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Rapport d'enquête aéronautique A02A0046

Rupture de hublot et dépressurisation rapide
du Beech 1900 D C-GLHO
exploité par Labrador Airways
à 38 nm à l'est-sud-est de Stephenville
(Terre-Neuve et Labrador)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le vol 8300 d'Air Labrador, un Beech 1900D portant le numéro de série UE266, fait route de Stephenville à St. John's lorsque le hublot issue de secours de cabine droit se rompt. L'équipage de conduite effectue une descente rapide, demande et reçoit l'autorisation de retourner à Stephenville, et déclare une situation d'urgence. L'avion atterrit à 9 h, heure avancée de Terre-Neuve, sans autre incident. Personne n'a été blessé.

Renseignements de base

L'avion avait décollé de Stephenville à destination de St. John's à 8 h 26Note de bas de page 1, avec à son bord deux membres d'équipage et neuf passagers, dont un bébé. Le commandant de bord était le pilote aux commandes (PF) tandis que le copilote était le pilote qui n'était pas aux commandes (PNF). À environ 38 milles marins (nm) de Stephenville, pendant que l'avion franchissait 18 500 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl) en montée, on a entendu un grand bruit, les deux membres d'équipage ont éprouvé un grand malaise au niveau des oreilles et le copilote s'est senti étourdi. Le copilote a contacté le centre de contrôle régional (ACC) de Gander, il a demandé l'autorisation de descendre, et il a avisé le contrôleur que la cabine de l'avion s'était dépressurisée. L'équipage a reçu l'autorisation de descendre et le copilote a mis son masque à oxygène et a réglé le sélecteur du microphone de la position normale à la position masque. À peu près au même moment, une passagère s'est approchée du poste de pilotage afin d'informer l'équipage qu'un hublot de cabine s'était rompu. La passagère est ensuite retournée s'asseoir à sa place. Le commandant de bord n'a pas mis son propre masque à oxygène et il n'a pas commandé la sortie des masques à oxygène des passagers.

Après avoir mis son masque à oxygène, le copilote a tenté de communiquer avec l'ATC; toutefois, comme il n'entendait pas sa propre voix (écoute latérale) dans son casque d'écoute, il a supposé qu'il ne parvenait pas à transmettre. L'ACC de Gander, cependant, recevait bien la transmission. Le commandant de bord est donc intervenu et il a demandé lui-même l'autorisation de retourner à Stephenville. À une altitude de quelque 13 000 pieds, une minute et demie après la rupture du hublot, le copilote a retiré son masque à oxygène et il s'est de nouveau chargé des communications à l'aide de son microphone normal. Le copilote a alors fait une annonce aux passagers à l'aide du système de sonorisation cabine. La descente jusqu'à 10 000 pieds a pris environ cinq minutes.

Après avoir mis l'appareil en palier à la suite de la descente rapide et avoir évalué la situation, l'équipage a déclaré une situation d'urgence. Le copilote a amorcé la liste de vérifications en cas d'urgence pour une décompression cabine, mais le commandant de bord lui a demandé d'appliquer plutôt la liste de vérifications en cas d'urgence pour une porte cabine ou une porte de soute déverrouillée. L'équipage n'a appliqué que cette dernière liste de vérifications. L'équipage est parvenu à déterminer que le troisième hublot de cabine du côté droit de l'avion s'était rompu, mais il n'a pas pu établir l'étendue exacte des dommages. L'équipage a effectué un atterrissage sans incident à Stephenville.

Les procédures d'utilisation normalisées (SOP) de la compagnie ainsi que la liste de vérifications en cas d'urgence de l'avion stipulent qu'en cas de dépressurisation rapide de la cabine, l'équipage doit amorcer une descente d'urgence et mettre un masque à oxygène. Après la descente, une fois l'appareil stabilisé à un niveau de vol inférieur à 13 000 pieds, l'équipage doit appliquer les listes de vérifications pour descente d'urgence et pour décompression cabine. L'application de la liste de vérifications appropriée assure que toutes les procédures de sécurité importantes sont suivies.

