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Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A97Q0250

Collision en vol
entre le Cessna 172M C-GEYG
de Cargair Ltée
et le Cessna 150H C-FNLD
Aéroport de Mascouche (Québec)
Le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Au terme d'un vol de plaisance dans la région de Saint-Hubert (Québec), le Cessna 150H, immatriculé C-FNLD, numéro de série 15068912, intègre le circuit vent arrière gauche pour la piste 29 de l'aéroport de Mascouche (Québec) en vue d'un arrêt complet. Au même moment, un Cessna 172M, immatriculé C-GEYG, numéro de série 17266418, décolle de la piste 29 pour faire des posés-décollés sur la piste 29 en suivant un circuit par la gauche. Alors qu'ils sont tous les deux en finale pour la piste 29, les deux appareils entrent en collision en vol et s'écrasent sur la voie publique en bordure d'un viaduc qui enjambe une autoroute à la hauteur de l'aéroport de Mascouche. Chaque appareil transportait deux occupants; les quatre ont subi des blessures mortelles.

Renseignements de base

Le pilote du Cessna 172 immatriculé C-GEYG possédait une licence d'instructeur classe 3 catégorie avion. Il avait commencé sa formation en août 1991 et totalisait plus de 2 500 heures de vol au moment de l'accident. L'instructeur devait revoir des exercices dans le circuit avant de laisser l'élève-pilote entreprendre un vol en solo. L'élève-pilote avait un peu plus de 21 heures de vol à son actif. Le pilote du Cessna 150 immatriculé C-FNLD était propriétaire de l'appareil depuis avril 1997. Il possédait une licence de pilote privé. Il avait commencé sa formation en septembre 1994 et totalisait plus de 200 heures de vol au moment de l'accident. Il avait un passager à bord.

Des autopsies ont été pratiquées au Laboratoire de médecine légale de Montréal. Les rapports indiquent que les équipages ont subi des lésions graves et irréversibles lors de l'accident; les décès ont été attribués à des polytraumatismes liés à l'accident. Des examens toxicologiques ont été effectués par le Centre de toxicologie du Québec. Les résultats des analyses toxicologiques se sont avérés négatifs pour les équipages des deux appareils.

Les données météorologiques de 14 h, heure normale de l'Est, de l'aéroport de Mirabel, indiquent qu'il y avait une première couche de nuages fragmentés à 2 300 pieds et une autre couche à 4 500 pieds. La visibilité était de 25 milles terrestres, et les vents soufflaient du 280 degrés vrai à sept noeuds, ce qui favorisait l'utilisation de la piste 29.

Figure 1 - Circuit Por la Piste 29
Circuit Por la Piste 29

Les deux appareils étaient entretenus conformément à la réglementation en vigueur. Aucune anomalie n'a été décelée. La masse et le centrage des appareils se trouvaient à l'intérieur des limites prescrites par le constructeur.

Les deux appareils avaient intégré le circuit par la gauche pour la piste 29 à Mascouche, ce qui signifie que tous les virages du circuit se font par la gauche. Un autre appareil les précédait, le C-GADU, mais il était au sol, à l'écart de la piste, au moment de l'accident. Le circuit comprend plusieurs parties comme le montre la figure 1. Les flèches du côté vent debout montrent comment, compte tenu de leur direction, les appareils peuvent intégrer ce parcours avant d'intégrer le circuit proprement dit.

Les événements suivants ont été reconstitués à partir des données radar du centre de contrôle de Montréal (voir annexe A) :

14 h 20 min 51 s Le Cessna 150 C-FNLD, qui arrive de la région de Saint-Hubert, fait un long détour vers le nord pour se présenter au-dessus de l'aéroport de Mascouche par le côté vent debout du circuit au moment où le Cessna 172 C-GEYG décolle de la piste 29.
14 h 21 min 49 s Lorsque le Cessna 150 C-FNLD intègre le parcours vent arrière gauche pour la piste 29, il est précédé d'un autre appareil qui sera le premier lors de la séquence d'atterrissage. À ce moment, le Cessna 172 C-GEYG commence son virage pour le parcours vent de travers.
14 h 23 min 11 s Le Cessna 150 C-FNLD prolonge son parcours vent arrière pendant que l'appareil qui le précède tourne en finale. Ce dernier fera un arrêt complet. Le Cessna 172 C-GEYG amorce le parcours vent arrière gauche pour la piste 29.
14 h 24 min 38 s Le Cessna 150 C-FNLD est maintenant établi en parcours final à environ 5,8 milles marins (nm) du bout de la piste pendant que le Cessna 172
C-GEYG est établi en parcours de base.
14 h 25 min 17 s Au moment où le Cessna 172 C-GEYG tourne en finale, il est à 4 nm du bout de la piste. Le Cessna 150 C-FNLD se trouve devant lui, mais à une altitude inférieure. La vitesse d'approche du Cessna 172 C-GEYG est supérieure à celle du Cessna 150 C-FNLD.
14 h 26 min Le radar identifie une seule cible, puis aucune.

