a probablement nuit à ses efforts, et il a donc dirigé l'hélicoptère vers le lac à haute vitesse en essayant de le redresser.

Le pilote avait commencé des traitements pour un problème de santé environ 48 heures avant l'accident. Il est peu probable que les symptômes aient pu distraire le pilote.

Il n'a pas été possible de déterminer à quel moment le voyant de panne de la génératrice s'était allumé. Par contre, la panne de la génératrice n'aurait pas influé sur les caractéristiques de vol de l'hélicoptère. Le fait que le voyant s'est allumé indique qu'il y avait une alimentation par batterie.

Puisque les photos montrent que le bras de soutien du renvoi d'angle du rotor de queue était toujours intact et qu'il ne s'était pas brisé avant l'écrasement, la rupture sur le bras de soutien du renvoi d'angle n'a probablement pas contribué à l'accident. Le fonctionnement de l'hélicoptère a causé un léger mouvement du bras de soutien du renvoi d'angle qui a fait écailler la peinture le long de la rupture. L'écaillement de la peinture n'a probablement pas été décelé au moment de l'inspection, car la zone du rotor de queue a été inspectée alors qu'il faisait nuit, à l'aide d'une lampe de poche.

La vibration des pédales du rotor de queue signalée était probablement causée par les paliers de pas légèrement usés. La vibration n'aurait pas empêché le pilote de pouvoir contrôler l'hélicoptère dans le virage.

Le passager qui n'a pas survécu était gêné par ses blessures, ses vêtements de travail lourds et la basse température de l'eau. Des vêtements de flottaison individuelle auraient pu aider à le sauver.

L'enquête a donné lieu aux rapports de laboratoire suivants :

On peut obtenir ces rapports en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.

Faits établis

Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Le pilote a perdu conscience de la situation en effectuant un virage, et l'hélicoptère s'est mis en descente accentuée à basse altitude. Le pilote a poursuivi ses manoeuvres de redressement au-dessus d'un plan d'eau miroitant ou presque lisse et il a fait plonger l'hélicoptère dans l'eau à haute vitesse.

Fait établi quant aux risques

  1. Les inspections de fonctionnement de l'hélicoptère n'ont pas permis de déceler la crique de fatigue sur le bras de soutien.

Mesures de sécurité prises

Le 20 février 2007, le BST a envoyé une lettre d'information sur la sécurité aérienne (A06C0131-D1-L1 - Pré-crique/crique de fatigue du bras de soutien du renvoi d'angle de la boîte de transmission du rotor de queue) au Directeur général, Aviation civile. Cette lettre précisait que, pour le présent accident, une inspection de l'épave avait révélé un faciès de rupture suspect sur le bras de soutien du renvoi d'angle de la boîte de transmission du rotor de queue. L'analyse de la rupture a révélé une pré-crique/crique de fatigue qui s'étendait sur environ 75 pour cent de la section transversale du bras de soutien du renvoi d'angle. La rupture sur le bras n'a pas contribué à l'accident.

Le 30 mars 2007, le Directeur général, Aviation civile a répondu à la lettre d'information sur la sécurité aérienne en précisant que celle-ci avait été transmise aux personnes responsables au sein du Ministère pour leur information et utilisation.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .

Annexes

Annexe A - Photos de la boîte de transmission du
rotor de queue

Photo 1. Rupture du bras de soutien du renvoi d'angle de la boîte de transmission du rotor de queue
Photo of Rupture du bras de soutien du renvoi d'angle de la boîte de transmission du rotor de queue
Photo 2. Boîte de transmission non endommagée
Photo of Boîte de transmission non endommagée
Photo 3. Gros plan de la zone de rupture
Photo of Gros plan de la zone de rupture