L'examen de l'avion a révélé que la plus grande partie du hublot issue de secours de cabine droit et un morceau du rebord intérieur du hublot étaient manquants, et il ne restait plus que de petits fragments de hublot encore attachés au joint du hublot. On a retiré les fragments du hublot brisé et on a déposé les deux hublots avant du côté droit de la cabine, et l'on a envoyé le tout au fabricant pour qu'il procède à des examens plus poussés. Deux des fragments contenaient la zone du côté plastique du hublot qui dépassait au-delà du joint en caoutchouc et qui était exposée aux mêmes conditions environnementales que les deux hublots latéraux avant. Tous les bords criqués semblaient avoir pour cause une défaillance de fissuration secondaire qui se serait propagée à partir de la défaillance de fissuration initiale. Les deux morceaux présentaient des rainures de surface sur la surface extérieure entre le joint en caoutchouc et le bord criqué. Les rainures mesuraient 0,022 pouce de profondeur sur 0,050 pouce de largeur et 0,028 pouce de profondeur sur 0,075 pouce de largeur. Sous grossissement, on a observé que des criques radiales se prolongeaient vers l'intérieur à partir des rainures.

Le manuel de maintenance du Beech 1900 stipule que, pour un vol pressurisé, la profondeur maximale admissible pour les égratignures, les rainures ou les éclats dans un hublot est de 0,015 pouce. L'examen des deux hublots avant du côté droit de la cabine a révélé qu'il y avait plusieurs petites égratignures et de petites rainures dont la profondeur était comprise entre 0,009 et 0,026 pouce, et l'une des rainures atteignait une profondeur maximale de 0,125 pouce.

Les hublots de cabine de l'avion, à l'exception du hublot avant du côté droit, sont fabriqués en acrylique moulé monopli. Le hublot de cabine avant utilise une construction multiplis parce qu'il est situé dans le plan de rotation de l'hélice droite et qu'il est par conséquent exposé à recevoir de la glace et d'autres débris projetés par l'hélice.

Lorsqu'il se produit une décompression rapide de la cabine et que l'on n'utilise pas d'oxygène d'appoint, l'équipage et les passagers courent le risque de souffrir d'hypoxémie. Ce syndrome est décrit comme un manque d'oxygène dans le sang et ses effets commencent à se faire sentir de façon plus ou moins intense aux altitudes supérieures à 10 000 pieds asl, en raison de la diminution de la pression atmosphérique qui accompagne l'augmentation d'altitude. Les effets de l'hypoxémie sont variés et, même à des altitudes relativement faibles, comme dans le cas présent, l'hypoxémie peut causer des pertes de mémoire et des erreurs de jugement. De l'oxygène d'appoint est mis à la disposition des équipages de conduite et des passagers des appareils pressurisés de manière à minimiser les effets de l'hypoxémie en cas de décompression de la cabine.

Une consultation de la base de données du BST sur les accidents et les incidents n'a révélé aucun autre cas de rupture en vol d'un hublot de cabine des avions de la série Beech 1900.

On a déposé l'enregistreur de la parole dans le poste de pilotage (CVR) et on l'a envoyé au Laboratoire technique du BST pour fins d'analyses plus poussées. On a récupéré quelque 32 minutes de données de haute qualité.

Analyse

L'analyse portera principalement sur la rupture du hublot de cabine, sur les mesures prises par l'équipage après la décompression rapide, et sur les difficultés que le copilote a éprouvé pour communiquer après avoir mis son masque à oxygène.

Les rainures de surface constatées sur les hublots de cabine et sur les fragments du hublot issue de secours laissent croire que ces derniers ont subi des impacts avec de petits fragments de matériaux quelconques. Pendant le décollage, les hélices peuvent soulever des débris et les projeter en direction de la cabine le long du plan de l'hélice; le souffle de l'hélice peut également transporter des débris vers l'arrière et endommager ainsi d'autres surfaces de l'avion. En outre, le souffle des réacteurs ou des hélices d'autres appareils au sol peut également projeter des débris et causer des rainures de surface, mais dans ce dernier cas, la zone endommagée serait sans doute plus large. Par conséquent, tout porte à croire qu'à un moment donné au cours de ses opérations antérieures, l'avion aurait décollé d'une piste dont la surface était couverte d'une grande quantité de débris et ces derniers auraient été projetés contre les hublots par le souffle de l'hélice droite, ce qui aurait causé les rainures de surface. Comme on ne disposait que de petits fragments du hublot rompu pour fins d'examen, il a été impossible de déterminer la cause exacte de la rupture. Toutefois, les fragments disponibles et les hublots adjacents présentaient des rainures de surface de dimensions supérieures à la tolérance prescrite et certaines rainures présentaient des criques radiales qui se propageaient vers l'intérieur. Par conséquent, il est probable qu'une rupture par fissuration se soit produite en raison des dommages excessifs présents sur la surface extérieure du hublot.

L'équipage n'a pas respecté les SOP qui s'appliquaient dans les circonstances. À la première indication d'une dépressurisation rapide, le commandant de bord, qui était le pilote aux commandes, aurait dû amorcer une descente d'urgence pendant que le copilote mettait son masque à oxygène. Après que le copilote eut mis son masque, le commandant de bord aurait dû lui transférer les commandes afin de pouvoir mettre son propre masque à oxygène. En outre, après avoir mis leur masque, les membres d'équipage auraient dû commander la sortie des masques à oxygène des passagers. Le non respect des SOP a exposé l'équipage et les passagers à des risques inutiles après la décompression rapide.

L'examen après l'incident a révélé que le microphone du masque à oxygène du copilote fonctionnait normalement. Il a été impossible de déterminer clairement pourquoi le copilote a éprouvé de la difficulté à communiquer après avoir mis son masque.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Les fragments du hublot rompu et les deux hublots adjacents portaient des rainures de surface de dimensions supérieures à la tolérance prescrite.
  2. Il est probable qu'une rupture par fissuration se soit produite en raison des dommages excessifs présents sur la surface extérieure du hublot.

Faits établis quant aux risques

  1. Le non respect des SOP après la décompression rapide a exposé l'équipage et les passagers à des risques inutiles.

Autres faits établis

  1. Le copilote a éprouvé de la difficulté à communiquer à l'aide du microphone de son masque à oxygène.

Mesures de sécurité

L'exploitant a déposé le hublot rompu, les deux hublots situés à l'avant du hublot rompu (un monopli et un multiplis) ainsi que les trois hublots avant du côté gauche de l'avion en cause et il les a tous remplacés par des hublots multiplis. Les deux hublots avant déposés du côté droit de la cabine ont été envoyés au fabricant pour qu'il procède à des analyses plus approfondies. Les autres avions semblables de la flotte de l'exploitant font l'objet d'inspections périodiques.

Avant cet incident, l'exploitant avait mesuré les dommages de surface du hublot à l'aide d'un comparateur à cadran à aiguille mobile. Au cours des essais en laboratoire, Raytheon a utilisé un micromètre optique 966Al et un comparateur d'échelle SPI. L'exploitant a subséquemment acheté un micromètre optique pour l'inspection des hublots. Simultanément, il a émis un bulletin d'assurance de la qualité qui faisait passer la fréquence des inspections de 1 200 heures à 200 heures; ce bulletin stipulait également qu'il fallait remplacer avant le prochain vol tout hublot qui présentait des dommages aux limites des tolérances prescrites.

Transports Canada a entrepris les mesures suivantes à l'égard de Labrador Airways :

Un inspecteur qualifié sur le type d'avion en cause devra prendre les mesures suivantes :

  1. Revoir les procédures d'utilisation normalisées (SOP) présentement en vigueur pour déterminer s'il y a lieu de recommander des améliorations.
  2. Effectuer des inspections en vol en insistant en particulier sur l'intelligibilité des annonces aux passagers et des émissions radio effectuées au moyen du microphone du masque.
  3. Revoir et (ou) contrôler la formation d'initiation au vol en haute altitude.
  4. Contrôler la formation technique au sol et la formation en vol ou en simulateur ainsi que les contrôles de compétence pilote en insistant sur l'application des SOP, la décompression rapide et l'utilisation appropriée du masque à oxygène.

Transports Canada étudie le besoin de prendre des mesures à l'échelle nationale.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet accident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .