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Rapport d'enquête aéronautique A05P0038

Perte de puissance des deux moteurs et atterrissage dur
de l'hélicoptère Bell 212 C-FWDV
exploité par Vancouver Island Helicopters Ltd.
à Blue River (Colombie-Britannique)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le pilote de l'hélicoptère Bell 212 HP (immatriculation C-FWDV, numéro série 30973) effectue des opérations d'héliski dans la région de Blue River (Colombie-Britannique). Après avoir décollé du haut d'un glacier, à environ 8000 pieds au-dessus du niveau de la mer, le pilote effectue une approche vent arrière pour atterrir dans une aire d'embarquement au pied d'un autre glacier. Lorsque l'hélicoptère est à environ 150 pieds au-dessus du niveau du sol et qu'il a une vitesse de quelque 30 noeuds, le pilote augmente le pas collectif pour ralentir la vitesse de descente, mais les moteurs (Pratt & Whitney Canada PT6T-3DF) ne répondent pas. L'alarme de bas régime rotor se déclenche et le régime du rotor continue de diminuer. Le pilote abaisse le levier de pas collectif et confirme que l'interrupteur de compensation pas-à-pas est relevé au maximum et que les poignées des gaz sont complètement ouvertes.

Le pilote dirige l'hélicoptère vers un lac gelé recouvert de neige. Il ne peut réduire la vitesse d'enfoncement, car le régime du rotor est toujours trop bas. L'hélicoptère effectue un atterrissage dur, prend un mouvement de lacet d'environ 90° vers la droite et demeure à l'horizontale. La neige épaisse absorbe une partie de la force d'impact, mais l'hélicoptère est lourdement endommagé. Après l'atterrissage, le régime du rotor semble accélérer, et le pilote coupe immédiatement les moteurs. Le pilote, qui est seul à bord, n'est pas blessé.

Renseignements de base

L'hélicoptère avait une certification de type supplémentaire relative à l'installation du moteur PT6T-3DF. Dans le cas qui nous occupe, le Twin-Pac® n'était pas doté d'accumulateurs d'air Pg.

La température extérieure se situait entre 0 °C et −5 °C, et l'altitude d'atterrissage d'urgence était d'environ 6100 pieds au-dessus du niveau de la mer. Le ciel était couvert et la visibilité était bonne. Le profil de descente était très faible, car l'aire d'atterrissage proposée se situait dans la vallée suivante, environ 2000 pieds plus bas. Les pilotes utilisent parfois l'interrupteur de compensation pas-à-pas pour éviter que le moteur passe en survitesse lors d'une descente abrupte, mais au cours du vol en question, cette manoeuvre n'a pas été nécessaire. De plus, lorsque le pilote a remarqué la baisse de régime du rotor, il a vérifié, en appuyant vers l'avant sur l'interrupteur de compensation pas-à-pas, que le régime était déjà réglé au maximum. La masse brute de l'hélicoptère était d'environ 8200 livres, soit 3000 livres au-dessous de la masse brute maximale. L'absence de réponse des moteurs s'est produite dans un régime de vol où les options du pilote étaient limitées. L'altitude et la vitesse indiquée étaient insuffisantes pour actionner le régulateur manuel.

Après l'accident, les puisards du réservoir de carburant ont été vidangés, et le carburant était propre et du type approprié. L'hélicoptère a par la suite été inspecté dans un environnement contrôlé. Toutes les commandes moteur étaient intactes et fonctionnaient correctement, et l'interrupteur de compensation pas-à-pas était avancé jusqu'au maximum. Les filtres à carburant de la cellule ont été inspectés et ils contenaient du carburant propre. Le régulateur de couple a été déposé et inspecté et, après avoir effectué un simple test, il a semblé que ses orifices étaient fermés. Les bouchons détecteurs de particules des moteurs et de la boîte d'engrenages de transfert ont été inspectés. Seul le bouchon central de la boîte d'engrenages de transfert contenait des particules métalliques. Le filtre à huile de la boîte d'engrenages de transfert a été déposé et inspecté. Il contenait des particules d'argent et de fer. Les sections de la turbine de travail du moteur et la boîte d'engrenages de transfert ont été soumis à une rotation vers l'arrière, et elles semblaient tourner normalement. En faisant tourner l'arbre d'entraînement vers l'avant, on a constaté que les sections de la turbine de travail ne tournaient pas, ce qui indique que les roues libres (embrayages à roue libre) fonctionnaient correctement.

Le Twin-Pac® - les deux moteurs et la boîte d'engrenages de transfert - a été déposé de l'hélicoptère. Le régulateur de couple a été remis en place, et le Twin-Pac® a été placé dans une installation d'essai des moteurs approuvée puis soumis à plusieurs essais de fonctionnement. Les moteurs ne fonctionnaient pas normalement; leur régime oscillait et ils n'accéléraient pas sur demande. Utilisés en mode manuel, plutôt qu'en mode automatique avec régulateur, les moteurs fonctionnaient normalement. Le régulateur de couple a été débranché, sans que cela règle le problème. Les régulateurs (Nf) de la turbine de travail ont été remplacés par des régulateurs semblables qui avaient cumulé environ 400 heures en service. Avec ces régulateurs, les moteurs fonctionnaient normalement, avec ou sans régulateur de couple.

Il a été établi que les régulateurs Nf de l'hélicoptère accidenté n'avaient pas été réglés normalement, leurs bras de commande ayant été fixés à des angles de 74° et 73° plutôt qu'à un angle standard de 85° ou 90°. Les régulateurs Nf de l'appareil accidenté ont été remis sur le Twin-Pac® et leurs bras de commande ont été réglés à 90°. Une fois remis en marche, les moteurs ont fonctionné normalement. Les régulateurs Nf de remplacement ont ensuite été mis en place puis réglés à 74° et 73°. Avec ce réglage, le régime des moteurs oscillait et les moteurs n'accéléraient pas sur demande, mais les oscillations se produisaient à un régime plus élevé. De plus, les moteurs fonctionnaient normalement lorsqu'ils tournaient séparément.

Après avoir soumis les régulateurs de l'appareil accidenté à des essais au banc, on a constaté qu'ils ne fonctionnaient pas correctement. Avec les bras de commande placés à un angle de 75°, l'air Pg s'échappait des deux régulateurs à une pression de 11,9 pouces de mercure alors qu'il aurait dû s'échapper à une pression située entre 6,8 et 7,8 pouces de mercure. Les régulateurs ont été démontés et inspectés. Ils portaient tous deux des traces d'usure en service et des traces d'usure sur les douilles où pivotent les bras de commande. L'inspection a aussi révélé des problèmes d'assise des soupapes. L'usure était excessive, car les régulateurs Nf ne totalisaient que 823 heures en service et la durée de vie moyenne avant réparation est de 4500 heures. Pour remettre ces régulateurs en service, il aurait fallu remplacer certaines pièces. Il est important de préciser que plusieurs régulateurs semblables utilisés avec ces moteurs sont retirés du service après environ 1600 heures à cause des fluctuations de couple, et qu'ils montrent une usure similaire.

Un examen des dossiers de maintenance de l'hélicoptère et une discussion avec le personnel de l'exploitant ont révélé que le personnel de maintenance avait remplacé le régulateur de couple dans le but de régler les problèmes de fluctuation de couple. L'exploitant avait demandé un régulateur de couple de remplacement, mais aucun n'était disponible. Pratt & Whitney Canada a suggéré de prendre une nouvelle version du régulateur de couple approuvé pour les moteurs -3B et utilisé avec succès par un autre exploitant. Le motoriste a fourni des instructions sur la façon d'installer le nouveau régulateur de couple. Par contre, le nouveau régulateur n'avait pas encore été approuvé pour une utilisation sur les moteurs -3DF dont était doté l'hélicoptère accidenté. La différence entre les deux régulateurs est que les orifices de purge constante d'air Pg du nouveau régulateur sont munis de bouchons, donc bloqués. Puisque l'obturation des orifices de purge influait sur le Nf (régime de la turbine) des deux moteurs, le réglage des bras de commande a été modifié pour que les Nf soient dans la plage normale. Même si cette modification de réglage était nécessaire, elle n'a pas été inscrite dans aucun des manuels de maintenance approuvés. Le nouveau régulateur de couple a réussi à stabiliser le couple dans une certaine mesure, et il a été en service pendant environ 150 heures de vol avant que l'accident se produise.

Lors de l'accident, le Twin-Pac® comptait environ 823 heures de vol à son actif. Lors de leur installation, les moteurs et les régulateurs étaient neufs. Selon une installation de réparation et de révision approuvée bien connue, ces types de régulateurs sont généralement envoyés en réparation en raison de leur usure après environ 1600 heures.

Pratt & Whitney Canada et Bell Helicopter Textron ont travaillé de pair avec l'industrie, à l'automne 2002, pour essayer de régler les problèmes des régulateurs de couple. Au cours de leurs travaux, ils ont constaté que les régulateurs Nf fonctionnaient mieux, et que les couples étaient plus stables, lorsqu'il n'y avait pas de régulateur de couple. Bell Helicopter Textron n'a pas autorisé le retrait des régulateurs de couple, mais elle a travaillé avec Pratt & Whitney Canada dans le but d'approuver un régulateur de couple dont les orifices de purge constante étaient bloqués. Les régulateurs de couple (Pg) avec orifices bloqués font l'objet d'une utilisation limitée depuis janvier 2003 (Bulletin de service 5463 de Pratt & Whitney) sur des moteurs PT6-3B avec des boîtes de réduction ayant des numéros de série bien précis. Au printemps 2005, Pratt & Whitney Canada a essayé de faire approuver ces régulateurs de couple modifiés en vue de leur installation sur tous les Twin-Pac®.

Sur les hélicoptères Bell 212, toutes les commandes moteur fonctionnent de façon indépendante, à l'exception du régulateur de couple. Les moteurs entraînent la transmission du rotor principal par l'intermédiaire de la boîte d'engrenages de transfert. Si un moteur tombe en panne, l'autre peut fournir sa puissance maximale pour permettre un atterrissage de secours. Le régulateur de couple est un appareil simple qui limite le couple combiné des moteurs et qui, sur certains modèles, équilibre le couple. Il sert à protéger l'hélicoptère contre les couples excessifs lorsque les deux moteurs fonctionnent. Selon des renseignements anecdotiques, plusieurs exploitants règlent les régulateurs de couple pour donner une marge d'erreur aux pilotes, préférant remplacer des composants d'entraînement en cas de couple excessif plutôt que de voir leurs hélicoptères s'écraser avec des composants d'entraînement intacts.

Lors des essais du Twin-Pac®, il n'y a eu aucune accumulation de métaux sur les bouchons détecteurs de particules. Selon certains renseignements anecdotiques, on doit s'attendre à ce que des particules métalliques (argent et fer) s'accumulent dans l'huile de la boîte d'engrenages de transfert lors du fonctionnement normal.

Analyse

Les essais de fonctionnement des moteurs ont révélé des anomalies au niveau des commandes moteur, plus particulièrement des régulateurs de régime moteur et du régulateur de couple. Aucune autre défectuosité n'ayant été trouvée, la présente analyse se limite aux commandes moteur.

Comme aucun problème d'accélération et d'oscillation n'a été décelé lorsque les bras de commande des régulateurs visés étaient réglés en fonction de la plage normale de 85° à 90°, il a été conclu que le réglage, nécessaire en raison de l'installation d'un régulateur de couple non standard, influait sur le fonctionnement des régulateurs. Il faut toutefois reconnaître que les régulateurs Nf ont fonctionné pendant environ 150 heures avant que les moteurs éprouvent des problèmes de puissance et que l'accident se produise. Cette situation peut s'expliquer par la position différente des bras de commande qui accélère la détérioration normale des régulateurs.

La défaillance simultanée des régulateurs visés, malgré leur fonctionnement indépendant, peut s'expliquer par leur nombre égal d'heures en service. De plus, le fait que les régulateurs de remplacement semblaient fonctionner normalement lorsqu'ils étaient utilisés séparément, mais qu'ils oscillaient lorsque les moteurs étaient utilisés conjointement, indique que le régime et les oscillations de couple de chaque moteur peuvent avoir aggravé la faiblesse attribuable à l'usure de l'autre régulateur. Puisque les deux moteurs entraînent une même transmission, des oscillations dans un moteur forcent l'autre moteur à compenser.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. L'installation d'un régulateur de couple non standard a nécessité un réglage inhabituel des régulateurs Nf des moteurs. Le réglage non approuvé a amplifié l'usure normale des régulateurs. Les régulateurs ne fonctionnaient pas correctement et les moteurs n'ont pu fournir la puissance nécessaire demandée par le pilote.
  2. Le régime et les oscillations de couple ont probablement aggravé la faiblesse attribuable à l'usure du régulateur de couple du moteur opposé et causé la défaillance.
  3. La perte de puissance des deux moteurs s'est produite à un moment critique du vol, ce qui a entraîné l'atterrissage dur.

Fait établi quant aux risques

  1. L'usure en service a provoqué la défaillance des régulateurs avant que leur durée de vie moyenne avant réparation de 4500 heures ne soit atteinte; leur nombre moyen d'heures en service avant réparation est d'environ 1600 heures.

Mesures de sécurité

Le 22 avril 2005, l'Avis de sécurité aérienne A050009-1, Dual Engine Power loss - Power Turbine Governor Malfunctions (Perte de puissance des deux moteurs - défectuosité du régulateur de la turbine de travail) a été envoyé à Transports Canada avec copie à Pratt & Whitney Canada, Honeywell et Rolls-Royce. Cet avis identifie les faits susmentionnés et indique que des régulateurs de turbine de travail utilisés avec des moteurs semblables présentaient une usure prématurée et que plusieurs avaient été retirés du service en raison de fluctuations de couple. L'avis fait observer que les intervalles entre révisions approuvés actuels de ces régulateurs sont trop longs et suggère que Transports Canada, en coopération avec Honeywell, Pratt & Whitney Canada et Rolls-Royce, pourrait vouloir revoir ces intervalles.

Transports Canada a répondu à l'avis le 21 juillet 2005 en précisant que les Rapports de difficulté en service des régulateurs Nf de Honeywell installés sur les moteurs Rolls-Royce 250 C20 et P&WC PT6T ne faisaient état d'aucun problème chronique lié aux intervalles entre révisions.

Le 22 avril 2005, l'Avis de sécurité aérienne A050010-1, Dual Engine Power Loss - Power Turbine Governor Rigging (Perte de puissance des deux moteurs - réglage du régulateur de la turbine de travail), a été envoyé à Pratt & Whitney Canada avec copie à Transports Canada et Honeywell. Cet avis identifie aussi les faits susmentionnés et précise que, même si les régulateurs de l'hélicoptère accidenté ont fonctionné avec les bras de commande réglés à des angles de 74° et 73° pendant environ 150 heures avant la perte de puissance, il est évident que les problèmes d'oscillation et d'accélération des moteurs ne survenaient que lorsque les bras de commande des régulateurs étaient réglés à un angle d'environ 75°. L'avis suggère que, puisque les régulateurs de turbine de travail sont des commandes moteur essentielles dont la défaillance peut causer .des pertes de puissance dangereuses, Pratt & Whitney Canada, en coopération avec Honeywell, pourrait vouloir revoir les effets produits par le réglage des bras de commande des régulateurs de turbine de travail des PT6 à un angle d'environ 75°.

Transports Canada a répondu à l'avis le 21 juillet 2005 en indiquant que le ministère ne prendrait aucune mesure relativement à l'avis tant qu'il ne recevrait pas de nouveaux renseignements faisant état de préoccupations relatives à la certification des aéronefs.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .