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Rapport d'enquête aéronautique A98Q0192

Décollage interrompu et sortie en bout de piste
Hawker Siddeley HS-748-2A C-FBNW
First Air/Bradley Air Services Limited
Iqaluit (Nunavut)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Vers 15 h 36, heure normale de l'Est, le vol 802 de la compagnie First Air, un Hawker Siddeley HS-748-2A, numéro de série 1759, devait effectuer un vol régulier entre Iqaluit et Igloolik (Nunavut). À bord se trouvaient deux membres d'équipage de conduite, une agente de bord, un chef arrimeur de fret et trois passagers. Lorsque l'avion a atteint la vitesse de cabrage (VR) pendant la couse au décollage sur la piste 36, le commandant de bord a cabré l'avion qui ne s'est toutefois pas envolé. Environ sept secondes après le passage à VR, le commandant de bord a annoncé qu'il interrompait le décollage. Le décollage a été interrompu, mais l''avion n'a pas pu s'immobiliser sur la piste, et le train d'atterrissage avant s'est affaissé pendant que l'avion poursuivait sa course sur le sol meuble au-delà de l'extrémité de piste. L'avion a percuté l'antenne du radiophare d'alignement de piste et a continué à glisser sur une distance d'environ 700 pieds. L'appareil a fini sa course sur le nez dans un ravin à environ 800 pieds au-delà de l'extrémité de piste. L'agente de bord a fait évacuer les passagers par les portes cabine gauche, principale et arrière. Les deux pilotes sont sortis par les fenêtres du poste de pilotage et ils sont allés rejoindre les passagers et l'agente de bord qui se trouvaient derrière l'avion. L'agente de bord a été légèrement blessée lors de la brusque décélération de l'avion. L'appareil a été lourdement endommagé.

1.0 Renseignements de base

1.1 Déroulement du vol

Le 3 décembre 1998, le vol 802 de la compagnie aérienne First Air devait quitter Iqaluit à 14 h 30, heure normale de l'Est (HNE)Note de bas de page 1, pour effectuer un vol direct à destination d'Igloolik. Le décollage avait été retardé d'environ une heure en raison d'un changement d'appareil et d'un retard à l'arrivée. Les employés de piste ont chargé l'avion et ont soufflé la neige qui s'était déposée sur les ailes et la gouverne de profondeur. L'avion a roulé jusqu'à la piste en service, et l'équipage a demandé l'autorisation de se mettre en position. Pendant ce temps, le préposé à la planification du chargement de First Air tentait d'obtenir les dernières données de masse et centrage. L'avion a roulé jusqu'à sa position de décollage, et l'équipage a attendu les dernières données de masse et centrage. La station d'information de vol (FSS) s'est informée du retard et elle a fixé un temps limite pour le décollage.

Après que l'équipage a reçu les dernières données du préposé à la planification du chargement, l'avion s'est aligné sur l'axe de piste. Le commandant de bord a ensuite amorcé la course au décollage qui se déroulait de nuit avec peu de repères visuels. À 15 h 36, les manettes des gaz ont été réglées dans la plage de puissance de décollage. Selon l'information recueillie, à une vitesse indiquée d'environ 70 noeuds (KIAS), la neige qui s'était accumulée sur les ailes pendant la circulation au sol a été balayée par le vent alors que l'avion accélérait sur la piste. La vitesse minimale en cas de panne moteur critique (V1) a été annoncée, et le cabrage a été amorcé au moment où l'avion atteignait une vitesse indiquée de 115 noeuds, qui est la vitesse de cabrage (VR). Il restait environ 3 700 pieds de piste. La gouverne de profondeur a été braquée, puis le nez de l'avion a commencé à se soulever.

Le commandant de bord a relâché légèrement la commande de profondeur __ l'angle de la gouverne de profondeur a diminué d'environ 1° __ quand il a cru que l'avion avait presque adopté l'assiette nécessaire pour le décollage. Quand il a constaté que l'avion ne s'envolait pas comme prévu, le commandant de bord a tiré une seconde fois sur les commandes. L'avion avait alors atteint une vitesse indiquée de 121 noeuds, et il ne restait plus que 2 800 pieds de piste. L'avion n'a pas quitté le sol, et le commandant de bord a annoncé qu'il interrompait le décollage alors que la vitesse indiquée de l'avion dépassait les 127 noeuds. Il a réduit les gaz quand l'avion a atteint une vitesse indiquée de 131 noeuds et que l'avion se trouvait à environ 1 750 pieds de l'extrémité de piste. Le commandant de bord a ensuite serré les freins à fond et il a réglé le levier en position de freinage aérodynamique.

Lorsqu'il est devenu évident que l'avion ne s'immobiliserait pas sur la piste, le commandant de bord a dirigé l'appareil sur la gauche pour éviter l'antenne du radiophare d'alignement de piste. L'avion roulait à une vitesse d'environ 100 noeuds lorsqu'il est sorti en bout de piste. Le train d'atterrissage avant s'est affaissé pendant que l'avion roulait sur le sol meuble. L'aile droite de l'avion a percuté l'antenne du radiophare d'alignement de piste, et l'avion a continué à glisser sur le ventre sur de grosses roches. L'avion s'est immobilisé en piqué à environ 800 pieds au-delà de l'extrémité de piste.

1.2 Victimes

L'agente de bord a été blessée légèrement à l'épaule lors de l'impact.

1.3 Dommages à l'aéronef

À environ 100 pieds au-delà de l'extrémité de piste, le train avant s'est rompu en surcharge et s'est détaché, et l'avion a continué à glisser sur le ventre. L'avion a ensuite percuté l'antenne du radiophare d'alignement de piste qui se trouvait à environ 425 pieds après la fin de la surface en dur au-delà de l'extrémité de piste; l'aile droite s'est alors détachée du fuselage. Les deux trains principaux se sont affaissés quand l'avion a commencé à glisser sur de grosses roches. Les deux hélices ont été endommagées quand elles ont raclé le sol après l'affaissement du train avant. La partie inférieure du fuselage a été lourdement endommagé pendant que l'appareil glissait. Tous les systèmes électriques situés dans la partie inférieure du fuselage ont été endommagés, et l'avion a été privé d'électricité, ce qui a rendu les radios inutilisables.

1.4 Autres dommages

L'avion a enfoncé la clôture de l'aéroport. L'antenne du radiophare d'alignement de piste a été arrachée de ses fixations en béton lors de l'impact.

1.5 Renseignements sur le personnel

Le commandant de bord est entré au service de la compagnie First Air le 1er août 1997 pour voler sur les avions Hawker Siddeley HS-748-2A. Il avait piloté divers avions dont le Dash 8, le Shorts 330 et le Shorts 360. Il est passé commandant de bord sur HS-748 en octobre 1997. Au moment de l'accident, il totalisait 8 000 heures de vol, dont 800 comme commandant de bord sur HS-748. Il était titulaire d'une licence de pilote de ligne annotée pour le HS-748, d'une qualification de vol aux instruments de Groupe 1 et d'un certificat de validation de licence de catégorie 1. Il avait réussi son dernier contrôle de compétence en ligne le 15 novembre 1998 et avait reçu son dernier entraînement périodique le 16 avril 1998. Ces deux vols avaient été très bien exécutés et gérés. Le vol ayant mené à l'accident était son troisième vol ce jour-là.

Le premier officier est entré au service de la compagnie First Air le 14 juin 1996 comme premier officier sur DHC-6 avant de passer sur HS-748. Il totalisait 2 143 heures de vol, dont 117 comme premier officier sur HS-748. Il était titulaire d'une licence de pilote de ligne annotée pour le HS-748, d'une qualification de vol aux instruments de Groupe 1 et d'un certificat de validation de licence de catégorie 1. Il avait réussi son dernier contrôle de compétence en ligne et sa dernière vérification de compétence pilote ainsi que son vol de renouvellement de qualification de vol aux instruments le 14 novembre 1998. Ces vols s'étaient très bien passés. Au moment de l'accident, il effectuait sa formation préparatoire au vol de ligne.

L'agente de bord est entrée au service de la compagnie First Air en juin 1998. Elle avait terminé sa formation initiale et avait obtenu sa qualification lui permettant de travailler sur tous les avions de First Air. En octobre 1998, elle avait terminé son entraînement périodique, qui comprenait une formation en gestion des ressources de l'équipage. Elle avait terminé sa formation préparatoire au vol de ligne sur HS-748 en novembre 1998. Au moment de l'accident, elle avait effectué huit vols sur le HS-748.

1.6 Renseignements sur l'aéronef

Les dossiers de maintenance de l'appareil indiquent que l'avion avait été entretenu conformément au manuel de contrôle de la maintenance de la compagnie et aux normes de navigabilité. L'enquête n'a révélé aucune défaillance ni mauvais fonctionnement d'un système avant le vol. Les freins, le dispositif anti-patinage et les pneus de l'avion ont fonctionné correctement pendant l'interruption de décollage.

La température extérieure était de moins 2,1 degrés Celsius au moment de l'accident. Le personnel au sol avait dégivré un Boeing 727 de la compagnie qui était stationné à côté du HS-748 avant le décollage, mais n'avait pas dégivré le HS-748. La neige qui recouvrait les ailes avait été soufflée avec une souffleuse à feuilles. Les procédures de la compagnie exigent que toutes les surfaces critiques soient dégivrées lorsqu'il y a des précipitations et quand la température est supérieure à moins 2 degrés Celsius, ce qui était le cas pour le vol ayant mené à l'accident. L'équipage du HS-748 était au courant de la situation mais avait décidé de ne pas faire dégivrer l'avion. Selon l'information recueillie, la neige qui s'était accumulée sur les ailes pendant les opérations au sol a été soufflée durant la première partie de la course au décollage. Des études ont montré que le givrage peut diminer considérablement la portance des ailes et de la gouverne de profondeur d'un avion. Après l'accident, la compagnie a modifié la limite de température pour la faire passer de moins 2 degrés Celsius à moins 10 degrés Celsius pour augmenter la marge de sécurité.

Le pilote peut décider d'utiliser un mélange d'eau et de méthanol pour augmenter la puissance et pour raccourcir la course au décollage. Cependant, le document numéro AO.1.8, qui fait partie du manuel de vol du HS-748, spécifie qu'il faut utiliser un mélange eau-méthanol pour les décollages sur les pistes recouvertes de neige, de neige fondante ou d'eau. Un mélange eau-méthanol n'a pas été utilisé pour le décollage ayant mené à l'accident. L'utilisation d'un tel mélange pour le décollage aurait permis de raccourcir la course au décollage d'environ 1 000 pieds.

L'avion accidenté est un avion « combi » qui peut transporter des passagers et du fret dans la cabine. Il peut transporter jusqu'à 44 passagers. Les soutes à bagages sont situées en avant et en arrière de la cabine passagers. La soute avant est située entre la cabine passagers et le poste de pilotage. Une cloison amovible sépare la cabine passagers de la soute avant.

Peu après l'accident, l'avion a été déchargé section par section, et son contenu a été pesé par des enquêteurs du BST. Le tableau ci-après présente les résultats des calculs effectués par First Air avant le vol ainsi que les calculs effectués par le BST après l'accident. Les limites de masse et centrage de First Air et de Hawker Siddeley figurent dans le tableau à des fins de comparaison.

Tableau 1 - Calculs et limites

Calculs effectués par First Air Calculs effectués après l'accident Limites de First Air Limites de Hawker Siddeley
Masse (livres) Indice Masse (livres) Indice Masse (livres) Centrage Masse (livres) Centrage
Masse sans carburant 38 240 lb 20,9 38 697 lb 19,7 38 500 lb 21,1 à
34,2
38 500 lb 19,0 à 34,5
Carburant
aire de
traffic
8 100 lb 3 8 100 lb __ __ __ __ __
Carburant
roulage
100 lb __ 100 lb __ __ __ __ __
Masse au
décollage
46 240 lb 23,9 46 697 lb 22,7 46 500 lb 23,7 à
35,3
46 500 lb 21,6 à 37,2

First Air a volontairement réduit les limites de centrage d'origine de Hawker Siddeley pour tenir compte surtout des déplacements des agents de bord de l'arrière vers l'avant pendant les vols. Transports Canada a approuvé les nouvelles limites de la compagnie, lesquelles figurent dans le manuel d'exploitation approuvé de la compagnie.

Pour le décollage ayant mené à l'accident, la masse réelle de l'avion au décollage était de 46 697 livres, soit presque 460 livres de plus que la masse calculée par First Air avant le vol et environ 200 livres de plus que la masse maximale brute. Le centrage réel se trouvait à 22,7, ce qui était à l'extérieur de la plage des limites avant de First Air commençant à 23,7, mais à l'intérieur de la plage des limites avant du constructeur commençant à 21,6.

La configuration de l'avion a été modifiée à la dernière minute, des bagages supplémentaires ayant été chargés dans la soute avant. Les nouvelles données ont ensuite été évaluées par le chef arrimeur de fret, puis transmises au préposé à la planification du chargement. Le chef arrimeur de fret n'a pas utilisé une balance pour peser les bagages supplémentaires. La masse de ces bagages a été évaluée rapidement, car l'avion attendait sur la piste, prêt pour le décollage. Les procédures de la compagnie approuvées par Transports Canada stipulent qu'il faut utiliser une balance pour peser les bagages.

La sous-estimation du poids des bagages explique la différence entre les divers calculs de masse et centrage. Un avion en centrage avant est moins performant; de plus, il faut exercer une plus grande force sur les commandes pour obtenir l'assiette de cabré nécessaire au décollage.

D'après l'altitude-pression et la température ambiantes ainsi que le braquage des volets au décollage à 7,5 degrés, les performances de l'avion étaient limitées à une masse-altitude-température de 45 100 livres pour une montée sur un seul moteur. On a évalué que la masse de l'avion dépassait de 1 600 livres les limites de masse-altitude-température publiées dans le manuel de vol du HS-748. Normalement, il faut une feuille de planification de décollage pour évaluer les performances de l'avion sur un seul moteur lorsqu'il y a des obstacles. Le commandant de bord n'a pas calculé la masse-altitude-température quand il a fait sa planification de vol.

1.7 Renseignements météorologiques

Les conditions météorologiques signalées à 15 h, soit environ 36 minutes avant le décollage, étaient les suivantes : plafond obscurci à 800 pieds dans des précipitations, visibilité de 1 mille terrestre, faible neige, température de moins 2,1 degrés Celsius, point de rosée de moins 3 degrés Celsius, vents du 360 degrés vrai à 2 noeuds, calage altimétrique de 29,47 pouces de mercure, et strato-cumulus recouvrant 10/10 du ciel.

1.8 Télécommunications

Quand le pilote a communiqué avec la FSS pour annoncer qu'il lançait les moteurs, il a demandé une autorisation de vol aux instruments pour Igloolik. Le spécialiste FSS a donné au pilote les renseignements sur le vent et lui a donné le calage altimétrique, mais il ne lui a pas donné de renseignements sur l'état de la piste, contrairement à ce que stipule le manuel d'exploitation de la FSS. Un examen des communications de la FSS enregistrées plus tôt le jour de l'accident a révélé que les renseignements sur l'état de la piste n'avaient pas été transmis aux autres aéronefs au départ.

Le pilote a communiqué avec le contrôle de la circulation aérienne (ATC) pour un décollage sur la piste 36 et il a reçu l'autorisation de rouler jusqu'à la piste 36 où il s'est positionné. À 15 h 36 min 24 s, le pilote a amorcé la course au décollage et n'a plus communiqué avec la FSS par la suite.

À 15 h 36 min 51 s, l'écran et le tableau d'alarme dans la FSS a signalé une défaillance générale du système d'atterrissage aux instruments. Le spécialiste a estimé que cette situation était anormale, mais il n'a pris aucune mesure particulière à ce moment-là. L'alarme s'est déclenchée parce que l'avion venait de heurter l'antenne du radiophare d'alignement de piste et l'avait cassée.

Moins de trois minutes après l'heure de décollage consignée, le spécialiste croyait que l'avion avait décollé et il a entrepris une recherche radio. Le centre de contrôle régional de Montréal et le répartiteur de First Air / Bradley à Iqaluit ont été contactés, mais aucun des deux n'était en contact avec l'appareil. Le spécialiste a ensuite ordonné à un préposé à la sécurité de l'aéroport de se rendre sur la piste et de commencer une recherche. L'avion a été retrouvé au-delà de l'extrémité de la piste, environ 13 minutes après l'heure de décollage consignée.

1.9 Renseignements sur l'aérodrome

L'aéroport d'Iqaluit est un aéroport certifié. Il possède une seule piste (la 18/36) qui mesure 8 600 pieds de long sur 200 pieds de large; la surface de la piste est asphaltée. Le terrain de l'aéroport se situe à 110 pieds au-dessus du niveau de la mer. Le gestionnaire de l'aéroport doit s'assurer que les services d'entretien essentiels, dont le contrat est donné à une entreprise privée, sont assurés en hiver et en été. Le surveillant de l'entretien du terrain de l'aéroport, engagé par l'entreprise privée, doit s'acquitter des tâches d'entretien, comme l'enlèvement de la neige et de la glace.

Le plan d'enlèvement de la neige d'Iqaluit, daté du 8 juillet 1996, fait état des politiques, des normes, des lignes directrices et des responsabilités relatives à l'enlèvement de la neige et de la glace des aires de trafic à l'aéroport d'Iqaluit. Ce document fournit des directives aux services qui s'occupent des opérations hivernales pour assurer que l'entretien des surfaces de l'aéroport est fait correctement et en toute sécurité. D'après le Supplément de vol Canada, les opérations d'enlèvement de la neige à l'aéroport d'Iqaluit varient d'un jour à l'autre pour respecter l'horaire des vols. La piste est vérifiée deux fois par jour : une fois avant le premier vol de la journée et une fois dans l'après-midi. Un Avis aux aviateurs (NOTAM) doit être publié dès qu'une partie de l'aire de trafic de l'aéroport est fermée.

Le plan d'enlèvement de la neige indique qu'un compte rendu d'état de piste doit être publié chaque fois qu'il y a des changements importants à l'état de la piste, chaque fois que la piste est dégagée après un épandage de sable ou de produits de dégivrage, chaque fois que la neige sur la piste est déblayée, après chaque accident ou incident mettant en cause un aéronef sur la piste et en réponse à une demande raisonnable d'un transporteur ou d'un pilote. Un rapport de coefficient de frottement, qui est obtenu grâce à véhicule équipé d'un décéléromètre, est publié seulement lorsque la piste est recouverte d'une couche de glace, de neige compactée ou de neige poudreuse d'une épaisseur de moins de 2,5 centimètres, ou lorsque des produits de dégivrage ou du sable ont été épandus sur la piste glacée. Les données du décéléromètre ne sont pas fournies (parce qu'elles ne sont pas valables) lorsque la piste est recouverte d'une couche de neige poudreuse d'une épaisseur de plus de 2,5 centimètres, d'eau ou de neige fondante. Une lecture au décéléromètre, appelée coefficient canadien de frottement sur piste (CRFI), de 0,40 indique un bon freinage tandis qu'un coefficient de 0,25 ou moins indique un freinage de faible à nul. Selon les tableaux publiés dans le Supplément de vol Canada, la valeur CRFI correspond aux distances d'atterrissage recommandées et au compte rendu d'état de piste utilisés par l'équipage de conduite.

Le jour de l'accident, trois NOTAM avaient été publiés en rapport avec un compte rendu d'état de piste. Le premier compte rendu d'état de piste avait été publié à 9 h 45; la piste 18/36 était recouverte à 90 % d'une fine couche de neige folle et à 10 % de neige compactée, la température était de moins 3 degrés Celsius, et le CRFI était de 0,41. Un autre compte rendu d'état de piste avait été publié à 14 h 45; la piste 18/36 était recouverte à 90 % de neige folle, et le CFRI était de 0,40. Un compte rendu d'état de piste a été publié après l'accident par le personnel d'entretien du terrain de l'aéroport à 16 h 5; la piste 18/36 était alors recouverte à 100 % d'une fine couche de neige folle, la température était de moins deux degrés Celsius, et le CFRI était de 0,21.

Entre 9 h 45 et 15 h 5, des opérations de déblaiement ont été faites entre les vols. De la faible neige était tombée pendant cette période, mais, selon l'information recueillie, la partie centrale de la piste était dégagée sur une largeur de 100 pieds et l'état de la piste n'avait pas changé depuis le compte rendu de 9 h 45. En raison du trafic, aucun déblaiement de neige ni de vérification de l'état de la piste n'a été effectué après 15 h 5 (soit quelque 30 minutes avant le décollage ayant mené à l'accident). Des photos de la piste prises dans l'heure qui a suivi l'accident montrent que la piste était recouverte de neige et qu'il y avait de la neige compactée là où les véhicules circulaient. Le compte rendu d'état de piste publié après l'accident ne faisait pas mention de neige compactée.

1.10 Enregistreurs de bord

1.10.1 Généralités

Les enregistreurs de bord ont été dépouillés au Laboratoire technique du BST. L'avion était équipé d'un enregistreur de la parole dans le poste de pilotage (CVR) Allied Signal à semi-conducteurs. L'enregistreur était en bon état, et les données ont pu être récupérées. Le CVR a enregistré les 30 dernières minutes d'information sonore des pistes d'enregistrement du pilote et du copilote et du microphone d'ambiance. L'enregistrement était de bonne qualité, ce qui indique l'utilisation du microphone en service permanent. L'enregistrement a commencé lorsque l'avion se trouvait sur l'aire de trafic à Iqaluit, environ 19 minutes avant le démarrage des moteurs, et il s'est terminé au cours de la séquence d'impact.

L'avion était équipé d'un enregistreur de données de vol (FDR) Allied Signal à semi-conducteurs. La bande contenait environ 26 heures de données, dont les données relatives au décollage interrompu et celles des neuf vols précédents. L'enregistreur était en bon état, et les données ont pu être récupérées. L'enregistrement des données relatives à l'accident était de bonne qualité.

1.10.2 Avant la course au décollage

On a vérifié les commandes de vol cinq secondes avant le début de la course au décollage pour s'assurer qu'elles se déplaçaient librement d'une butée à l'autre. Le FDR révèle que les surfaces de la gouverne de profondeur se sont déplacées d'une butée à l'autre.

1.10.3 Course au décollage et interruption du décollage

La première partie de la course au décollage a été effectuée par le commandant de bord et s'est déroulée sans problème. Tous les paramètres moteur et les voyants indicateurs étaient normaux et le sont demeurés pendant la course au décollage qui a duré 38 secondes. Le taux d'accélération correspondait à l'état de la piste au décollage qui était recouverte de neige folle.

Le manuel d'exploitation indique que pour une masse au décollage de 46 240 livres et un braquage des volets au décollage de 7,5 degrés, la V1 et la VR indiquées sont respectivement égales à 109 noeuds et à 115 noeuds. La vitesse de décision V1 a été annoncée à environ 103 noeuds (annonce en avance d'environ 6 noeuds). À V1, on estime que l'avion se trouvait à environ 4 800 pieds de l'extrémité de la piste (incluant 200 pieds pour le prolongement de piste). Environ 6,1 secondes après le passage à V1, le cabrage a été annoncé et il a été entrepris à la vitesse cible de 115 noeuds alors qu'il restait environ 3 700 pieds de piste. La gouverne de profondeur a été braquée, et l'avion à commencer à se cabrer. L'avion avait atteint une vitesse indiquée de 121 noeuds quand l'angle de cabrage a d'abord atteint 7,6 degrés. Il restait alors 2 800 pieds de piste. Au début du cabrage, le taux de déplacement de la gouverne de profondeur ainsi que le taux de cabrage étaient d'environ un degré par seconde. L'angle de cabrage de l'avion a ensuite été réduit à 6,7 degrés lorsque le pilote a relâché la pression sur les commandes. La gouverne de profondeur a été réglée pour le cabrage une seconde fois jusqu'à un angle approximatif maximal d'environ 7 degrés, avec un taux de cabrage d'environ 2 degrés par seconde (voir les tableaux 2 et 3). Après la seconde sollicitation de la gouverne de profondeur, l'avion a commencé à réagir, le cabrage s'effectuant de plus en plus rapidement (2 degrés par seconde). L'angle de la gouverne de profondeur a ensuite été réduit (en raison des sollicitations inefficace sur les commandes) et est passé de 7 degrés à 5,8 degrés à un taux de 0,6 degré par seconde. L'angle maximal de l'assiette en tangage ainsi obtenu a été de 8,3 degrés, pour une vitesse indiquée de 126 noeuds (11 noeuds de plus que VR). Une nouvelle réduction d'angle en tangage a suivi, laissant l'angle de l'assiette en tangage à 6,6 degrés. D'après les données relatives à la gouverne de profondeur et à l'assiette en tangage, la valeur de l'inclinaison en tangage correspond aux sollicitations sur la gouverne de profondeur pour les deux tentatives de cabrage, l'assiette en tangage diminuant du fait de l'inefficacité des sollicitations sur les commandes.

Cependant, les données des vols précédents ont révélé qu'avec un braquage de la gouverne de profondeur similaire à celui du décollage ayant mené à l'accident, mais avec des taux de déplacement de la gouverne de profondeur plus élevés, l'avion avait continué à se cabrer (au-delà de 8 degrés) et il avait décollé. Lors du vol ayant mené à l'accident, l'avion n'a pas quitté le sol. La légère diminution de l'altitude-pression typique à un décollage dans l'effet de sol qui s'est manifestée au cours des décollages précédents ne s'est pas manifestée au cours du décollage ayant mené à l'accident. Le tableau 2 met en relief le braquage maximal de la gouverne de profondeur, les taux de déplacement de la gouverne de profondeur et les angles maximaux d'assiette en tangage atteints au cours du vol de l'accident et au cours de trois vols précédents.

Tableau 2 - Braquage maximal de la gouverne de profondeur / Taux de cabrage et angle d'assiette en tangage lors du cabrage
Vol Braquage maximal de la gouverne de profondeur (degrés) Taux de déplacement maximal de la gouverne de profondeur (degrés/seconde) Angle d'assiette en tangage maximal (degrés) Masse au décollage (livres)
Vol ayant mené à l'accident 2,2° /s 8,3° 46 697 lb
Vol no 2 4,1° 2,9° /s 11,5° 44 871 lb
Vol no 5 6,2° 3,5° /s 9,5° 45 660 lb
Vol no 9 6,5° 2° /s 10° 46 405 lb

Le manuel d'exploitation du HS-748 stipule qu'à V1, le commandant de bord doit cabrer doucement l'avion à un angle d'assiette en tangage de 10 degrés jusqu'à ce que l'appareil s'envole. Le commandant de bord a exercé une pression normale sur les commandes, mais malgré ses efforts, l'avion n'a pas semblé répondre en se cabrant normalement et en quittant le sol. Le tableau 3 dresse la liste des événements importants, avec les heures correspondantes, les vitesses et l'information relative aux distances sur la piste.

Tableau 3 - Chronologie des événements importants
UTC
h:min:s
Temps
à V1 (sec)
Événement Angle braquage gouverne de profondeur (degrés) Angle assiette en tangage (degrés) Vitesse indiquée en noeuds (kt) KIAS Distance parcourue (pieds) Distance à parcourir (pieds)
20:36:29 −36,6 s Début décollage −8,3° 0 kt 0 pi 8 600 pi
20:36:48,8 −16.8 s Annonce 70 kt −8.2° 1,6° 68 kt 1 300 pi 7 300 pi
20:37:05,6 0 s Annonce V1 −3.9° 1,9° 103 kt
(cible 109)
3 800 pi 4 800 pi
20:37:11,7 6,1 s Début braquage
gouverne de
profondeur
3,2° 115 kt
(cible 115)
4 900 pi 3 700 pi
20:37:13,2 7,6 s Angle gouverne
de profondeur
dépasse +4°
3,7° 116 kt 5 200 pi 3 400 pi
20:37:14,7 9,1 s Braquage
maximal
gouverne de
profondeur
(initial)
5,2° 5,2° 119 kt 5 500 pi 3 100 pi
20:37:16,1 10,5 s Angle maximal
assiette en
tangage (initial)
4,6° 7,6° 121 kt 5 800 pi 2 800 pi
20:37:16,2 10,6 s Augmentation
pression sur
commandes
4,6° 7,6° 121 kt 5 850 pi 2 750 pi
20:37:16,7 11,1 s Angle gouverne
de profondeur
dépasse +5,5°
5,5° 7,6° 122 kt 5 900 pi 2 700 pi
20:37:17,2 11,6 s Braquage
maximal
gouverne de
profondeur
(final)
7,1° 124 kt 6 050 pi 2 550 pi
20:37:18,8 13,2 s Angle maximal
assiette en
tangage (final)
5,7° 8,3° 126 kt 6 400 pi 2 200 pi
20:37:19,2 13,6 s Début
interruption
décollage
(vérification
commande
avancée)
5,6° 7,3° 127 kt 6 500 pi 2 100 pi
20:37:20,8 15,2 s Réduction des
gaz
(vitesse
maximale)
3,3° 131 kt 6 850 pi 1 750 pi
20:37:23,5 17,9 s Décélération
maximale
−8,1° 1,1° 127 kt 7 400 pi 1 200 pi
20:37:24,5 18,9 s Annonce
interruption
décollage
−8,3° 1,4° 123 kt 7 600 pi 1 000 pi
20:37:30 24,4 s Sortie en bout de
piste
−8,4° 0,4° 96° 8 600 pi 0 pi
20:37:30,7 25,1 s Bruits d'impact,
Affaissement du
train
−8,3° −3.6° 94° 8 700 pi −100 pi

1.11 Incendie

Une grande quantité de carburant s'est déversée quand l'aile droite s'est détachée du fuselage après que l'avion a heurté l'antenne du radiophare d'alignement de piste. Cependant, les interrupteurs en cas d'écrasement ont été activés et, au cours de la séquence d'impact, les moteurs ont été coupés, et les extincteurs se sont déchargés automatiquement, ce qui a évité qu'un incendie éclate.

1.12 Questions relatives à la survie des occupants

1.12.1 Configuration de l'avion

Le HS-748-2A possède cinq sorties de secours et deux fenêtres dans le poste de pilotage.Note de bas de page 2. La porte passagers arrière et la porte de la soute à bagages arrière sont les deux principales sorties de secours. La porte passagers pivote vers l'extérieur et vers l'arrière et est maintenue contre le fuselage grâce à un dispositif de blocage. La porte de la soute à bagages fonctionne de la même manière sauf qu'elle pivote vers l'extérieur et vers l'avant. Ces portes n'ont pas de fenêtres. Au-dessus de chaque aile, il y a une fenêtre qui sert de sortie secondaire ou auxiliaire. La cinquième sortie de secours est la porte pour l'équipage et le fret. Elle est située dans la soute à bagages avant, du côté gauche de l'avion. Cependant, cette porte ne sert que de sortie de secours auxiliaire puisqu'elle se trouve près des hélices et qu'elle n'est pas surveillée. La sortie située au-dessus de l'aile droite n'était pas accessible pour ce vol en raison de la configuration de l'appareil.

1.12.2 Évacuation d'urgence

Quand le commandant de bord a annoncé qu'il interrompait le décollage, le premier officier n'a pas communiqué avec l'ATC pour signaler la situation. De plus, aucune annonce par haut-parleur n'a été faite pour prévenir l'agente de bord et les passagers qu'il fallait adopter la position de sécurité. Immédiatement après l'arrêt de l'avion, l'agente de bord, qui n'avait reçu aucun message de l'équipage de conduite, a fait évacuer les passagers par la porte passagers arrière.

Sur la liste de vérifications en cas de sortie de piste et sur la liste de vérifications en cas d'urgence du HS-748, on retrouve les vérifications suivantes :

ROBINETS HAUTE PRESSION OFF Commandant de bord
POMPES D'APPOINT OFF Commandant de bord
EXTINCTEURS OFF Commandant de bord
HAUT-PARLEURS CABINE POSITION DE SÉCURITÉ Premier officier
ATC DIFFUSION Premier officier
BATTERIES OFF Premier officier

Quand le commandant de bord a interrompu le décollage, il n'a pas identifié la situation d'urgence et il ne s'est pas servi de la liste de vérifications en cas d'urgence. Il n'a pas annoncé la procédure en cas de sortie de piste, et aucune des vérifications citée ci-dessus n'a été annoncée à voix haute et aucune d'entre elles n'a été faite. Par la suite, le commandant de bord n'a pas annoncé l'évacuation d'urgence.

Selon le fabricant, BAE Systems, la fermeture des robinets haute pression à manoeuvre mécanique ne fait qu'empêcher le carburant d'arriver aux moteurs, tandis que la fermeture des robinets basse pression électriques coupe les conduites en amont des fuseaux moteurs. Ainsi, en cas de défaillance d'un composant du circuit carburant se trouvant dans un fuseau moteur (comme le réchauffeur carburant), la fermeture des robinets haute pression n'empêchera pas la fuite de carburant. Si l'avion s'immobilise en piqué dû à l'affaissement d'un train d'atterrissage, tout le carburant se trouvant dans l'aile touchée est libre de s'échapper. De plus, les robinets basse pression ne sont pas reliés au circuit des interrupteurs en cas d'écrasement; ils ne se fermeront donc pas automatiquement en cas d'actionnement des interrupteurs. De toute évidence, une telle procédure peut diminuer les risques élévés d'incendie dus à une sortie de piste.

La liste de vérifications pour les Procédures en cas de situations anormales ou critiques qui se trouve dans le manuel d'exploitation du HS-748 a été examinée, et l'on a comparé la procédure en cas de sortie de piste à la procédure en cas d'évacuation d'urgence. La procédures en cas de sortie de piste ne comporte pas la vérification « VOLETS 27 ». La procédure en cas d'évacuation d'urgence stipule que les volets doivent être sortis à 27 degrés pour que les volets puisse être utilisés comme glissoire pour descendre des ailes pour faciliter l'évacuation des passagers. Les volets n'ont pas été sortis à 27 degrés avant l'évacuation; ils sont restés braqués à 7 degrés. Tous les passagers et l'agente de bord ont évacué l'avion par l'escalier intégré.

1.12.3 Matériel de secours et de survie

L'avion accidenté transportait le matériel de secours et de survie exigé en vertu de la réglementation, notamment des lampes de poche, des extincteurs, des inhalateurs protecteurs, une trousse de premiers soins, une hache d'incendie, des radiobalises de repérage d'urgence et des vêtements de survie. De plus, la procédure de la compagnie exige que chaque agent de bord ait une lampe de poche personnelle à portée de la main en tout temps. Il n'y avait pas de mégaphones à bord de l'avion; la réglementation en vigueur ne l'exigeait pas.

1.12.4 Éclairage de secours

L'avion accidenté possède deux types d'éclairage de secours : un éclairage de secours fixe au plafond de la cabine et un éclairage de couloir. Six panneaux d'éclairage comprenant chacun quatre ampoules sont installés dans le plafond de la cabine. La quatrième ampoule de chaque panneau, soit l'éclairage de secours, s'allume automatiquement en cas d'écrasement. Elle s'allume grâce à un interrupteur d'inertie situé sur l'âme de longeron avant. Le HS-748-2A est aussi équipé d'un circuit alterné d'éclairage de secours du couloir. Le circuit est composé de deux ampoules situées sous chaque troisième siège du côté droit. Il y a une lampe stroboscopique à côté de chaque sortie. Chaque unité comporte un bloc-batterie incorporé qui s'active automatiquement lorsque l'avion subit une panne électrique à condition que l'interrupteur de l'éclairage de secours dans le poste de pilotage soit en position armée. L'éclairage fonctionne pendant une vingtaine de minutes.

L'éclairage de secours du plafond et le circuit alterné peuvent être activés manuellement grâce à l'interrupteur de l'éclairage de secours situé sur le panneau de commande de l'agent de bord. Même si l'interrupteur n'a que deux positions (ON et ARMED), il est relié à la position ARMED par un fil-frein pour assurer l'actionnement automatique du circuit en cas d'urgence. Cependant, si le circuit automatique subit une défaillance, on peut allumer l'éclairage de secours en coupant le fil-frein et en plaçant l'interrupteur de l'éclairage de secours sur ON. Le circuit d'éclairage de secours est conçu pour s'activer lorsque l'accélération verticale dépasse 3 g. Le FDR a enregistré une accélération verticale maximale de 2,4 g, ce qui n'était pas suffisant pour activer l'éclairage de secours. L'agente de bord n'a pas réussi dans le noir à trouver l'interrupteur de l'éclairage de secours sur son panneau de commande. L'interrupteur n'était pas visible, et il n'y a pas d'exigence à cet effet dans les normes de certification des aéronefs de la catégorie transport.

1.12.5 Préparation de l'équipage

Selon le manuel des agents de bord de First Air, un décollage interrompu est une situation anormale au cours de laquelle les agents de bord doivent être très vigilants et surveiller ce qui se passe autour d'eux. Ils doivent rester assis, ceinture et baudrier attachés, tant que l'avion est en mouvement. L'agente de bord en question n'a pas donné l'ordre aux passagers de prendre la « position de sécurité ». Une fois que l'avion s'est immobilisé ou qu'il a viré pour quitter la piste, les agents de bord doivent rester assis et évaluer la situation en attendant les instructions du commandant de bord. Si un agent de bord remarque une situation critique pendant ce temps, il doit réévaluer la situation et ne quitter son siège que si c'est nécessaire. Si l'agent de bord croit qu'il s'agit d'une urgence, il doit aussitôt aviser le poste de pilotage.

1.12.6 Décisions relatives à l'évacuation des passagers et de l'équipage

Une fois l'avion immobilisé, l'agente de bord a détaché sa ceinture de sécurité, elle s'est levée et elle a évalué la situation. Vu qu'une évacuation s'imposait, elle n'a pas attendu les instructions du poste de pilotage; elle a immédiatement amorcé la procédure d'évacuation prescrite en cas d'urgence.

Ni l'éclairage de secours du plafond, ni le circuit alterné d'éclairage de secours du couloir ne se sont activés. Conformément à la procédure d'évacuation de l'exploitant, l'agente de bord a tenté de placer l'interrupteur de l'éclairage de secours sur ON pour activer manuellement les deux éclairages. Elle savait où se trouvait l'interrupteur, mais elle ne l'a pas trouvé dans le noir. L'agente de bord aurait pu se servir de sa lampe de poche ou de la lampe de poche de secours qui se trouvait à bord de l'avion pour chercher l'interrupteur de l'éclairage de secours, mais elle ne l'a pas fait à cause du temps que cela aurait pris et des risques que présentait tout retard dans l'évacuation.

L'agente de bord devait ensuite ouvrir la porte de sortie principale, soit la porte passagers arrière. Il faisait très noir dans cette partie de l'avion. Elle s'est donc servie de sa lampe de poche pour trouver la poignée de la porte. À ce moment-là, l'agente de bord a remarqué que l'escalier intégré s'était délogé lors de l'impact et qu'il bloquait une partie de la sortie de secours. Elle a toutefois réussi à actionner la poignée et à ouvrir la porte. Le dispositif de blocage n'a pas fonctionné la première fois. Lors de la deuxième tentative, la porte a pu être bloquée en position complètement ouverte contre le fuselage.

L'agente de bord a réussi à pousser l'escalier intégré à l'extérieur jusqu'au sol. Elle a ensuite donné les bonnes instructions pour que les passagers sortent de l'avion, elle a compté les passagers pendant qu'ils quittaient l'avion, puis elle a quitté l'avion. Elle n'a emporté aucun article de secours ni de survie qui se trouvait à bord.

Le commandant de bord et le premier officier se trouvaient déjà à l'extérieur de l'avion lorsque l'agente de bord a ouvert la porte passagers arrière. Le fret qui se trouvait dans la soute à bagages avant s'était déplacé lors de l'impact et bloquait l'accès à la sortie de secours située au-dessus de l'aile gauche et l'accès à la porte pour le fret et l'équipage. Les deux pilotes sont sortis par les fenêtres coulissantes du poste de pilotage.

1.12.7 Services d'intervention en cas d'urgence

Aucun service d'intervention d'urgence ni service de lutte contre les incendies n'était présent à l'aéroport. Le service des incendies de la municipalité est responsable des interventions d'urgence à l'aéroport d'Iqaluit et assure une intervention dans les 20 minutes qui suivent l'annonce d'une situation d'urgence. Le service de lutte contre les incendies est assuré par des employés salariés et par des pompiers bénévoles. Tout le personnel avait suivi une formation de trois jours sur la lutte contre les incendies d'aéronef, formation qui traitait des questions de sécurité et des actions à éviter, mais le personnel n'avait pas eu la chance de faire des exercices pratiques. L'équipement de lutte contre les incendies disponible comprenait deux autopompes de première ligne capables de répandre de la mousse pour lutter contre les incendies alimentés par le carburant, et une mini-autopompe.

Le chef du service des incendies de la municipalité est arrivé à l'aéroport avant les camions incendie. Il avait été prévenu qu'un avion s'était écrasé et que l'appareil se trouvait à droite de l'aéroport à 20 pieds à l'extérieur de la clôture de l'aéroport. Le chef du service des incendies ne savait pas toutefois où se trouvait exactement l'avion car le spécialiste n'avait pas indiqué clairement si l'accident s'était produit proche du seuil de piste ou à l'extrémité de la piste 18. Il croyait que l'accident s'était peut-être produit à l'extrémité sud de l'aéroport. Quand il a vu qu'il n'y avait aucun autre véhicule ni aucun signe d'activité à cet endroit, il est rapidement retourné à l'aérogare. Pendant qu'il roulait vers l'aéroport, il a ordonné à ses véhicules de se rendre à l'extrémité nord de la piste. Il n'y a aucune route périphérique ni aucun autre accès qui permette de se rendre à cet endroit de l'aéroport, sauf la piste.

La confusion momentanée créée par le fait qu'on ne connaissait pas l'endroit exact de l'accident n'a pas retardé l'intervention de beaucoup, mais cela aurait pu être le cas. La FSS n'utilise pas de cartes quadrillées de l'aéroport pour décrire les endroits où doivent se rendre les véhicules se secours. Une telle carte est pourtant disponible et fait partie du manuel d'intervention d'urgence de l'aéroport en vigueur. L'Organisation de l'aviation civile internationale fait les recommandations suivantes :

Les services d'aérodrome intéressés devraient disposer d'une carte à quadrillage de l'aérodrome et de ses abords immédiats. Des renseignements devraient figurer sur la topographie, les voies d'accès et l'emplacement des points d'eau. Cette carte devrait être affichée bien en vue dans la tour de contrôle et le poste d'incendie et se trouver dans les véhicules de sauvetage et d'incendie ainsi que dans tous les autres véhicules dont l'aide peut être requise en cas d'accident ou incident d'aviation. Des exemplaires de cette carte devraient être également distribués aux services publics de protection, dans la mesure où cette distribution est souhaitable.Note de bas de page 3

Une enquête effectuée auprès de trois aéroports ontariens et d'un aéroport québécois a révélé que les plans d'intervention d'urgence de ces aéroports comportaient des cartes quadrillées de l'aéroport et que les organismes d'intervention avaient accès à ces plans d'intervention. La carte quadrillée d'aéroport n'est pas, dans ces cas, mis à la disponibilité des conducteurs de véhicules de secours et n'est pas utilisée lorsque les renseignements concernant l'endroit de l'accident sont transmis. La terminologie, qui est bien connue du personnel de l'aéroport, comme les indicatifs de piste ou de voie de circulation ou tout autre point de repère connu, n'est cependant pas toujours comprise par les conducteurs des véhicules de secours, et certaines personnes pourraient avoir du mal à la comprendre. Par exemple, lors d'un exercice, un camion incendie s'est dirigé vers la mauvaise extrémité de la piste après avoir reçu des instructions de la FSS.

1.13 Essais et recherches

1.13.1 Analyse des performances de l'avion

Le Laboratoire technique du BST a effectué une analyse détaillée des performances de l'avion pour évaluer les éléments qui auraient pu jouer un rôle dans l'interruption de décollage. Les performances de l'avion au cours de l'interruption de décollage ont été comparées aux performances du même avion au cours de trois décollages réussis effectués plus tôt le jour de l'accident et avec la même configuration. Pour évaluer les performances des ailes au cours du décollage interrompu, il a fallu établir des performances de référence pour l'avion quand il n'est pas dans des conditions de givrage. Les conclusions suivantes sont tirées du rapport de laboratoire numéro LP 135/98 - Flight Data and Voice Recorder AnalysisNote de bas de page 4 (Analyse du FDR et du CVR) du Laboratoire technique du BST :

1.13.2 Décisions concernant le décollage interrompu et critères de certification

Le HS-748 possédait un certificat de type, numéro A-87, conformément au Règlement de l'aviation canadien. Dans le cadre de cette certification, le constructeur doit faire la démonstration à Transports Canada que les performances de l'avion correspondent aux données de performance qui figurent dans le manuel de vol approuvé par Transports Canada.

Dans le cas d'un décollage sur une piste courte, V1 est la vitesse maximale à ne pas dépasser pour amorcer une interruption de décollage pour être en mesure d'immobiliser l'avion avant la fin de la piste. Selon la définition de V1 qui figure dans les Federal Aviation Regulations des États-Unis, le pilote doit être capable de reconnaître une défaillance moteur et de prendre des mesures pour interrompre le décollage avant que l'avion ait atteint la V1. Si le pilote amorce l'interruption de décollage quand l'avion a dépassé la V1 sur une piste courte, l'avion ne pourra pas s'immobiliser sur la piste.

L'équipage de conduite avait calculé la longueur de piste équivalente et avait obtenu 5 250 pieds en se basant sur le supplément au manuel de vol de l'appareil, sur la masse de l'appareil et sur la température qui prévalait le jour de l'accident, et en tenant compte du fait qu'il n'utilisait pas de mélange eau-méthanol. Vu que la piste à Iqaluit mesure 8 600 pieds de long et que la configuration et les réglages de puissance recommandés par le constructeur ont été utilisés, la piste aurait dû être assez longue pour permettre d'accélérer à V1, d'interrompre le décollage et d'immobiliser l'avion sur la piste.

Selon le constructeur, compte tenu de la masse calculée et des conditions météorologiques qui prévalaient le jour de l'accident, la distance approximative requise pour la course au décollage jusqu'au point de cabrage pour une piste sèche aurait dû être de 4 232 pieds. La distance de freinage approximative requise après l'interruption de décollage (incluant les délais pour la réduction de la puissance et la sollicitation des freins) à partir d'une V1 de 109 noeuds aurait dû être d'environ 1 918 pieds. La poursuite du décollage à une vitesse de 131 noeuds avec toutes les roues au sol doit avoir rallongé considérablement la distance d'arrêt. Pour le décollage en question, l'accélération jusqu'à une VR de 115 noeuds était inférieure d'environ 15 % à l'accélération basée sur les données de décollage qui figurent dans le manuel de vol.

1.13.3 Formation au décollage interrompu

En 1989, à la suite d'accidents au décollage causés par de mauvaises décisions et de mauvaises procédures de décollage interrompu, un comité mixte composé de représentants de la Federal Aviation Administration (FAA) et de l'industrie a examiné quelles mesures pourraient être prises pour améliorer la sécurité au décollage. Le comité a examiné près de 3 000 décollages interrompus qui s'étaient produits entre 1959 et 1990. En avril 1993, la FAA a publié les conclusions du comité dans le document intitulé Take-off Safety Training Aid et a produit une vidéo sur l'exposé à l'équipage de conduite intitulée Rejected Take-off and the Go/No-Go Decision. La vidéo servant à la formation souligne l'importance de respecter les concepts de prise de décision entourant la V1 et montre qu'une sortie de piste est inévitable si l'interruption de décollage est amorcée après la V1. Dans l'exposé sur les décollages interrompus présenté dans le document Take-off Safety Training Aid, il est indiqué que le décollage ne devrait pas être interrompu une fois que l'avion a dépassé la V1 à moins que le pilote ait des raisons de croire que l'avion ne peut poursuivre le vol en toute sécurité. L'étude conclut que dans la plupart des sorties de piste, les pilotes qui utilisaient des repères visuels n'avaient pas correctement évalué la longueur de piste utilisable ni la capacité de l'avion de s'arrêter. Une analyse effectuée par la FAA et par l'industrie sur 74 cas de décollages interrompus qui se sont soldés par une sortie de piste révèle que, dans certains cas, l'équipage n'était pas certain si l'avion pouvait poursuivre le vol en toute sécurité, soit qu'il avait entendu une forte détonation dont il ne connaissait pas l'origine, soit qu'il y avait des vibrations, ou qu'il y avait d'autres signes qui ont plus tard été évalués comme des signes de décrochage moteur ou de panne moteur.

Les pilotes de la compagnie First Air reçoivent, au cours de leur entraînement périodique annuel, une formation sur les divers scénarios pouvant mener à une interruption de décollage. La formation a pour objet de permettre aux équipages d'acquérir de l'expérience en matière de prise de décision, avant et après V1. Cependant, cette formation n'est pas dispensée dans un simulateur, mais dans un véritable avion. Vu qu'il n'existe pas de simulateur de HS-748, il est très difficile de simuler un décollage interrompu à V1 et à la masse brute au décollage avec divers scénarios, avec un centrage extrême par exemple. Il serait facile de reproduire ces situations dans des simulateurs modernes, ce qui permettrait au pilote d'avoir une perception réaliste de l'avion.

Lors du vol ayant mené à l'accident, le pilote a conclu, à cause de ses sollicitations sur les commandes et des repères visuels de nuit, que l'avion ne pouvait pas poursuivre le vol en toute sécurité. Il a jugé que l'avion avait adopté l'assiette en tangage nécessaire pour le décollage et que l'avion aurait dû s'envoler.

2.0 Analyse

2.1 Introduction

L'avion était entretenu conformément aux spécifications du constructeur et à la réglementation en vigueur. Les systèmes de l'avion ont été utilisés correctement et ils n'ont joué aucun rôle dans la sortie de piste et ils n'ont pas gêné l'évacuation de l'appareil.

À part l'accélération qui s'est avérée inférieure à celle qu'on s'attendait lors de la course au décollage ainsi que le fait que l'avion ne s'est pas envolé comme l'équipage l'avait prévu, les performances de l'avion ont correspondu aux performances prévues par le constructeur.

L'équipage de conduite n'a pas demandé d'adopter la « position de sécurité » et n'a pas donné l'ordre d'« évacuer » par l'entremise des haut-parleurs, mais l'évacuation de l'appareil s'est bien déroulée. Vu que personne n'a utilisé les sorties de secours situées au-dessus des ailes, le fait que les volets n'avaient pas été sortis à 27 degrés n'a pas gêné l'évacuation. L'agente de bord n'a pas demandé aux passagers d'adopter la « position de sécurité » et n'a pas réussi à allumer l'éclairage de secours, mais elle a tout de même pris des mesures à la suite de l'interruption de décollage et elle a fait évacuer les passagers conformément aux procédures établies. Elle a eu très peu de temps pour se rendre compte que l'avion était sorti en bout de piste.

2.2 Dégivrage de l'avion

Le dégivrage des surfaces critiques dans les conditions météorologiques qui prévalaient faisait partie des procédures de la compagnie, mais l'équipage a décidé de ne pas faire dégivrer l'avion. Le personnel au sol a plutôt utilisé des souffleuses à feuilles pour souffler la neige qui s'était déposée sur les ailes de l'avion. Même si, selon l'information recueillie, la neige qui s'était accumulée sur les ailes avant le décollage avait été soufflée durant la première partie de la course au décollage, il n'a pas été possible d'écarter la possibilité qu'il restait de la neige ou de la glace sur l'avion. Cependant, cette possibilité doit être prise en compte dans le contexte des données de performances enregistrées par le FDR.

2.3 Utilisation d'un mélange eau-méthanol

Un mélange eau-méthanol n'a pas été utilisé avant le décollage ayant mené à l'accident. L'utilisation d'un tel mélange aurait raccourci la course au décollage d'environ 1 000 pieds. Vu que l'interruption de décollage n'a pas été amorcée comme le prescrivent les manuels d'exploitation, l'enquête n'a pas pu établir avec certitude les effets de l'utilisation d'un tel mélange.

2.4 Décision d'interrompre le décollage

Le commandant de bord a jugé qu'il avait suffisamment sollicité les commandes et que l'avion avait adopté l'assiette en tangage nécessaire pour le décollage, si bien que lorsque l'avion ne s'est pas envolé comme prévu, il a conclu qu'il y avait un problème avec l'avion et il a interrompu le décollage. Le FDR révèle toutefois que l'avion n'avait pas atteint un angle de tangage suffisant. Le commandant de bord a probablement eu du mal à évaluer l'assiette en tangage à cause de la plus grande force qu'il a dû exercer sur la commande de profondeur et parce qu'il disposait de peu de repères visuels à cause de la tombée de la nuit.

Les pilotes de la compagnie First Air reçoivent, au cours de leur entraînement périodique annuel, une formation sur les décollages et sur les divers scénarios pouvant mener à une interruption de décollage, mais il n'existe aucun simulateur de HS-748. Par conséquent, les pilotes ne peuvent pas faire d'exercices pratiques avec un centrage avant comme c'était le cas dans le présent accident.

2.5 Performances

2.5.1 Généralités

La distance parcourue par l'avion pour accélérer à VR (115 noeuds) était supérieure d'environ 15 % à la distance prévue, probablement en raison de la neige folle sur la piste. De plus, les conditions de freinage n'était pas idéales, comme l'a montré un CRFI de 0,21 relevé après l'accident et les déclarations de l'équipage comme quoi la piste était glissante.

Après avoir décidé d'interrompre le décollage, le commandant de bord a réduit les gaz alors que l'avion atteignait une vitesse indiquée de 131 noeuds et que l'appareil se trouvait à environ 1 750 pieds du bout de la piste. Le FDR a permis de confirmer que le levier avait été réglé en position de freinage aérodynamique et que les freins avaient été serrés à fond, mais l'avion avait dépassé V1 au moment de l'interruption de décollage. Même dans des conditions idéales à partir de la VR de 115 noeuds, l'avion avait besoin de 1 900 pieds pour s'immobiliser sur la piste. Par conséquent, au moment où le décollage a été interrompu, soit lorsque la vitesse avait atteint 131 noeuds, la distance de piste utilisable était insuffisante pour que l'avion s'immobilise sur la piste. Un faible freinage aurait rallongé la distance d'arrêt.

2.5.2 Contrôle de la charge à bord de l'avion

Pour assurer que les limites de masse et centrage sont respectées, toutes les personnes concernées doivent respecter les procédures établies. Le fait que des bagages supplémentaires ont été chargés à bord de l'avion sans avoir été pesés semble indiquer un manque de jugement de la part des personnes concernées par rapport à leur rôle qui consiste à s'assurer que la masse et le centrage sont toujours dans les limites établies. La masse des bagages supplémentaires et ses conséquences n'ont pas été évaluées conformément aux exigences des procédures de la compagnie et de Transports Canada. En fait, la masse de l'avion au décollage dépassait de 200 livres la masse maximale autorisée au décollage, et le centrage se trouvait au-delà de la limite avant établie par First Air.

Une diminution de performances résultant d'une charge additionnelle de 200 livres dans un avion de la taille d'un HS-748 à la masse brute maximale peut sembler négligeable, mais les écarts relevés dans le contrôle de la charge de l'avion se sont probablement traduits par une masse supérieure à la masse maximale théorique sans carburant et à la masse maximale théorique au décollage. La masse de l'avion dépassait également de 1 600 livres les limites de masse-altitude-température. Cette situation n'a toutefois joué aucun rôle dans l'accident.

Un centrage avant nécessite habituellement qu'on exerce une plus grande force sur la commande de profondeur pour le cabrage au décollage. Les équipages de conduite viennent à connaître la force requise et les déplacements ressentis au décollage dans diverses configurations de centrage et de masse. Pour le HS-748, si le compensateur de la gouverne de profondeur est en position neutre pour le décollage, les chargements qui varient d'une journée à l'autre peuvent modifier la force requise ainsi que les déplacements ressentis au moment du cabrage. Les enregistrements n'ont pas permis de déterminer la position du compensateur; toutefois, selon l'information recueillie, le compensateur aurait été trouvé en position neutre après l'accident. Lors des vols précédents, le centrage n'était pas aussi à l'avant que lors du vol ayant mené à l'accident, et le pilote aux commandes n'avait probablement pas souvent été confronté à une masse avoisinant la limite permise avec un centrage avant au-delà de la limite établie par l'exploitant. Lors de la première tentative de cabrage, le nez de l'avion a arrêté de se soulever lorsque le pilote aux commandes a cessé de tirer sur les commandes. En fait, l'avion a commencé à piquer du nez. À ce moment, l'avion n'avait pas atteint un angle de cabrage suffisant pour pouvoir s'envoler, et cet angle n'a pas été maintenu pendant que l'avion continuait à accélérer. En général, on hésite à solliciter les commandes plus que nécessaire, tant en termes de déplacement que de force.

Le système de contrôle de l'angle d'assiette en tangage du HS-748 est tel que plus le braquage de la gouverne de profondeur est important, plus il faut exercer une force importante pour déplacer la commande. Lors du vol ayant mené à l'accident, quand le pilote a constaté que l'avion ne s'envolait pas après la première tentative de cabrage, il a braqué davantage et plus rapidement la gouverne de profondeur à un angle supérieur de 1,8 degré par rapport au braquage habituel des vols précédents. Après cette sollicitation supplémentaire (l'angle de braquage maximal équivalait à environ 30 % de la position de cabré maximal de la gouverne de profondeur) et l'accélération jusqu'à 11 noeuds au-dessus de VR, l'avion ne s'envolait toujours pas. Le pilote a alors interrompu le décollage. Les performances de la gouverne de profondeur (angle et taux de déplacement) semblent correspondre aux données des vols précédents, ce qui indique qu'il n'y a pas eu de dégradation importante des performances de la gouverne de profondeur. Lors de la seconde tentative de cabrage, le nez a arrêté de se soulever une fois de plus, et l'avion a alors commencé à piquer lorsque le pilote a relâché les commandes. Lors de la tentative de décollage en question, la force exercée sur les commandes n'a pas permis à l'avion d'atteindre l'angle de cabrage de 10 degrés nécessaire pour un décollage normal. Cependant, la commande de profondeur aurait pu être tirée encore bien plus vers l'arrière.

2.6 Intervention d'urgence

L'intervention conduite par les services d'urgence, les autorités de l'aéroport et le personnel de la compagnie en réponse à l'accident n'a pas été bien coordonnée. Il y a eu un délai au départ parce que le spécialiste de la FSS ne connaissait pas la position exacte de l'avion et parce qu'il n'avait reçu aucun appel radio l'informant du décollage interrompu. Par la suite, même si des cartes quadrillées de l'aéroport étaient disponibles, la FSS, les camions incendie et les équipes d'intervention ne les ont pas utilisées pour s'orienter, ce qui a retardé davantage l'arrivée des secours sur les lieux de l'accident. La plupart des plans d'intervention d'urgence des aéroports utilisent une carte quadrillée pour permettre une intervention rapide et ordonnée sur les lieux de l'accident. Lorsqu'un aéronef vient de s'écraser, le temps d'intervention des services de secours est extrêment important, mais ce n'était pas le cas dans le présent accident.

3.0 Faits établis

3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Le commandant de bord a interrompu le décollage à une vitesse bien supérieure à la vitesse minimale en cas de panne moteur critique (V1) et alors que la distance de piste utilisable était insuffisante pour permettre à l'avion de s'immobiliser sur la piste.
  2. L'avion était en centrage très avant, et le pilote n'a pas pu cabrer l'avion à l'assiette normale de décollage.
  3. L'avion n'a jamais atteint l'angle de cabrage nécessaire au décollage. Le commandant de bord a probablement eu du mal à évaluer correctement l'angle de cabrage à cause de la force supplémentaire qu'il a dû exercer sur la commande de profondeur et en raison du peu de repères visuels à cause de la tombée de la nuit.
  4. Le chef arrimeur de fret n'a pas suivi les procédures de la compagnie approuvées par Transports Canada relatives à l'évaluation de la masse des bagages supplémentaires, ce qui a donné lieu à un écart de 450 livres et un centrage plus à l'avant que prévu.
  5. L'analyse des performances laisse croire que l'avion n'a pas été suffisamment cabré en raison du centrage avant et que la portance générée n'a jamais dépassé la masse de l'avion lors de la tentative de décollage.

3.2 Faits établis quant aux risques

  1. La masse de l'avion dépassait d'environ 200 livres la masse maximale autorisée au décollage.
  2. L'avion a accéléré plus lentement que d'habitude, sans doute à cause de la neige sur la piste.
  3. Même si les conditions météorologiques étaient favorables à la formation de givre sur les surfaces de l'avion et même si l'avion n'a pas été dégivré avant le décollage, l'enquête n'a pas permis d'établir s'il y avait du givre sur l'avion et si cette situation avait dégradé les performances de l'avion lors de la tentative de décollage.
  4. Un mélange eau-méthanol n'a pas été utilisé pour le décollage. Si un tel mélange avait été utilisé, l'interruption de décollage aurait eu des conséquences moins graves.
  5. Le commandant de bord n'a pas annoncé la procédure en cas de sortie de piste, et l'équipage n'a fait aucune des vérifications figurant sur la liste de vérifications.
  6. Le premier officier n'a pas exécuté la liste de vérifications en cas d'urgence et il n'a pas communiqué avec le contrôle de la circulation aérienne pour signaler l'interruption de décollage, et il n'a pas demandé aux passagers d'adopter la position de sécurité, par les haut-parleurs.
  7. L'avion a été privé d'électricité lors de l'impact avec les grosses roches, ce qui a rendu les radios inutilisables.
  8. Il n'existe aucun simulateur de HS-748 pour permettre aux pilotes de se familiariser avec les divers scénarios de décollage et de décollage interrompu.
  9. Il y a eu une certaine confusion autour de la position de l'avion. La station d'information de vol, les camions incendie et les équipes d'intervention n'ont pas utilisé la carte quadrillée qui était disponible pour les aider à s'orienter.
  10. Il est risqué de ne pas dégivrer un avion avant le décollage quand les conditions météorologiques sont semblables à celles qui prévalaient le jour de l'accident.
  11. Il est risqué de ne pas évaluer les limites de masse-altitude-température et les performances d'un avion sur un seul moteur quand il y a des obstacles.

3.3 Autres faits établis

  1. Les freins, le dispositif anti-patinage et les pneus de l'avion ont fonctionné correctement pendant l'interruption de décollage.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures prises

4.1.1 First Air

First Air a modifié la définition de « neige sèche »Note de bas de page 5 qui figure dans son manuel de dégivrage. Le manuel révisé stipule que chaque fois qu'il y a des précipitations avant le roulage ou le décollage et que la température est supérieure à moins 10 degrés Celsius, les surfaces critiques de l'avion doivent être dégivrées à l'aide du liquide dégivrant approuvé.

En décembre 1998, après l'accident, First Air a vérifié tous ses documents de masse et centrage et a décelé des anomalies. Tous les préposés au fret ont reçu de la formation additionnelle concernant les anomalies relevées. Un système informatisé de masse et centrage a été élaboré et il est actuellement mis en oeuvre.

Après avoir pris connaissance de l'observation du constructeur concernant la vérification « ROBINETS BASSE PRESSION », First Air a commencé à examiner, de concert avec Transports Canada, la possibilité de modifier la liste de vérifications en cas de sortie de piste du HS-748 pour y ajouter la vérification « ROBINETS BASSE PRESSION - OFF ».

4.1.2 Gouvernement du Nunavut

Après l'accident, le gouvernement du Nunavut a réouvert le service d'incendie de l'aéroport et a embauché un chef des pompiers et trois pompiers. Un camion incendie Oshkosh T3000 neuf a été acheté et a été livré à Iqaluit. Un deuxième camion a été réparé et a repris le service à l'été 1999.

4.1.3 Bureau de la sécurité des transports

Le BST a envoyé un avis de sécurité aérienne à Transports Canada pour lui signaler que les cartes quadrillées ne sont pas toujours utilisées en cas d'intervention d'urgence. Ces cartes quadrillées sont des outils de travail fiables et efficaces qui permettent d'intervenir plus rapidement lorsqu'il s'agit de diriger les véhicules d'urgence vers le lieu de l'accident. L'avis de sécurité suggérait à Transports Canada de faire l'examen des exigences visant les exploitants d'aéroport et les organismes concernés pour ce qui est de l'utilisation de cartes quadrillées pour guider les véhicules d'urgence lors d'une intervention.

Le 14 août 2000, Transports Canada a fait savoir au BST qu'il avait reçu l'avis de sécurité aérienne concernant l'utilisation des cartes quadrillées lors des interventions d'urgence en cas d'accident. En réponse à cet avis, Transports Canada, Aviation civile, Sécurité des aérodromes, vient tout juste de terminer l'ébauche d'un nouveau règlement et d'une nouvelle norme, toute deux relatives à la planification des services d'urgence dans les aéroports, qui traitera de la question soulevée dans l'avis. Ce nouvel article, qui remplacera l'article actuel dans la section sur les interventions d'urgence, donnera plus de directives sur l'élaboration et l'utilisation des cartes quadrillées et comprendra également une liste de toutes les personnes qui reçoivent ces cartes.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .

Annexes

Annexe A— Sigles et abréviations

ATC
contrôle de la circulation aérienne
BST
Bureau de la sécurité des transports du Canada
CRFI
coefficient canadien de frottement sur piste
FAA
Federal Aviation Administration
FSS
station d'information de vol
g
facteur de charge
h
heure
HNE
heure normale de l'Est
hr
hour
KIAS
vitesse indiquée en noeuds
kt
noeud
lb
livre
m
minute
NOTAM
Avis aux aviateurs
pi
pied
s
seconde
UTC
temps universel coordonné
V1
vitesse minimale en cas de panne de moteur critique
VR
vitesse de cabrage
°
degré
°C
degré Celsius
°F
degré Farenheit
%
pour cent