Language selection

Rapport d'enquête aéronautique A98P0156

Rupture d'une biellette de pas de rotor de queue
Helijet Airways Inc.
Sikorsky S-76A (Hélicoptère) C-GHJL
Vancouver (Colombie-Britannique)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

L'hélicoptère Sikorsky S-76A, portant le numéro de série 760214 et ayant à son bord deux pilotes et huit passagers, avait décollé de l'hélisurface du port de Vancouver vers 12 h 38, heure avancée du Pacifique (HAP), en direction de l'aéroport international de Vancouver. Lorsque le pilote a décéléré en vue d'atterrir, il a senti une vibration rapide sur le levier de collectif. Il a poursuivi son approche en utilisant la puissance minimale requise et il a constaté que l'intensité des vibrations avait diminué. Pendant la phase finale de l'approche, le pilote a remarqué de faibles vibrations sur les pédales du rotor de queue. Il a atterri sans se mettre en stationnaire et a roulé sans problème jusqu'au hangar. Il n'y a eu ni blessures ni dommages.

Renseignements de base

Le personnel de maintenance de l'entreprise a établi que ces vibrations étaient dues à la rupture d'une biellette de commande de pas du rotor de queue (portant la référence Sikorsky 76103-05003-041 et le numéro de série A063-00899), laquelle a été déposée et envoyée au laboratoire du BST pour inspection et analyse.

La commande de pas du rotor de queue est constituée d'une biellette et de deux embouts à rotule vissés aux extrémités de la biellette et maintenus en place par un écrou et un dispositif de blocage. Après leur installation sur un hélicoptère, les biellettes de commande de pas du rotor de queue font l'objet d'inspections selon état et il n'est pas nécessaire qu'elles soient déposées et révisées conformément à un calendrier particulier.

L'article 8 de la liste de vérifications d'inspection aux 50 heures du chapitre 5-20-00 du manuel de maintenance SA 4047-76-2-1, en date de décembre 1998, mentionne de vérifier que les biellettes et le montant de la commande de pas du rotor de queue n'ont pas été endommagés et qu'ils sont bien fixés et également de vérifier l'état des paliers des embouts. Il n'est pas non plus nécessaire de suivre les antécédents de la pièce. Le composant de l'embiellage qui s'était rompu était l'embout (portant la référence Sikorsky 76103-05002-102), lequel avait été endommagé près de l'écrou.

Le rotor de queue quadripale du Sikorsky S-76A est constitué de deux paires de pales opposées raccordées au moyeu, à savoir une paire « intérieure » et une paire « extérieure ». Les biellettes de commande de pas de chacune des deux paires de pales sont identiques, sauf que celles raccordées à la paire intérieure sont plus longues que celles raccordées à la paire extérieure. Cette différence de longueur est obtenue par l'ajustement des embouts.

Le bulletin service d'alerte (BSA) 76-65-45 de Sikorsky, d'abord publié le 11 mars 1994 et publié à nouveau le 8 juin 1994 sous l'appellation BSA 76-65-45A, traite des embouts. Le Règlement de l'aviation canadien (RAC) n'exige pas que les exploitants se conforment aux bulletins d'un constructeur. Ni la Federal Aviation Administration des États-Unis, qui supervise la conception du S-76, ni Transports Canada n'ont publié de consigne de navigabilité en rapport avec ce bulletin service d'alerte. Les BSA 76-65-45 et 76-65-45A de Sikorsky ont pour objet la conduite d'une inspection non répétitive visant à déceler des criques dans les parties filetées visibles des embouts des biellettes de commande de pas du rotor de queue. Une inspection visuelle visant à déceler des criques et des piqûres de corrosion doit être effectuée au moyen d'une loupe grossissant 10 fois. Si aucun signe de criques ni de piqûres de corrosion n'est décelé, un contrôle par ressuage fluorescent des parties filetées visibles des deux embouts des quatre biellettes doit être effectué pour vérifier la présence de criques. Si un embout présente des signes de criques ou de piqûres de corrosion, il doit être remplacé.

Les inspections mentionnées dans les BSA 76-65-45 et 76-65-45A de Sikorsky sont particulières aux embouts (portant la référence Sikorsky 76103-05002-102 et 76103-05002-101) et non à l'hélicoptère. Lorsque les inspections mentionnées dans un BSA sont effectuées, cela doit être indiqué correctement dans le carnet de bord pour montrer que ce BSA est respecté. Le 14 mai 1994, alors que l'appareil totalisait un temps depuis mise en service initiale de 14 940 heures de vol cellule, Helijet Airways Inc. a inscrit que l'hélicoptère en cause dans cet incident respectait le BSA 76-65-45 de Sikorsky. L'appareil totalisait un temps depuis sa mise en service initiale de 21 412 heures au moment de la dépose de la biellette de commande de pas, laquelle s'est rompue après 6 472 heures, c'est-à-dire environ quatre ans et un mois après la conduite de l'inspection demandée dans le BSA 76-65-45. Le temps depuis mise en service initiale de la biellette de commande de pas ne figurait pas dans les dossiers d'Helijet Airways Inc. et il n'était d'ailleurs pas nécessaire qu'il y figure.

Le manuel de maintenance agréé (Révision 31) du Sikorsky S-76 ne fait état d'aucune inspection ni d'aucuns détails d'inspection relativement à la détection de criques dans les embouts des biellettes de rotor de queue. Il mentionne cependant la nécessité d'inspecter les biellettes de commande de pas pour vérifier si elles présentent des signes de corrosion, mais uniquement au niveau de la partie filetée visible des embouts et seulement si la peinture de protection ou l'enduit anticorrosion a subi des altérations. Il comporte de plus les procédures d'inspection détaillées des paliers de biellette de commande de pas et d'amortisseur ainsi que les procédures de prévention de la corrosion des biellettes de commande de pas du rotor de queue, y compris de la partie filetée des embouts.

Il a été établi que la fatigue mégacyclique constituait le mode de défaillance; la fissure s'est propagée sous des charges normales d'utilisation à partir de précriques de fatigue ayant pris naissance dans la région du fond de filet, près des coins de la rainure. La crique a débuté à l'extérieur du premier filetage du boîtier du palier, donc à un endroit visible. Il a été établi que la fatigue coïncidait avec la concentration des contraintes que constituent les fonds de filet comportant des piqûres de corrosion. Sikorsky avait déjà constaté des défaillances similaires.

Le rapport de laboratoire technique du BST mentionne que le jeu radial du palier de la biellette de commande de pas du rotor de queue respectait les limites publiées par Sikorsky; cependant, si l'on se fie au manuel de maintenance, le contact métal sur métal entre la butée intérieure et la butée extérieure du palier semble nécessiter le remplacement de l'embout. Ce même rapport mentionne également que les parties filetées visibles de la biellette de commande de pas du rotor de queue qui s'est rompue n'étaient pas recouvertes de l'enduit anticorrosion approprié. Aucune trace de peinture ni d'autre enduit de protection n'a été décelée.

Analyse

Le montage d'une biellette sur une pale intérieure nécessite l'ajustement de ses embouts de façon à ce qu'une plus grande partie filetée soit visible que lors de son montage sur une pale extérieure. Si une biellette--particulièrement une biellette munie d'un embout utilisé antérieurement sur une pale intérieure--est réinstallée sur une pale extérieure, la nécessité de visser plus à fond l'embout sur cette biellette pourrait faire qu'une crique se retrouve cachée par l'embout, par le dispositif de verrouillage ou par l'écrou. Les inspections décrites dans le manuel de maintenance (Révision 31) et dans le BSA 76-65-45A du Sikorsky S-76 étant propres à la seule partie filetée visible de l'embout, il est possible qu'une crique soit ainsi cachée. De plus, puisque le manuel de maintenance ne recommande d'aucune façon de vérifier la présence de criques dans les embouts de biellette de commande de pas du rotor de queue, il est possible que la présence d'une crique ne soit pas décelée.

Une inscription doit être faite au carnet de bord pour montrer que le BSA 76-65-45A de Sikorsky est respecté. Cependant, si une biellette ou un embout a été modifié et que ses antécédents ne sont pas disponibles (y compris pour indiquer que l'inspection de cette pièce décrite dans le BSA a été effectuée), les dossiers de l'appareil peuvent indiquer qu'il y a respect du BSA même si l'embout comporte une crique. Si une inspection (telle que définie dans le BSA) n'a pas été effectuée, il se peut qu'une telle crique ne soit pas décelée.

Le BSA décrit en détail une procédure permettant d'identifier des criques avec certitude. Les exigences figurant dans le manuel de maintenance--relativement aux dommages et à la bonne fixation--sont d'ordre général et ne comportent pas d'instructions sur la façon d'effectuer une inspection visant à déceler des criques; c'est pourquoi il est fort probable que l'exploitant effectuant une inspection générale n'aura pas les mêmes résultats que ceux exigés par le BSA.

L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :

Faits établis

  1. L'embout (portant la référence 76103-05002-102) a cédé en raison d'une fatigue mégacyclique résultant de charges normales d'utilisation. Il a été établi que cette fatigue coïncidait avec la concentration des contraintes que constituent les fonds de filet comportant des piqûres de corrosion.
  2. Le temps total exact depuis la mise en service initiale de l'embout ainsi que ses antécédents n'ont pu être déterminés.
  3. Les biellettes de commande de pas du rotor de queue font l'objet d'inspections selon état.
  4. L'intégrité de l'embout ne peut être établie de façon précise à moins que toute la partie filetée ne soit inspectée.
  5. Le bulletin service d'alerte 76-65-45 de Sikorsky, d'abord publié le 11 mars 1994 et publié à nouveau le 8 juin 1994 sous l'appellation BSA 76-65-45A, recommande fortement l'inspection des parties filetées visibles des embouts.
  6. Les exigences d'inspection mentionnées dans les BSA 76-65-45 et 76-65-45A de Sikorsky sont particulières aux embouts; cependant, la documentation attestant qu'il y a conformité est particulière aux dossiers de l'hélicoptère.
  7. Le manuel de maintenance (Révision 31) du Sikorsky S-76 ne fait pas état d'une exigence propre à l'inspection des embouts des biellettes de commande de pas du rotor de queue en vue de déceler des criques.
  8. Il a été établi que le jeu radial du palier de la biellette de commande de pas du rotor de queue respectait les limites publiées par Sikorsky; cependant, si l'on se fie au manuel de maintenance, le contact métal sur métal entre la butée intérieure et la butée extérieure du palier semble nécessiter le remplacement de l'embout.
  9. Les parties filetées visibles de la biellette de commande de pas du rotor de queue qui s'est rompue n'étaient recouvertes d'aucun des enduits anticorrosion mentionnés dans le manuel de maintenance.

Causes et facteurs contributifs

La biellette de commande de pas du rotor de queue s'est rompue en raison d'une fatigue mégacyclique résultant de charges d'utilisation qui ont probablement été augmentées par la détérioration du palier de l'embout. Il a été établi que cette fatigue coïncidait avec la concentration des contraintes que constituent les fonds de filet comportant des piqûres de corrosion. Ont contribué à cet incident l'absence d'instructions spécifiques à la détection de criques dans les embouts de la biellette de commande de pas du rotor de queue après que le BSA eut été respecté et l'exigence ne portant que sur l'inspection de la partie filetée visible des embouts. Ont également contribué à cet incident l'absence d'enduits anticorrosion et le non-remplacement du palier de l'embout.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau qui est composé du Président Benoît Bouchard et des membres Maurice Harquail, Charles Simpson et W.A. Tadros.