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Rapport d'enquête aéronautique A99W0144

Risque de collision
entre le Boeing 747-200 de Korean Air HL-7471
et le Boeing 747-200 de Lufthansa D-ABZH
à l'intersection JOWIT (58°40′N, 110°W)
en Alberta
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le Boeing 747-200, numéro de série 20652, du vol 257 (KAL257) de la Korean Air effectuait un vol de transport de fret entre l'aéroport international d'Anchorage (Alaska) aux États-Unis et l'aéroport international John F. Kennedy (New York) aux États-Unis. Le Boeing 747-200, numéro de série 23622, du vol 493 (DLH493) de Lufthansa assurait un vol de passagers régulier entre l'aéroport international de Vancouver (Colombie-Britannique) et l'aéroport international de Francfort (Allemagne). Les deux appareils se trouvaient en croisière au niveau de vol 330 et leurs trajectoires de vol prévues devaient se croiser à environ deux milles marins à l'est de l'intersection JOWIT. Les deux vols étaient sous le contrôle radar du contrôleur du secteur Bison du centre de contrôle régional d'Edmonton. Vers 18 h 54, heure avancée des Rocheuses, le contrôleur du secteur Bison a ordonné aux deux équipages de faire un virage à cause du risque de collision. D'après les estimations, les deux appareils, qui se trouvaient à la même altitude, sont passés à 1,3 mille marin l'un de l'autre. En cours de virage, les deux appareils ont reçu un avis de résolution de leur système de surveillance du trafic et d'évitement des collisions. L'avion du vol DLH493 est monté, tandis que l'avion du vol KAL257 est descendu. Après une dizaine de secondes, l'espacement entre les deux appareils était de 900 pieds. L'espacement minimal obligatoire est de cinq milles marins ou 2 000 pieds.

Renseignements de base

Le centre de contrôle régional (ACC) d'Edmonton comprend un certain nombre de sous-unités. Le secteur Bison est l'un des quatre secteurs de la sous-unité Northern High. La sous-unité Northern High comptait quatre contrôleurs, un par secteur. En raison de la faible densité du trafic à cette heure de la journée, aucun surveillant n'avait été prévu pour la sous-unité Northern High. Dans le secteur Bison, il doit toujours y avoir au moins un contrôleur. D'après l'information recueillie, le volume du trafic était faible et d'une complexité normale.

Le contrôleur du secteur Bison possédait une licence de contrôleur de la circulation aérienne et un certificat médical en état de validité. Il comptait 20 ans d'expérience comme contrôleur de la circulation aérienne dont 13 ans d'expérience des procédures de vol aux instruments (IFR). C'était son quatrième jour de travail d'une série de neuf et il avait bénéficié d'un jour de congé dans les huit derniers jours. Le 4 août, alors qu'il travaillait de soir, il a été avisé par écrit qu'il devrait prolonger son quart de quatre heures, c'est-à-dire jusqu'à 3 h du matin, heure normale des Rocheuses (HNR)Note de bas de page 1. Le contrôleur a pris sept heures de sommeil et a repris le travail à 14 h le lendemain, jour de l'événement. D'après l'information recueillie, la charge de travail était faible pendant ce quart. Il travaillait depuis 30 minutes, après avoir pris sa pause repas, lorsque l'incident s'est produit.

Le secteur Bison utilise des procédures radar et des procédures non-radar pour contrôler la circulation aérienne. En vertu des procédures de l'ACC d'Edmonton, les données des appareils évoluant dans les secteurs environnants non contrôlés par radar doivent être entrées dans le Système d'affichage de l'espace aérien du Nord (NADS). C'est le contrôleur du secteur Bison qui doit confirmer que toutes les estimées reçues et tous les départs autorisés des appareils sous sa responsabilité ont bien été entrés dans le système. Les contrôleurs du NADS peuvent aider les contrôleurs de secteur en assurant le service de contrôle non-radar aux appareils en vol IFR, mais l'espacement des appareils demeure sous la seule responsabilité du contrôleur de secteur.

Le vol KAL257 se trouvait sur la trajectoire 14 de la zone de contrôle nord (NCA 14) qui débute dans un secteur non-radar et se poursuit dans le secteur Bison. Les données du vol KAL257 devaient donc déjà se trouver dans le NADS. Le vol DLH493 devait passer du secteur Bison à un secteur non-radar se trouvant au nord de Bison. Les données du vol devaient être entrées dans le NADS avant que l'appareil ne pénètre dans un secteur non-radar. Une fois que les données des deux appareils ont été entrées dans le NADS, ce système peut signaler les conflits au contrôleur. Le contrôleur du secteur Bison a indiqué qu'il ne se rappelait pas quand les données du vol DLH493 avaient été entrées dans le NADS et que le NADS ne lui avait pas signalé de conflit. Le NADS n'enregistre pas et n'archive pas les événements en vue d'analyses ultérieures.

Figure 1 - Secteur Bison
Secteur Bison

Le contrôleur du secteur Bison avait réglé son écran à une échelle de 230 miles marins pour pouvoir visualiser son secteur au complet. Lorsqu'il a remarqué que les appareils se rapprochaient dangereusement, il a ordonné à DLH493 de virer à 40 degrés vers la gauche et à KAL257 de virer de 20 degrés vers la gauche également. KAL257 n'ayant pas répondu à son ordre, le contrôleur a répété ses instructions à l'équipage qui en a finalement accusé réception. L'équipage du vol KAL257 a alors amorcé un virage vers la droite, et non vers la gauche comme le lui avait ordonné le contrôleur. Au même moment, l'équipage du vol DLH493 a demandé au contrôleur s'il s'agissait bien d'un virage à gauche car il voyait qu'un appareil se trouvait sur sa gauche. L'équipage du vol DLH493 a redemandé au contrôleur s'il s'agissait bien d'un virage à gauche, et le contrôleur lui a alors ordonné de descendre au niveau de vol (FL) 310. Peu après, chaque avion a reçu un avis de résolution (RA) de son système de surveillance du trafic et d'évitement des collisions (TCAS/ACAS). L'équipage de DLH493 est alors monté au FL 335 et l'équipage du KAL257 est descendu au FL 326. Cinquante-huit secondes se sont écoulées entre le premier ordre de faire un virage et le moment où ont débuté les manoeuvres dictées par les TCAS/ACAS des avions. NAV CANADA ne donne pas de formation à ses contrôleurs sur la résolution des pertes d'espacement en cas d'urgence.

Lorsque les deux appareils étaient dans la partie sous contrôle radar du secteur Bison, le contrôleur a utilisé, à plusieurs reprises avant l'incident, la fonction de calcul de trajectoire de vol prévue (PTL) de son écran radar. La fonction PTL permet de tracer devant l'écho un segment de trajectoire correspondant à une durée déterminée. Les données radar enregistrées révèlent que, la dernière fois que la fonction PTL a été utilisée, cette fonction était réglée sur une durée de 20 minutes et que les segments de trajectoire de DLH493 et de KAL257 se touchaient. Le contrôleur a indiqué que, dans les 20 minutes précédant l'incident, il avait calculé l'heure de passage d'un appareil au départ de Yellowknife (Territoires du Nord-Ouest) et qu'il avait commencé à entrer les données du vol DLH493 dans le NADS. À l'exclusion de la fonction PTL qui est activée par le contrôleur, le système radar n'est pas équipé d'un dispositif automatisé qui signale les conflits.

Analyse

La fonction PTL du radar a révélé que, la dernière fois qu'elle avait été activée, les segments de trajectoire de DLH493 et de KAL257 se touchaient. Toutefois, le contrôleur n'a pas pris de mesures à cet effet. Étant donné que les deux appareils ne devaient pas passer à proximité l'un de l'autre avant 20 minutes et que sa charge de travail était faible, le contrôleur a effectué d'autres tâches qui ont détourné son attention de la situation conflictuelle. Le contrôleur est intervenu quand il a vu que les appareils sur son écran étaient à proximité l'un de l'autre.

Le système radar installé à l'ACC d'Edmonton n'est pas équipé d'un dispositif automatisé qui signale les conflits. L'incident s'est produit dans l'espace aérien contrôlé et un tel dispositif aurait signalé le conflit au contrôleur plusieurs minutes à l'avance.

Le NADS n'a pas signalé la situation conflictuelle. Pour que le NADS puisse signaler une telle situation, il faut que les données des deux appareils aient été entrées dans le système. (Il a été impossible de vérifier si les données des deux appareils avaient été entrées dans le système car le NADS n'est pas équipé d'un dispositif d'enregistrement ou d'archivage des événements dont il assure la surveillance). L'avion du vol KAL257 volait sur la trajectoire NCA 14; en vertu des procédures du secteur, il fallait que les données du vol soient entrées dans le NADS. Il fallait que les données du vol DLH493 soient entrées dans le NADS avant de quitter l'espace aérien contrôlé par radar. La perte d'espacement s'est produite bien avant que cet avion ne quitte la partie sous contrôle radar du secteur Bison.

Lorsque le contrôleur s'est aperçu de la perte d'espacement, les instructions données se sont révélées inefficaces. Le pilote du vol DLH493 a remis en question la première instruction de virage car ce virage l'aurait amené en direction de l'appareil qu'il voyait sur l'écran de son TCAS/ACAS. Le contrôleur n'ayant pas pu résoudre le conflit en temps voulu, les pilotes ont dû exécuter la manoeuvre dictée par leur TCAS/ACAS.

Dans l'espoir de régler la situation conflictuelle, le contrôleur a ordonné au vol KAL257 de faire un virage de 20 degrés vers la gauche. Cependant, en raison du chevauchement des transmissions radio, l'ordre du contrôleur et la réponse du pilote du vol KAL257 étaient presque impossibles à comprendre pour les deux interlocuteurs, et l'équipage du vol KAL257 a compris qu'on lui ordonnait de faire un virage vers la droite. Les données radar enregistrées révèlent que si l'équipage du vol KAL257 avait fait un virage, que ce soit vers la droite ou vers la gauche, cela n'aurait pas modifié la distance entre les deux avions. Bien que l'équipage du vol KAL257 ait fait un virage vers la droite au lieu de faire un virage vers la gauche, cela n'a pas contribué à la perte d'espacement.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et facteurs contributifs

  1. Le vol DLH493 et le vol KAL257 avaient reçu l'autorisation de se maintenir au FL 330 alors que leurs trajectoires de vol se croisaient à proximité de l'intersection JOWIT.
  2. Lorsqu'il a utilisé la fonction PTL, le contrôleur n'a pas pris de mesures pour régler la situation de conflit.
  3. Le contrôleur ne s'est pas rendu compte qu'il y avait un conflit entre les vols KAL257 et DLH493 suffisamment tôt pour éviter la perte d'espacement.

Faits établis quant aux risques

  1. Les données du vol DLH493 n'avaient pas été entrées dans le NADS, ce qui n'était pas obligatoire au moment de l'incident.
  2. NAV CANADA ne donne pas de formation sur la résolution des conflits en cas d'urgence.
  3. Le système radar n'est pas équipé d'un dispositif automatisé qui signale les conflits.

Autres faits établis

  1. Au moment de l'incident, l'effectif dans la sous-unité Northern High de l'ACC d'Edmonton répondait aux normes de l'unité.
  2. Le volume du trafic dans le secteur Bison était faible et d'une complexité normale.
  3. La présence d'un surveillant n'avait pas été prévue dans la sous-unité pour ce quart et elle n'était pas obligatoire en vertu des normes de l'unité.
  4. Chaque équipage a reçu un avis de son TCAS/ACAS, ce qui a permis d'éviter une collision.
  5. Si l'avion du vol KAL257 avait fait un virage, que ce soit vers la droite ou vers la gauche, cela n'aurait pas modifié la distance entre les deux appareils.

Mesures de sécurité

Mesures de sécurité prises

Le Bureau de la sécurité des transports a envoyé l'avis de sécurité aérienne no 615-A990050-1 à NAV CANADA lui suggérant de donner une meilleure formation à ses contrôleurs en vue de diminuer les risques de collision après une perte d'espacement.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .