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Dépassements en bout de piste : faisons des atterrissages plus sécuritaires une priorité

Une fois par mois environ, un aéronef dépasse le bout de la piste à de grands et petits aéroports canadiens, avec parfois des conséquences tragiques.

Par Wendy A. Tadros
Présidente, Bureau de la sécurité des transports du Canada

Cet article est paru à l'origine en anglais seulement dans le bulletin d'information électronique de Canadian Skies du 8 avril 2013.Note de bas de page 1

Des millions d'atterrissages sont effectués chaque année sur les pistes au Canada. La grande majorité de ces atterrissages se déroulent sans incident, et les passagers et le fret arrivent en toute sécurité, comme prévu.

Mais ce n'est pas toujours le cas. Une fois par mois environ, un aéronef dépasse le bout de la piste à de grands et petits aéroports canadiens, avec parfois des conséquences tragiques.

Bien sûr, nous nous souvenons tous de l'image triste d'un Airbus A340, enveloppé par les flammes après avoir atterri pendant un orage à l'Aéroport international Pearson à Toronto en août 2005.Note de bas de page 2 Deux passagers et neuf membres de l'équipage en sont ressortis grièvement blessés. Ces dernières années ont également vu survenir des dépassements en bout de piste à d'autres villes canadiennes, notamment à Ottawa (Ontario);Note de bas de page 3 à Moncton (Nouveau-Brunswick);Note de bas de page 4et deux à St. John's (Terre Neuve).Note de bas de page 5Ces chiffres sont encore plus étonnants lorsqu'on prend en compte tous les types d'exploitants. En effet, un aéronef commercial, d'affaires ou privé a dépassé le bout ou le côté d'une piste à 39 reprises au cours des trois dernières années, mettant les passagers, les membres de l'équipage et le fret en danger.

Cela est inacceptable, et c'est précisément la raison pour laquelle le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a ajouté la question des dépassements à sa première Liste de surveillance en 2010, et pour laquelle cette question est restée sur la Liste au moment de la mise à jour en 2012. Cette liste, qui met en évidence les risques les plus importants auxquels est exposé le système de transport canadien, est un « plan de changement ». Elle énumère les mesures prises jusqu'à présent, et celles qui restent à prendre.

Malheureusement, il n'a pas été facile d'éliminer les dépassements, étant donné qu'il s'agit d'une question complexe. Jusqu'à présent, les enquêteurs du BST ont déterminé de nombreux facteurs, notamment la stabilité de l'approche; la direction et la vitesse du vent; la prise de contact et la vitesse de l'aéronef; le recours à l'inversion de poussée; la friction produite par la piste; les conditions météorologiques et au niveau du sol telles que la pluie, la glace et la neige. De plus, nous examinons régulièrement la formation et la prise de décisions de l'équipage, ainsi que les procédures de la compagnie, la conception des freins et la certification de l'aéronef.

Néanmoins, il y a certaines choses qui peuvent nous aider — à commencer par garantir aux aéronefs le dégagement nécessaire, au moment où ils en ont besoin.

L'un des moyens d'y parvenir est de créer une bande de dégagement au bout de la piste, ainsi qu'une aire de sécurité d'extrémité de piste (RESA). De quelle taille doivent-elles être? Selon une étude effectuée par la Federal Aviation Administration des États-Unis en 1987, 90 % des aéronefs sortis en bout de piste s'immobilisent dans les 300 m de l'extrémité de la piste. Cette donnée a été confirmée dans une étude faite en 2009 par l'Australian Transport Safety Bureau. Il n'est pas surprenant que ces pays soient des chefs de file en matière de RESA, et de ligne de défense supplémentaire connue sous le nom de « lits d'arrêt ». Ces lits utilisent une couche de béton léger, écrasable sous le poids lourd d'un aéronef, ce qui facilite la décélération de celui-ci.

Au Canada, nos normes de réglementation en matière de pistes sont à la traîne par rapport aux normes internationales et aux pratiques exemplaires dans d'autres pays. Cela est décevant. Actuellement, Transports Canada (TC) n'exige qu'une bande de dégagement de 60 m à l'extrémité des pistes de 800 m de long ou plus, bien qu'il recommande une RESA supplémentaire de 90 m pour les pistes de 1 200 m de long ou plus. Ce prolongement obligatoire de 60 m, ajouté au prolongement recommandé de 90 m, ne répondrait qu'à la norme minimale de 150 m établie par l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI). Toutefois, l'OACI recommande également une RESA supplémentaire de 240 m au-delà de la bande de 60 m, ce qui nous ramène au « chiffre magique » de 300.

Bien que le BST reconnaisse que l'adoption de solutions au problème des dépassements peut être onéreuse, ne rien faire peut, en fin de compte, s'avérer plus coûteux. Par exemple, une étude de la Flight Safety Foundation a démontré qu'entre 2005 et 2007, les sorties de piste ont coûté à l'industrie aérienne 506 millions de dollars par année en dommages, en retards dus à la fermeture des pistes et en poursuites en justice.

La bonne nouvelle, c'est qu'aujourd'hui TC propose que les pistes plus longues au Canada répondent à la norme minimale de l'OACI de 150 m pour les RESA. Et bien que le débat se poursuive toujours, certains exploitants d'aéroports prennent l'initiative et vont encore plus loin. Par exemple, l'Aéroport international Macdonald Cartier d'Ottawa a mis en place une RESA de 300 m de long aux deux extrémités de la piste 07 en 2012, et s'est engagé à en installer une autre aux deux extrémités de la piste 14/32 cette année. Entre-temps, à Toronto, bien que certains bouts de piste à l'Aéroport international Pearson disposent déjà d'une RESA de 150 m, des travaux supplémentaires ont été effectués en 2012 pour s'assurer que d'autres pistes s'étendent jusqu'à cette longueur.

Il est cependant possible d'en faire plus, en particulier lorsque les conditions météorologiques sont mauvaises. Réduire le nombre de dépassements en bout de piste au Canada nécessitera de nombreuses lignes de défense. Les membres de l'équipage, les compagnies et les autorités de réglementation devront travailler ensemble. En même temps, les exploitants d'aéroports doivent déterminer lesquelles de leurs pistes posent le plus de risques, et ensuite élaborer les mesures d'atténuation appropriées — qu'il s'agisse d'améliorer la friction de la surface, de prolonger les RESA ou de mettre en place un lit d'arrêt.

Pendant ce temps, au BST, nous continuerons à apprendre de nos enquêtes en cours, et ce, afin d'appeler au changement — et à des atterrissages plus sécuritaires — pour tous les Canadiens.