Les données radar ont permis de constater que le circuit suivi par chaque appareil était similaire à celui suivi par plusieurs autres appareils qui les avaient précédés durant la journée.

Le Service de la police de Lachenaie a équipé ses véhicules de patrouille d'une caméra qui se met en marche dès le démarrage du véhicule. Au moment de l'accident, une auto-patrouille roulait sur l'autoroute 640 en direction est, à moins de un kilomètre de la sortie pour l'aéroport de Mascouche. La caméra a capté des images de la collision qui démontrent que, peu après l'impact initial, les appareils ont adopté une assiette de cabré prononcé, presque à la verticale. Les appareils semblaient entremêlés avant de se séparer de nouveau, juste avant l'impact au sol. Quand ils se sont séparés, l'altitude disponible était insuffisante pour permettre un redressement, et ce, dans le cas des deux appareils. Le rapport du Laboratoire technique du BST à Ottawa indique que la caméra a capté 12 secondes de l'accident, soit les 5 secondes qui ont précédé la collision, la collision et la chute au sol. Les mesures prises à partir des images numériques de la bande vidéo démontrent que les appareils étaient à 450 pieds au-dessus du sol au moment de l'impact. Les images confirment que le Cessna 172 se trouvait à une altitude supérieure à celle du Cessna 150. Les images captées confirment également que le phare d'atterrissage du Cessna 172 était allumé au moment de la collision en vol, alors que celui du Cessna 150 était éteint.

Dans la partie AIR de la Publication d'information aéronautique (A.I.P. Canada) de Transports Canada, on mentionne que de plus en plus de pilotes volant à des altitudes moyennes utilisent leur(s) phare(s) d'atterrissage, de jour comme de nuit, car ils ont remarqué que son utilisation augmente considérablement les chances d'être aperçus. C'est pourquoi Transports Canada recommande aux pilotes d'allumer le phare d'atterrissage de leur appareil au décollage et à l'atterrissage, et pour les vols à des altitudes inférieures à 2 000 pieds, que ce soit à l'intérieur d'une région terminale ou dans une zone de contrôle.

Les deux appareils se sont écrasés sur les abords du pont qui surplombe l'autoroute 640 au niveau de la sortie pour l'aéroport de Mascouche à 2 000 pieds du seuil de piste. Après l'impact final, les deux appareils reposaient sur le dos. Après l'accident, l'espace vital du Cessna 150 était considérablement réduit. Le toit de la cabine présentait plusieurs lacérations faites par une hélice et la structure de l'appareil était très endommagée. Le Cessna 172 présentait des traces d'impact avec le sol ainsi que des traces de transfert de coloration attribuables à la collision.

Les deux appareils utilisaient une radio de communication bilatérale à très hautes fréquences (VHF) qui leur permettait de communiquer sur la fréquence utilisée par les équipages qui fréquentent l'aéroport de Mascouche. L'aéroport de Mascouche n'a pas de tour de contrôle ni de système permettant l'enregistrement des communications bilatérales.

L'article 602.101 du Règlement de l'aviation canadien (RAC) concernant l'intégration au circuit dans un aérodrome non contrôlé situé à l'intérieur d'une zone d'utilisation de fréquence obligatoire (MF) stipule que :

Le commandant de bord d'un aéronef VFR qui arrive à un aérodrome non contrôlé qui se trouve à l'intérieur d'une zone MF doit signaler:

  1. avant l'entrée dans la zone MF et, si les circonstances le permettent, au moins cinq minutes avant l'entrée dans cette zone, la position de l'aéronef, l'altitude, l'heure d'atterrissage prévue et ses intentions concernant la procédure d'arrivée;
  2. au moment de l'entrée dans le circuit d'aérodrome, la position de l'aéronef dans le circuit;
  3. l'entrée dans l'étape vent arrière, s'il y a lieu;
  4. l'approche finale;
  5. la sortie de la surface sur laquelle l'aéronef a atterri.

L'article 602.102 du RAC stipule, pour les appareils qui font des circuits continus, que :

Le commandant de bord d'un aéronef VFR qui effectue des circuits continus à un aérodrome non contrôlé qui se trouve à l'intérieur d'une zone MF doit signaler :

  1. l'entrée dans l'étape vent arrière du circuit;
  2. l'approche finale et ses intentions;
  3. la sortie de la surface sur laquelle l'aéronef a atterri.

L'information recueillie indique que les équipages ont effectué les communications radio à l'entrée du circuit, à l'étape vent arrière ainsi qu'à l'étape finale, comme l'exige la réglementation. Aucun des appareils ne semble avoir communiqué sa position lors du parcours de base, et ils n'étaient pas tenus de le faire. Juste avant la collision, un troisième appareil a tenté de communiquer avec les deux appareils en finale pour les prévenir du danger qui les guettait, mais il était déjà trop tard.

En 1994, Transports Canada a installé une tour de contrôle mobile à l'aéroport de Mascouche pour la période d'avril à novembre. Le groupe de travail concerné mentionne dans son rapport que cette expérience a permis à plusieurs pilotes de prendre conscience de l'importance du respect des normes et des procédures. En 1995, Transports Canada a renouvelé l'expérience pour la même période, en plus de mettre sur pied un programme de sensibilisation.

NAV CANADA possède une politique détaillée sur les prestations des services de navigation aérienne. La politique présente un ensemble de critères d'évaluation ainsi qu'un processus d'étude aéronautique. L'un des critères pour l'installation d'une tour de contrôle est que le nombre annuel de mouvements doit être égal ou supérieur à 60 000. Cette norme n'est pas rigide et doit être évaluée en fonction d'autres critères, dont la mixité du trafic ainsi que le niveau de risque déterminé par une étude aéronautique. Pour la période d'avril à novembre des années 1994 et 1995, le nombre de mouvements s'est maintenu entre 47 000 et 51 000 à l'aéroport de Mascouche. L'aéroport de Mascouche dessert en grande majorité une population constituée d'écoles de pilotage et de pilotes privés résidents et itinérants. Le trafic est jugé relativement homogène et devrait se maintenir ainsi, compte tenu des caractéristiques de la piste (longueur et largeur). Depuis l'accident, ni NAV CANADA ni Transports Canada n'ont reçu de demande formelle pour l'installation d'une tour de contrôle.

Le vol à vue est limité par les possibilités qui s'offrent aux intervenants de voir et d'être vus. Plusieurs facteurs ont une incidence sur les chances d'un pilote de voir ou d'être vu, notamment l'apparence de l'appareil, l'environnement et la vigilance des équipages. Sans être exhaustifs, les principaux critères liés à l'apparence sont la taille, la couleur et la forme de l'appareil, alors que la difficulté de voir un appareil dans son environnement semble conditionnée par la luminosité et l'arrière-plan. Le fuselage du Cessna 150 C-FNLD était rouge; celui du Cessna 172 C-GEYG était bleu. Les ailes des deux appareils étaient blanches. À plusieurs endroits dans le circuit, les équipages des appareils ont eu la possibilité de se voir.

La vigilance des équipages est un facteur déterminant pour éviter les collisions. Il est nécessaire d'avoir une bonne technique de balayage et de regarder à l'extérieur du poste de pilotage le plus souvent possible. Écouter attentivement les communications radio permet de créer une image mentale du trafic environnant et aide à réduire les risques de collision.

L'article 602.19 du RAC traite des priorités de passage. Cet article stipule que le commandant d'un aéronef qui s'approche d'un aérodrome en vue d'y atterrir doit céder le passage à tout aéronef qui se trouve à une altitude inférieure et qui s'approche également pour atterrir. L'article 602.21 du RAC traite de l'évitement des abordages. Cet article mentionne simplement qu'il est interdit à un aéronef de se situer près d'un autre aéronef si la situation peut créer un risque d'abordage.

Analyse

Les équipages des deux appareils possédaient les licences nécessaires au vol et en vertu de la réglementation en vigueur. La masse et le centrage des appareils étaient à l'intérieur des limites prescrites. Les appareils étaient entretenus conformément à la réglementation en vigueur.

Le pilote du Cessna 150 arrivait du sud, mais il avait contourné l'aéroport en faisant un long détour vers l'est afin de se présenter sur le côté nord de l'aéroport pour intégrer un circuit pour la piste 29. Il suivait ainsi en tous points la procédure d'intégration au circuit pour un aérodrome non contrôlé, tout comme le Cessna 172 suivait la procédure pour les circuits continus. De plus, les appareils ont signalé leur présence aux endroits exigés, conformément aux articles 602.101 et 602.102 du RAC.

Le pilote du Cessna 150 C-FNLD savait qu'un autre avion le précédait et a sans doute décidé de prolonger son étape vent arrière pour lui laisser le temps de se poser et lui permettre de dégager la piste. L'équipage du Cessna 172 C-GEYG n'a pas prolongé son étape vent arrière pour suivre l'appareil devant lui; il peut avoir confondu l'appareil qui venait d'atterrir avec le Cessna 150 C-FNLD, toujours dans le circuit, ou il peut ne pas avoir été attentif aux communications qui lui auraient permis de savoir quels appareils le précédaient.

À plusieurs endroits dans le circuit, l'équipage de chaque appareil a eu la possibilité de voir l'autre appareil. Le pilote du Cessna 150 C-FNLD aurait pu voir le Cessna 172 C-GEYG en tournant en parcours de base ainsi qu'après son virage en finale. Le pilote du Cessna 172 C-GEYG aurait pu apercevoir le Cessna 150 C-FNLD quand il était en parcours vent arrière et durant sa descente en parcours de base. Plusieurs facteurs comme l'apparence des avions, l'environnement, le manque de vigilance des équipages ou le fonctionnement des radios pourraient expliquer la collision, mais aucun facteur unique n'a pu être isolé lors de l'enquête. Le fait qu'aucune mesure corrective n'a été prise par l'un ou l'autre des appareils indique qu'aucun des appareils n'avait repéré l'autre.

Le phare d'atterrissage du Cessna 172 C-GEYG était allumé, ce qui augmentait ses chances d'être repéré par le Cessna 150 C-FNLD lors de certaines phases du vol. Par contre, cet avantage s'est avéré inutile lorsque les appareils étaient en finale puisque le Cessna 172 C-GEYG était derrière et plus haut que le Cessna 150.

Les deux appareils sont entrés en collision en vol à 450 pieds en finale pour la piste 29 à Mascouche et se sont écrasés, bien que juste avant la collision un pilote au sol ait tenté de leur signaler le danger qui les guettait. Les séquences vidéo démontrent que quand les appareils se sont séparés, l'altitude disponible était insuffisante pour permettre un redressement.

Faits établis

  1. Les équipages des deux appareils possédaient les licences et les qualifications nécessaires au vol et en vertu de la réglementation en vigueur.
  2. Les deux appareils semblent avoir suivi les procédures d'intégration, de circuit et de communication en vigueur à un aérodrome non contrôlé.
  3. Aucun des appareils ne semble avoir signalé sa position lors du parcours de base, et ils n'étaient pas tenus de le faire en vertu de la réglementation en vigueur.
  4. Plusieurs facteurs comme l'apparence des avions, la réception radio, l'environnement et le manque de vigilance des équipages ont été évalués, mais aucun d'entre eux n'a été retenu comme ayant joué un rôle déterminant dans l'accident.
  5. Les appareils sont entrés en collision en vol à 450 pieds du sol en finale de la piste 29 à Mascouche.
  6. Aucune mesure corrective n'a été prise pour éviter la collision, ce qui indique qu'aucun des pilotes n'était conscient de la présence de l'autre appareil.
  7. Le pilote du Cessna 172 ne semble pas avoir tenu compte de la présence du Cessna 150 dans la planification de son circuit.

Causes et facteurs contributifs

Pour une raison indéterminée, l'équipage du Cessna 172 n'a pas maintenu l'espacement de sécurité nécessaire en prolongeant le circuit en vent arrière pour tenir compte de la présence du Cessna 150. Plusieurs facteurs, comme une défaillance des équipements radio, l'apparence des avions, l'environnement ainsi que le manque de vigilance des équipages, peuvent avoir contribué à l'accident.

Mesures de sécurité

Mesures de sécurité à prises

Depuis l'accident de Mascouche, Transports Canada a fait plusieurs présentations sur les procédures dans le circuit aux aéroports non contrôlés. Ces présentations soulignaient l'importance des communications pour assurer un espacement suffisant entre les appareils et soulignaient également l'importance d'utiliser le phare d'atterrissage pour augmenter les chances d'être vu par les autres appareils.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau.

Annexes

Annexe A - Données radar relatives à la position des appareils