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Rapport d'enquête aéronautique A96Q0083

Perte des roues à l'atterrissage
Inter-Canadien Fokker F-28 Mk1000 C-FCRI
Aéroport international de Québec / Jean-Lesage (Québec)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

L'avion Fokker F-28 (no de série 11043) (vol Inter-Canadien 1661) est en vent arrière piste 06 pour se poser à l'aéroport international Jean-Lesage de Québec (Québec). Durant l'approche, l'équipage sort le train et se prépare pour l'atterrissage. Peu après le toucher des roues, l'équipage perçoit des oscillations latérales. Le commandant est aux commandes de l'appareil et applique beaucoup de freinage; les oscillations cessent mais reprennent par la suite. Le commandant dose le freinage pour tenter de diminuer les oscillations, mais sans succès. La roue intérieure de la jambe du train principal de droite se détache du train d'atterrissage suivie peu après par la roue extérieure du même train principal. L'équipage perçoit le changement d'assiette de l'appareil, et le commandant applique le frein sur la roue de gauche pour garder l'appareil sur la piste tout en contrôlant la roue de nez. L'appareil s'immobilise sur la piste. Après l'immobilisation de l'appareil, l'ordre d'évacuation est donné, et les passagers évacuent l'avion par la sortie normale et d'urgence et par les sorties de secours situées au-dessus des ailes. Personne n'a été blessé durant l'évacuation.

Renseignements de base

Les membres de l'équipage possédaient les licences et les qualifications nécessaires au vol et en vertu de la réglementation en vigueur. Le commandant de bord avait obtenu sa qualification de type sur Fokker F-28 le 24 avril 1996 et totalisait 125 heures de vol sur type. Le copilote avait obtenu sa qualification de type le 2 mai 1996 et totalisait 70 heures de vol sur type.

L'appareil était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. La masse et le centrage de l'avion se trouvaient dans les limites prescrites. L'équipage de conduite a utilisé l'appareil selon les normes et procédures approuvées par Inter-Canadien.

L'équipage, formé de deux pilotes et de deux agentes de bord, avait pris son service vers 7 h 30, heure avancée de l'Est (HAE)Note de bas de page 1, et avait effectué les vérifications d'usage. Le vol 1660 quittait Dorval (Québec) à 8 h 30 pour se rendre à Québec, Sept-Îles (Québec) et Wabush (Terre-Neuve). À partir de cet endroit, le vol s'appelait vol 1661 et empruntait le chemin inverse pour revenir à Dorval.

Lorsque le vol 1661 a quitté Sept-Îles pour se rendre à Québec, tous les systèmes de l'avion fonctionnaient normalement. Le commandant de bord était alors aux commandes de l'appareil. Le vol accusait un certain retard au départ de Sept-Îles, mais l'appareil devait se poser à Québec comme prévu à 15 h 50. Les conditions météorologiques à Québec indiquaient quelques nuages à 3 000 pieds et des vents soufflant du 050 ° magnétique à 6 noeuds.

Selon l'équipage, l'appareil affichait, en courte finale pour la piste 06, une vitesse de référence de 116 noeuds (Vref) avec les volets braqués à 42 °; l'appareil s'est posé avec une vitesse de 113 noeuds. Le toucher des roues a été qualifié de ferme par les agentes de bord mais de doux par les pilotes. Les oscillations ont commencé peu de temps après le toucher des roues. Les données de l'enregistreur phonique (CVR) montrent que l'approche s'est déroulée sans incident.

Les données de l'enregistreur de données de vol (FDR) révèlent qu'au moment du toucher des roues, la vitesse indiquée était de 125 noeuds, ce qui est plus élevé que lors des vols précédents. De plus, il y a eu un délai de deux secondes avant que les leviers de poussée soient mis en position ralenti après le toucher des roues. Les oscillations ont débuté près de quatre secondes après le toucher des roues. La piste 06 mesure 9 000 pieds de long. Les premières traces d'oscillations (voir l'annexe A), d'une longueur de 630 pieds, débutent à 1 800 pieds du début de la piste. Il s'agit essentiellement de traces parallèles en forme de «S» laissées par le train d'atterrissage de droite. La deuxième série de traces débutent à 4 257 pieds du début de la piste et elles se poursuivent sur une distance de 83 pieds. Pendant cette seconde série de «S» (19 secondes après le toucher des roues), la roue intérieure s'est détachée de l'atterrisseur de droite suivie par la roue extérieure; la vitesse était alors de 64 noeuds. Par la suite, l'appareil a poursuivi sa course sur la jambe de l'atterrisseur sur une distance de 340 pieds avant de s'immobiliser sur un cap de 96 ° magnétique à 4 680 pieds du début de la piste de 9 000 pieds. Pendant ce temps, les deux pneus poursuivaient leur course; ils ont tous les deux traversé la voie de circulation Alpha avant de s'immobiliser l'un à 7 045 pieds du début de la piste et l'autre à 7 708 pieds. Il n'y a pas eu d'incendie lors de l'événement.

La tour de contrôle de Québec a prévenu les services d'urgence aussitôt après avoir été avisé de l'événement par l'équipage. Les véhicules de secours se sont dirigés vers la voie de circulation Alpha pour remonter la piste 06. Ils ont dû s'immobiliser quelques instants parce qu'ils ont été informés que les pneus de l'appareil étaient sur le point de croiser la voie Alpha.

Après l'immobilisation de l'avion et l'exécution de la liste de vérifications, le commandant a donné l'ordre d'évacuer l'avion. L'agente de bord, responsable des sorties avant, n'a pas réussi à ouvrir la porte principale avant gauche parce que le mécanisme d'ouverture avait perdu son assistance électrique et parce que l'appareil était incliné sur le côté droit, ce qui nécessitait un effort supplémentaire pour ouvrir la porte. Les ouvertures d'urgence sur les ailes ainsi que la sortie d'urgence avant droite se sont ouvertes rapidement. L'évacuation s'est déroulée dans un temps raisonnable. Environ 80 % des passagers ont emprunté la sortie avant droite; les autres passagers ont emprunté les sorties au-dessus des ailes. Un sondage effectué auprès de plusieurs passagers indique que l'évacuation s'est déroulée dans l'ordre malgré l'effet de surprise lié à l'événement. Cependant, plusieurs passagers se sont acharnés à vouloir emporter leurs bagages à main, et quelques-uns ont réussi.

Après l'évacuation des passagers, les membres de l'équipage ont ouvert la porte principale avant gauche et sont sortis de l'appareil. Les passagers ont été évacués en bordure de la piste et ont été transportés à l'aérogare par la suite.

Jambe du train d'atterrissage
Jambe du train d'atterrissage

Chaque train d'atterrissage principal du F-28 est muni d'un compas dont les liens, un supérieur et l'autre inférieur, sont installés à l'arrière du train et relient la jambe inférieure à la jambe principale. Grâce à un point central (apex), le compas permet les déplacements de la partie mobile vers le haut et le bas tout en assurant un bon alignement des roues du train d'atterrissage. Chaque train d'atterrissage comprend une roue intérieure et une roue extérieure.

Le Laboratoire technique du BST a examiné le train d'atterrissage droit de l'appareil. La rupture du lien supérieur du compas du train d'atterrissage a été attribuée à une surcharge mécanique. La rupture du lien supérieur du compas du train d'atterrissage a été attribuée à la propagation en surcharge de trois petites précriques situées à un endroit où s'était déjà formé des criques de fatigue. La zone entre les précriques et l'endroit où s'est produit la rupture par surcharge présente de fines micro-stries typiques d'une contrainte attribuable à l'application d'une charge supérieure à la charge limite. Cela signifie que les précriques indiquent uniquement le point où a débuté la rupture en surcharge.

Les espaces libres entre la goupille du lien supérieur du compas et les bagues dans les pattes de fixation du lien supérieur du compas sur le raccord principal, entre la goupille du lien supérieur du compas et les bagues dans le lien supérieur du compas, entre la goupille du lien inférieur du compas et les bagues dans les pattes de fixation du lien inférieur du compas sur l'organe à glissement et entre la goupille du lien inférieur du compas et les bagues dans le lien inférieur du compas dépassaient leurs limites d'usure respectives. Deux jours avant l'événement, un équipage avait signalé des vibrations importantes au niveau du train à l'atterrissage. Après avoir vérifié le train d'atterrissage selon les exigences du manuel de maintenance du Fokker F-28, le service de maintenance avait jugé que le train répondait aux normes.

La quantité de liquide hydraulique qui a été trouvée dans l'amortisseur était de 10,7 litres alors que celle spécifiée dans le manuel Component Maintenance Manual du fabricant est de 13,3 litres. À la suite de vérifications sur d'autres amortisseurs ainsi que des calculs volumétriques effectués par la compagnie Dowty (le fabricant), il a été démontré que le manuel de maintenance comportait une erreur et que la capacité réelle de l'amortisseur se situait aux environs de 10,7 litres de liquide hydraulique. La quantité de liquide mesurée durant l'examen correspond donc à la capacité volumétrique réelle de l'amortisseur, et le fabricant a indiqué qu'il apporterait des modifications aux manuels de maintenance.

L'examen du Laboratoire technique du BST a établi que la pression de l'azote dans l'amortisseur du train était de 325 livres par pouce carré (lb/po²). De par son type d'opérations aériennes, la compagnie Inter-Canadien peut atterrir dans la même journée sur plusieurs aéroports dont les températures extérieures varient considérablement d'un aéroport à l'autre. Selon le manuel de maintenance du Fokker F-28, si l'on effectue l'entretien courant à une température de 15 ° C, la pression de l'azote devrait se situer entre 205 lb/po² (si la température extérieure est de 15 ° C) et 376 lb/po² (si la température extérieure est de moins 40 ° C). À basses températures, la pression de l'azote de 205 lb/po² ne doit pas être utilisée puisqu'elle ne procure pas un débattement ( stroke ) suffisant, et l'amortisseur risque de trop s'enfoncer en présence de certaines conditions.

Des enquêtes antérieures sur des ruptures de lien de compas sur ce type d'appareil ont souvent retenu, comme facteurs contributifs, une quantité insuffisante de liquide hydraulique ainsi qu'une pression d'azote trop élevée dans l'amortisseur. Une pression d'azote élevée a pour conséquence de maintenir la jambe en extension plus longtemps à l'atterrissage diminuant ainsi l'avantage mécanique des liens du compas en ce qui concerne le maintien d'un bon alignement des roues du train d'atterrissage.

Plusieurs données FDR relevées dans le cadre d'enquêtes sur des accidents similaires ont été examinées afin de déterminer si le non-déploiement des destructeurs de portance pouvait être la seule cause des événements similaires survenus au Canada. Lorsque les destructeurs de portance sont déployés, le poids est transféré des ailes aux roues et les liens supérieurs et inférieurs du compas regagnent leur avantage mécanique. Pour que les destructeurs de portance puissent se déployer automatiquement, le système doit être engagé, les leviers de poussée des moteurs doivent activer les microcontacts des destructeurs de portance (entre 65 HP et 80 HP) et finalement, une paire de roues doit rouler à plus de 50 noeuds. La recherche a démontré que le non-déploiement des destructeurs de portance n'est pas la seule cause de ce type d'événement. En effet, d'autres facteurs comme une vitesse indiquée trop élevée à l'atterrissage peuvent aussi avoir pour effet de ralentir le transfert de poids au train d'atterrissage, empêchant ainsi les liens du compas d'exercer leur avantage mécanique et favorisant l'apparition d'oscillations.

Analyse

Les membres de l'équipage possédaient les licences et les qualifications nécessaires au vol et en vertu de la réglementation en vigueur. Les conditions météorologiques étaient propices au vol planifié.

Durant l'évacuation, la porte principale n'a pu être ouverte par l'agente de bord à cause de l'effort additionnel nécessaire en raison de l'inclinaison de l'avion et de la perte d'assistance électrique. L'évacuation s'est déroulée dans l'ordre et dans un temps raisonnable, mais toutes les sorties disponibles n'ont pu être utilisées. L'acharnement de plusieurs passagers à vouloir emporter leurs bagages à main aurait pu avoir d'importantes conséquences si l'évacuation ne s'était pas déroulée si calmement.

Deux jours avant l'événement, des vibrations avaient été signalées au service de maintenance de la compagnie. L'appareil avait été remis en service après une inspection qui n'avait rien révélé à l'extérieur des normes. Pourtant, l'examen en laboratoire a démontré qu'il y avait de l'usure excessive à l'attache du lien inférieur du compas à la jambe inférieure et que la pression de l'azote était élevée dans le cylindre prolongeant la durée de l'extension de la jambe de train.

Au moment de l'atterrissage, les destructeurs de portance n'ont pas pu se déployer rapidement parce que les leviers de puissance n'étaient pas suffisamment tirés pour activer les microcontacts. Le déploiement tardif des destructeurs de portance et la vitesse d'atterrissage plus élevée contribuent à l'apparition, à l'importance et à la durée des oscillations. L'extension de la jambe de train a réduit l'avantage mécanique nécessaire aux liens du compas pour maintenir les roues du train d'atterrissage sur l'axe longitudinal de l'appareil. Le lien supérieur du compas du train principal s'est donc rompu en surcharge, et les roues du train principal droit se sont détachées de l'avion.

L'enquête a donné lieu aux rapports de laboratoire suivants :

Faits établis

  1. La porte principale de l'appareil n'a pu être ouverte par l'agente de bord.
  2. Plusieurs passagers se sont acharnés à vouloir emporter leurs bagages à main durant l'évacuation de l'appareil, et quelques-uns ont réussi.
  3. Des vibrations importantes du train principal de l'appareil avaient été signalées deux jours avant l'événement.
  4. Les espaces libres entre la goupille du lien supérieur du compas et les bagues dans les pattes de fixation du lien supérieur du compas sur le raccord principal, entre la goupille du lien supérieur du compas et les bagues dans le lien supérieur du compas, entre la goupille du lien inférieur du compas et les bagues dans les pattes de fixation du lien inférieur du compas sur l'organe à glissement et entre la goupille du lien inférieur du compas et les bagues dans le lien inférieur du compas dépassaient leurs limites d'usure respectives.
  5. Le lien supérieur du compas s'est rompu en surcharge.
  6. Des fissures de fatigue sous-critiques ont permis de trouver la fissure à l'origine de la rupture en surcharge.
  7. La pression de l'azote dans le cylindre était supérieure à la norme.
  8. Les destructeurs de portance ont tardé à se déployer.
  9. La vitesse réelle de l'avion à l'atterrissage était supérieure à la Vref.

Causes et facteurs contributifs

Le lien supérieur du compas s'est rompu sous l'effet d'une surcharge mécanique. Les facteurs suivants ont contribué à la rupture : la pression de l'azote supérieure à la norme dans le train d'atterrissage principal, le déploiement tardif des destructeurs de portance, la vitesse d'atterrissage élevée, ainsi que l'usure excessive décelée entre les goupilles du lien supérieur et du lien inférieur du compas et les bagues respectives.

Mesures de sécurité

Mesures prises

Dowty, le concepteur du train d'atterrissage, reconnaît qu'il s'est glissé une erreur à la page 9 du Component Maintenance Manual 32-10-03 et qu'il est en train d'apporter des modifications au manuel pour corriger l'erreur. Le manuel sera modifié pour éliminer le chiffre 13.306 comme quantité de liquide hydraulique. De plus, le document explique que la compagnie est en train d'examiner les données relatives aux accidents du 9 juin 1996 et du 1er novembre 1995, qui sont des cas similaires, mettant en cause les Lignes aériennes Canadien régional.

Au début du mois d'août 1996, la compagnie Fokker a émis une lettre à tous les exploitants de F-28 concernant le train d'atterrissage principal. Cette lettre signalait aux exploitants la parution du bulletin SB F28/32-151. Ce bulletin comprend deux parties : des modifications au programme de maintenance et l'introduction d'un amortisseur des liens du compas. Peu après, les Pays-Bas émettaient la consigne de navigabilité BLA 1996-103 qui rendait obligatoire le bulletin SB F28/32-151.

Puisque les avions F-28 des Lignes aériennes Canadien régional rencontrent des différences de température importantes au sol au cours d'un même vol, Fokker a envoyé à ce transporteur un fac-similé en octobre 1996 indiquant que la pression de 290 lb/po² devrait être utilisée dans le train d'atterrissage pour la saison hivernale. Fokker compte également publier une autre pression pour la saison estivale.

Inter-Canadien confirmait la mise en place de sept changements touchant principalement la maintenance ainsi que l'entraînement de son personnel.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet incident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau qui est composé du Président Benoît Bouchard et des membres Maurice Harquail, Charles H. Simpson et W.A. Tadros.

Annexies

Annexe A - Aéroport de Québec (non à l'échelle)

Annexe A
Annexe A